Page images
PDF
EPUB

COMMENTAIRE

HISTORIQUE

SUR LES OEUVRES

DE L'AUTEUR DE LA HENRIADE.

1776.

COMMENTAIRE

HISTORIQUE.

Je tâcherai, dans ces Commentaires sur un homme

que d'un utile aux

peu

let

de lettres, de ne rien dire tres, et surtout de ne rien avancer que sur des papiers originaux. Nous ne ferons aucun usage ni des satires, ni des panégyriques presque innombrables, qui ne seront pas appuyés sur des faits authentiques.

Les uns font naître François de Voltaire le 20 février 1694; les autres le 20 novembre de la même année. Nous avons des médailles de lui qui portent ces deux dates; il nous a dit plusieurs fois qu'à sa naissance on désespéra de sa vie, et qu'ayant été ondoyé, la cérémonie de son baptême fut différée plusieurs mois.

Quoique je pense que rien n'est plus insipide que les détails de l'enfance et du collège, cependant je dois dire, d'après ses propres écrits, et d'après la voix publique, qu'à l'âge d'environ douze ans, ayant fait des vers qui paraissaient au-dessus de cet age, l'abbé de Châteauneuf, intime ami de la célébre Ninon de Lenclos, le mena chez elle, et que cette fille si singulière lui légua, par son testament, une somme de deux mille francs pour acheter des livres, laquelle somme lui fut exactement payée. Cette petite pièce de vers, qu'il avait

faite au collège, est probablement celle qu'il composa pour un invalide qui avait servi dans le régiment Dauphin, sous Monseigneur, fils unique de Louis XIV. Ce vieux soldat était allé au collège des jésuites prier un régent de vouloir bien lui faire un placet en vers pour Monseigneur : le régent lui dit qu'il était alors trop occupé, mais qu'il y avait un jeune écolier qui pouvait faire ce qu'il demandait. Voici les vers que cet enfant

composa :

Digne fils du plus grand des rois,
Son amour et notre espérance,
Vous qui, sans régner sur la France,
Regnez sur le cœur des François,
Souffrez-vous que ma vieille veine,
Par un effort ambitieux,

Ose vous donner une étrenne,

Vous qui n'en recevez que de la main des dieux?

On a dit qu'à votre naissance

Mars vous donna la vaillance,

Minerve, la sagesse; Apollon, la beauté:

Mais un dieu bienfesant, que j'implore en mes peines,
Voulut aussi me donner mes étrennes,

En vous donnant la libéralité.

Cette bagatelle d'un jeune écolier valut quelques louis d'or à l'invalide, et fit quelque bruit à Versailles et à Paris. Il est à croire que dès-lors le jeune homme fut déterminé à suivre son penchant pour la poésie. Mais je lui ai entendu dire à lui-même que ce qui l'y engagea plus fortement fut qu'au sortir du collège, ayant été envoyé aux écoles de droit par son père, trésorier de la chambre des comptes, il fut si choqué de la manière dont on y enseignait la jurisprudence,

« PreviousContinue »