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Par mon chef, c'est un siècle étrange que le nôtre !
J'en suis confus. Jamais tant d'amour pour le bien,
Et jamais tant de peine à retirer le sien!
Les dettes aujourd'hui, quelque soin qu'on emploie,
Sont comme les enfants, que l'on conçoit en joie,
Et dont avecque peine on fait l'accouchement.
L'argent dans une bourse entre agréablement;
Mais le terme venu que nous devons le rendre, [dre
C'est lors que les douleurs commencent à nous pren
Baste! ce n'est pas peu que deux mille francs, dus
Depuis deux ans entiers, me soient enfin rendus ;
Encore est-ce un bonheur.
MASCARILLE, à part les quatre premiers vers.
O Dieu ! la belle proie.

A tirer en volant! Chut, il faut que je voie
Si je pourrais un peu de près le caresser.
Je sais bien les discours dont il le faut bercer...
Je viens de voir, Anselme...

ANSELME.

Et qui?

MASCARILLE.

Votre Nérine.

ANSELME.

Que dit-elle de moi, cette gente assassine1?

MASCARILLE. Pour vous elle est de flamme.

ANSELME. Elie ? MASCARILLE.

Et vous aime tant,

Que c'est grande pitié.

ANSELME.

Que tu me rends content!

MASCARILLE.

Peu s'en faut que d'amour la pauvrette ne meure. Anselme, mon mignon, crie-t-elle à toute heure, Quand est-ce que l'hymen unira nos deux cœurs, Et que tu daigneras éteindre mes ardeurs ?

1 Gent, gente ne veut pas dire gentille. Ce mot exprime à la fois la légèreté dans la taille, la propreté et l'élégance dans les vêtements. (Voyez Nicor et LE DUCHAT.)

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Moi? Voyez ce que c'est que du monde aujourd'hui,
Et comme l'innocence est toujours opprimée !
Si mon intégrité vous était confirmée,
Je suis auprès de lui gagé pour serviteur,
Vous me voudriez encor payer pour précepteur :
Oui, vous ne pourriez pas lui dire davantage
Que ce que je lui dis pour le faire être sage.
Monsieur, au nom de Dieu, lui fais-je assez souvent,
Cessez de vous laisser conduire au premier vent;
Réglez-vous; regardez l'honnête homme de père
Que vous avez du ciel, comme on le considère;
Cessez de lui vouloir donner la mort au cœur,
Et, comme lui, vivez en personne d'honneur.

PANDOLFE.

C'est parler comme il faut. Et que peut-il répondre ?

MASCARILLE.

Répondre? Des chansons dont il me vient confondre.
Ce n'est pas qu'en effet, dans le fond de son cœur,
Il ne tienne de vous des semences d'honneur,
Mais sa raison n'est pas maintenant la maîtresse.
Si je pouvais parler avecque hardiesse,

Vous le verriez dans peu soumis sans nul effort.

PANDOLFE.

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De mon maître ? Vous n'êtes pas le seul qui se plaigne de l'être : Sa mauvaise conduite, insupportable en tout, Met à chaque moment ma patience à bout.

PANDOLFE.

Je vous croyais pourtant assez d'intelligence Ensemble.

MASCARILLE.

Moi, monsieur ! perdez cette croyance; Toujours de son devoir je tâche à l'avertir,

MASCARILLE.

C'est un secret qui m'importerait fort S'il était découvert; mais à votre prudence Je le puis confier avec toute assurance.

Tu dis bien.

PANDOLFE.

MASCARILLE.

Sachez donc que vos vœux sont trahis Par l'amour qu'une esclave imprime à votre fils.

1 Avoir maille à partir, c'est-à-dire à se partager, du latin partiri. La maille était une petite monnaie de si peu de valeur qu'elle ne pouvait être divisée. De là le proverbe avoir maille à partir, se disputer sur un partage impossible, et par extension, avoir une dispute interminable. Ménage dit que cette monnaie était ainsi appelée du vieux mot français maille, qui signifie figure carrée, parce que la maille avait cette forme. N'avoir ni denier ni maille, signifiait autrefois n'avoir aucune sorte de monnaie, ni ronde ni carrée.

