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Indépendamment des épées, les tombes franques ont souvent fourni des sabres ou scramasaxes, du genre de celui-ci :

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J'en ai vu un absolument pareil que des laboureurs de Chasnay (Vendée) avaient retiré d'un champ voisin de ce bourg, avec une boucle en bronze de cette forme:

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Cette boucle ou agrafe est une des plus simples et de celles qui se rencontrent le plus fréquemment. Il en est de bien plus ornées. Les deux suivantes sont de ce genre.

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Les agrafes de ceinturon sont encore beaucoup plus riches. Celles que je reproduis peuvent faire apprécier l'habileté et le goût des

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ouvriers de ces temps; mais j'en ai vu d'infiniment plus belles dans le cabinet de Mme de la Sayette, à Poitiers, et chez F. Parenteau. Ce dernier en possède surtout une très remarquable en bronze étamé de conservation parfaite, provenant des confins de la Bretagne et de la Normandie. Elle a 0,20 de longueur, et est décorée d'entrelacs, de masques humains, de têtes de clous et d'animaux fantastiques.

Diverses fosses contenaient aussi des angons, des flèches, des couteaux, des poignards, des haches d'armes, des boucliers, des éperons. Ce sou d'or de Théodebert servira à faire apprécier la forme de l'angon.

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Les haches ont une tournure particulière, qui les fait aisément distinguer de celles des autres temps. Elles ressemblent trait pour

trait à celle venant d'Eschiré (Deux-Sèvres), conservée au musée de Poitiers (1).

Les cimetières francs ne nous ont pas seulement rendu les armes des guerriers mérovingiens, ils ont aussi enrichi nos musées des ustensiles de la vie privée, et même des parures des femmes. Tout le monde connaît ces charmantes boucles d'oreilles d'une tournure si originale, que les joailliers de nos jours viennent de copier, après ces bagues à la courbure vigoureuse et trapue, dont l'un d'eux m'a montré, il y a quatre à cinq ans, des imitations assez heureuses. Ce n'est pas tout: il n'est pas jusqu'à la châtelaine qui ne soit sortie de ces tombeaux. Cela prouve que le moyen-âge ne

(1) V. Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 1851, p. 245, note de M. Chemioux, et Id. 1853, p. 42, note de M. Eugène Lecointre.

peut guère en revendiquer l'invention, quoiqu'il l'ait rebaptisée. Longtemps avant le vi° siècle, les dames de la Grèce, aux beaux jours d'Athènes et de Lacédémone, en avaient, du reste, de suspendues à leur ceinture, aussi bien que les Romaines du siècle d'Auguste. En y regardant d'un peu près, il est une foule d'autres inventions plus sérieuses, dont les prôneurs du moyen-âge se plaisent à le doter, qui ne lui appartiennent pas davantage.

En fait de bijoux, quelques-uns étaient fort recherchés des Francs, habiles à travailler les métaux, quant à la partie matérielle du métier, mais incapables d'aborder la représentation de la forme humaine. C'étaient précisément ceux sur lesquels elle apparaissait qu'ils affectionnaient entre tous. De là vint chez eux la mode d'enchasser des médailles, des monnaies romaines et gauloises dans des entourages ciselés, de se les suspendre au cou au moyen d'un appendice ajouté à la partie supérieure, ou d'en faire entrer des empreintes dans la composition des agrafes et des boucles de ceinturon; coutume qui se perpétua jusque sous les Carlovingiens; car j'ai eu dans ma collection une fibule en bronze doré, modelée de la sorte sur un sou d'or de Louis le Débonnaire (1).

Les monnaies mérovingiennes ont souvent été appropriées à cet usage, et montées en bagues. M. Conbrouse est possesseur d'un magnifique sou d'or de Clotaire II, disposé en agrafe (2), et on voit au Cabinet national des antiques un autre sou d'or, non moins remarquable, du même prince, servant de chaton à un anneau (3).

Qui ne connaît, en outre, ces pierres gravées avec montures franques ou gothiques? Elles furent toujours en grande faveur : les rois carlovingiens s'en servaient comme sceaux, et les princes du moyenâge se plaisaient, aussi bien que nous-mêmes, à en cacheter leurs missives. Le beau touche les âmes les plus grossières, et ce fut ce noble privilége qui sauva de la destruction plusieurs de ces merveilleux restes de l'antiquité. Il est vrai de dire qu'ils n'ont pas perdu de leur grâce en passant par les mains conservatrices de

(1) V. mes Études numismatiques, p. 38. — V. aussi dans la Revue Numismatique belge, 1842, un très-curieux article de Joachim Lelewel sur les médailles et monnaies utilisées comme bijoux.

(2) Gravé au no 1 de la pl. VII des Monuments de la Maison de France, 1856, in-fo. (3) Catalogue Rousseau, par de Longpérier, pl. 4re, no 93.

modestes ouvriers. Que d'heureuses combinaisons produisit ce mariage des deux arts! Voyez plutôt l'admirable Jupiter en agateonyx du Cabinet des antiques, avec sa bordure d'or émaillé du temps de Charles V. Quelle tournure! quelle originalité! Pancrace et ses disciples préfèrent, il est vrai, la bordure au Jupiter, par la même raison qu'ils placent Hugues le Bergier et P. de Montereau à cent coudées au-dessus de Callicratès et d'Ictinus. Mais aussi, pourquoi ces derniers, au lieu de naître au XIIIe siècle, ont-ils eu la fantaisie de se håter vers celui de Périclès? Homère et Phidias n'ont pas mieux compris les intérêts de leur renommée.

Moi, qui n'ai pas le bonheur de sortir de l'école de Pancrace, j'avoue, en toute humilité, n'être pas si tranchant. Je me range à l'avis des ouvriers du moyen-âge qui encadraient les camées de délicates ciselures; je recherche, dans les œuvres de chaque époque, ce qui frappe mes yeux et touche mon cœur, et je me complais à demander tour à tour des sensations diverses à la Vénus de Milo et aux bas-reliefs du Parthénon; aux monnaies de Syracuse et à ces pierres gravées mille fois plus précieuses, dans leur simplicité, que les gemmes qui en ont fourni la matière ; à la Vierge austère du XIIe siècle et à la Sainte-Chapelle de Louis IX; aux angéliques visions de Jean de Fiésole et aux madones vivantes de Raphaël; à la Diane luxurieuse de Jean Goujon et aux fines portraitures de Janet. Jean de Chelles et Brunelleschi me remplissent d'admiration; Michel-Ange, avec ses gigantesques créations, me donne conscience de mon infimité; Poussin m'élève l'âme; Rembrandt me captive par les splendeurs de sa palette; Prudhon emporte ma pensée sur le doux rayon de lumière que son pinceau a su ravir au soleil levant. Le génie de l'homme, émanation sublime de la Force d'en haut, est chose trop sainte, pour que j'ose le passer au crible d'une plate et mesquine critique. J'ai certes des préférences; mais je m'efforce de comprendre, à l'aide de cette revue de chefs-d'œuvre, par quelles phases successives Dieu a fait passer l'esprit humain, en le dirigeant à travers les hautes régions de l'intelligence.

On n'a pas trouvé, que je sache, en Normandie de camées avec montures franques. Le territoire poitevin n'en a pas non plus produit; mais il n'en a pas été ainsi des autres antiquités mérovingiennes, quoiqu'on n'y ait jamais fait de fouilles régulières. Les

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