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tériser avec un tact particulier l'esprit ou la manière des personnages célèbres dont il traitait, et c'est là ce qui donne tant d'agrément et de piquant à ses notices sur Robertson, Vauvenargues, Larochefoucauld, Mme de Sévigné, Le Tasse, Douais, Pigalle, Clément IV. Sa notice sur Labruyère, son Cid à lui, comme disait Chénier, offre un fini d'analyse et une délicatesse de formes d'une fusion exquise.

Suard avait été élu membre de l'Académie dès l'année 1772, à la place laissée vacante par la mort de Duclos; mais, quoiqu'il n'eût jamais écrit une ligne pour l'Encyclopédie, on le dépeignit comme un encyclopédiste à Louis XV, qui refusa son assentiment à l'élection, et le fauteuil de Duclos échut à Beauzée (et non pas à Buffon, comme une erreur typographique, passée inaperçue, nous l'a fait dire à la page 393 de notre précédent volume). It prit éloquemment la défense de la compagnie contre les attaques de Chamfort. Si pergama dextra!... A la fondation de l'institut, il ne fit point partie de la classe de littérature et beaux-arts, et ne fut réintégré que par l'arrêté consulaire de 1803, qui, en même temps, le nommait secrétaire perpétuel de sa classe. L'autorité de son âge, et de son nom mêlé à tout ce que le dix-huitième siècle avait eu de noms illustres, sa longue expérience de l'Académie le rendaient très propre à cette fonction, pour laquelle autrefois, à la mort de d'Alembert, il avait balancé les suffrages avec Marmontel. Impartial dans ses rapports sur les concours annuels, « il fit servir ses jugements

au progrès de la langue et du goût, disait le duc de Lévis; le talent était sûr de trouver en lui un utile appui, et plusieurs des écrivains qui honorent aujourd'hui la littérature lui doivent une partie de leurs succès. Il est cependant un reproche dont on aurait de la peine à laver sa mémoire s'il ne provoqua pas l'exclusion de ceux de ses confrères auxquels l'ordonnance royale de 1816 nomma des successeurs, toujours est-il qu'il l'accepta sans combattre, et ce n'était pas là le rôle que devait jouer un secrétaire perpétuel de l'Académie française.

VI.

:

ROGER.

1817.

FRANÇOIS ROGER, né à Langres le 17 avril 1776, mort le 1er mars 1842, fit ses humanités dans sa ville natale et vint faire sa rhétorique à Paris, où il séjourna jusqu'au 10 août. A peine de retour dans sa famille, il composa des chansons dans lesquelles il attaquait les opinions alors dominantes; il se compromit lui et les siens, en les chantant publiquement. Jeté en prison avec ses parents, il n'en sortit qu'au bout de dix-sept mois. Il revint à Paris, étudia le droit, reconnut cette étude peu conforme à ses goûts, et l'abandonna pour la poésie et les compositions dramatiques. Attaché, dès l'âge de vingt ans, au minis

tère de l'intérieur, il perdit son emploi, le 22 juin 1798, pour avoir donné lecture, à l'athénée, d'une traduction en vers du début des annales de Tacite, où l'allusion était trop flagrante aux évènements de la veille; mais Chaptal le réintégra bientôt. Français de Nantes, directeur des droits réunis, le prit pour secrétaire. Fontanes étant devenu grand maître de l'univer. sité, Roger en fut nommé conseiller ordinaire; puis, il devint inspecteur-général des études, sous la Restauration. Il exerça ces fonctions universitaires avec conscience et dévouement. « Son zèle le porta même à éditer modestement des livres de la nature la plus élémentaire, destinés aux plus humbles usages de l'enseignement, dit son successeur : (ainsi, des Fables choisies de Lafontaine, avec notes (1805); ainsi, un Abrégé de l'histoire poétique de Jouvency (1806). On doit rapporter à part, comme moins étranger aux habitudes, aux préférences de sa pensée et de son talent, un Théâtre classique, qu'il publia en 1807, avec des notes où brillent discrètement, dans de fines remarques sur des beautés de composition et de style, dans de judicieux rapprochements, le savoir et le goût d'un littérateur consommé. » On est aussi redevable à Roger d'une estimable traduction du Cours de poésie sacrée, du docteur Lowth (1812), et de Notes pour ce même cours (1813).

Mais c'est au théâtre que Roger doit ses vrais titres d'honneur. Il y donna une douzaine de comédies, presque toutes représentées avec succès : l'Epreuve délicate, un acte en vers; la Dupe de lui-même, trois

acles en vers; Caroline ou le tableau, petite pièce en vers, remplie d'art et d'agrément, de sentiments gracieux et d'une douce gaîté; la Revanche, trois actes en prose, aux situations artistement concertées, au dialogue élégant et vif, aux saillies fines et délicates; enfin, laissons en quelques-unes dans l'ombre, l'Avocat (1800), trois actes en vers, le chefd'œuvre de son auteur : lorsque Roger, nouvellement élu, fut présenté à Louis XVIII, ce roi homme d'esprit lui dit : « Eh! bien, M. Roger, vous avez gagné votre procès à l'Académie française; cela ne m'étonne pas, vous aviez un excellent avocat. » Toutes ces pro, ductions sont remarquables par des caractères bien dessinés, par un style choisi et correct; mais l'intérêt, mais la verve comique, ces principales qualités dra. matiques, n'y abondent point assez. Au théâtre, comme ailleurs, Roger est, avant tout, un écrivain distingué par la finesse de ses idées et par la grâce de son langage, mais rien de plus. Il ne paraît pas qu'il ait porté plus haut ses prétentions.

Les diverses œuvres de Roger, recueillies par les soins de Charles Nodier, parurent en 1835. Les amis de la bonne littérature accueillirent très favorablement ces deux volumes, où reparurent ses principales compositions, précédées de notices qui en augmentaient beaucoup le prix, a dit M. Patin. On y trouve, sous des formes aimables et spirituelles, l'histoire des ouvrages, la biographie de l'écrivain, le tout encadré dans des tableaux de mœurs d'une vérité piquante, testament, pour ainsi dire, du poëte

comique. Il s'y juge lui-même avec cette impartialité des bons esprits, qui font volontiers à l'égard de leurs œuvres l'office du public. C'était une conformité de plus qui le rapprochait, à la fin de sa carrière, de ceux auprès desquels il s'était placé en la commençant, d'Andrieux, de Picard, de Duval. »

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La Biographie universelle doit à cet académicien quelques notices excellentes : Racine, Fontanes Suard. Cette dernière brille entre les plus élégantes du recueil; elle n'est autre chose que le discours de réception de Roger, réduit aux proportions biographiques. L'auteur la terminait par ce vou toujours utile: « Heureux si l'esquisse que je viens de tracer peut donner aux jeunes gens qui n'ont pas connu Suard quelque désir de l'imiter, et de fonder, comme lui, leur réputation littéraire sur la considération personnelle..

VII.

M. PATIN.

1843.

M. HENRI-JOSEPH-GUILLAUME PATIN est né à Paris le 21 Août 1793. De bonne heure il fit preuve d'une vocation marquée pour le professorat. Après avoir été élève de l'Ecole normale en 1811 et 1812, il y reparut, en 1815, comme maître de conférences pour l'enseignement de la littérature ancienne et moderne.

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