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Oui, traître, c'est ainsi que tu me rends service!
Je viens de tout entendre, et voir ton artifice :
A moins que de cela, l'eussé-je soupçonné?
Tu couches d'imposture, et tu m'en as donné.
Tu m'avais promis, lâche, et j'avais lieu d'attendre
Qu'on te verrait servir mes ardeurs pour Léandre;
Que du choix de Lélie, où l'on veut m'obliger,
Ton adresse et tes soins sauraient me dégager;
Que tu m'affranchirais du projet de mon père :

Coucher d'imposture, pour payer de ruses, de mensonges. Cette manière de s'exprimer, dit Voltaire, n'est plus admise : elle vient du jeu. On disait : couché de vingt pistoles, de trente pistoles, couché belle.

Et cependant ici tu fais tout le contraire ! Mais tu t'abuseras ; je sais un sûr moyen Pour rompre cet achat où tu pousses si bien; Et je vais de ce pas...

MASCARILLE.

Ah! que vous êtes prompte !
La mouche tout d'un coup à la tête vous monte
Et sans considérer s'il a raison ou non,
Votre esprit contre moi fait le petit démon.
J'ai tort, et je devrais, sans finir mon ouvrage,
Vous faire dire vrai, puisqu'ainsi l'on m'outrage.
HIPPOLYTE.

Par quelle illusion penses-tu m'éblouir ?
Traître, peux-tu nier ce que je viens d'ouïr?

MASCARILLE.

Non. Mais il faut savoir que tout cet artifice
Ne va directement qu'à vous rendre service,
Que ce conseil adroit, qui semble être sans fard,
Jette dans le panneau l'un et l'autre vieillard 2;
Que mon soin par leurs mains ne veut avoir Célie
Qu'à dessein de la mettre au pouvoir de Lélie;
Et faire que, l'effet de cette invention
Dans le dernier excès portant sa passion,
Anselme, rebuté de son prétendu gendre,

Puisse tourner son choix du côté de Léandre.

HIPPOLYTE.

Quoi! tout ce grand projet, qui m'a mise en courroux, Tu l'as formé pour moi, Mascarille ?

MASCARILLE.

Oui, pour vous.

Mais puisqu'on reconnaît si mal mes bons offices;
Qu'il me faut de la sorte essuyer vos caprices,
Et que, pour récompense, on s'en vient, de hauteur,
Me traiter de faquin, de lâche, d'imposteur,
Je m'en vais réparer l'erreur que j'ai commise,
Et dès ce même pas rompre mon entreprise.
HIPPOLYTE, l'arrêtant.

Eh! ne me traite pas si rigoureusement,

Et pardonne aux transports d'un premier mouvement.

MASCARILLE.

Non, non, laissez-moi faire; il est en ma puissance
De détourner le coup qui si fort vous offense.
Vous ne vous plaindrez point de mes soins désormais;
Oui, vous aurez mon maître, et je vous le promets.

HIPPOLYTE.

Eh! mon pauvre garçon, que ta colère cesse !

1 Imitation du proverbe italien : salir le mosche al naso. On dit proverbialement en français, qu'un homme est tendre aux mouches, qu'il prend la mouche, que la mouche le pique, pour exprimer qu'il est trop susceptible, qu'il se fâche mal à propos. (B.)

2 On appelle panneau un filet à prendre des lièvres, des lapins, etc. De là les expressions proverbiales donner, se jeter, et jeter quelqu'un dans le panneau. (A.)

J'ai mal jugé de toi, j'ai tort, je le confesse.

(tirant sa bourse.)

Mais je veux réparer ma faute avec ceci Pourrais-tu te résoudre à me quitter ainsi?

MASCARILLE.

Non, je ne le saurais, quelque effort que je fasse ; Mais votre promptitude est de mauvaise grâce. Apprenez qu'il n'est rien qui blesse un noble cœur Comme quand il peut voir qu'on le touche en l'honneur.

HIPPOLYTE.

Il est vrai, je t'ai dit de trop grosses injures : Mais que ces deux louis guérissent tes blessures.

MASCARILLE.

