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La rouille de l'airain, & les membres rongés,
De muets monuments, d'informes caractères,
De quelques noms usés frêles dépositaires,
Composant à ses yeux des fastes éclatants,
Lui racontent les faits dévorés par le temps.
Les rides sur le front, vois l'antique Mémoire;
Elle ouvre à tes regards le temple de l'Histoire.
Viens, connais son empire, et respecte ses droits:
Elle juge, punit, récompense les rois."

Sur un fier tribunal, au fond d'un sanctuaire,
Soudain le héros vit une déesse austère.
Par sa voix appelés, renaissant tour à tour,
Touts les siècles rangés venaient former sa cour.
Plusieurs, le front hideux, et respirant la guerre,
De leurs crimes encore épouvantaient la terre;
Marchant sur des débris, et de sang tout couverts,
Ils se traînaient au bruit des armes et des fers.
D'autres semblaient plus doux; déjà leurs traits moins sombres
D'un front demi-barbare éclaircissaient les ombres.
Quelques-uns de rayons semblaient étincelants.
Le vieillard immortel, le Temps, en cheveux blancs,
Remontait en arrière aux jours de sa jeunesse.
Il déroulait encore aux yeux de la déesse
Le long cercle des ans, mesurés par ses pas.
Les races qu'il fit naître et rendit au trépas
En sortent à sa voix; chaque peuple respire;

Les tombeaux sont déserts; la Mort n'a plus d'empire.
Ici d'un peuple heureux l'hymne reconnaissant
Proclamait les vertus d'un maître bienfesant.
Plus loin, par les tyrans l'humanité foulée
S'élevait comme une ombre auguste et désolée;
De ses lambeaux sanglants elle essuyait ses pleurs;
Les peuples opprimés racontaient leurs malheurs.
L'Histoire, présidant à ces pompeux spectacles,
La balance à la main, prononçait ses oracles;
Et de la Vérité l'inflexible burin

Les gravait aussitôt sur des tables d'airain,
D'un airain immortel. Debout dans cette enceinte,
De la Postérité l'image auguste et sainte.
Répétait ces accents dont le long souvenir
Allait rouler au sein de l'immense avenir,
Et d'échos en échos retentir dans les âges.
Différentes de voix, d'aspect et de visages,
Près du trône siégeaient deux Immortalités:
L'une de Némésis a les traits redoutés;

Sa splendeur, qui s'échappe en éclairs formidables,
Jète un jour éternel sur le front des coupables,
Sur ces grands criminels, auteurs des grands revers,

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Et les montre de loin aux yeux de l'univers,
Empreints d'une éclatante et vaste ignominie;
Mais l'autre, aux ailes d'or, éblouissant Génie,
Ornant de rayons purs son front majestueux,
Accompagne les noms des mortels vertueux,
Et leur offre à jamais de renaissants hommages.

(Idem.)

Pierre le Grand à l'Hôtel des Invalides.
Vers les bords où la Seine, abandonnant Paris,
Semble de ces beaux lieux, où son onde serpente,
S'éloigner à regret et ralentir sa pente,
D'un immense palais le front majestueux,
Arrondi dans la nue en dôme somptueux,
S'élève et peuple au loin la rive solitaire.
Pierre y porte ses pas. La pompe militaire,
Des tonnerres d'airain, des gardes, des soldats,
Tout présente à ses yeux l'image des combats.
Mais cet éclat guerrier orne un séjour tranquille.
Tu vois de la valeur, tu vois l'auguste asile,
Lui dit le Fort: jadis, pour soutenir ses jours,
Réduit à mendier d'avilissants secours,
Dans un pays ingrat, sauvé par son courage,
Le guerrier n'avait pas, au déclin de son âge,
Un asile pour vivre, un tombeau pour mourir.
Louis à touts les rois y donne un grand exemple."

Entrons, dit le héros. Touts étaient dans le temple. C'était l'heure où l'autel fumait d'un pur encens;

Il entre, et de respect tout a frappé ses sens.
Ces murs religieux, leur vénérable enceinte,
Ces vieux soldats épars sous cette voûte sainte,
Les uns levant au ciel leurs fronts cicatrisés,
D'autres, flétris par l'âge et de sang épuisés,
Sur leurs genoux tremblants pliant un corps debile,
Ceux-ci courbant un front saintement immobile,
Tandis qu'avec respect sur le marbre inclinés,
Et plus près de l'autel quelques-uns prosternés,
Touchaient l'humble pavé de leur tête guerrière,
Et leurs cheveux blanchis roulaient sur la poussière:
Le czar avec respect les contempla longtemps.
Que j'aime à voir, dit-il, ces braves combattants!
Ces bras victorieux, glacés par les années,
Quarante ans de l'Europe ont fait les destinées.
Restes encor fameux de tant de bataillons,
De la foudre sur vous j'aperçois les sillons.

