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barras où je me sois trouvé de ma vie. L'entreprise est digne de lui; et la seule nouveauté de rétablir dans ses affaires un homme qui ne peut s'aider de la protection d'un prince du sang, et, j'ose dire, de l'amitié de tout Paris, me paraît une amorce singulière.

Au reste j'ai deux manières de restituer: l'une en sentiments de reconnaissance, et je serais réduit à celle-là si la mort me surprenait, car je ne possède pas un sou de revenu; mais je suis dans un âge, je jouis d'une santé qui me promettent une longue vie; l'autre voie de restitution est de donner à prendre sur mes libraires; elle pourrait me servir avec mes créanciers, s'ils entendaient raison: mais des tapissiers et des tailleurs, qu'on a un peu différé de payer, n'y trouvent point assez de sûreté. Un homme de lettres conçoit mieux la solidité de cette ressource.

Je finis, monsieur, car voilà en vérité une lettre fort extraordinaire. Je me flatte qu'autant je trouverai de plaisir à me vanter du bienfait, si vous me l'accordez, autant vous voudrez bien prendre soin d'ensevelir ma prière, si quelque raison que je ne chercherai pas même à pénétrer ne vous permet pas de la recevoir aussi favorablement que je l'espère. Mais, dans l'un ou l'autre cas, vous regarderez, s'il vous plaît, monsieur, comme un de vos plus dévoués serviteurs et de vos admirateurs les plus passionnés, l'abbé PREVOST.

P. S. Vous vous imaginerez bien que c'est le récit Prault m'a fait de vos générosités qui m'a fait naître les deux idées que je viens de vous proposer.

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FAIT A L'ACADÉMIE des sciencES PAR MM. PITOT ET CLAIRAUT,
le 26 d'avril 1741,

SUR LE MÉMOIRE DE M. DE VOLTAIRE,

TOUCHANT LES FORCES VIVES.

Nous avons examiné par ordre de l'académie, un mémoire de M. de Voltaire intitulé, Doutes sur la mesure des forces motrices et sur leur nature. Ce mémoire contient deux parties: la première est une exposition abrégée des principales raisons qui ont été données pour prouver que les forces des corps, en mouvement, sont comme leurs quantités de mouvement, c'est-àdire comme les masses multipliées par leurs simples vitesses, et non par les carrés, ainsi que le prétendent ceux qui reçoivent la théorie des forces vives. Les raisons que M. de Voltaire rapporte ne sont pas avancées comme des démonstrations, ce sont simplement des doutes qu'il propose; mais les doutes d'un homme éclairé, qui ressemblent beaucoup à une décision.

Nous n'entrerons point dans l'examen de cette première partie, parceque l'auteur ne paraît y avoir eu en vue que de rendre les plus fortes raisons qui ont été données contre les forces vives, d'une manière assez claire et assez abrégée pour que les lecteurs puissent se les rappeler promptement.

Dans la seconde partie, M. de Voltaire considère la

nature de la force. Comme il a conclu que la force motrice n'est autre chose que le produit de la masse par la simple vitesse, il n'admet point de distinction entre les forces mortes et les forces vives. Lorsque l'on dit que la force d'un corps en mouvement diffère infiniment de celle d'un corps en repos, c'est, suivant lui, comme si l'on disait qu'un liquide est infiniment plus liquide quand il coule que quand il ne coule pas.

Il dit ensuite que si la force n'est autre chose que le produit de la masse par la vitesse, elle n'est précisément que le corps lui-même agissant, ou prêt à agir: et il rejette ainsi l'opinion des philosophes, qui ont cru que la force était un être à part, une substance qui anime les corps, et qui en est distinguée; que la force doit se trouver dans les êtres simples, appelés monades, etc.

M. de Voltaire remarquant, comme plusieurs l'ont déjà fait, que la quantité de mouvement augmente dans plusieurs cas, et étant toujours convaincu que la force n'est autre chose que la quantité de mouvement, il demande si les philosophes qui ont soutenu la conservation d'une même quantité de force dans la nature ont plus de raison que ceux qui voudraient la conservation d'une même quantité d'espèces d'individus, de figures, etc.

Il demande ensuite, si de ce qu'un corps élastique qui en choque un plus grand lui communique plus de quantité de mouvement, et par conséquent, selon lui, plus de force qu'il n'en avait, il ne s'ensuit pas évidemment que les corps ne communiquent point de force: en sorte que la masse et le mouvement ne suffisant pas pour la communication du mouvement, il faut en

core l'inertie sans laquelle la matière ne résisterait pas, et sans laquelle il n'y aurait nulle action.

M. de Voltaire croit encore que l'inertie, la masse, et le mouvement, ne suffisent pas. Il pense qu'il faut un principe qui tienne tous les corps de la nature en mouvement, et leur communique incessamment une force agissante, ou prête d'agir; et ce principe doit être, selon lui, la gravitation, soit qu'elle ait une cause mécanique, soit qu'elle n'en ait pas.

La gravitation, continue-t-il, ne peut pas non plus satisfaire à tous les effets de la nature; elle est très loin d'expliquer la force des corps organisés; il leur faut encore un principe interne, comme celui du ressort.

M. de Voltaire termine son mémoire en disant que puisque la force active du ressort produit les mêmes effets que toute force quelconque, on en peut conclure que la nature, qui va souvent à différents buts par la même voie, va aussi au même but différents par chemins; et qu'ainsi la véritable physique consiste à tenir registre des opérations de la nature, avant que de vouloir tout asservir à une loi générale.

De toutes les questions difficiles à approfondir que renferment les deux parties de ce mémoire, il paraît que M. de Voltaire est très au fait de ce qui a été donné en physique, et qu'il a lui-même beaucoup médité sur cette science.

A Paris, le 26 avril 1741. PITOT, CLAIRAUT.

Je certifie la copie ci-dessus être conforme à l'original.
A Paris, le 27 avril 1741.

DORTOUS DE MAIRAN,

Secrétaire perpétuel de l'académie royale des sciences.

LETTRE

DE L'AVOCAT MANNORY'

A M. DE VOLTAIRE.

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Ce 10 mai 1744

Il y a long-temps, monsieur, que vous n'avez entendu parler de moi, et il est bien fâcheux que je r rappelle vos idées à mon sujet que pour vous entretenir de mes malheurs; mais je connais trop les sentiments de votre cœur pour manquer de confiance. Mon père vit toujours, il a quatre-vingts ans; il est extrê mement cassé et affaibli. J'aurai plus de cent mille francs de bien, et je n'en ai jamais reçu un écu. Ma profession est difficile; il y faut des secours sur les quels j'avais compté, et qui m'ont manqué. J'ai essuyé des maladies longues et considérables; j'ai enfin réta bli ma santé. Mais pendant ce temps mon cabinet s'est trouvé vide. J'avais affaire alors, monsieur, à une propriétaire riche et dévote, j'avais extrêmement dépensé dans sa maison pour m'ajuster; elle m'a inhumainement mis dehors, et j'ai perdu toutes mes dépenses et mes arrangements. Enfin, monsieur, le pauvre monsieur de Fimarçon s'est adressé à moi; j'ai cru ses affaires bonnes, je m'y suis livré tout entier. Mes maladies m'avaient affaibli mon cabinet de la moitié. J'ai

Il a reçu de moi l'aumône, et a fait contre moi un libelle. (Apos tille de M. de Voltaire.)

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