Eh! tout cela n'est rien; je suis tendre à ces coups.
Mais déjà je commence à perdre mon courroux;
Il faut de ses amis endurer quelque chose.
HIPPOLYTE.

Pourras-tu mettre à fin ce que je me propose,
Et crois-tu que l'effet de tes desseins hardis
Produise à mon amour le succès que tu dis?

MASCARILLE.

N'ayez point pour ce fait l'esprit sur des épines.
J'ai des ressorts tout prêts pour diverses machines;
Et quand ce stratagème à nos vœux manquerait,
Ce qu'il ne ferait pas, un autre le ferait.

HIPPOLYTE.

Crois qu'Hippolyte au moins ne sera pas ingrate.

MASCARILLE.

L'espérance du gain n'est pas ce qui me flatte.

HIPPOLYTE.

Ton maître te fait signe, et veut parler à toi : Je te quitte; mais songe à bien agir pour moi.

SCÈNE XI.

LÉLIE, MASCARILLE.

LÉLIE.

Que diable fais-tu là? Tu me promets merveille;
Mais ta lenteur d'agir est pour moi sans pareille.
Sans que mon bon génie au-devant m'a poussé,
Déjà tout mon bonheur eût été renversé.
C'était fait de mon bien, c'était fait de ma joie,
D'un regret éternel je devenais la proie;
Bref, si je ne me fusse en ces lieux rencontré,
Anselme avait l'esclave, et j'en étais frustré;
Il l'emmenait chez lui: mais j'ai paré l'atteinte,
J'ai détourné le coup, et tant fait que, par crainte,
Le pauvre Trufaldin l'a retenue.

MASCARILLE.

Et trois : Quand nous serons à dix, nous ferons une croix. C'était par mon adresse, ô cervelle incurable, Qu'Anselme entreprenait cet achat favorable;

Entre mes propres mains on la devait livrer;
Et vos soins endiablés nous en viennent sevrer.
Et puis pour votre amour je m'emploierais encore !
J'aimerais mieux cent fois être grosse pécore
Devenir cruche, chou, lanterne, loup-garou,
Et que monsieur Satan vous vînt tordre le cou.
LÉLIE, seul.

Il nous le faut mener en quelque hôtellerie,
Et faire sur les pots décharger sa furie.

ACTE SECOND.

SCÈNE PREMIÈRE.

LÉLIE, MASCARILLE.

MASCARILLE.

A vos désirs enfin il a fallu se rendre :
Malgré tous mes serments, je n'ai pu m'en défendre,
Et pour vos intérêts, que je voulais laisser,
En de nouveaux périls viens de m'embarrasser.
Je suis ainsi facile; et si de Mascarille
Madame la nature avait fait une fille,
Je vous laisse à penser ce que ç'aurait été.
Toutefois n'allez pas, sur cette sûreté,
Donner de vos revers au projet que je tente,
Me faire une bévue, et rompre mon attente.
Auprès d'Anselme encor nous vous excuserons,
Pour en pouvoir tirer ce que nous désirons;
Mais si dorénavant votre imprudence éclate,
Adieu, vous dis, mes soins pour l'objet qui vous flatte.
LÉLIE.

Non, je serai prudent, te dis-je, ne crains rien :
Tu verras seulement...

MASCARILLE.

Souvenez-vous-en bien,
J'ai commencé pour vous un hardi stratagème.
Votre père fait voir une paresse extrême
A rendre par sa mort tous vos désirs contents;
Je viens de le tuer (de parole, j'entends):
Je fais courir le bruit que d'une apoplexie
Le bon homme surpris a quitté cette vie.

Mais avant, pour pouvoir mieux feindre ce trépas,
J'ai fait que vers sa grange il a porté ses pas;
On est venu lui dire, et par mon artifice,
Que les ouvriers qui sont après son édifice,
Parmi les fondements qu'ils en jettent encor,
Avaient fait par hasard rencontre d'un trésor.
Il a volé d'abord; et comme à la campagne [pagne,
Tout son monde à présent, hors nous deux, l'accom-
Dans l'esprit d'un chacun je le tue aujourd'hui,

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