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espérance que le tiendrez de quelque prix, venant d'une personne qui est de si longtemps le tant obligé de vostre maison. Le voyant devant vos yeux n'oublirez en vos prières

<< Le plus humble de vos serviteurs

« De Paris, ce 16 août 1636. »

<< VINCENT DE PAUL.

Ces quelques lignes furent écrites au milieu des graves préoccupations que causait à Vincent de Paul l'invasion de la Picardie par les armées étrangères; mais son cœur, ouvert à tous les sentiments généreux, tant de l'ordre religieux que de l'ordre public, était assez large pour que la reconnaissance et l'amitié y trouvassent encore une place.

Avant d'en finir avec saint Vincent de Paul, je dois ajouter qu'il existe chez Mme Joseph Fillon un second recueil de neuf lettres de lui, dont trois sont autographes et les autres portent simplement sa signature. Elles ont toutes trait à l'établissement à Luçon d'une maison de missionnaires de Saint-Lazare, sous les auspices du cardinal de Richelieu, et sont adressées à Jacques de Sallo, conseiller au parlement de Paris, avec lequel il était fort lié. On y a joint les pièces originales relatives à cette création, retrouvées, en compagnie des lettres, dans les papiers de la Boucherie, commune de Grosbreuil (Vendée), ancien domaine de l'ami du vénérable fondateur, et qui est passé plus tard dans notre famille.

Napoléon-Vendée, septembre 1856.

Firmin JOUSSEMET.

Aucun des biographes de Cassard n'a donné exactement la date de sa naissance. Pour n'en citer que quelques-uns, disons que Richer, dans sa Vie du capitaine Cassard (un vol. in-18, Paris, Belin, 1785), en tête de laquelle il donne un portrait gravé pris, dit-il, sur l'original; Eyriès, dans la Biographie universelle, et notre consciencieux ami M. P. Levot, dans son excellente Biographie bretonne, ont répété, après tant d'autres, que Cassard était né en 1672. Nous avons donc pensé que l'acte ci-dessous intéresserait tous les lecteurs de la Revue. Ce grand homme, qui périt oublié en 1740 dans la prison du château de Ham, où il avait été enfermé, était ainsi apprécié dès son vivant :

Un jour que Duguay-Trouin se promenait dans la galerie de Versailles, avec quelques personnages de la cour, il aperçut dans un coin Cassard, dont l'extérieur annonçait la misère, courut à lui, l'embrassa et s'entretint longtemps avec lui. Aux courtisans étonnés il dit : « Cet homme est le plus « grand homme de mer que la France ait en ce moment; c'est Cassard. Je << donnerais toutes les actions de ma vie pour une des siennes ; avec un « seul vaisseau, il faisait plus qu'un autre avec une escadre entière. Il n'est << pas connu ici, mais il est redouté de nos ennemis; les Anglais, les Portu«gais et les Hollandais se souviendront longtemps de ses exploits. » Noble et touchant témoignage qui fait l'éloge du héros qui l'accordait et de celui qui en était l'objet. ARMAND GUÉRAUD.

<< Le vingt et sixiesme jour de septembre mil six cents soixante-neuf a esté baptisé en ceste eglise par moy vicaire soubssigné Jacques nay du vingt quatrième du présent mois fils d'honorables personnes Guille Cassard, marchand à la Fosse et Jeanne Drouard ses père et mère dmt à la Fosse de Nantes. A esté parain hon. homme Pierre Binet marchand maitre gabarrier à la Fosse et maraine hon. personne Françoyse Loger, compagne d'honorable homme Pierre Despontier, aussy marchand à la Fosse qui tous cy-dessus dénommés ont déclaré ne scauoir signer à la réserve dudit s Cassard soubssigné et ledit Pierre Binet parain a prié de signer à sa requeste hon. homme Jullien Drouard soubssigné de ladite Loger maraine et a aussy prié honorable homine Mathurin Blanchard marchand marrimeur à la Fosse aussy soubssigné. »>

Le registre est signé : Drouard, Cassard, M. Blanchard et M. Marie, vicaire.

(Extrait des registres de la paroisse de St-Nicolas, fol. 76.)

L'homme de talent qui, dès sa jeunesse, est allé se fixer à Paris, finit par être oublié dans sa province, s'il n'y entretient des relations. Cependant, le lien qui nous unit au pays natal ne se brise jamais, et, tôt ou tard, il rattache celui qui s'est éloigné à ses compatriotes, alors fiers de le compter dans leurs rangs. La Bretagne peut revendiquer, à juste titre, parmi les hommes distingués de notre époque, plus d'un de ses enfants aujourd'hui presque inconnu dans son propre sein. Qui sait, par exemple, que Moreau de Jonnès, à Paris depuis un demi-siècle, membre de l'Institut, est un enfant de Saint-Malo, un ancien volontaire de 1792 aux bataillons d'Ille-et-Vilaine ? Il serait facile de citer d'autres noms; mais nous avons hâte d'arriver à notre but, rue de Vendôme 17, à l'adresse de M. Bazin.

