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n'eut qu'une existence éphémère. De la Mure attribue au même Étienne la fondation de l'église de ce nom, qui existe encore aujourd'hui à Roanne, et dont nous parlerons plus tard: il est certain au moins que la tradition est d'accord avec lui sur le nom du fondateur; mais cet Étienne était-il comte de Roannais?

Roanne fut, au moyen-âge, une place de guerre, ainsi que l'attestent encore les restes de son château et quelques pans d'une muraille d'enceinte. Cette ville a souffert durant les guerres de religion: Anne d'Urfé nous apprend que vers la fin des hostilités de la ligue, le marquis de Saint-Sorlin ravagea tout ce pays, durant les courses vagabondes où ce parti luttait encore contre les partisans de Henri IV. Après la pacification accordée aux ligueurs, le monarque qui venait d'être le vainqueur de ses sujets, selon l'expression du poète, commença cette période de bienfaits interrompue par la méchanceté des hommes, et durant laquelle il s'efforça d'être le père de ces mêmes sujets. Jusqu'alors Roanne, depuis l'évanouissement de son antique splendeur, n'avait été qu'un bourg sans importance et sans renom; elle prit un peu de consistance après la construction du canal de Briare, ordonnée par Henri IV, et qui fournit au commerce du Roannais une communication avec Paris, par la Loire. Alors s'accrut considérablement le transport des houilles de SaintÉtienne, et celui des vins connus sous le nom de vins du Roannais. Cette dernière exportation perdit un peu de son activité, lors de l'ouverture du canal de Chalons; mais elle a repris faveur depuis que la route de Roanne au Rhône est terminée.

Antérieurement à l'ouverture d'un débouché considérable pour le commerce de Roanne par le canal de Briare, dontn ous parlerons plus amplement ailleurs, cette ville était devenue, sans grand profit pour elle, le siége d'un duché pairie, sous le règne de Charles IX. Son baillage ducal, qui relevait directement, comme nous l'avons dit, du parlement de Paris, avait été le sujet de longues discussions d'intérêt entre la judicature de Montbrison et celle de Roanne, sans que les citoyens eussent profité en rien du résultat de ces débats. Roanne était aussi le siége d'une élection, dont le ressort s'étendait hors du Forez, et probablement sur une partie du Bourbonnais : nous avons relaté, dans notre précis sur Montbrison, les attributions de cette institution financière.

Avant d'esquisser l'histoire et la situation actuelle de Roanne sous le rapport commercial, nous décrirons brièvement les monuments que cette ville renferme, et nous offrirons à nos lecteurs un aperçu de sa physionomie générale. L'église de Saint-Etienne, déjà mentionnée plus haut, est le seul édifice digne de fixer l'attention sous le rapport de l'art. Cette église, élevée d'abord pour le

service d'un prieuré, nous a semblé, dans une partie de ses fondations, porter le caractère du xe siècle, c'est-à-dire des constructions romanes dans leur première simplicité. Mais le monument a été presque entièrement reconstruit à une époque bien postérieure, par les soins d'une dame de la Perrière. Sa voûte, qui n'est pas antérieure au XVe siècle, est d'un style élégant et remarquable, surtout par les arcs doubleaux qui l'ornent encore plus qu'ils ne la consolident. On remarque aussi dans cette église divers détails d'architecture gothique d'un effet heureux et d'un goût recherché. Mais à l'extérieur, l'édifice, qui a subi diverses altérations successives, et qui paraît devoir en subir d'autres par suite des réparations dont on s'occupe en ce moment, n'a plus l'aspect monumental; l'intérieur seul mérite d'être visité: nous essayons, par le croquis suivant, d'en donner une idée à nos lecteurs.

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Il y avait autrefois à Roanne des communautés de Capucins, de Minimes, d'Ursulines. Dans les bâtiments du premier de ces couvents, on a placé l'hôtel de ville et la caserne de gendarmerie; l'ancien monastère des Minimes sert de magasin militaire.

