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LE FAUTEUIL DE CHATEAUBRIAND.

I.

D'ARBAUD.

1634.

FRANÇOIS D'ARBAUD, sieur DE PORCHÈRES, né à Saint-Maximin en Provence, vers 1580, mort en Bourgogne en 1640). Dans sa jeunesse il vint à Paris, où il reçut des leçons de poésie de Malherbe, qui l'aima toujours et lui légua en mourant la moitié de sa bibliothèque. D'Arband était un grand admirateur de ce poëte, qu'il cherchait volontiers à imiter, en quoi il réussissait passablement, témoin une ode assez belle qu'il composa à la louange du cardinal de Richelieu, pour le remercier de lui avoir donné place parmi les premiers académiciens.

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On ne connaît de lui qu'un volume: Paraphrase des psaumes graduels (1633), suivie de quelques poésies sur divers sujets. Il a encore quelques petits poëmes disséminés dans les recueils de son époque,

entre autres, dans celui de 1607 qui a pour titre : Le Parnasse des plus excellents poètes de ce temps; un sonnet sur les yeux de la belle Gabrielle d'Estrées, qui lui valut, dit-on, une pension de quatorze cents livres. Cette pension, s'il l'eut, ne lui demeura pas toute sa vie : car, dans la préface de ses Psaumes, il se plaint lui-même de la rigueur de sa fortune. Ce qu'il y a de certain, c'est que Boisrobert, « à qui, dit Pellisson, tout le monde rend aujourd'hui ce témoignage que jamais homme qui fut en faveur n'eut l'humeur si bienfaisante lui fit accorder par le cardinal de Richelieu une pension de six cents li

vres.

D'Arbaud avait pris pour sujet de son discours, le vingtième et dernier prononcé dans la Compagnie, l'Amour des sciences.

II.

PATRU.

1640.

OLIVIER PATRU, né à Paris en 1604, mort en 1681. Enfant rempli d'esprit et de beauté, il était l'idole de sa mère, une riche procureuse, qui, lui voyant de l'aversion pour les livres d'études et de la passion pour les romans, jetait les premiers au feu et lui prodiguait les seconds; et puis, une fois la semaine, elle réunissait ses amies, et là, devant elles,

demandait à son fils compte de ses lectures. Celuici les racontait à merveille, et charmait son auditoire, qui grossit à tel point qu'il fallut rompre avec ces sortes d'assemblées.

Grâce au bon naturel de Patru, cette éducation singulière n'eut pas les résultats fâcheux qu'elle pouvait faire craindre. Au contraire, il fut l'un des esprits les plus justes et les plus solides de son temps. Il se fit avocat et devint l'un des coryphées du barreau d'alors. Moins orateur peut-être, mais aussi moins déclamateur que Lemaître, son rival, il fut le premier qui parvint un peu à purger l'éloquence judiciaire de ces divagations érudites, de ces prétentions au savoir, de ce mauvais goût qui l'infectèrent si longtemps. Il se forma sur Cicéron, qu'il étudiait avec amour; et pour se rendre ce modèle plus familier, il traduisit à deux reprises l'une de ses plus belles oraisons: Pro Archiá.

de

Les OEuvres de Patru, plaidoyers et écrits littéraires, ont été plusieurs fois réimprimées. L'opinion de ses contemporains le plaçait à la tête des gens goût; tous se faisaient un devoir de le consulter, et regardaient ses arrêts comme des oracles émanés d'un autre Quintilien. Bouhours l'appelait « l'homme du royaume qui savait le mieux notre langue »; Vaugelas voyait en lui l'écrivain le mieux fait pour tracer les lois de la rhétorique, et Boileau le louait de bien écrire. Sa diction, en général, est effectivement assez pure et saine : il s'évertuait beaucoup à la correction du langage, et il est un de nos premiers

grammairiens qui aient contribué à l'épurer. Peu travailleur de sa nature, et minutieux à l'excès dans le soin qu'il apportait à polir ses écrits, il ne produisit pas autant qu'il promettait et qu'on attendait de lui. L'embarras de ses affaires et sa mauvaise fortune arrêtèrent aussi l'essor de sa plume, et l'on sait qu'il fut forcé de se défaire de sa bibliothèque, à laquelle il tenait beaucoup; heureusement l'acheteur fut cet excellent Boileau qui la lui paya et lui en laissa la jouissance viagère. La pauvreté ne put altérer la gaieté de son humeur ni troubler la sérénité de son visage, et il lui arriva plus d'une fois de soulager plus pauvre que lui.

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Une épître dédicatoire qu'il écrivit pour une édition du Nouveau Monde de Laët, le fit connaître de Richelieu. Le cardinal, quand les Elzévir lui présentèrent ce livre, lut et relut cette épître, la trouva d'un style merveilleux, et se promit bien de faire de l'auteur un académicien. Patru cependant arriva à l'Académie sans l'intervention de Son Eminence. Il eùt pour concurrent l'abbé d'Aubignac, comme on le voit par une lettre de Chapelain à Balzac : « L'abbé d'Aubignac, pensant avoir un pied dans l'Académie, repulsam passus est, à cause d'un libelle qu'il avait fait contre la Roxane de M. Desmarets; on lui a préféré M. Patru, cet excellent avocat notre ami. Patru fut le premier membre élu depuis que l'Académie avait complété son nombre de quarante. Il lut, à sa réception, un remercîment dont on demeura si satisfait, qu'on fit une obligation à tout

nouvel élu de prononcer un discours de même genre; et ce fut là l'origine des discours de réception. Ses talents et son caractère lui acquirent une grande influence dans la Compagnie. Un jour d'élection, on allait ballotter pour un candidat de haute volée, mais complétement illettré; il ouvrit la séance par l'apologue suivant : « Messieurs, un ancien Grec avait une lyre admirable; il s'y rompit une corde : au lieu d'en mettre une de boyau, il en voulut une d'argent. Et la lyre, avec sa corde d'argent, perdit son harmonie. » Le grand seigneur, cette corde d'argent, fut repoussé.

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NICOLAS POTIER DE NOVION, né en 1618 d'une famille également considérable dans la robe et dans l'épée, mort en 1693. Il avait un discernement exact, de grandes lumières et une éloquence vive et précise. Après avoir été conseiller au parlement en 1637, président en 1645, il fut appelé à la première présidence en 1678. Il abusa bientôt de l'autorité qu'il avait sur cette compagnie. « On s'aperçut, dit Saint-Simon, que Novion falsifiait les arrêts à la signature, longtemps avant qu'on osât s'en plaindre. Les principaux du parlement

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