Page images
PDF
EPUB

ÉCOSSE. LE NORD.

96 stances préludaient à ses destinées; de grandes lumières avaient brillé dans les îles britanniques, et il en restait quelques lueurs. Une foule d'étrangers, artistes, négociants, ouvriers, venus des Pays-Bas, de l'Allemagne, et d'autres contrées encore, remplissaient leurs cités et leurs ports. Les nouvelles idées religieuses y seraient donc facilement et promptement transportées. Enfin l'Angleterre avait alors pour roi un prince bizarre, qui, doué de quelques connaissances et de beaucoup de courage, changeait à tout moment de projets et d'idées, et tournait de côté et d'autre, suivant le sens dans lequel soufflaient ses violentes passions. Il se pouvait que l'une des inconséquences de Henri VIII fût un jour favorable à la réforme.

L'Écosse était alors agitée par les partis. Un roi de cinq ans, une reine régente, des grands ambitieux, un clergé influent, tiraillaient en tout sens cette nation courageuse. Elle devait néanmoins briller un jour au premier rang parmi celles qui recevraient la réformation.

Les trois royaumes du nord, le Danemark, la Suède, et la Norwége, étaient unis sous un sceptre conimun. Ces peuples rudes et amateurs des armes semblaient avoir peu de rapports avec la doctrine de l'amour et de la paix. Cependant, par leur énergie même, ils étaient peut-être plus disposés à recevoir la force de la doctrine évangélique que les peuples du midi. Mais, fils de guerriers et de pirates, ils apportèrent, ce semble, un caractère trop belliqueux dans la cause protestante: leur épée la défendit plus tard avec héroïsme.

97

RUSSIE. POLOGNE. BOHEME. HONGRIE. La Russie, acculée aux derrières de l'Europe, n'avait que peu de relations avec les autres états. D'ailleurs elle appartenait à la communion grecque. La réformation qui s'accomplit dans l'Église d'Occident exerça peu ou point d'influence sur celle d'Orient.

La Pologne semblait bien préparée à une réforme. Le voisinage des chrétiens de Bohême et de Moravie l'avait disposée à recevoir l'impulsion évangélique, que le voisinage de l'Allemagne devait promptement lui communiquer. Déjà en 1500, la noblesse de la grande Pologne avait demandé la coupe pour le peuple, en en appelant aux usages de l'Église primitive. La liberté dont on jouissait dans ses villes, l'indépendance de ses seigneurs, en faisaient un refuge assuré pour des chrétiens persécutés dans leur patrie. La vérité qu'ils y appory fut reçue avec joie par un grand nombre de ses habitants. C'est un des pays où, de nos jours, elle a le moins de confesseurs.

taient

La flamme de réformation qui depuis longtemps avait lui en Bohême, y avait été presque éteinte dans le sang. Néanmoins de tristes débris échappés au carnage subsistaient encore pour voir le jour que Hüs avait pressenti.

La Hongrie avait été déchirée par des guerres intestines, sous le gouvernement de princes sans caractère et sans expérience, qui avaient fini par attacher à l'Autriche le sort de leur peuple, en plaçant cette maison puissante parmi les héritiers de leur couronne.

Tel était l'état de l'Europe au commencement du

Tome I.

7

98

HOMMES DE L'ÉPOQUE.

seizième siècle, qui devait opérer une si puissante transformation dans la société chrétienne.

Mais nous l'avons dit : c'est sur le vaste plateau de l'Allemagne, et particulièrement dans Wittemberg, cette ville centrale de l'Empire, que doit commencer le grand drame de la réformation.

Voyons quels furent les personnages qui en formèrent comme le prologue, qui préparèrent l'œuvre dont Luther devait être dans la main de Dieu le héros, ou qui même en aidèrent les premiers efforts.

De tous les électeurs de l'Empire, le plus puissant était alors Frédéric de Saxe, surnommé le Sage. Dieu le choisit pour être comme un arbre à l'abri duquel la semence de la vérité pût pousser son premier jet, sans être déracinée par les tempêtes du dehors.

