Page images
PDF
EPUB

1

finirent cependant par rapporter au roi les gentillesses du président, en les peignant des couleurs qu'elles méritaient; et il aurait été chassé, sans la protection de son parent le duc de Gesvres, gouverneur de Paris, qui pria le roi de permettre que Novion pût donner sa démission. >>

Veut-on un modèle de ridicule, voici le discours de réception de ce Monsieur le Premier: « Messieurs, je dois à vos illustres fondateurs les premiers succès de ma vie. Ils me facilitèrent les moyens d'entrer dans les places que mes aïeux avaient autrefois occupées. Si vous me communiquez vos lumières, je saurai les faire valoir. Les Athéniens avaient bâti leur lycée à côté de l'aréopage; la langue d'Ulysse ne contribua pas moins à la prise de Troie que les armes d'Achille. Je viens prendre aujourd'hui ma place parmi vous: quand Hercule veut être citoyen de Corinthe, personne n'en doit refuser l'avantage. >>

[ocr errors]
[ocr errors]

«On ne sait, ajoute d'Alembert après avoir rapporté ce discours, qui, pour l'honneur de son auteur, ne fut point imprimé parmi les autres discours de réception, on ne sait qui est l'Hercule dont le nouvel académicien voulait parler. Si c'était lui-même, comme on est tenté de le croire, le discours qu'on vient de lire n'est pas un des plus dignes travaux du nouvel Alcide. » Il faut convenir que l'Académie n'a pas toujours été récompensée de s'être montrée si facilement accessible aux grands seigneurs.

C'est sans doute à ces divers faits peu louables qu'il faut attribuer le silence gardé sur cet académicien par l'abbé d'Olivet dans son Histoire, silence assez mal déguisé sous cette excuse inadmis. sible : « J'ai demandé, dit l'abbé, j'ai longtemps attendu des mémoires sur la vie de cet illustre magistrat ; et me voilà enfin obligé de publier mon ouvrage sans avoir pu l'embellir d'un article qui devait en faire un des principaux ornements. >> C'est là tout l'éloge qu'il lui a consacré, et ne seraitce pas trop peut-être ?

[ocr errors]

IV.

GOIBAUD DUBOIS.

1693.

PHILIPPE GOIBAUD DUBOIS, né à Poitiers en 1626, mort à Paris en 1694. Arrivé à Paris sans savoir autre chose que jouer du violon, il se fit maître de danse. C'est en cette qualité qu'il entra chez Louis Joseph de Guise, encore enfant. Le jeune prince conçut un si vif attachement pour lui, qu'il ne voulut point d'autre gouverneur. Agé de trente ans déjà, le maître de danse se mit donc résolûment aux éléments de la langue latine, sous la direction des savants hommes de Port-Royal. En de si dignes mains, il devint bientôt lui-même fort lettré. «Il prit même assez leur manière d'é

crire ce style grave, soutenu, périodique, mais un peu lent et trop uniforme », dit d'Olivet.

1

[ocr errors]

A peine eut-il terminé avec beaucoup d'honneur l'éducation du duc de Guise, il eut la douleur de le voir mourir à la fleur de l'âge. Alors, maître absolu d'un grand loisir, il se consacra tout entier à transporter dans notre langue les ouvrages de S. Augustin et de Cicéron, qu'il jugea les plus utiles. Il traduisit une partie considérable des œuvres du premier, les Lettres et les Confessions notamment; et, du second, les traités des Offices, de la Vieillesse, de l'Amitié. On lui reproche, avec raison d'avoir trop jeté dans le même moule ces deux écrivains si divers, et de leur avoir trop prêté à l'un et à l'autre son style personnel. L'abbé d'Olivet rapporte, à ce sujet, une anecdote assez plaisante: « Une dame de goût me demanda, dit-il, comment il se pouvait faire que S. Augustin et Cicéron, deux auteurs qui ont écrit sur des matières si différentes, et qui ont vécu en des temps si éloignés l'un de l'autre, eussent un style tout à fait semblable. Je lui deman. dai à mon tour où elle avait donc trouvé cette préten. due conformité. Est-ce, ajoutai-je, dans le choix ou dans l'arrangement des mots? Est-ce dans le tour des pensées ? C'est, me dit-elle, dans M. Dubois. J'y trouve que S. Augustin et Cicéron étaient deux grands faiseurs de phrases qui disaient tout sur le même ton. >>

--

Dubois n'occupa le fauteuil que quelques mois.

A en juger par l'unanimité des suffrages qui se porta sur lui à son élection, et par les éloges qui lui furent prodigués à sa réception et à celle de son successeur, ses contemporains avaient plus que de l'estime pour ses talents et ses vertus.

CHARLES BOILEAU..

1694.

CHARLES BOILEAU, né à Beauvais, mort à Paris en 1704, ne tenait en aucune sorte à la famille du grand poëte. Il obtint, par ses prédications, une réputation assez grande pour que la cour désirât l'entendre; Louis XIV le goûta et le récompensa par le don de l'abbaye de Beaulieu. Deux volumes de ses sermons parurent après sa mort, en 1712. Il a même eu, comme Massillon et Bourdaloue, l'honneur d'avoir ses Pensées recueillies en un volume à part. On trouve dans ses sermons sinon de l'éloquence, au moins de l'esprit, et Bourdaloue disait de lui « qu'il en avait deux fois plus qu'il n'en fallait pour bien prêcher »>!>

Quand l'abbé de Beaulieu mourut, quelque temps après Bossuet, il était directeur de l'Académie, et l'abbé Régnier dit, à la réception de son successeur : "A peine avions nous achevé de rendre les derniers devoirs de la piété chrétienne au grand prélat dont

la mémoire nous sera toujours précieuse, qu'un second malheur, un malheur inconnu à l'Académie depuis sa naissance, nous enleva tout d'un coup celui qui était à notre tête. Jusqu'alors il ne nous était point encore arrivé de perdre aucun de ceux qui y sont unis de temps en temps par le sort, au choix duquel nous avons accoutumé de nous en rapporter, et du moins, durant leur magistrature, la mort les avait toujours ou respectés ou épargnés, comme si c'eût été un temps où elle n'eût aucun droit sur eux. Celui qu'elle nous a enlevé de la sorte était un homme célèbre par l'éloquence de la chaire, propre à se concilier l'estime et la bienveillance de tout le monde par le caractère de son esprit et de ses moeurs, et cher à l'Académie par

qu'il avait pour elle. »

l'attachement

[ocr errors][merged small][merged small][merged small][ocr errors]

GASPARD ABEILLE, né vers l'an 1648 à Riez, en Provence, mort à Paris en 1718. Venu jeune à Paris, il s'y fit avantageusement connaître, et son esprit fut goûté du maréchal de Luxembourg, qui se l'attacha comme secrétaire. Il fut aussi recherché du duc de Vendôme, estimé du prince de Conti. Sa gaieté naturelle, ses plaisanteries piquantes char

« PreviousContinue »