Une inscription gravée sur une table de marbre noir, placée sur la porte d'un édifice religieux, dont l'église sert aujourd'hui de paroisse, apprend que là se trouve un collége fondé par le Père Cotton, confesseur de Henri IV, puis de Louis XIII. Le nom de cet ecclésiastique fait comprendre que cette institution dut être d'abord dirigée par des Jésuites; plus tard, elle fut confiée à des Joséphistes. Durant les premiers temps du régime républicain, une école centrale remplaça le collége; mais un décret du 2 ventôse an II fit redescendre l'établissement au rang d'école secondaire. L'ancien college de Roanne reprit, après la restauration, un système d'enseignement qui ressemblait beaucoup à celui de ses premiers directeurs; depuis les événements de juillet, une tendance moins exclusive, une éducation plus nationale ont prévalu dans cette maison, comme dans toutes celles que le gouvernement tient sous sa main. Du reste, l'instruction des jeunes garçons appartenant aux classes peu aisées est abandonnée, à Roanne, aux Frères de la Doctrine chrétienne, et aux Sœurs de Saint-Charles, pour les jeunes filles.

Ce sont aussi des Sœurs, mais de la congrégation de Saint-Augustin, qui administrent l'hospice de Roanne. Cette institution jouissait, avant la révolution, de revenus assez considérables; sa situation actuelle nous a semblé peu prospère.

On sait que les écoles centrales avaient été conçues sur un plan d'instruction superficielle, peut-être, quant à l'étude des langues mortes, mais vaste et bien entendu sous le rapport des sciences utiles et de la vie sociale. A la fondation de celle établie vers 1794 à Roanne, un dépôt assez considérable de livres avait été mis en ordre dans une vaste salle; un cabinet de physique y fut joint; dans des salles voisines, on voyait une collection de tableaux, de statues et d'antiquités; enfin, divers objets d'histoire naturelle formaient le complément d'un jardin de botanique, qui fut considéré comme un des plus beaux de France. «De toutes ces créations, il ne reste que des débris, disait M. Duplessy, en 1818 : le jardin de botanique a été dévasté, les collections d'objets d'art dilapidées, les instruments du cabinet de physique en grande partie brisés... » L'auteur de l'Essai statistique, par des considérations inhé– rentes à l'influence sous laquelle il écrivait, passe sous silence le nom des dévastateurs; mais qui ne reconnaîtra pas ici l'action des mains ennemies... Les brûleurs de bois de fusils à Saint-Étienne, ne devaient pas épargner les collections curieuses de Roanne.

Cependant une bibliothèque composée d'environ huit mille volumes, dont moitié en livres de théologie, put être sauvée et transportée dans un autre local; elle a été peu augmentée depuis. On y compte quelques éditions

précieuses, remontant à 1480; et soixante-sept manuscrits qui, pour la plupart, pourraient profiter à la science historique.

Une société d'agriculture a été instituée à Roanne sous la restauration; elle n'est pas demeurée étrangère au développement de quelques parties de l'économie rurale dans l'arrondissement, et continue de se livrer à des travaux utiles. La ville posséde un journal.

Depuis quelques années, on a élevé une halle commode sur une partie de l'emplacement qu'occupait l'ancien château: c'était une construction vivement réclamée. Celle d'une petite salle de spectacle, dont il importe peu d'indiquer l'époque précise, ne paraît pas avoir été aussi bien appréciée : ce qui, du reste, prouve en faveur du penchant des Roannais vers les institutions utiles. plutôt que vers les choses d'agrément. Les acteurs font ordinairement un assez bref séjour à Roanne, et leurs représentations réunissent rarement une chambrée pendant la durée de cette courte station dramatique.

La ville qui nous occupe offre à la curiosité des voyageurs un fort beau pont en pierre, terminé depuis quelques années seulement. On raconte que, vers le milieu du XVIIIe siècle, époque à laquelle, à défaut de pont, on passait la Loire à Roanne sur un bac, l'intendant de Lyon faillit périr avec sa famille dans ce passage... Depuis long-temps la ville déplorait l'absence d'un pont, état de choses qui nuisait singulièrement à son commerce; mais après l'événement que nous venons de rapporter, elle n'eut plus besoin de renouveler les doléances qu'elle avait tant de fois fait entendre sans succès. L'intendant du Lyonnais, sous l'influence de la frayeur qu'il avait éprouvée, fit, dit-on, construire immédiatement deux ponts, au lieu d'un: le fleuve ne passait sous le second que dans les grandes crues; il a été démoli en 1787. Quant à l'autre, il continua à servir jusqu'à l'achèvement de celui que nous allons décrire.

