Page images
PDF
EPUB

de si paresseux qu'il plaint le chemin qu'il auroit à faire; cependant comme il n'est pas moins réel que le mouvement, la raison veut qu'il passe à l'autre corps; enfin je suis dans un vrai étonnement lorsque je considère qu'une chose aussi légère et aussi vile que le mouvement, qui peut être séparée du sujet et passer dans un autre corps, qui d'ailleurs est d'une nature si foible et si passagère qu'il périroit entièrement s'il n'étoit soutenu par son sujet, soit pourtant capable de lui donner un si grand branle, et le pousser avec autant de force de côté et d'autre.

J'avoue que je me sens plus porté à croire qu'il n'y a point de communication de mouvement: mais que par la seule impulsion d'un corps, un autre corps sort, pour ainsi dire, de son état d'indolence pour entrer en mouvement, comme l'âme a une telle pensée par telle et telle occasion, et que le corps ne reçoit pas tant le mouvement qu'il s'y détermine, étant averti par un autre; et, comme j'ai dit ci-dessus, le mouvement est par rapport au corps ce que la pensée est par rapport à l'âme ni l'un ni l'autre n'est reçu dans son sujet, mais ils naissent du sujet dans lequel ils se trouvent; et véritablement tout ce qu'on appelle corps n'a qu'une vie, pour ainsi dire, pleine de stupidité et d'ivresse, et je ne le regarde que comme la dernière et la plus infime ombre de l'es

:

sence divine, qui est la véritable vie et la vie très parfaite: enfin il est comme une idole qui n'a ni sentiment, ni réflexion. Au reste ce passage des mouvements d'un sujet à un autre, soit du plus grand au moindre, ou réciproquement, comme j'ai dit ci-dessus, représente tout-à-fait bien la nature de mes esprits étendus qui peuvent se ramasser, et puis s'étendre, pénétrer facilement la matière sans la remplir, l'agiter en tous sens, et la mouvoir, et le tout sans aucunes machines, et sans liens ni crochets; mais je me suis arrêté ici plus long-temps que je ne pensois. Je me hâte d'arriver à mon but, je veux dire à ces nouvelles questions que j'ai à vous proposer sur chaque article des principes de votre Philosophie, dont je ne comprends pas encore assez bien la force.

Sur l'article 8 de la première partie des Principes,
page 5, ligne 26.

Nous connoissons manifestement, etc. Nous ne voyons pas manifestement que l'étendue, la figure et le mouvement local appartiennent à notre nature, mais nous ne voyons pas aussi le contraire. Plût à Dieu que vous pussiez me donner ici une bonne démonstration qu'un corps ne sauroit pen

ser.

Sur l'art. 37, ibid., page 25, ligne 27.

N'est-ce pas une plus grande perfection que

l'homme puisse seulement vouloir ce qui lui seroit le plus avantageux, que de pouvoir aussi le contraire, puisqu'il vaut mieux toujours être heureux, que d'être quelquefois ou même toujours comblé de louanges.

Sur l'art. 54 ibid., pag. 39, lig. 12.

Je répète ici derechef qu'il faut nous démontrer que rien d'étendu ne pense, ou, ce qui paroîtra plus facile, qu'aucun corps ne peut penser : c'est là un sujet digne de votre esprit.

Sur l'art. 60, ibid., pag. 44 et suiv.

Quoique l'âme puisse se considérer elle-même comme une chose qui pense, en excluant toute extension corporelle de cette pensée, on ne peut conclure de là, sinon que l'âme peut être corporelle, ou incorporelle, mais non pas que de fait elle soit incorporelle; il faut donc vous prier derechef de démontrer, par quelques opérations de l'âme qui ne puissent convenir à la matière corporelle, que notre âme est incorporelle.

Sur l'article 25 de la seconde partie des Principes,
page 88, ligne 30.

Et non pas la force ou l'action qui transporte, afin de montrer que le mouvement est toujours dans le mobile, etc. Est-ce que la force elle-même et l'action du mouvement ne sont pas dans la chose mue?

[ocr errors]

Sur l'art. 26, ibid., pag. 89, lig. 11.

Y a-t-il donc dans les choses qui sont en repos une certaine force continuelle qui fait qu'elles se tiennent dans la même situation, ou une action de s'arrêter et de se fortifier contre toutes les forces qui pourroient séparer leurs parties et les disjoindre ou entraîner, et emporter tout le corps autre part; en sorte qu'on peut très bien définir le repos une certaine force, ou une action interne du corps qui lie étroitement les parties du corps entre elles et les comprime, et qui par là les garantit de la division ou de la séparation, par l'impulsion d'un corps étranger? car il s'ensuivroit de là naturellement, ce que je croirois volontiers, que la matière est une espèce de vie obscure, que je regarde comme la dernière ombre de la divinité, et qui ne consiste pas dans la seule extension des parties, mais dans quelque action qu'elle a toujours, c'est-à-dire, ou dans le repos, ou dans le mouvement, auxquels vous accordez vous-même le nom d'action.

Sur l'art. 30, ibid., pag. 92, lig. 23.

Cet article paroît contenir une démonstration très évidente, que le transport, ou le mouvement local, n'est réciproque en aucune manière, à moins qu'on ne veuille faire seulement attention au rapport extrinsèque des corps voisins.

Sur l'art. 36, ibid., pag. 100, lig. 3.

Je demande si l'âme humaine, quand elle remue violemment ses esprits par une longue et pénible attention, ce qui ne manque pas même d'échauffer le corps, n'augmente point le mouvement de l'univers ?

Sur l'art. 55, ibid., pag. 119, lig. 29.

Un cube parfaitement dur et plan étant mû sur une table parfaitement dure et parfaitement plane, dans le même instant qu'on arrête son mouvement, se réunit-il aussi fermement avec la table que les parties du cube ou de la table le sont entre elles, ou reste-t-il toujours divisé de la table, ou du moins pour un temps, après le repos? Car il n'y a aucune compression du cube vers la table, puisque nous imaginons ce mouvement comme fait dans le vide sur la table située hors des murs du monde s'il étoit possible, et par conséquent dans un endroit où il n'y a pas lieu à la pesanteur ou à la légèreté, et que nous supposons que le mouvement est arrêté du côté auquel tend le cube: il paroît donc par la loi de la nature que le cube et la table étant divisés et n'y ayant aucune action réelle qui les unisse, il paroît, dis-je, qu'ils demeureront toujours actuellement divisés.

Sur les art. 56 et 57, ibid., pag. 120 et suiv.

Je ne vois point la nécessité de tout ce jeu des

« PreviousContinue »