Que vous me semblez grands! le sceau de la victoire
Sur vos ruines même imprime encor la gloire;
Je lis touts vos exploits sur vos fronts révérés:

Temples de la valeur, vos débris sont sacrés."
Bientôt ils vont s'asseoir dans une enceinte immense,
Où d'un repas guerrier la frugale abondance
Aux dépens de l'Etat satisfait leur besoin.
Pierre de leur repas veut être le témoin.
Avec eux dans la foule il aime à se confondre,
Les suit, les interroge; et, fiers de lui répondre,
De conter leurs exploits, ces antiques soldats
Semblent se rajeunir au récit des combats.

Son belliqueux accent émeut leur fier courage.
Compagnons, leur dit-il, je viens vous rendre hommage,
Car je suis un guerrier, un soldat comme vous.“
D'un regard attentif ils le contemplaient touts.

Et son front désarmé leur parut redoutable.
Tout-à-coup le monarque approchant de leur table,
Du vin dont leurs vieux ans réchauffaient leur langueur,
Dans un grossier christal épanche la liqueur;

Et la coupe à la main, debout, la tête nue:
„Mes braves compagnons, dit-il, je vous salue!"
Il boit en même temps. Les soldats attendris
A ce noble étranger répondent par des cris.
Touts ignoraient son nom, son pays, sa naissance;
Mais de son fier génie ils sentaient la puissance.
Leur troupe avec honneur accompagne ses pas:
Son rang est inconnu, sa grandeur ne l'est pas.
(Ibidem.)

Un Marin hollandais à Pierre le Grand,
Le Czar, parmi des mâts, des ancres, des cordages,
Aperçoit un vieillard sur le rivage assis.

Il s'informe, il apprend, par de nombreux récits,

Que son bras sur les mers longtemps fut redoutable.
Le support d'un canon renversé sur le sable,

Soutenait ce guerrier affaibli par les ans.

Les derniers feux du jour frappaient ses cheveux blanes,
Et leur douce lumière, éclairant son visage,
Semblait le ranimer sous les rides de l'âge.
Ses regards cependant, pleins de sérénité,
Erraient tranquillement sur ce port agité.
Pierre en l'interrogeant ne se fait point connaître;
Ignoré dans ces murs, il se plaisait à l'étre;
„Etranger, lui disait cet auguste vieillard,
Un charme involontaire arrête ici ma vue;
Ces rives, cette mer que j'ai longtemps connue,

Touts ces grands mouvements intéressent mon coeur,
Et de mes sangs glacés raniment la langueur.
J'aime à voir ces vaisseaux, soutiens de ma patrie.
Ailleurs règne des arts la brillante industrie;

On voit des mines d'or, on voit des champs féconds;
Le Ciel à nos climats refusa les moissons,

Et l'or n'y germe point dans le sein des montagnes:
Nos arts sont nos vaisseaux, les mers sont nos campagnes,
Nos mines, nos guérets, nos blés sont dans nos ports;
Notre indigence même a créé des trésors."

Tout à coup il parut oublier sa vieillesse;
Son oeil étincela du feu de la jeunesse;

Ses deux bras affaiblis s'étendaient vers les mers;
Et d'un accent plus fort sa voix frappa les airs:
"O Navigation! âme de la Hollande,

C'est par toi qu'en cent lieux le Batave commande;
C'est par toi qu'il est riche, industrieux, puissant;
Il te doit sa grandeur. Si ma tête, en naissant,
Sous le joug espagnol n'a point été flétrie,
Si je puis m'applaudir d'avoir une patrie,
C'est un de tes bienfaits. Par toi devenus grands,
Mes aïeux, de ces bords, ont chassé les tyrans,
Ont épuré ce jour, cet air que je respire;
Par toi, de l'Angleterre ils ont bravé l'empire.
Au Portugais vaincu disputé ses trésors,
Et de l'ardent tropique assujetti les bords.
Là, j'ai vu trente états fondés par le Batave;
Dans un autre Amsterdam j'ai vu l'Asie esclave
Adorer nos drapeaux et respecter nos lois,
Et de simples marchands commander à des rois.
Oh! si ma force encor secondait mon courage,
Comme au temps où Louis désola ce rivage,
Et crut sous son orgueil nous contraindre à fléchir,
Pour la septième fois je venais de franchir
Les mers qui du Texel s'étendent au Bengale;
Je vis à mon retour une ligue fatale,
Nos remparts menacés, nos bataillons surpris,
Et ce roi qui marchait à travers nos débris,
Ivre de sa grandeur et de sa renommée,
Traîner en conquérant les pompes d'une armée,
Nos citoyens troublés fuyaient de toutes parts.
Je leur dis: Citoyens, nos murs sont nos remparts:
Contre ce fier Louis et ses puissantes ligues
Appelons l'Océan, osons percer nos digues;
Que l'Océan nous prête un asile nouveau;
S'il n'est notre vengeur, qu'il soit notre tombeau.“
Je dis, et l'on me crut. La Liberté, plus fière,
De nos champs inondés leva sa tête altière.
Le vainqueur, a son tour, fut vaincu sur les mers,
Et remporta chez lui l'esclavage et ses fers.
Ainsi dans touts les temps source de notre gloire,
La mer devient pour nous le champ de la victoire.

