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<«<< rents, et ne vous les enverraient pas en due et « bonne garde. »

Cette terrible tyrannie romaine, qui pesait alors sur l'Église, continue ses ordres et ses malédic

tions.

« Et si (ce que Dieu préserve) lesdits princes, «< communautés, universités et potentats, ou quel« qu'un à eux appartenant, offraient de quelque «< manière un asile audit Martin et à ses adhérents, <«< lui donnaient publiquement ou en secret, par « eux ou par d'autres, secours et conseils, nous <«< mettons en interdit ces princes, communautés, << universités et potentats, avec leurs villes, bourgs, << campagnes et villages, aussi bien que les villes, bourgs, campagnes et villages où ledit Martin « pourra s'enfuir, aussi long-temps qu'il y de<«< meurera, et trois jours après qu'il les aura quit

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« tés. »

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Cette chaire audacieuse, qui prétend représenter sur la terre celui qui a dit : « Dieu n'a point envoyé son fils dans le monde, pour condamner le <«< monde, mais afin que le monde soit sauvé par lui, » continue ses anathèmes; et après avoir prononcé les peines contre les ecclésiastiques, elle dit :

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Quant à ce qui regarde les laïques, s'ils n'obéis<< sent pas aussitôt, sans aucun retard et aucune opposition, à vos ordres, nous les déclarons in<«< fâmes (à l'exception du très-digne empereur), « inhabiles à s'acquitter de toute action convena<«<ble, privés de la sépulture des chrétiens, et dépouillés de tous fiefs, qu'ils les tiennent, soit du

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«

BREF DU PAPE.

siége apostolique, soit de quelque seigneur que «< ce puisse être1.>>

Tel était le sort qui attendait Luther. Le monarque de Rome a tout conjuré pour sa perte. Il a tout remué, et jusqu'à la paix des tombeaux. Sa ruine semble assurée. Comment échappera-t-il à cette immense conjuration? Mais Rome s'était trompée; le mouvement suscité par l'esprit de Dieu ne pouvait être dompté par les décrets de sa chancellerie.

On n'avait pas même gardé les apparences d'une enquête juste et impartiale; et Luther avait déjà été déclaré hérétique, non-seulement avant d'avoir été entendu, mais encore bien avant la fin du temps qui lui avait été donné pour comparaître. Les passions (et nulle part elles ne se montrent plus fortes que dans les discussions religieuses) font passer par-dessus toutes les formes de la justice. Ce n'est pas seulement dans l'Église romaine, c'est dans les églises protestantes qui se sont détournées de l'Évangile, c'est partout où n'est pas la vérité, que l'on retrouve à son égard de si étranges procédés. Tout est bon contre l'Évangile. On voit souvent des hommes qui, dans tout autre cas, se feraient scrupule de commettre la moindre injustice, ne pas craindre de fouler aux pieds toutes les règles et tous les droits, dès qu'il s'agit du christianisme et du témoignage qu'on lui rend.

Lorsque plus tard Luther eut connaissance de

1. Infamiæ et inhabilitatis ad omnes actus legitimos, ecclesiasticæ sepulturæ, privationis quoque feudorum. (Ibid.)

INDIGNATION DE LUTHER.

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ce bref, il exprima toute son indignation. « Le plus remarquable de la chose est ceci, dit-il ce bref « a été donné le 23 août; moi, j'ai été cité le 7 août, <«<en sorte qu'entre la citation et le bref il s'est « écoulé 16 jours. Or, faites le compte, et vous trou<< verez que monseigneur Jérôme, évêque d'Ascu<«<lán, a procédé contre moi, a prononcé le juge<«<ment, m'a condamné et déclaré hérétique, avant << que la citation me fût parvenue, ou tout au plus 16 jours après qu'on me l'eût remise. Maintenant je demande où demeurent donc les 60 jours qui <<< me sont accordés dans la citation? ils ont com<«< mencé le 7 août, ils devaient finir le 7 octobre... « Est-ce là le style et la mode de la cour de Rome, qu'en un même jour elle cite, exhorte, accuse, «juge, condamne et déclare condamné, et encore <«< un homme qui est si éloigné de Rome, et qui «< ne sait rien de toutes ces choses? Que répon<< dent-ils à tout cela ? Sans doute qu'ils ont oublié de « se purger le cerveau avec de l'ellébore, avant de « mettre en œuvre de tels mensonges 1. »

