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à confectionner les uns et les autres est grossière, « noire au dedans comme du charbon, et remplie de sable et de pierrailles, indiquant une argile de mauvais choix. La cassure en est rude, celluleuse et pleine d'aspérités. Les mains seules, aidées d'un morceau de bois, ont fabriqué ces poteries antérieures à l'usage du tour. »>

Voici la représentation de quelques-uns des objets recueillis au château de Moulineaux.

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M. l'abbé Cochet, afin d'étayer sa classification sur les preuves matérielles les plus irrécusables, compare ensuite ces vases funéraires avec ceux présentant les mêmes caractères, mis au jour sur divers points, soit de sa province, soit du reste de la France, soit d'Allemagne ou d'Angleterre; méthode excellente, qui ne saurait être trop recommandée aux archéologues de toutes les catégories. Elle m'a conduit à reconnaître que les poteries normandes de cette période ont une analogie complète avec celles du Poitou. Je citerai, par exemple, les urnes en terre noire, ayant la forme de pots à fleur et fabriquées à la main, déterrées, il y a seize à dix-sept ans, près

du prieuré des Fontaines, à petite distance du ruisseau de Troussepoil, commune du Bernard (Vendée). Elles étaient encore remplies d'ossements calcinés, de terre brûlée et de cendre, lorsqu'elles me furent présentées, et semblaient faites sur le modèle de celles reproduites tout à l'heure. Non loin de l'emplacement où elles ont été prises, est un tumulus, qui a été fouillé de la façon la plus brutale et la plus absurde par un propriétaire ignorant, dans l'espérance toujours vivace, quoique toujours déçue, de mettre la main sur un trésor. On n'y rencontra, comme à l'ordinaire, que des squelettes, des armes en silex, et deux ou trois pots à parois très-épaisses, d'une fabrique encore plus barbare, et, par conséquent, beaucoup plus anciens que les autres trouvés dans le cimetière voisin. Je dois ajouter, afin de donner une idée complète de l'inintelligence des chercheurs, que, ne tenant aucun compte de la présence de ces divers objets, ils les jetèrent à l'aventure sur le talus du déblaiement, où je les ramassai plus de huit jours après, et continuèrent leur exploration, alléchés qu'ils étaient par la rencontre, dans la couche supérieure des terres, d'un royal d'or du XIVe siècle!

Le musée de Niort et la collection de M. de Boismorand, à Poitiers, renferment de magnifiques échantillons de cette industrie primitive, extraits du tumulus de Bougon (Deux-Sèvres), et de ceux des bords de la Gartempe. Ces deux cabinets peuvent à coup sûr être comptés, sous ce rapport, parmi les mieux partagés de France.

M. l'abbé Cochet est revenu, dans un supplément placé à la fin de son livre, sur les sépultures gauloises, à propos de celles de la briquerie du Hallais, village de la commune de Bouelles (canton et arrondissement de Neufchâtel), d'où sont sortis beaucoup de vases un peu moins anciens, selon moi, que ceux du château de Robert-leDiable.

La pièce la plus remarquable qu'aient produite les fouilles exécutées en cet endroit, est une épée, déposée aujourd'hui au musée nouvellement fondé à Neufchâtel, petite ville où l'on a eu l'heureuse idée de réunir les objets antiques trouvés dans les environs. Cet exemple devrait être imité par bien des centres de population autrement importants, dont les administrateurs municipaux affectent la plus superbe indifférence pour tout ce qui sort de l'ornière tracée par leurs devanciers, et, spécialement, pour tout ce qui concerne l'histoire de leur pays.

L'épée du musée de Neufchâtel a été brisée et mise hors de service, avant d'être déposée dans la tombe de celui qui la portait, pour que personne ne pût faire usage d'une arme désormais consacrée à la mort. La plupart des armes placées autrefois dans les sépultures présentent partout la même particularité. J'en connais deux exemples de dates fort différentes : une épée en bronze rencontrée en trois morceaux, avec deux bracelets et un petit anneau d'or, dans la fosse d'un guerrier gaulois, découverte à Garnaud, près de Poiroux (Vendée), et une autre en fer, large et courte, à poignée très-petite, surmontée d'un pommeau arrondi en cuivre jaune, paraissant dater du IX® ou du X° siècle, retirée en 1834, au vieux Pouzauges, d'un cercueil en pierre, où était aussi, m'a-t-on dit, un denier assez commun au nom de Charles-le-Chauve, avec la légende XPISTIANA RELIGIO. Cette seconde épée avait été recourbée au moyen d'une forte pression. On mettait donc ces armes hors de service, de même qu'on tuait et enterrait le cheval de bataille du défunt avec lui, et qu'au moyen-âge, on défigurait son sceau (1).

Cette explication me semble plus rationnelle que celle de M. l'abbé Cochet, qui voit, dans le brisement de ces armes, une précaution prise simplement contre la rapacité sacrilége des violateurs de tombeaux, dont les ravages sont partout visibles, chez nous comme en Normandie.

