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l'avenir; on peut dire qu'il honora l'espèce humaine par ses hautes et constantes vertus, en même temps qu'il la fit aimer par le charme de son caractère. Personne n'offrit plus réellement que lui l'idée du bon et du juste, et ne se livra plus entièrement à ce qui lui semblait être bien. Tel est l'homme dont les temps anciens n'offrent rien de plus glorieux que la mort, et les temps modernes rien de plus honorable que la vie. >>

Nous n'aurions point achevé la biographie de Malesherbes si nous ne disions pas qu'en 1819 une liste de souscription ayant été ouverte pour ériger un monument à sa gloire, elle fut sur-le-champ remplie. Ce monument est élevé dans la grande salle des Pas-Perdus du Palais de Justice de Paris, et Louis XVIII en a composé lui-même l'inscription qu'on y lit: Strenuè semper fidelis, regi suo in solio veritatem, presidium in carcere, attulit. Et c'est là le meilleur éloge que puisse aujourd'hui rechercher la mémoire de Malesherbes, le seul d'ailleurs qui soit resté populaire. Parmi les biographies qui ont été faites de notre académicien, nous citerons particulièrement celle de M. Michaud jeune, dans la Biographieu niverselle, l'Essai de Boissy d'Anglas (3 vol., 1819-21), l'Éloge prononcé par M. Dupin à l'Académie française le 4 et à la cour de cassation le 8 novembre 1841, et enfin la Vie de notre académicien par son collègue Gaillard (1805, 1 vol.).

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VIII.

VILLAR.

1795.

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NOEL-GABRIEL-LOUIS VILLAR, né à Toulouse en 1748, mort à Paris en 1826. Après avoir fait ses études chez les pères de la Doctrine chrétienne, il entra dans leur congrégation, professa la rhétorique avec distinction dans sa ville natale, où l'Académie des jeux Floraux lui décerna un prix pour une ode sur le despotisme oriental. De là il passa à la chaire de rhétorique du collége de la Flèche, le plus magnifique des établissements possédés par les pères, et dont il devint recteur en 1786.

Il adopta les principes de la Révolution; mais sa timidité naturelle et son caractère bienveillant lui en sauvèrent les excès et les dangers à la fois. En 1791 il fut sacré évêque de la Mayenne, et ce département le députa, l'année suivante, à la Convention -nationale. Là, au milieu de toutes les violences et parmi de bien lâches audaces, il conserva le courage de sa modération; et, quand un peu de calme reparut, lui, qui n'avait rien détruit, il s'empressa de reconstruire. Sa sollicitude se porta principalement sur tout ce qui concernait les sciences, les arts, la littérature, l'instruction publique. Rappor teur du comité de salut public, il obtint la conservation provisoire du collège de France, l'organisa

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tion de la bibliothèque nationale, des pensions pour un grand nombre d'écrivains, d'artistes, de -savants, pour les veuves de quelques-uns d'entre eux, pour les descendants de quelques noms illustres, parmi lesquels se trouvaient deux petites nièces ede Fénelon; il arracha à la cupidité du fisc la dotation de l'Académie de Turin, qui l'en récompensa -en plaçant son portrait dans le lieu de ses séances. -Enfin, il mérita, jusqu'à un certain point, le titre de fondateur de l'Institut, qui voulut le compter parmi ses membres, dans la classe de la littérature et des beaux-arts; et, comme à cette époque et jusqu'à l'arrêté consulaire, les différentes classes de l'Institut nommaient des secrétaires temporaires, Villar le fut de la sienne en 1801 et 1802, et composa, à ce titre, six Notices des travaux de littérature et de beaux-arts de l'Institut national. pendant les an ix et x. Plus tard, le décret de février 1805 * le nomma commissaire du dictionnaire de la langue, avec Suard, Morellet, Arnault et Sicard pour collègues.

Villar avait trop bien mérité de l'instruction publique pour qu'on ne lni confiât point un poste important dans l'Université, lors de son organisation. Il fut donc nommé inspecteur général des études, en exerça les fonctions jusqu'en 1810 et en conserva le titre jusqu'à sa mort. L'amour du bien ne l'abandonna jamais et ses vertus lui concilièrent partout le respect et l'affection.

Villar était un des plus habiles humanistes de notre

temps et un helléniste profond. Sa connaissance étendue de notre langue et de ses étymologies lui donnait droit à la section de grammaire dans l'Institut; mais il a peu écrit et avec un succès médiocre. « C'est dans nos mémoires, a dit son successeur, qu'il a déposé les compositions littéraires qui nous restent de lui; elles consistent en rapports sur les ouvrages adressés à l'Institut, en pieux hommages rendus à la mémoire de quelques confrères dont il déplora la perte, enfin, dans la traduction, en vers, de deux morceaux célèbres, et assez étendus, de l'Iliade: les supplications de Priam, qui touchent et amollissent le coeur du fier Achille, et les regrets du héros après la mort de Patrocle. Dans ses rapports sur les ouvrages, Villar se borne à montrer de l'exactitude et de l'instruction; il ne cherche point à plaire, ce qui vaut mieux que de le chercher et de ne pas réussir. Ses discours funèbres ont aussi beaucoup de simplicité et peu d'éclat : mais il y a un vrai mérite dans les deux fragments en vers de l'Iliade, surtout dans le premier; on y distinguera particulièrement celui du naturel et de la facilité, qualités toujours précieuses, mais surtout dans la traduction du chef-d'œuvre de la poésie antique. Serait-il donc vrai que le sentiment profond et éclairé des beautés d'Homère est, s'il m'est permis de parler ainsi, comme une seconde et heureuse nature, qui peut assez enrichir la première pour donner du talent, ou plus de talent à ceux qui n'en auraient reçu qu'un médiocre en partage? « Villar

aimait l'Académie comme on aime sa famille, disait Auger. Il y était le plus exact, le plus assidu, et sa première absence, peut-être, eut pour cause la courte maladie qui devait nous priver à jamais de sa présence. >>

IX.

L'ABBÉ DE FELETZ.

1827.

CHARLES-MARIE DORIMOND DE FELETZ, membre de la Légion d'honneur, naquit à Gumont, le 3 janvier 1767, d'une des plus anciennes et des plus honorables maisons du Limousin. Cadet de famille, et comme tel, destiné à l'état ecclésiastique, il fit ses études en ce sens, les commença au collége de Brives, et vint les terminer à Paris, dans la docte maison de Sainte-Barbe. L'élève fut bientôt jugé digne de professer où il étudiait naguère, et l'exercice de l'enseignement acheva de le perfectionner dans cette double science de la philosophie et de la théologie, dont son intelligente mémoire s'était déjà profondément pénétrée. On était à la veille de 89. Cette belle et noble société que la tourmente révolutionnaire allait disperser pour un long temps redoublait alors d'esprit et de grâce. « Paris dansait sur un volcan »>, et quoique l'irruption prochaine s'annonçât par des signes certains, il semblait qu'on

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