Page images
PDF
EPUB

de Mazarin. La grande estime que ce ministre faisait de notre abbé l'engagea à le placer à la tête de l'Académie, alors naissante, des Inscriptions et Belles-Lettres, et à lui donner la haute main sur une autre assemblée, toute composée de théologiens, qui se tenait dans la bibliothèque du roi. Bourzeys travailla souvent, par ordre du même ministre, sur des matières qui regardaient le service du roi, et étonna par son savoir en jurisprudence ceux qu'il avait familiarisés depuis longtemps avec ses connaissances théologiques. Profondément versé dans les matières de grammaire et de littérature, il fut un des premiers académi iens chargés par la compagnie de conférer avec Chapelain sur le plan à adopter pour un dictionnaire et une grammaire. Il coopéra à la révision du projet de statuls composé par Du Chastelet, et fut jugé digne de partager avec Desmarets et Chapelain la mission difficile d'examiner le Cid. Le sort le désigna pour prononcer le second discours hebdomadaire; il prit pour sujet Sur le dessein de l'Académie et sur les différents génies des langues; et ce discours, dit Pellisson, «< n'est pas, à mon avis, un des moindres.»>

II.

GALLOIS.

1673.

JEAN GALLOIS, né à Paris en 1632, mort en 1707. Il embrassa l'état ecclésiastique et fut ordonné prêtre.

Il tourna donc par devoir ses principales études vers la théologie, l'histoire de l'Église, les pères et l'Écriture Sainte; et, afin de pouvoir lire les livres saints dans les originaux, il apprit l'hébreu. Plusieurs langues vivantes lui étaient familières : l'italien, l'espagnol, l'allemand. Il connut à fond l'histoire profane, eut d'assez fortes notions des mathématiques, de la physique, de la médecine même. Son premier écrit publié fut une traduction latine du traité de paix des Pyrénées (1669), imprimée par ordre du roi; mais ce qui contribua le plus à répandre son nom, ce fut le Journal des Savants. Ce recueil, dont l'idée était neuve et féconde, et qui, à travers bien des transformations, subsiste encore aujourd'hui, et a enfanté de nombreuses imitations en France et dans toute l'Europe, parut pour la première fois en 1665. C'était Sailo, conseiller ecclésiastique au parlement, qui avait imaginé cette publication; il s'associa l'abbé Gallois, dont l'érudition variée semblait faite pour ce travail, « et qui, de plus, ce qui n'est pas.commun chez ceux qui savent tout, savait le français et écrivait bien,» ajoute Fontenelle dans son éloge de notre abbé, que nous suivons ici.

L'objet du journal était de faire connaître les productions littéraires et scientifiques des nations. Quelques écrivains, trop amèrement censurés par Sallo, se plaignirent, et le journal fut suspendu au bout de trois mois; mais son grand but d'utilité le šauve de la mort; seulement le privilége en fut retiré à Sallo et donné à Gallois. L'abbé ouvrit l'année

1666 en dédiant au roi le journal, auquel il mit son nom, « et où il exerça toujours avec toute la modération nécessaire le pouvoir dont il était revêtu. » Il abdiqua ce pouvoir en 1674, après huit années d'exercice presque continuel. Colbert prit du goût pour cet ouvrage, et bientôt après il en affectionna l'auteur. En 1668 il lui donna place à l'Académie des Sciences, encore presque naissante, et l'en créa secrétaire intérimaire, pendant les deux ans que dura l'absence de Du Hamel, le titulaire. Enfin ce ministre connaisseur, appréciant de plus en plus le mérite de l'abbé, le prit chez lui en 1673, « et lui donna toujours une place et à sa table et dans son carrosse: »

Tant que vécut Colbert, Gallois jouit d'une faveur signalée, qu'il fit tout entière tourner à l'avantage des lettres et des lettrés. Il n'oublia que lui. Plein de désintéressement, il se contentait de sa modique pension de l'Académie des Sciences et de son abbaye de Cores, si médiocre qu'il fut enfin obligé de s'en défaire. Il eût pu sans peine en obtenir une autre, mais il ne songea pas même à la demander. Le marquis de Seignelay, fils de Colbert, ne trouvant pas que son père se fût suffisamment acquitté, donna à l'abbé une place à la bibliothèque du roi, qui était dans ses attributions.

Gallois était d'un tempérament vif, agissant et fort gai; l'esprit courageux, prompt à imaginer ce qui lui était nécessaire, fertile en expédients, capable d'aller loin par des engagements d'honneur. Il n'avait d'autre occupation que les livres, ni d'autre divertis

sement que d'en acheter. Il avait mis ensemble plus de douze mille volumes, et en augmentait le nombre tous les jours. Si une aussi nombreuse bibliothèque peut être nécessaire, elle l'était à un homme d'une aussi vaste littérature, et dont la curiosité se portait à mille objets différents et voulait se contenter sur-lechamp. Ses mœurs et surtout son désintéressement ont paru dans toute sa conduite auprès de M. Colbert. »Il avait été reçu à l'Académie le même jour que Racine et Fléchier. C'était la première fois qu'une même séance servait à trois réceptions, et, depuis, pareille solennité ne s'est reproduite qu'une fois ce fut, en 1807 pour Raynouard, Picard et Laujon.

III.

MONGIN.

1708.

EDME MONGIN, né à Baroville, dans le diocèse de Langres, en 1668, mort à Bazas en 1746, donna dès l'âge de dix-neuf ans des preuves de son talent pour la chaire, à une époque où dans ce genre d'éloquence il n'était guère de degré du sublime au ridicule, où ce qui ne s'appelait pas un Bossuet ou un Bourdaloue n'a plus de nom aujourd'hui. Dans les premiers temps de la fondation des prix d'éloquence à l'Académie, il en remporta trois successivement;

A

c'était la première fois que cette espèce de phénomène académique se produisait; aussi les juges, à ces marques ayant cru reconnaître lear pair, s'empressèrent-ils de se l'associer, dès qu'ils le purent.

Ces nombreux succès oratoires le firent choisir par la maison de Condé pour l'éducation de deux de ses princes, le duc de Bourbon et le comte de Charolais; et plus tard, par l'Académie, pour prononcer dans son sein, l'oraison funèbre de Louis XIV. « Cette oraison funèbre, quoique fort goûtée de la compagnie, dit d'Alembert, eut le sort de tous les autres éloges que l'éloquence a consacrés à la mémoire de ce prince: elle fut reçue froidement du . public. C'est une leçon triste sans doute, mais peutêtre utile pour les rois, d'observer ici que ce monarque tant exalté pendant sa vie, l'idole de ses sujets durant plus d'un demi siècle, a été célébré après sa mort par les orateurs et les écrivains les plus distingués, sans qu'aucun de ces panégyriques funèbres ait mérité d'échapper à l'oubli.

« Mongin continua de donner nombre d'autres discours, qui presque tous avaient la religion pour objet, et dont il a lui-même publié le recueil une année avant sa mort. On trouvera dans ces discours plus de goût que de chaleur, plus de pensées que de mouvement, plus de sagesse que de coloris ; mais on y trouvera partout un ton noble et simple, une sensibilité douce, une diction élégante et pure, un style en un mot qui a la première qualité d'un bon style, celle de laisser au lecteur toute son attention pour la

« PreviousContinue »