Sur ce même élément j'ai servi soixante ans ;
Je servirais encor, si les glaces du temps
N'avaient appesanti ce coeur faible et débile.
Mon bras à mon pays ne peut plus être utile;
Mais sa gloire du moins vit dans mon souvenir;
Des triomphes passés j'aime à m'entretenir.
Je ne vous verrai plus, climats heureux de l'Inde !
Riche Batavia! Mosambique et Mélinde!

Et toi, Cap fortuné, qui dans tes ports ouverts
M'accueillis si souvent au bout de l'univers !

Mais pour charmer l'ennui de ma vieillesse oisive,
Souvent je viens encor errer sur cette rive;

J'y viens voir ces vaisseaux, ces mers qui m'ont porté,
Empire où ma jeunesse a longtemps habité.

XXIX. DUCIS (Jean Français).

(Idem.)

Ducis, Mitglied der Akademie, ward 1732 in Versailles geboren und starb 1817; berühmter tragischer Dichter.

Er war beinahe dreißig Jahre alt, als er sein erstes Trauerspiel Amélise, aufführen ließ, das mit Kälte_empfangen wurde. Nachher erschienen folgende, die nach der hier aufgestellten Ordnung aufgeführt wurden. 1, Hamlet 2, Romeo et Juliette; 3, Oedipe chez le roi Admète; 4, Le Roi Lear; 5, Macbeth; 6, Jean-sans-Terre; 7, Othello; 8, Abufar, ou la Famille Arabe; 9, Phédor et Waldamir; die meisten sind Nachahmungen des Shakespeare, dem er sich mit Geist und Gefühl anschloß, und enthalten schöne, herrlich_ver= fifizirte Stellen. Obgleich Ducis die Meisterwerke des großen Britten in zu Kleine Proporzionen zerlegte, obgleich ihm das Verfahren, dieselben zu französiren, mißlang, so wurden fie doch alle mit stürmischem Beifall aufgenommen. Hamlet hat sich bis jetzt erhalten; man erstaunt über die darin enthaltenen Schönheiten, über diese Mischung von Grausenhaftem und Schrecklichem, Schönem und Erhabenen, über jene im Feuer der Begeisterung niedergeschriebenen Verse und die geschickte Anordnung des Stoffes. Ducis fand in Talma den einzigen Künstler, der ihn begriff, und den Ligier nie übertreffen wird. Chénier, der zu Ducis' Zeiten lebte, hat uns folgende Notiz über ihn mitgetheilt: „Aucun poète n'a mieux approfondi les sentiments de la nature; chez aucun la tendresse filiale ne parle de plus près au coeur d'un père: il fait couler de vertueuses larmes; il fait jouer avec force le ressort puissant de la terreur, et dans la partie essentielle de la tragédie, dans l'art d'émouvoir, c'est un véritable modèle... Inventeur même quand il imite, inimitable quand il fait parler la piété filiale, poète justement célèbre, et dont le génie pathétique a tempéré la sombre terreur de la scène anglaise.

Ducis schrieb auch mehrere Gedichte und Episteln, die ein großes poetisches Talent beurkunden, und wodurch er oft dem La Fontaine zur Seite steht. Die Unabhängigkeit Ducis ist bekannt. Er schlug nicht nur die Senatorenwürde aus, womit ihn Napoleon bekleiden wollte, sondern auch den Orden der Ehrenlegion. Das Alter, statt die Kraft dieses antiken Karakters zu lähmen, verlieh ihm hingegen einen neuen Aufschwung. Er starb, 85 Jahre alt, von Allen, die ihn kannten, betrauert.

Songe d'Hamlet.

Deux fois dans mon sommeil, ami, j'ai vu mon père,
Non point le bras levé, respirant la colère,

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