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Mais en même temps que Rome remettait en cachette ses foudres dans les mains de son légat, elle cherchait, par de douces et flatteuses paroles, à détacher de la cause de Luther le prince dont elle redoutait le plus le pouvoir. Le même jour, 23 août 1518, le pape écrivait à l'électeur de Saxe. Il avait recours aux arts de cette vieille politique que nous avons déjà signalée, et s'en prenait à l'amour-propre du prince.

1. L. Opp. (L.) XVII, p. 176.

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LE PAPE A L'électeur.

Cher fils, disait le pontife de Rome, quand nous <<< pensons à votre noble et louable race, à vous qui en êtes le chef et l'ornement; quand nous <<nous rappelons comment vous et vos ancêtres « avez toujours désiré maintenir la foi chrétienne, <«<l'honneur et la dignité du saint-siége, nous ne « pouvons croire qu'un homme qui abandonne «la foi, puisse s'appuyer sur la faveur de Votre « Altesse, et lâcher hardiment la bride à sa méchan« ceté. Cependant il nous est rapporté de toutes parts, qu'un frère Martin Luther, ermite de l'or«dre de Saint-Augustin, a oublié, comme enfant << de malice et contempteur de Dieu, son habit « et son ordre, qui consistent dans l'humilité et « l'obéissance, et se vante de ne craindre ni l'au«<torité, ni la punition d'aucun homme, assuré qu'il est de votre faveur et de votre protection. <«< Mais comme nous savons qu'il se trompe, <«< nous avons trouvé bon d'écrire à Votre Altesse «<et de vous exhorter, selon le Seigneur, à veiller à «<l'honneur du nom d'un prince aussi chrétien que « vous, à vous défendre de ces calomnies, vous << l'ornement, la gloire et la bonne odeur de votre noble race, et à vous garder non seulement d'une <«< faute aussi grave que celle qu'on vous impute, <«< mais encore du soupçon même que la hardiesse « insensée de ce frère tend à faire planer sur vous. »

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Léon X annonçait en même temps à Frédéric, qu'il avait chargé le cardinal de Saint-Sixte d'examiner la chose, et il lui ordonnait de remettre Luther entre les mains du légat, « de peur,» ajoutait-il en revenant encore à son argument favori,

L'ARMURIER SCHWARZERD.

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« que des gens pieux de nos temps ou des temps « futurs ne puissent un jour se lamenter et dire : La plus pernicieuse hérésie dont ait été affligée l'É

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glise de Dieu, s'est élevée par le secours et la << faveur de cette haute et louable maison. ' »

I

Ainsi Rome avait pris toutes ses mesures. D'une main elle faisait respirer le parfum toujours si enivrant de la louange, et de l'autre elle tenait cachées ses vengeances et ses terreurs.

Toutes les puissances de la terre, empereur, pape, princes et légats, commençaient à s'émouvoir contre cet humble frère d'Erfurt, dont nous avons suivi les combats intérieurs. « Les rois de <«< la terre se trouvent en personne, et les princes << consultent ensemble contre le Seigneur et contre « son oint. »

Cette lettre et ce bref n'étaient point arrivés en Allemagne, et Luther était encore dans la crainte de se voir obligé de comparaître à Rome, lorsqu'un heureux événement vint consoler son cœur. Il lui fallait un ami dans le sein duquel il pût verser ses peines, et dont l'amour fidèle le consolât à l'heure de l'abattement. Dieu lui donna tout cela dans Mélanchton.

George Schwarzerd était un habile maître armurier de Bretten, petite ville du Palatinat. Le 14 février 1497 il lui naquit un fils qui fut nommé Philippe, et qui s'illustra plus tard sous le nom de Mélanchton. Bien vu des princes palatins, de

1. L. Opp. (L.) XVII, p. 173.

Tome 1.

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