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mie elle-même, et ne sollicita pas vainement sa bienfaisance. Tous les gens de lettres qui la composaient s'empressèrent, sans en excepter un seul et chacun suivant sa fortune, de secourir le fils de leur ancien confrère.

VI.

SÉGUY.

1736.

Joseph Séguy, prédicateur du roi, né à Rhodez en 1689, mort en 1761. Après avoir fait ses preuves d'éloquence, il fut choisi, en 1729, pour prononcer, en présence de l'Académie, dans la chapelle du Louvre, le panégyrique annuel de saint Louis. L'Académie lui témoigna sa satisfaction par ses applaudissements et, mieux encore, par son appui : Séguy annonçait des talents, il était il était pauvre; elle demanda pour lui au cardinal de Fleury, l'un de ses membres, l'abbaye de Senlis, et la lui obtint.

L'abbé emporta le prix de poésie de 1732: Des progrès de la tragédie sous Louis le Grand; et, deux ans après, il prononça l'oraison funèbre du maréchal de Villars. Être désigné pour une si grande tâche, dans un pays où Bossuet avait loué Condé, et Fléchier Turenne, c'était déjà un éloge, un témoignage marqué d'estime. « Cette oraison funèbre ouvrit à l'orateur toutes les portes de l'Académie,

III.

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dit le duc de Nivernais au successeur de Séguy; mais dès longtemps tous les coeurs y étaient ouverts pour lui, et dès longtemps l'Académie jouissait de sa reconnaissance. Nous l'avions adopté, nous l'avions servi, avant de nous l'associer. » L'abbé accomplit assez longtemps, avec exactitude, ses devoirs d'académicien; mais sur la fin de sa carrière, fatigué du monde et de la société, il se retira à Meaux, dont il était chanoine.

Séguy, très-peu poëte, mais passablement orateur, obtint divers prix de poésie à Toulouse et ailleurs, et dans plusieurs concours d'éloquence il ne put jamais arriver au delà de l'accessit. Mairan, notre académicien géomètre, disait de lui, à ce propos, qu'il était l'asymptote du prix d'éloquence : l'asymptote, cette ligne droite qui, en géométrie, s'approche continuellement d'une ligne courbe et ne la rencontre jamais.

VII.

LE CARDINAL DE ROHAN-GUÉMENÉ.

1761.

LOUIS-RENÉ-EDOUARD, prince DE ROHAN-GUÉMENÉ, né en 1734, est celui qu'a rendu tristement célèbre le procès du collier, qui le montra coupable de légèreté et de crédulité, mais non de mauvaise foi. L'intérêt de sa famille, plus que son propre pen

chant, le jeta dans la carrière ecclésiastique. Lorsque son grand-oncle, Armand-Gaston, surnommé le grand cardinal de Rohan, notre académicien du dixneuvième fauteuil, mourut en 1749, le prince Louis (c'est ainsi qu'on l'appelait dès le berceau) était trop jeune encore pour lui succéder dans l'évêché de Strasbourg, devenu une sorte d'apanage des cadets de sa maison. Coadjuteur en 1760, grand aumônier en 1777, cardinal en 1778, évêque de Strasbourg en 1779, abbé de Saint-Vaast en 1780, toutes les dignités et tous les bénéfices ecclésiastiques semblaient son patrimoine. Son ambassade à Vienne avait été signalée par plus de magnificence que d'habileté.

Rendu plus sage après ce procès du collier, que nous ne redirons pas, car nous n'aimons point les scandales, il se retira dans son diocèse, qu'il édifia par de bons exemples et qu'il éclaira par des instructions dignes d'un prélat. Il y vécut tranquille, aimé, jusqu'en 1789, qui le vit siéger sans éclat à l'Assemblée constituante. Bientôt, occupé de sourdes menées, il quitta la France et se réfugia dans la partie transrhénane de sa principauté de Strasbourg.

Il y accueillait avec une généreuse hospitalité les émigrés, auxquels il rendit d'importants services. Il mourut à Eltenheim en 1803.

Il n'avait que vingt-sept ans lorsque l'Académie le reçut. Le souvenir, cher à la compagnie, de ses deux parents, les cardinaux de Rohan et de Soubise, plaida sa cause et la gagna. Il avait d'ailleurs per

sonnellement beaucoup de goût pour les arts et les lettres, et pour les écrivains une bienveillance marquée, dont l'abbé Le Batteux surtout ressentit les effets. Son remerciment à l'Académie, sa réponse à Thomas, à la réception duquel il présida, témoignent de l'élégante facilité et de la simplicité noble de son style.

VIII.

DEVAISNES.

1803.

JEAN DEVAISNES, né vers 1750, mort en 1803. Il occupa de hautes fonctions administratives: premier commis des finances sous Turgot, administrateur des domaines et receveur des finances avant la Révolution, commissaire de la trésorerie nationale en 1793, conseiller d'Etat en 1800. Un penchant naturel l'entraîna toujours vers les lettres et ceux qui les cultivent. Il était en relations d'amitié avec la plupart des écrivains les plus célèbres de la fin du xvIII* siècle, et les recevait le mardi de chaque semaine dans son salon, l'un des plus distingués de Paris. La Harpe et Suard, ses intimes, ont recueilli la plupart de ses opuscules, l'un dans la Correspondance, l'autre dans ses Mélanges de littérature. Ce sont de petits fragments, mais qui décèlent volontiers l'écrivain et le penseur : De Buffon et de Rousseau ; Nouvelles considérations sur les mœurs; De la Mé

diocrité; De l'Exagération; Des Théophilanthropes. Suard disait de lui : « Il a peu écrit, et ce qu'il a écrit n'est guère connu que des littérateurs érudits; mais ceux qui ont lu les petits ouvrages échappés à sa plume ne peuvent qu'être frappés des idées fines et ingénieuses, de ce goût pur et de ce tact délicat des convenances, de cette fleur de littérature, de ce style concis sans sécheresse et animé sans effort, qui distinguent les productions de cet esprit aimable et facile. >>

XI.

PARNY.

1803.

Evariste-Désiré DE FORGES, chevalier, puis viComte DE PARNY, naquit le 6 février 1753. Ce fut au milieu de ce séjour enchanteur si admirablement décrit par Bernardin de Saint-Pierre, à l'île Bourbon, que s'écoula son heureuse et libre enfance. Il s'y trouvait encore à l'âge de neuf ans; mais, destiné par sa famille à quelque emploi éminent, nous ne savons lequel, -il vint faire ses études au collège de Rennes. Celles-ci terminées, et après un moment d'hésitation (il fut sur le point de se faire admettre à la Trappe), il préféra ne point commencer la vie.comme Rancé l'avait finie, et il entra dans la carrière militaire.

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