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CHOIX

DE PIECES JUSTIFICATIVES.

VERS

DE S. A. S. LE PRINCE DE CONTI,

A M. DE VOLTAIRE.

1718.

Pluton, ayant fait choix d'une jeune pucelle,
Et voulant donner à sa belle

Une marque de son amour,

Commanda qu'une fête et superbe et galante
Réparât les horreurs de son triste séjour.
Pour satisfaire son attente,

Il fait assembler à sa cour

Tous ceux dont le bon goût et la délicatesse
Pouvaient contribuer au spectacle pompeux
Qu'il préparait à sa maitresse.

Parmi tous ces hommes fameux,
I choisit ceux dont le génie
S'était signalé dans tous lieux
Par la plus noble poésie.

Chacun à réussir travailla de son mieux.

Pour remporter le prix, et Corneille et Racine

Uning leur veine divine:

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Chaque auteur en vain disputa,

Et voulut gagner le suffrage

Du dieu qui demandait l'ouvrage ;

Bien que des deux esprits la pièce l'emportât,
L'on ignorait encor qu'elle eût eu l'avantage.
Enfin le jour venu de cet événement,

De tant d'auteurs la cohorte nombreuse
Recherchait la gloire flatteuse

De remporter l'honneur de l'applaudissement.
Tandis qu'à faire cette brigue
Toute la troupe se fatigue,

Sans se donner du mouvement
Racine avec Corneille, au sein de l'Élysée,

Rappelaient l'histoire passée

Du temps où de la France ils étaient l'ornement.
Ils avaient su, par ceux qui venaient de la terre,
Du théâtre français le funeste abandon;
Que depuis leur décès le délicat parterre

Ne pouvait rien trouver de bon.

Ce malheur leur causait une tristesse extrême. Ils connaissaient que dans Paris l'on aime D'un spectacle nouveau les doux amusements; Qu'abandonnés par Melpomene,

Les auteurs n'avaient plus ces nobles sentiments
Qui font la grace de la scène.

Depuis leur séjour en ces lieux,
Ils avaient fait la connaissance
D'un démon sans expérience,
Mais dont l'esprit vif, gracieux,
Surpassait déjà les plus vieux

Par ses talents et sa science.

Pour réparer les maux du théâtre obscurci,

Ce démon fut par eux choisi.

Ils lui font prendre forme humaine;
Des règles de leur art à fond l'ayant instruit,
Sur les bords fameux de la Seine,

Sous le nom d'Arouet cet esprit fut conduit.
Ayant puisé ses vers aux eaux de l'Aganipe,
Pour son premier projet il fait le choix d'OEdipe:
Et quoique dès long-temps ce sujet fût connu,
Par un style plus beau cette pièce changée
Fit croire des enfers Racine revenu,
Ou que Corneille avait la sienne corrigée '.

LETTRE

DE L'ABBÉ DESFONTAINES

A M. DE VOLTAIRE.

Ce 31 mai 1724.

Je n'oublierai jamais, monsieur, les obligations infinies que je vous ai. Votre bon cœur est encore bien au-dessus de votre esprit, et vous êtes l'ami le plus essentiel qui ait jamais été. Le zèle avec lequel vous m'avez servi me fait en quelque sorte plus d'honneur que la malice et la noirceur de mes ennemis ne m'a causé d'affront par l'indigne traitement qu'ils m'ont

Ces vers font autant d'honneur au prince de Conti qu'en a fait à Lamotte son approbation d'OEdipe. Ils annoncèrent tous deux à la France un digue successeur de Corneille et de Racine, et jamais prophétie ne fut mieux accomplie.

fait souffrir. Il faut se retirer pendant quelque temps. Fallax infamia terret.

J'ai une lettre de cachet qui m'exile à trente lieues de Paris. C'est avec plaisir que je vais chercher la solitude; mais je suis bien fâché que cette retraite me soit ordonnée. C'est un reste de triomphe pour les malheureux auteurs de ma disgrace. Je consens d'aller en province, et j'y vais très volontiers. Mais tâchez, monsieur, de faire en sorte que l'ordre du roi soit levé par une autre lettre de cachet en cette forme:

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« Le roi, informé de la fausseté de Faccusation in« tentée contre le sieur abbé Desfontaines, consent qu'il demeure à Paris. »

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Si vous obtenez cet ordre de M. de Maurepas, c'est un coup essentiel. Au surplus, je promets, parole d'honneur, à M. de Maurepas de m'en aller incessamment, et de ne point revenir à Paris qu'après lui en avoir demandé la permission secrètement.

Voilà, mon cher ami, ce que je vous prie à présent d'obtenir pour moi. Je vous aurai encore une obligation infinie de ce nouveau service. C'est, à mon gré, ce qu'on peut faire de plus simple pour réparer le scandale et l'injustice, en attendant que je puisse faire mieux, et que j'aie les lumières nécessaires pour découvrir les ressorts cachés de l'horrible intrigue de mes ennemis. Malgré la noirceur de l'accusation et le penchant du public à croire tous les accusés coupables, j'ai la satisfaction de voir les personnes même indifférentes prendre mon parti. Les Nadal, les Danchet, les Depons, les Fréret, sont les seuls, dit-on, qui traitent ma personne comme toute ma vie je trai

terai leurs infames ouvrages et leur indigne caractère. Genus irritabile vatum.

J'ai un plan d'apologie qui sera beau et curieux, et que je travaillerai à la campagne. Je suis trop connu dans le monde pour qu'il convienne à un homme comme moi de me taire après un si exécrable affront; et je le ferai de façon que j'aurai l'honneur de le présenter à M. de Maurepas pour le prier de me permettre de le faire paraître. On y verra tout ce qui m'est arrivé de malheureux, et mes malheurs toujours causés par des gens de lettres, surtout l'histoire de ma sortie des jésuites.

Adieu, mon cher ami; je me reco1nmande à vous.
DESFONTAINES.

LETTRE

DU SIEUR DEMOULIN

A M. DE VOLTAIRE.

A Paris, le 12 d'auguste 1738.

Nous en conserve

Monsieur, nous vous remercions très humblement de toutes vos bontés, et des facilités que vous voulez bien nous accorder pour vous payer. rons un précieux souvenir, et nous vous en marquerons notre vive reconnaissance dans toutes les occasions. Votre créance est bien assurée; et nous vous prions d'être persuadé que nous l'acquitterons le plus tôt qu'il nous sera possible. Je suis en avance dans plusieurs

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