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LE FAUTEUIL DE RACINE.

I.

MEZIRIAC.

1634.

CLAUDE-GASPAR BACHET DE MÉZIRIAC, né à Bourg en Bresse en 1581, mort en 1638. Issu d'une famille noble et riche, il ne s'inquiéta nullement d'agrandir sa fortune; mais il ne négligea rien pour acquérir des connaissances en tout genre, et de bonne heure il fut compté parmi les hommes les plus savants, parmi les esprits les plus étendus et les plus agréables de son temps. Il avait commencé par être jésuite, et avait professé à Milan dans un collége de la compagnie; puis bientôt, rentrant dans le monde, il était revenu à Paris. Là il fut question de le donner pour précepteur à Louis XIII. La perspective de cet honneur, qui l'effrayait, lui fit abandonner la cour en toute hâte : « Il lui semblait, disait-il plus tard, qu'il avait déjà sur les épaules le pesant fardeau de tout un royaume.>>

11 retourna pour toujours dans sa province, où il épousa une femme pauvre, mais belle et noble, qui ne lui donna jamais lieu de se repentir de l'avoir choisie.

Il a laissé un nombre assez considérable d'ouvrages, tant imprimés que manuscrits. Ce sont tantôt des poèmes italiens, latins, des poésies françaises, car il pouvait écrire dans une foule de langues et connaissait à fond l'hébreu, le grec, le latin, l'italien et l'espagnol; tantôt des traductions; tantôt des dissertations historiques; quelques fois aussi des livres de mathématique ainsi, l'Arithmérique de Diophante traduite du grec en latin, et accompagnée d'observations qui montrent un esprit profondément versé dans la matière. Ce livre curieux, que Fermat commenta plus tard, le premier où il ait été question d'algèbre, aurait bien mérité que Méziriac le mît en français; mais de son temps et du temps même de Fermat, le français n'était pas encore la langue des sciences, auxquelles pourtant il convient si bien par sa clarté. Ainsi, les Problèmes plaisants et délectables qui se font par les nombres, livre ingénieux d'où l'on a tiré une partie des Récréations mathématiques. L'ouvrage qui lui fit le plus d'honneur fut sa traduction en vers français de quelques épîtres d'Ovide, ou plutôt, disons mieux, les commentaires fort curieux qui enrichissent cette traduction. Méziriac avait toujours étudié de prédilection l'histoire mytho logique, « en laquelle, dit Pellisson, il passait parmi les doctes pour le premier homme de son siècle. »

Aussi ses commentaires offrent-ils, de l'aveu de tous les critiques, l'érudition la plus variée, la plus intéressante, source féconde où la plupart des écrivains qui ont traité de la mythologie ne se sont point fait faute de puiser. Sa Vie d'Esope est encore d'une

lecture assez attachante.

Ce fut à sa réputation seule que Méziriac, fixé dans ses terres, dut l'honneur d'être compris parmi les premiers membres de l'Académie naissante. Son discours, le dix-septième prononcé au sein de la compagnie, fut lu par Vaugelas. Il roulait sur la traduction. L'auteur y louait sans restriction l'esprit et le style du Plutarque d'Amyot, mais il prétendait avoir découvert dans l'ouvrage du naïf traducteur jusqu'à deux mille fautes de divers genres, quelques-unes fort grossières, et il en citait plusieurs exemples. Il annonçait, dans ce même discours, son projet d'entreprendre à son tour la traduction de l'illustre biographe; et en effet il avait à peu près achevé ce travail quand il mourut. C'était là son œuvre capitale; mais elle est restée manuscrite. « Il était bien fait et de belle taille, avait le visage agréable et la conversation fort douce, >> suivant le premier historien de l'Aca

démie.

II.

LA MOTHE-LE-VAYER.

1639.

FRANÇOIS DE LA MOTHE-LE-VAYER, historiographe de France et conseiller d'état ordinaire, né à Paris en 1588. Il avait hérité de son père la charge de substitut du procureur-général au Parlernent, et il l'exerça longtemps; il ne s'en défit que pour avoir plus de loisirs à donner aux lettres. Il avait embrassé, dans ses fortes études, le droit, la morale, et surtout l'histoire. La spirituelle Mademoiselle de Gournay, la fille adoptive de Montaigne, lui avait légué sa bibliothèque, faisant ainsi pour lui ce que devait faire plus tard pour Voltaire la belle Ninon de Lenclos. Il touchait à la cinquantaine quand il publia son premier écrit, ce qui ne l'empêcha pas d'en produire environ quarante, formant quatorze volumes in-8°. Lorsque les portes de l'Académie s'ouvrirent pour lui, il n'avait encore fait paraître que quatre de ses ouvrages c'étaient un Discours sur la contrariété d'humeurs qui se trouve entre certaines nations et singulièrement entre la française et l'espagnole (1636); un Petit discours chrétien de l'immortalité de l'ame (1637); des Considérations sur l'éloquence française dece temps (1638); et un Discours de l'histoire (1638); mais déjà il était lié avec la plupart des savants de l'époque, et avait la réputation d'être le Plutarque de la France, au rapport de Naudé. Dans

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la séance où on l'adopta pour remplacer le quatrième membre déjà enlevé par la mort, on proposa, pour compléter le nombre de quarante non encore atteint, le conseiller d'état Daniel de Priézac, qui fut reçu huit jours après.

Son cinquième écrit (1640) traitait De l'insctruction de M. le dauphin. Le cardinal de Richelieu se montra fort satisfait de cet ouvrage, et, comme d'ailleurs il honorait l'auteur d'une estime particulière, il le désigna, en mourant, pour précepteur à donner à l'enfant qui allait être Louis XIV; mais Anne d'Autriche, prétextant que La Mothe était marié, refusa son consentement. Plus tard néanmoins, en 1649, on lui confia la direction des études du jeune duc d'Orléans, frère du roi, et l'élève fit des progrès tellement remarquables que, trois ans après, l'habile maître se vit enfin chargé de terminer l'éducation du couverain, à laquelle il demeura attaché jusqu'en 1660, année du mariage de Louis XIV avec l'infante d'Espagne, Marie-Thérèse d'Autriche. La Géographie, la Rhétorique, la Morale, l'Economique, la Politique, la Logique, la Physique du prince, traités successivement publiés de 1651 à 1656, répondirent aux besoins de ces deux éducations royales.

Voici quelques autres principaux ouvrages de La Mothe: De la vertu des païens (1642). Ce livre ne se vendait pas et le libraire s'en plaignait à l'auteur :

Ne vous inquiétez pas, répondit celui-ci, j'ai assez de crédit à la Cour pour en faire défendre la lecture. » Le livre en effet fut défendu, et dès lors eut

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