Le nouveau pont de Roanne, bati en pierre de Saint-Maurice, est parfaitement horizontal et d'une construction aussi solide qu'élégante. Sa longueur est de 190 mètres 95 centimètres; ses arches, au nombre de sept et surbaissées au tiers, ont chacune 23 mètres 80 centimètres d'ouverture. La première adjudication pour cette entreprise fut passée en 1789; mais les événements qui survinrent bientôt, ne permirent pas de commencer alors les travaux; les premières fondations datent de 1803. Suspendue encore peu de temps après. la construction fut reprise en 1810, et ne discontinua plus jusqu'à son achèvement. Les abords, adjugés en 1830, ont été terminés en 1834. La totalité des dépenses s'est élevée à 3,000,000 de francs environ.

Le pont de Roanne, sur lequel passe la route de Lyon à Paris par le Bourbonnais, prépare bien l'entrée de la ville: c'est, dans les beaux jours, la

promenade favorite des Roannais. Pour la commodité des promeneurs, on a placé, de distance en distance, des bancs sur ce pont élégant, dont les habitants sont assez fiers.

Roanne est une ville bien située, vivante et d'un aspect agréable. Ses rues sont larges, propres, bordées de maisons d'assez belle apparence; on y voit des magasins disposés avec goût, et les hôtels n'y sont point inférieurs à ceux des autres villes de la route. La population, qui s'élève aujourd'hui à 10,000 âmes, suit de près, parmi les classes aisées, les modes de Paris, sans laisser dégénérer, sous des allures gênées, ce qu'elles peuvent avoir d'agrément. Les Roannaises nous ont paru jolies dans une notable proportion; et nous avons remarqué qu'elles ne manquent pas d'une certaine grâce parisienne, qu'elles peuvent du reste, saisir perpétuellement au passage, en suivant le mouvement de cette grande rue ouverte de la première à la seconde capitale du royaume. Parlons maintenant des sources de prospérité que la ville de Roanne doit à son commerce et à son industrie.

La principale industrie Roannaise est, comme nous l'avons déjà dit, la filature du coton; on s'en occupe dans un grand nombre d'ateliers. La broderie au tambour et à la main fournit aussi du travail à beaucoup de jeunes ouvrières : en un mot, l'industrie cotonnière, favorisée par les moyens d'écoulement particuliers que le commerce de la ville s'est créés, y laisse rarement des bras oisifs.

Il y eut un moment à Roanne une manufacture d'armes de guerre, dont nous devons l'histoire à nos lecteurs : « Un contrôleur de la fabrique de SaintÉtienne, M. Blanc, avait fait en 1763, des expériences sur la trempe en paquet. et perfectionné les aciers. Il fut aussi l'inventeur d'une espèce de pistolet extrêment simplifié, dans la confection duquel le cuivre était substitué au fer, pour plusieurs pièces de la platine; et le tout recevait de la fonte une forme à laquelle il n'y avait plus à retoucher. Ces découvertes frappèrent le gouvernement, et contribuèrent à faire nommer M. Blanc, en 1778, directeur des trois manufactures royales. Vers 1786, il lui fut accordé un logement et des ateliers à Vincennes, pour y faire l'essai des platines à pièces uniformes. Par suite de cette fabrication, on pouvait prendre au hasard les pièces, et en les réunissant, on obtenait une platine complète. Ce résultat ayant été constaté par des officiers-généraux, des ministres, des membres de l'Académie des sciences, M. Blanc obtint, en 1792, qu'une fabrique de pièces uniformes serait fondée à Roanne sous sa direction, et placée dans l'ancien couvent des Minimes. Mais, soit que les frais de cet établissement aient excédé ses produits, soit effet de la concurrence trop prochaine de Saint-Étienne, l'usine de Roanne n'a

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