Né à Torgau, en 1463, il montra dès sa jeunesse beaucoup d'amour pour les sciences, la philosophie et la piété. Parvenu en 1487, avec son frère Jean, au gouvernement des états héréditaires de sa famille, il reçut alors de l'empereur Frédéric III, la dignité électorale. En 1493, le pieux prince entreprit un pèlerinage au saint-sépulcre. Henri de Schaumbourg l'arma dans ce lieu vénéré « chevalier du saint-sépulcre. » Il revint en Saxe, dans le milieu de l'année suivante. En 1502, il fonda l'université de Wittemberg, qui devait être la pépinière de la réformation.

Quand la lumière parut, il n'embrassa aucun parti, mais il se trouva là pour la garantir. Nul

FRÉDÉRIC-LE-SAGE.

99

n'était plus propre à le faire; il possédait l'estime générale et avait en particulier toute la confiance de l'empereur. Il le remplaçait même quand Maximilien était absent de l'Empire. Sa sagesse ne consistait pas dans les pratiques habiles d'une politique rusée, mais dans une prudence éclairée et prévoyante, dont la première loi était de ne jamais porter atteinte par intérêt propre aux lois de l'honneur et de la religion.

En même temps, il sentait en son cœur la puissance de la parole de Dieu. Un jour que le vicairegénéral, Staupitz, se trouvait avec lui, la conversation tomba sur ceux qui font au peuple de belles déclamations. «Tous les discours, dit l'électeur, qui «< ne sont remplis que de subtilités et de traditions << humaines, sont admirablement froids, sans nerf « et sans force, puisque l'on ne peut rien avancer << de subtil qu'une autre subtilité ne puisse le dé« truire. » L'Écriture sainte seule est revêtue de tant de puissance et de majesté, que détruisant toutes nos savantes machines à raisonnement, elle nous presse et nous oblige à dire : « Jamais homme « n'a ainsi parlé. » Staupitz ayant témoigné qu'il se rangeait tout à fait à cet avis, l'électeur lui tendit cordialement la main, et lui dit : « Promettez-moi « que vous penserez toujours de même1. »

"

Frédéric était précisément le prince qu'il fallait au berceau de la réformation. Trop de faiblesse de la part des amis de cette œuvre l'eût laissée écraser. Trop de précipitation eût fait trop tôt

1. Luth. Epp.

[blocks in formation]

éclater l'orage, qui, dès son origine, commença sourdement à se former contre elle. Frédéric fut modéré, mais fort. Il eut cette vertu chrétienne, que Dieu a demandée de tout temps à ceux qui adorent ses voies. Il attendit Dieu. Il mit en pratique le sage avis de Gamaliel. Si ce dessein est un ouvrage des hommes, il se détruira de lui-même. S'il vient de Dieu, vous ne pourrez le détruire 1. << Les choses, disait ce prince à l'un des hommes << les plus éclairés de son temps, Spengler de Nuremberg, en sont venues à un tel point, que les hommes ne peuvent plus rien y faire, Dieu seul << doit agir. C'est pourquoi nous remettons en ses << mains puissantes ces grands événements qui « sont trop difficiles pour nous. » La Providence fut admirable dans le choix qu'elle fit d'un tel prince, pour protéger son œuvre dans ses faibles commencements.

[ocr errors]

Maximilien Ier, qui porta la couronne impériale depuis 1493 à 1519, peut être placé au nombre de ceux qui contribuèrent à préparer la réformation. Il donna aux autres princes de l'Empire et à toute l'Allemagne l'exemple de l'enthousiasme pour les lettres et les sciences. Il fut moins que tout autre, amateur des papes et eut même quelque temps l'idée d'accaparer la papauté. On ne peut dire ce qu'elle fût devenue en ses mains; mais on peut au moins supposer, d'après ce trait, qu'une puissance rivale du pape, telle que la réformation, n'eût pas compté l'empereur d'Allemagne parmi ses adversaires les plus acharnés.

1. Actes V.

« PreviousContinue »