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LE FAUTEUIL DE CORNEILLE.

J.

MAYNARD.

4634

FRANÇOIS MAYNARD, né à Toulouse en 1582, mort en 1646. Après avoir été, dans sa jeunesse, secrétaire de la reine Marguerite, il devint président au présidial d'Aurillac, et, peu de temps avant sa mort, conseiller d'état. En 1634, il se rendit à Rouen avec l'ambassadeur de France, M. de Noailles, et là, il se lia avec le cardinal de Bentivoglio, le meilleur écrivain de l'Italie à cette époque. Le pape Urbain VIII l'accueillit avec faveur, se plut dans ses entretiens et lui donna de sa propre main un exemplaire de ses Poésies latines. Cependant sa fortune ne s'en améliora point, comme on le voit dans les plaintes con. tinuelles, et peut-être excessives, consignées dans ses écrits. Le cardinal de Richelieu ne lui fit jamais de bien, et cela, dit-on, parce qu'il tenait à ce qu'on

lui laissât la gloire de donner spontanément, et que Maynard l'importuna de ses demandes. On sait la dure réponse d'Armand à la charmante requête en vers que lui adressa le poëte, dans laquelle, après avoir dit qu'il va bientôt aller voir, sur le rivage du Cocyte, ce François Ier

Qui fut le père des savants

Dans un siècle plein d'ignorance,

Il ajoutait en terminant:

S'il me demande à quel emploi
Tu m'as occupé dans ce monde,
Et quel bien j'ai reçu de toi,

Que veux-tu que je lui réponde?

Rien! Voilà ce que répondit l'impérieux ministre. Fatigué de solliciter vainement, Maynard prit le parti de la retraite. Il reparut à la cour sous la régence d'Anne d'Autriche, mais, aussi éconduit que par le passé, il reprit le chemin de sa solitude et ne la quitta plus.

Maynard avait la figure belle, l'humeur agréable, le caractère noble. La juste opinion de ses contemporains le plaça au premier rang des poëtes de son époque, et, à ce titre, il fut un des membres les plus distingués de l'Académie naissante. Ami de Desportes et de Régnier, il eut pour maître en poésie Malherbe, et pour condisciple, Racan, avec lequel il partagea les suffrages de son époque. Pendant longtemps on a retenu de lui un assez grand nombre de vers heureux, qu'on ne se lassait pas de redire. Malherbe « l'esti

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mait l'homme de France qui savait le mieux faire des vers. » Son volume de poésies (1646) a été vanté pour la facilité, l'élégance et la clarté. Cette dernière qualité était l'attribut favori, l'objet particulier des soins de Maynard, qui s'appliquait toujours de préférence aux constructions de phrases simples et naturelles. Un jour son fils, qui composait aussi, lui récitait des vers de sa façon, dans lesquels un mot se trouvait placé de manière à faire équivoque. Maynard feignant de ne point comprendre ce passage, se le fit relire trois fois, et dit enfin : « Ah!-mon fils, à cette fois là vous n'êtes pas Maynard; car ils n'ont pas coutume de ranger leurs paroles de cette sorte. »

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« Les juges des jeux floraux de Toulouse, dit Pellisson reçurent Maynard dans leur corps, bien qu'il n'eût pas disputé et gagné les trois fleurs, suivant la coutume. Et comme ils avaient autrefois donné à Ronsard un Apollon et à Baïf un David d'argent, ils réso lurent, avec beaucoup d'éloges, qu'on donnerait à Maynard une Minerve de même matière. Mais, à la honte de notre siècle, les capitouls, qui sont les seuls exécuteurs de ces délibérations, ou par avarice, ou par négligence, n'accomplirent jamais celle-là, comme on peut voir par l'épigramme qui est dans ses œuvres, avec ce titre : « Sur une Minerve d'argent, promise et non donnée. »

II.

CORNEILLE.

1647.

PIERRE CORNEILLE naquit à Rouen, le 6 juin 1606, de Pierre Corneille, avocat du roi à la table de marbre, et de Marthe Le Pesant. Il fut élevé chez les jésuites de sa ville natale. Il parut quelque temps au barreau, mais sans goût et sans succès; et l'amour lui révéla bientôt sa vocation pour le théâtre. Un jeune amoureux l'ayant conduit chez la dame de ses pensées, Corneille fut préféré par celle-ci et supplanta le premier soupirant. L'aventure lui inspira sa première comédie, Mélite (1625), qui fut jouée avec toute sorte de succès la demoiselle qui en avait fait naître le sujet fut longtemps connue à Rouen sous le nom de Mélite; et le talent nouveau, l'esprit original que laissait pressentir le nouveau poëte inspirèrent une telle confiance qu'il se forma à Paris une nouvelle troupe de comédiens: tant jetait d'éclat cet avénement dramatique !

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A la postérité, qui a lieu de tenir compte seulement de la beauté intrinsèque d'une œuvre, le retentissement de Mélite et des premières pièces de Corneille, Clitandre (1630), la Veuve (1634), la Galerie du Palais, la Suivante, la Place Royale (1635), Médée, l'Illusion comique (1636), peut paraître étrange, immérité; mais, quand on a le courage de lire quelquesunes des pièces qui, au début de Corneille, capti

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