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CLAUDE DE L'ETOILE, né à Paris vers 1597, était le troisième fils de ce Pierre de L'Etoile à qui nous devons le Journal de Henri III. La fortune qu'il hérita de son père lui permit de se consacrer exclusivement aux lettres; il y devint fort célèbre, au dire de ses contemporains. Ils lui reconnaissaient cependant plus de génie naturel que de savoir et d'étude. Il excellait à tourner les vers et mettait beaucoup de temps à les polir, ce qui, joint à la fougue de ses passions et à la faiblesse de sa santé, explique le peu d'ouvrages sortis de sa plume. Il n'a laissé qu'un petit nombre de poésies diverses, insérées dans les recueils de son temps, odes et stances trouvées fort belles par la cour et la ville: la Belle Esclave, tragi-comédie (1643), et l'Intrigue des fi

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lous, comédie (1648). Le cardinal de Richelieu prisait beaucoup son mérite et le faisait coopérer aux pièces dites des cinq auteurs. L'Etoile ne composait qu'à la lumière, même en plein jour, et, quand il avait donné à ses poésies leur dernier poli, il les lisait à sa servante, comme avait fait, dit-on, Malherbe, et comme on a dit que Molière fit depuis. Les vers, selon lui, n'avaient leur entière perfection si la plus grande partie de leurs beautés n'étaient saisissables même pour les natures les plus vulgaires. Il acheva, par un mariage d'inclination, le dérangement de sa fortune qu'avait déjà fort endommagée sa négligence; mais, trop fier pour se plaindre et se rendre importun, il se retira avec sa famille dans un petit domaine qui lui restait, où il mourut en 1652.

A la mort du cardinal, L'Etoile était directeur de l'Académie; en cette qualité il porta la parole en tête de la députation chargée d'aller supplier le chancelier Séguier d'accepter le protectorat: son allocution obtint l'assentiment général. Il avait été précédemment chargé de rapporter ses observations personnelles sur le style du Cid, et avait prononcé un discours, le dixième entendu pasila Compagnie, sur l'Excellence de la poésie et la rareté des parfaits poëtes ; il s'y était escrimé avec esprit contre la servitude de la rime, à laquelle il gardait rancune des mille tribulations essuyées à sa recherche.

II.

LE DUC DE COISLIN.

1652.

ARMAND DE CAMBOUST, duc DE COISLIN, pair de France, chevalier des ordres du roi et lieutenant général de ses armées, né à Paris le 1er septembre 1635, mort le 16 septembre 1702. Il naquit l'année même où l'Académie fut fondée; par conséquent, il n'avait pas encore dix-sept ans quand il y entra. Voici les circonstances de son admission, racontées par Pellisson: « Comme j'écrivais cette relation, M. de L'Etoile étant venu à mourir, M. le chancelier fit demander la place vacante pour M. le marquis de Coislin, son petit-fils, ne croyant pas pouvoir mieux cultiver l'inclination et les lumières que ce jeune seigneur témoigne pour toutes les belles connaissances. Il fit dire pourtant à la Compagnie, avec beaucoup de civilité, qu'il demandait cela comme une grâce; qu'il n'entendait point aussi que cette réception tirât à conséquence, ni qu'elle fût faite d'autre sorte que les précédentes. Et, en effet, la Compagnie ayant agréablement reçu la proposition, l'élection fut faite huit jours après par billets, qui se trouvèrent tous favorables, et il fut ordonné que l'Académie irait en corps remercier M. le chancelier

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de l'honneur qu'il lui avait fait, ce qui fut exécuté sur l'heure et reçu par lui avec une civilité extrême. »

Voici maintenant les quelques mots consacrés par d'Alembert à cet académicien et à sa postérité académique : « Le marquis de Coislin (car il ne fut duc et pair de France que depuis son entrée dans la Compagnie) avait pour aïeul maternel le chancelier Séguier. Ce magistrat, dont la mémoire est si chère aux lettres, devenu protecteur de l'Académie après la mort du cardinal de Richelieu, voulut que son petit-fils, qui était aussi petit-neveu du cardinal, fût membre de la société littéraire qui devait tant à ces deux ministres. Le nouvel académicien était digne de cette place par son amour pour les lettres et par la considération qu'il témoignait à ceux qui les cultivaient, Il se dérobait avec joie à ses autres opérations pour pouvoir se trouver avec eux. «Je n'oublie rai rien, dit-il dans son discours de réception, pour faire en sorte qu'au défaut de mes paroles, mes actions soient pour vous autant de remercîments, et je suivrai l'exemple de ceux qui, par une juste reconnaissance, couronnaient les fontaines dans lesquelles ils avaient puisé. » Il a transmis ses sentiments à son illustre maison, comme une partie précieuse de son héritage. Aussi a-t-il été remplacé successivement dans l'Académie par deux de ses enfants :

III

LE DUC DE COISLIN

1702

PIERRE DE CAMBOUST, duc DE COISLIN, pair de France, né en 1664, mort le 7 mai 1710, et

IV

LE DUC DE COISLIN

1710

HENRI-CHARLES DE CAMBOUST, duc DE COISLIN, pair de France, évêque de Metz, commandeur de l'ordre du Saint-Esprit, premier aumônier du roi, né à Paris le 15 septembre 1665, mort en 1733, qui l'un et l'autre, poursuit d'Alembert, se sont montrés dignes de succéder, parmi nous, à leur respectable père. La Compagnie est trop éclairée sur ses véritables intérêts pour ne pas sentir combien il serait dangereux que les places qu'elle accorde devînssent une espèce de survivance ou d'héritage; elle a cru néanmoins pouvoir, sans conséquence, déroger en quelques occasions à une si sage maxime, et l'exception qu'elle a faite pour MM. de Coislin doit être regardée par eux comme un titre de noblesse académique. Mais, en général, les sociétés littéraires, qui ne doivent ouvrir leurs portes qu'aux talents, et aux talents les plus dignes, ne sauraient être trop

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