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Barante recevant M. Patin : « heureuse l'Académie, lui disait-il, quand, de loin en loin, elle peut maintenir son illustration par des choix éclatants dont le reflet conserve à nos élections la valeur d'une honorable récompense littéraire ! A qui pourrait-elle être mieux due qu'à l'écrivain modeste dont la vie entière fut consacrée au culte assidu des lettres, qui en a expliqué les beautés, quien a répandu le goût parmi la jeunesse, qui, par le bienfait de son enseignement, a maintenu les traditions dont les siècles et les peuples se sont transmis l'héritage, ces traditions du beau, du vrai, du simple, ces traditions où se concilient l'imagination et la raison. Une telle recommandation devait être d'autant mieux écoutée par l'Académie que vous n'en avez jamais cherché aucune autre. Vous vous êtes renfermé et comme enveloppé dans un amour complètement désintéressé pour les lettres et pour l'enseignement. Vos désirs, vos regards même n'ont point semblé se porter au-delà de l'horizon où vous aviez placé les limites de votre vocation. Les opinions et les intérêts politiques qui se mêlent à tout, qui envahissent tous les succès, qui s'emparent de toutes les capacités, sont restés ignorés de vous. Vous n'avez appartenu à aucune de ces coteries si secourables aux renommées qu'elles adoptent. Vous n'avez pas été non plus un homme du monde; l'étude et le devoir vous ont composé une solitude honorable et douce; mais les amis des lettres, mais l'Académie française ne pouvait vous oublier. >>

Peu de changements sont survenus dans la carrière de M. Patin depuis l'époque où nous écrivions les lignes précédentes (1846). Pendant que les événements se succédaient, enlaidissant l'histoire de notre pays, l'excellent professeur, enveloppé, comme le lui disait M. de Barante, dans son amour exclusif pour les lettres, oubliait au milieu de ses nombreux élèves et savait leur faire oublier, pour les Romains et les Grecs, les petits tribuns et les petits philosophes de nos carrefours. Mais ceuxci étaient loin d'imiter pour lui sa conduite à leur égard. L'année 1848, qui fut témoin de tant de folies, vit ravir à M. Patin le titre de bibliothécaire du roi qu'il possédait au château de Versailles. Eloigné des palais de la royauté qui tombait, il se rejeta dans l'Académie, ce palais de la littérature; et tandis que la République répandait ses productions indigestes et mal écrites, il y défendait les lettres.

Nous avons dit le rôle que M. Patin remplit à l'Académie depuis la mort de Nodier; et l'on sait, du reste, quel soin, quelle sagacité et quel goût il est capable d'apporter dans le travail qui lui a été confié. Il appartient, en outre, depuis quelques années à la rédaction du Journal des savants, un des rares recueils où le fond ne le cède jamais à la pureté de la forme : il y offre au public de nouveaux Mélanges, en attendant qu'il puisse mettre au jour les ouvrages que laissent espérer ses profondes

études et son laborieux talent.

III.

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XVII.

LE FAUTEUIL DE RACINE.

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