Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]

:

<«< caché, tu ne deviennes toi-même une épine. << Christ règne au milieu de ses ennemis. S'il n'a<< vait voulu vivre que parmi les bons, et ne mourir « que pour ceux qui l'aimaient, pour qui, je te le << demande, fût-il mort, et au milieu de qui eût-il « vécu ? »

«

[ocr errors]

Il est touchant de voir comment Luther mettait lui-même en pratique ces préceptes de charité. Un Augustin d'Erfurt, George Leiffer, était en butte à plusieurs épreuves. Luther l'apprit, et huit jours après la lettre à Spenlein, il vint à lui avec compassion : « J'apprends que vous êtes agité par bien << des tempêtes, et que votre esprit est poussé çà et « là par les flots... La croix de Christ est divisée « par toute la terre, et il en revient à chacun sa part. Vous donc, ne rejetez pas celle qui vous << est échue. Recevez-la plutôt comme une relique << sainte, non dans un vase d'or ou d'argent, mais, «< ce qui est bien préférable, dans un cœur d'or, « dans un coeur plein de douceur. Si le bois de la « croix a été tellement sanctifié par le sang et la <«< chair de Christ, que nous le considérions comme <«< la relique la plus auguste, combien plus les injures, les persécutions, les souffrances, la haine « des hommes, doivent-elles être pour nous de «< saintes reliques, puisqu'elles n'ont pas été seule<< ment touchées par la chair de Christ, mais qu'elles «< ont été embrassées, baisées, bénies par son im<< mense charité. »

[ocr errors]

L'enseignement de Luther portait des fruits. 1. Le 15 avril 1516, Epp. I, 18.

[ocr errors]

PREMIÈRES THÈSES.

237

Plusieurs de ses disciples se sentaient déjà poussés à professer publiquement les vérités que les leçons du maître leur avaient révélées. Parmi ses auditeurs se trouvait un jeune savant, Bernard de Feldkirchen, professeur de la physique d'Aristote à l'université, et qui cinq ans plus tard fut le premier de tous les ecclésiastiques évangéliques à entrer dans les liens du mariage.

Luther désira que Feldkirchen soutînt, sous sa présidence, des thèses dans lesquelles ses principes étaient exposés. Les doctrines professées par Luther acquéraient ainsi une publicité nouvelle. La dispute eut lieu en 1516.

C'est ici la première attaque de Luther contre le règne des sophistes et contre la papauté, comme il s'exprime lui-même. Quelque faible qu'elle fût, elle lui coûta plus d'un tremblement. « Je permets qu'on imprime ces propositions,» dit-il bien des années après en les publiant dans ses œuvres, principalement afin que la grandeur de ma cause, « et le succès dont Dieu l'a couronnée, ne m'élèvent « pas. Car elles manifestent pleinement mon igno«<minie, c'est-à-dire l'infirmité et l'ignorance, la <«< crainte et le tremblement avec lesquels je commençai cette lutte. J'étais seul; je m'étais jeté imprudemment dans cette affaire. Ne pouvant « reculer, j'accordais au pape plusieurs points im«portants, et même je l'adorais 1. »

[ocr errors]

Voici quelques-unes de ces propositions 2:

1. Sed etiam ultro adorabam. (L. Opp. lat. I, p. 50.) 2. L. W. (L.) XVII, p. 142, et dans les œuvres latines, tom I, p. 51.

238

PREMIÈRES THÈSES.

« Le vieil homme est la vanité des vanités; il est « l'universelle vanité; et il rend vaines les autres «< créatures, quelque bonnes qu'elles soient. »>

<«< Le vieil homme est appelé la chair, non pas << seulement parce qu'il est conduit par la convoi<«<tise des sens, mais encore parce que (quand « même il serait chaste, prudent et juste) il n'est pas né de nouveau, de Dieu, par l'Esprit.»

[ocr errors]

« Un homme qui est en dehors de la grâce de « Dieu, ne peut observer le commandement de « Dieu, ni se préparer en tout ou en partie à re«< cevoir la grâce; mais il reste nécessairement sous « le péché. >>

[ocr errors]

« La volonté de l'homme sans la grâce n'est pas libre, mais elle est esclave, et elle l'est de bon gré. »

«< Jésus-Christ, notre force, notre justice, celui « qui sonde les cœurs et les reins, est seul scruta« teur et juge de nos mérites. »

[ocr errors]

Puisque tout est possible par Christ à celui qui <«< croit, il est superstitieux de chercher d'autres « secours, soit dans la volonté humaine, soit dans << les saints'. >>

Cette dispute fit grand bruit, et on l'a considé rée comme le commencement de la réformation. Le moment approchait où cette réformation allait éclater. Dieu se hâtait de préparer l'instru

1. Cum credenti omnia sint, auctore Christo, possibilia, superstitiosum est, humano arbitrio, aliis sanctis, alia deputari auxilia. (Ibid.)

[ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]

TRAVAUX.

242 long-temps l'appui de Rome, firent plus peut-être pour la réformation que contre elle. Cela est vrai surtout de l'ordre des Augustins. Presque tous les hommes pieux, d'un esprit libre et élevé, qui se trouvaient dans les cloîtres, se tournèrent vers l'Évangile. Un sang nouveau et généreux circula bientôt dans ces ordres qui étaient comme les artères de la catholicité allemande. On.ne savait rien dans le monde des nouvelles idées de l'Augustin de Wittemberg, que déjà elles étaient le grand sujet de conversation des chapitres et des monastères. Plus d'un cloître fut ainsi une pépinière de réformateurs. Au moment où les grands coups furent portés, des hommes pieux et forts sortirent de leur obscurité et abandonnèrent la retraite de la vie monacale, pour la carrière active de ministres de la parole de Dieu. Déjà, dans cette inspection de 1516, Luther réveilla par ses paroles bien des esprits endormis. Aussi a-t-on nommé cette année « l'étoile du matin du jour évangélique.: >>

Luther, de retour à Wittemberg, se remit à ses occupations ordinaires. Il était à cette époque accablé de travail : ce n'était point assez d'être professeur, prédicateur, confesseur, il était encore chargé d'un grand nombre d'occupations temporelles concernant son ordre et son couvent. « J'ai a besoin presque continuellement, écrivait-il, de « deux secrétaires, car je ne fais presque rien au< tre tout le jour qu'écrire des lettres. Je suis pré<< dicateur du couvent, orateur de la table, pasa teur et prédicateur de la paroisse, directeur des études, vicaire du prieur ( c'est-à-dire onze

[ocr errors]

fois

« PreviousContinue »