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D'ESTIENNE DE LA BOËTIE,

RÉUNIES POUR LA PREMIÈRE FOIS

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JULES DELALAIN,

IMPRIMEUR DE L'UNIVERSITÉ ROYALE DE FRANCE,

RUE DES MATHURINS SAINT-JACQUES, 5.

M DCCC XLVI.

Tout contrefacteur ou débitant de contrefaçons de cette Édition sera poursuivi conformément aux lois.

Toutes mes éditions sont revêtues de ma griffe.

Juls Delalard

1904, May 19, transferred to Harvard University,

French Dept. Library,

Harvard College Library

From the Library of

Ferdinand Bocher

Gift of James H. Hyde

Xprti 17, 1803

« Oserais-je demander, écrivait M. Nodier, il y a déjà plusieurs années1, pourquoi nous n'avons pas encore une édition complète d'Etienne de La Boëtie, cet autre lui que Montaigne préférait à lui-même, et en qui la postérité moins prévenue aimerait du moins à reconnaître le digne ami de Montaigne? En faisant une large part aux concessions libérales de l'amitié, l'homme que Montaigne a nommé le plus grand de son siècle mérite bien quelque place dans les archives littéraires des siècles suivants. >>

L'accueil bienveillant fait par le public à mon Étude sur la vie et les ouvrages de cet écrivain2, m'a permis de penser que le moment était venu de réparer l'injuste oubli signalé par M. Nodier: je donne donc présentement les OEuvres complètes de l'ami de Montaigne. Il semble que de nos jours cette publication ne manque pas d'un certain à-propos, et qu'il y a dans le goût général quelque disposition à l'accepter avec faveur. On l'a éprouvé déjà plus d'une fois l'attention publique ne fait pas défaut à ces retours vers le passé; on salue avec reconnaissance

1. Manuel de Bibliographie, publié par Téchener, février, 1835.

2. Étienne de La Boëtie, ami de Montaigne, Étude sur sa vie et ses ouvrages, précédée d'un coup-d'œil sur les origines de la littérature française; 1 vol. in-8°, Paris, Labitte, 1845.

nos vieilles gloires, et l'on sait gré à ceux qui nous les rendent. Déjà notre siècle a confirmé par son suffrage plus d'une réparation de ce genre. Il ne refuse plus un rang aux écrivains du xvre siècle parmi les glorieux ancêtres de la France littéraire ; il mèle au culte des génies du xvire une pensée reconnaissante pour ceux qui les ont annoncés. Montrer, par delà cette grande époque de maturité, les jets hardis, la sève abondante d'une jeunesse vigoureuse, n'est pas une entreprise moins utile que juste: ce culte des origines ne conduit-il pas à mieux comprendre, à mieux apprécier nos chefs-d'œuvre modernes? Enfin, lorsque les nations arrivent à ce point où par l'effet de la richesse des produits de la pensée, une sorte d'épuisement se manifeste, où la lassitude et le déclin commencent, n'est-ce pas en rejetant les yeux dans le passé, qu'elles peuvent apprendre où elles doivent aller; n'est-ce pas en se retrempant aux sources, qu'elles peuvent retrouver leur vigueur?

L'on doit remercier le Conseil royal de l'instruction publique, d'avoir favorisé ce besoin des esprits, en reportant vers les vieilles pages de notre histoire intellectuelle l'attention des jeunes gens qui se destinent à l'enseignement2: par là, il se montre fidèle

1. « Les langues commencent par la naïveté et se perdent par l'affectation: » parole bien vraie du cardinal du Perron, qu'il nous convient fort de méditer.

2. Sur la liste des auteurs prescrits pour les concours d'agrégation en 1846, figurent les noms d'Amyot et de La Boëtie, dont les candidats devront faire une étude critique et philologique, et qu'ils devront même comparer ensemble dans quelques parties: v. l'arrêté du 21 novembre 1845.

aux sages et fécondes idées du chef illustre dont l'Université n'a pas perdu le respectueux souvenir.

« On s'écarte aujourd'hui, disait-il, dans une de ses leçons si pleines de bon sens et de charme, du caractère de notre langue par recherche et par ignorance. L'acception primitive des mots, leur sens natif et partant leur vérité, leur grace s'est altérée, s'est effacée. On innove non pas dans le génie de notre langue, mais contre son génie toujours clair et précis. S'il est un préservatif contre cette erreur, c'est l'étude de l'antiquité française, en remontant jusqu'à Froissart et à Joinville1. »

Entre ces vieux auteurs qu'il était réservé à notre époque de rajeunir, un rang honorable ne sera pas refusé à La Boëtie. Jusqu'à présent, l'immense renommée de Montaigne l'avait enveloppé pour ainsi dire l'on se rappelait surtout les éloquents regrets exhalés par l'auteur des Essais2, et le nom de La Boëtie réveillait, plus que tout autre souvenir, celui de l'amitié. Lui rendre une existence à part, rétablir son caractère personnel, tel a été le but de mes efforts. Mais ici, pour ne pas me répéter moi-mème, je dois être bref: qu'il me soit permis de renvoyer au travail étendu que je lui ai consacré.

Sa vie, qui s'éteignit à 33 ans, fut bien moins remplie par les événements que par les affections ten

1. M. Villemain, Tableau de la littérature au moyen ȧge, t. 11, p. 278 et 279; il revient plusieurs fois encore dans ses autres ouvrages sur cette même pensée, et particulièrement dans le Tableau de la littérature au XVIII siècle, t. 11, p. 257; t. III, p. 430 et suiv. (2o édit.)

2. «Il ne sçavoit, nous a-t-il dit lui-même, rien si bien faire qu'estre amy. » I, 9.

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