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démie nous l'avons vu an dixième fauteuil. « Il n'était encore que président à mortier lorsqu'il fut reçu parmi nous, dit d'Alembert. Cet honneur fut comme le gage d'une place beaucoup plus importante et plus relevée, que le feu roi lui accorda deux ans après. Il fut mis, au commencement de 1712, à la tête du parlement de Paris, qui, dans ces temps difficiles et cruels pour la nation souffrante, avait besoin d'un chef respecté, sage et vertueux. Le président de Mesmes remplit avec honneur les espérances que le monarque et ses sujets avaient conçues de lui. Prudence, intégrité, application aux affaires, dignité dans toutes ses fonctions, et, ce qui nous intéresse particulièrement, talent distingué de la parole telles furent les qualités par lesquelles il sut justifier également et le choix du prince et le suffrage de l'Académie. Nous pouvons ajouter à ce suffrage celui d'un simple particulier, homme de lettres, mais d'un homme dont la voix mériterait d'être comptée quand elle serait seule, du sévère Boileau, qui n'était pas toujours de l'avis de sa Compagnie dans les choix qu'elle jugeait à propos de faire. « Je viens à vous, monsieur, dit-il à M. de Mesmes le jour de sa réception, afin que vous me félicitiez d'avoir pour confrère un homme comme vous. » La liberté avec laquelle le satirique s'était expliqué sur l'élection de quelques autres académiciens accrédités à la cour et illustres par leur naissance ne permettait guère de soupçonner que la dignité de M. le président de Mesmes entrât rien dans cet éloge.

pour

<< Pendant les orages de la régence, M. de Mesmes sut également mériter et la confiance publique, et l'estime du prince qui gouvernait, et celle de sa Compagnie. Chargé souvent, dans ces conjonctures critiques, de faire au gouvernement des remontrances qui déplaisaient, il n'oublia jamais ce qu'il devait au souverain, au peuple et à sa place; il sut même quelquefois, par une plaisanterie noble et fière, rappeler au prince et aux ministres les égards dus à l'auguste corps qui lui confiait ses intérêts. Dans une occasion où le régent, fatigué de représentations, laissa échapper contre les magistrats, en les renvoyant, une expression trop militaire, M. de Mesmes répondit, avec une tranquillité qui déconcerta le prince: « Monseigneur, Votre Altesse or» donne-t-elle que sa réponse soit enregistrée? Dans une autre circonstance, il avait repoussé plus heureusement encore la morgue risible du chancelier Voisin, qui, harangué par le parlement, l'assurait de sa protection: « Messieurs, dit le pre>> mier président en se tournant vers la Compagnie, » remercions M. le chancelier; il nous accorde plus que nous ne lui demandons. »

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On fit sur les billets d'enterrement du président de Mesmes une omission pareille à celle dont nous avons parlé à l'article de d'Estrées, on y oublia son titre d'académicien. Sa famille ne montra pas moins d'empressement à réparer cette faute que n'en avait montré celle du duc. Le bailli de Mesmes, frère du président, écrivit à l'Académie pour la prier de rece

voir ses excuses et ses regrets; il l'assura que << M. son frère avait toujours tenu à grand honneur le titre d'académicien, et que tous ceux qui portaient son nom partageaient sa reconnaissance et son dévouement pour une Compagnie si auguste et si célèbre ». Ce furent les termes de la lettre.

V.

ALARY.

1723.

PIERRE-JOSEPH ALARY, prieur de Gournay-surMarne, né à Paris en 1689, mort en 1770. Il avait eu pour professeur l'abbé de Longuerue, homme d'une érudition prodigieuse et presque effrayante, qui avait tout lu, et à qui sa mémoire immense avait tout fait retenir. Cet abbé, aussi singulier par le caractère qu'étonnant de savoir, n'avait presque rien produit, préférant l'étude à la gloire, et le plaisir de s'instruire à celui de montrer combien il était instruit. L'abbé Alary marcha de tout point sur les traces de ce maître. Il l'égala presque dans son savoir, et le surpassa dans son dédain pour la gloire; il ne publia rien. Il offre une exception unique dans l'histoire de l'Académie : ni grand seigneur par la naissance, ni élevé dans l'Eglise par les dignités, ni homme de lettres par les écrits, comment mérita-t-il d'être reçu? comment surtout est-on bien aise de le voir assis au fauteuil ? Pour le savoir, écoutons son successeur : « Ce savant

modeste, dit Gaillard, rechercha l'obscurité comme on cherche la gloire. Dès l'enfance, il étonnait les savants par ses dispositions pour les langues et par ses connaissances précoces. Mais, content de s'instruire, il négligea d'instruire les autres par des écrits; car peu d'hommes ont plus instruit que lui par la conversation, talent rare qui suppose celui de plaire et d'attacher. Il racontait beaucoup, et l'on écoutait toujours; c'est qu'il avait vu en philosophe, et qu'il parlait en homme du monde: c'était le goût qui mettait en œuvre les trésors de l'étude et de l'expérience. Il composa plusieurs ouvrages; mais à peine les a-t-il communiqués à un petit nombre d'amis. Son éloquence naturelle et sa discrétion le firent initier aux mystères les plus importants de la politique. La douceur et la sûreté de son commerce le rendirent agréable aux grands et précieux à la société.

« Qui pourra se flatter d'échapper à la calomnie! elle n'a point épargné cet homme indulgent et sage, dont jamais personne n'eut à se plaindre. On voulut le perdre à la cour avant même qu'il y fût connu, et ce fut la source de sa fortune. On l'accusa d'avoir eu part à une intrigue qui éclata en 1718. Le régent mit l'abbé Alary à portée de se défendre; et, quand il l'eut entendu : « Vos accusateurs, lui dit-il, nous >> auront servis l'un et l'autre, en me procurant » l'honneur de vous connaître. » Il le chargea d'enseigner au jeune prince la science des rois, l'histoire. L'abbé Alary eut aussi quelques temps le même em

ploi auprès de feu M. le dauphin. Rendu à lui-même, son prieuré de Gournay fut pour lui ce que l'abbaye d'Aulnay avait été pour le savant Huet, Là, il vivait heureux avec ses amis et ses livres, également choisis, ne désirant rien, ne regrettant rien, jugeant tout avec indulgence et ne s'exposant point à être jugé; mais ayant prouvé plus d'une fois, Messieurs, dans vos séances, qu'au-dessous de ces hommes rares qui se recommandent à la postérité par des chefs-d'oeuvre, il est un ordre d'hommes que le goût et les lumières peuvent rendre utiles au génie même. »

VI.

GAILLARD.

1771.

GABRIEL-HENRI GAILLARD, né en 1726 à Ostel, village de l'ancien diocèse de Soissons, a été aussi membre de l'Académie des inscriptions et belleslettres. A dix-neuf ans il publia son premier livre, la Rhétorique française à l'usage des demoiselles, et prit, a-t-il dit lui-même, possession de l'état d'homme de lettres. C'est de tous ses ouvrages celui dont le débit a été le plus fort (ce sont ses termes), et dont il s'est fait le plus d'éditions, comme il l'a remarqué, faisant d'ailleurs honneur de ce succès à des considérations particulières; ་ car ce n'était, dit-il, et ce ne pouvait être que l'ouvrage d'un écolier ». Voici sans doute ce que Gaillard appelait

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