Avant d'en finir avec la période gauloise, je me permettrai de soumettre une question à mon docte confrère. Il s'agirait de déterminer l'âge des sépultures explorées à Pouzauges (Vendée) par mon ami Fortuné Parenteau. Elles se composent d'une fosse circulaire d'environ 1,50 de diamètre et de profondeur, au centre de laquelle est un vase de terre grossière et mal cuite, rempli de cendres et d'ossements calcinés. Le reste de la fosse est lui-même comblé avec des débris à peu près semblables et de la terre noire mêlée de parcelles de charbon.

Ces sépultures sont, à mon avis, antérieures à la période gallo

(1) La détérioration du sceau avait souvent aussi un autre but, celui d'empêcher que des faussaires ne pussent s'en servir pour authentiquer des actes fabriqués par eux. On ne prenait cependant pas toujours cette précaution, témoin le sceau d'un certain clerc, nommé Pierre Taveau, qui vivait dans la seconde moitié du xme siècle, dont le sceau fut trouvé intact dans son tombeau, placé dans l'église de la Chaise-le-Vicomte (Vendée).

romaine; mais je n'oserais toutefois me prononcer là-dessus d'une manière définitive, sachant combien il est difficile d'assigner une date certaine à des monuments de cette nature, lorsqu'ils ne sont pas accompagnés d'ustensiles et d'autres objets plus caractéristiques. Les divers modes d'inhumation employés à telle ou telle époque, n'ont pas été d'ailleurs changés partout d'une façon brusque et uniforme. La règle des transitions a été observée, comme en toutes choses, dans ce fait capital qui touche si intimement aux croyances des peuples. On serait donc exposé à se tromper bien souvent, si l'on voulait soumettre ces divers modes à un classement chronologique trop unitaire et trop rigoureux, dans toutes les parties de la Gaule; d'autant plus que chacune d'elles s'est plus ou moins promptement approprié les coutumes nouvelles, en raison de son aptitude à s'assimiler ce qui lui venait de l'étranger, et de son état politique intérieur ou extérieur.

Il est, en outre, bon de dire, afin d'aider M. l'abbé Cochet dans cette recherche, qu'il n'est pas rare de rencontrer à Pouzanges des haches, des flèches en silex et autres objets purement gaulois, de date fort ancienne; tandis que, jusqu'ici, on n'y a pas trouvé de traces d'habitations gallo-romaines. Il semblerait que la population de ce lieu l'aurait momentanément abandonné, pour descendre au Vieux-Pouzauges, d'où elle serait remontée, soit sous la période mérovingienne, soit au moment de l'organisation féodale, prendre possession de ses anciens foyers, qui étaient en de meilleures conditions de défense (1). Par une interversion bizarre, dont les annales des petites localités offrent d'autres exemples, la tradition d'une antique origine aurait ainsi été appliquée plus tard à celle des deux bourgades qui, en réalité, serait fille de l'autre.

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La période gallo-romaine étant beaucoup mieux connue que la précédente, je n'entrerai pas, pour cette partie, dans le détail de toutes les découvertes de M. l'abbé Cochet. On sait que les sépultures de ces temps se divisent en deux classes: les unes, à ustion; les

(1) Ces détails ont échappé à M. L. Audé dans sa notice sur Pouzauges. Voir Annuaire de la Société d'Emulation de la Vendée, 1855.

autres, postérieures, à inhumation. M. Cochet a assez nettement établi la ligne de démarcation qui existe entre ces deux catégories; cependant il me paraît à peu près impossible, malgré les conquêtes nouvellement faites par la science, de mettre une date précise au point d'intersection des deux systèmes. L'idée chrétienne influa, à coup sûr, sur l'emploi du second; mais il y en eut des exemples, nombreux sans doute, même parmi les païens, avant le triomphe de la foi nouvelle. La meilleure preuve que je puisse en administrer, est le contenu du tombeau de la jeune femme artiste du III° siècle, découvert à Saint-Médard-des-Prés (Vendée). Là, le corps intact avait, on le sait, été placé dans un cercueil de bois de noyer, fortifié de cercles de fer; et les objets déposés avec lui dans la fosse, le caractère des peintures de la villa voisine, que le savant chimiste M. Chevreul et moi avons démontrées être de la main de notre artiste, enfin, la rencontre de monnaies de Maximin et de Postume parmi les terres de déblaiement du tombeau lui-même, ne laissent aucune incertitude sur l'âge de cette magnifique sépulture, qui ne pouvait être celle d'une chrétienne, puisque le squelette avait encore suspendu au cou, par une chaînette d'argent, deux dents de sanglier, témoignage irrécusable de la croyance de l'artiste à la religion des Gaules.

La coutume de brûler les corps, par un effet contraire, se continua, çà et là, du moins en Poitou, jusqu'au commencement du v° siècle. Quant à la forme des vases découverts sur la surface de la circonscription poitevine, ils offrent la plus complète analogie avec ceux recueillis en Normandie; mais il est surtout deux espèces qui se trouvent partout chez nous ces petites assiettes de terre rouge, décorées de feuilles de plantes aquatiques en relief,

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