Entrons chez lui, et là, dans un cabinet, nous sommes dans l'atelier d'un peintre. Où sont les modèles, où sont les chevalets, les peintures et les brosses? Un carré de papier, une boîte de couleurs de quelques décimètres carrés, une table, voilà tout le bagage qu'exige, pour créer ses petits chefs-d'œuvre, l'imagination du Charlet de la miniature, comme on l'a nommé. Voulez-vous son histoire? Elle est simple et modeste comme sa personne.

Eugène-Charles Bazin, né à Rennes (Ille-et-Vilaine) le 23 brumaire, an VII (13 novembre 1798), s'adonna, tout jeune, à l'étude de la musique, et, parvenu à vaincre sur la clarinette, son instrument favori, les plus grandes difficultés, il obtint à Paris des succès mérités. Cependant, ce n'était pas là sa véritable voie : il était irrésistiblement entraîné vers le dessin. La peinture et la sculpture faisaient vibrer les cordes de son imagination, et, sans avoir reçu mêine les premiers principes, il se mit à produire avec un entrain remarquable, soit au crayon, soit au pinceau, les scènes les plus agitées. Certains amis admirèrent ces essais et l'engagèrent vivement à les présenter à l'exposition du Louvre. Tout d'abord, l'artiste repoussa cette idée; mais, pressé de nouveau, il y envoya, en 1833, un

Napoléon d'une dimension microscopique avec plusieurs sujets militaires, et continua de paraître aux salons jusqu'en 1845 (1). Une première médaille lui fut décernée, en 1834, à l'exposition de Cambrai, pour un tableau peint à l'huile, dont le sujet était la bataille de Montereau. Il n'a jamais rien adressé en Bretagne.

Le duc d'Orléans, qui dessinait avec facilité et distinction, le fit appeler un jour et lui proposa de l'emmener à sa suite en Algérie; mais, la veille de leur départ, le malheureux prince fut frappé mortellement. La reine Amélie lui offrit plus tard un magnifique portecrayon enrichi de diamants, pour avoir représenté l'arrivée de la reine d'Angleterre au Tréport.

Les œuvres de M. Bazin furent donc recherchées d'abord par la cour de Louis-Philippe, puis bientôt par tous les souverains d'Europe. Nous ne savons s'il existe aujourd'hui un album royal ou princier sans un dessin de notre artiste breton. Napoléon III lui-même a voulu posséder quelques-uns de ces chefs-d'oeuvre nains, et a fait l'acquisition d'un album renfermant tous les épisodes de la guerre de Crimée, depuis le débarquement des troupes jusqu'à leur départ. Il faut avoir vu ces merveilleuses compositions pour comprendre cette originalité qui leur imprime une valeur artistique inimitable. La disposition des lignes, l'agencement des groupes, le mouvement dans l'action, la chaleur du coloris, sont exprimés, sur un carré de papier souvent de quelques centimètres, avec une entente digne d'un Horace Vernet. Ses bataillons sont massés avec une science qui ferait croire que l'artiste est un vieux soldat initié aux règles de la stratégie. Tout est grand et large dans ces cadres infiniment rétrécis; c'est la nature réduite et surprise par une sorte de daguerréotype qui rend avec une rare fidélité les traits, les ombres et les couleurs. Ces petits tableaux sont des gouaches

1812.

(1) M. Bazin a exposé diverses gouaches, dont nous trouvons l'indication aux nos suivants des livrets: 1833, no 115. Plusieurs sujets militaires. 1834, no 82. Bataille de Montereau, en 1814. 1835, no 88. Batailles sous l'Empire. 1836, no 86. Bataille de Ligny (16 juin 1815); no 87. Le maréchal Ney devant Wilna, 1837, n° 68. Sujets militaires. 1838, no 66. Bataille de Friedland, 14 juin 1807; no 67. Bataille de Montereau, 18 février 1814; no 68. Episode de la bataille de Waterloo. 1839, no 95. Episodes de 1812: une ambulance; les enfants de Paris; bataille de la Moskova; retraite; no 96. Gouaches et aquarelles. 1844, no 100. Six sujets militaires.

qui présentent tout l'aspect d'une peinture à l'huile, la vivacité des tons et ce faire large qui excluent la froideur et la sécheresse.

Depuis trente ans que produit notre artiste breton, il n'a pas encore trouvé d'imitateur : son art ne s'enseigne pas. Il commence souvent un tableau par le milieu, et l'augmente à mesure que son imagination l'entraîne, sans prévoir au juste de quelle grandeur il le fera, se réservant d'ébarber son vélin s'il ne le remplit pas. Les dimensions lui sont-elles rigoureusement imposées, il s'y soumet; mais non sans peine, car il n'aime pas à circonscrire ses inspirations.

Nous sommes heureux de payer ici ce léger tribut de notre admiration à M. Bazin. Espérons que ces lignes, faible appréciation de son talent, n'en seront pas moins bien accueillies par nos compatriotes, surtout par ceux auxquels elles signaleront le Charlet de la miniature.

Armand GUÉRAUD.

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