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ture. » ID. « L'abolissement du droit barbare de main-morte serait encore plus nécessaire que l'abolissement des jésuites. » In.

D

ABONDANCE, AFFLUENCE. Beaucoup de biens. C'est ce qu'exprime abondance employé absolument; mais pour qu'affluence ait cette signification il faut y ajouter d'autres mots. « De là cette abondance dans votre maison, de là cette affluence de biens, de là ce bonheur, ce succès.... » Boss. Dans la fable de Lafontaine intitulée Les Souhaits, les hôtes du follet demandent, pour premier væu, l'abondance; mais quand ils en voient les inconvénients, ils s'écrient :

Otez-nous de ces biens l'affluence importune. Ensuite affluence paraît dire plus qu'abondance. Abondance, du latin abundare, déborder, couler abondamment, marque seulement plus que suffisance; affluence, quod affluit, représente le mouvement de plusieurs cours d'eau qui se sont réunis et qui coulent à flots, en grande abondance. « Une maison voluptueuse, et, dans cette maison le luxe, l'abondance, l'affluence de tous les biens, etc. »> MARM.

Et ce n'est pas seulement pour la quantité que l'affluence enchérit sur l'abondance, c'est aussi pour la qualité : elle suppose des biens plus doux, plus exquis, d'une plus grande valeur. « Une Mélanie vit dans la pompe et dans l'affluence des délices de Rome. » BOURD. « Qui est celle-ci qui s'élève de la terre avec cette a fluence de délices et cet état de gloire qui l'environne?» ID. « Les hommes s'imaginent la félicité comme une affluence de voluptés sembiables à celles des sens, mais exquises, intarissables, et d'une durée éternelle, MARM. « A Capoue, tout paraissait dangereux aux Romains: la fertilité des terres, l'abondance de toutes sortes de grains et de fruits.... la beauté et la commodité des batiments, l'affluence de toutes

sortes de biens et de délices. » ROLL.

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ABONDER, FOURMILLER, REGORGER, PULLULER, FOISONNER. Avoir ou être en grande quantité.

Abonder, latin, abundare, couler abondamment, avoir ou être en abondance, est de tous ces verbes le plus général, et il se rapporte particulièrement à la quantité divisible. « Si les hommes abondent de bien, et que nul ne soit dans le cas de vivre de son travail.... » LABR. « Le riche à qui tout abonde. » Boss. « L'ile abondait en bois. » J. J. Le fer abonde par toute la terre.» BERN. « Les paysages ne sont jamais plus intéressants que quand les eaux y abondent.» ID. « A la Bourse arrivent de toutes parts les avis de ce qui manque ou de ce qui abonde chez les autres nations. » ID. « La grace abonde où le péché avait abondé. » MASS.

fourmilière de fourmis ou comme des fourmis dans une fourmilière. Il a proprement rapport à une quantité de choses qui se comptent, qui forment une mu titude et non pas une masse; il représente beaucoup d'individus, et d'individus qui ressemblent sous quelques point de vue à des fourmis. « La tradition enseignait que les cadavres des soldats de Sennacherib avaient été jetés à tas dans cette vallée, de sorte qu'elle fourmillait de vers qui sortaient de ces cadavres. » Boss. « Où ne trouve-t-on pas de petits insectes? Les creux de tous les arbres en fourmillent. » VOLT. « Les goëlands se tiennent en troupes sur les rivages de la mer; souvent on les voit couvrir de leur multitude les écueils et les falaises, sur lesquelles ils semblent fourmiller. » BUFF. Ayant rapport à la quantité qui se compte, fourmiller s'emploie bien en parlant d'une multitude d'hommes, mais d'hommes de petite valeur ou dont on fait peu de

cas.

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Tout fourmille d'ingrats, à la cour, à la ville. DEST. De certains personnages qui ont des couronnes, je ne dis pas des comtes ou des marquis dont la terre fourmille, mais des princes et des souverains. » LABR. « Ce pays-ci fourmille de gens oisifs qui se font des plaisirs de ce qui, pour des gens sensés, ne serait qu'un ob» BACH. « Le comté jet de mépris et de pitié. d'Eu fourmillait de faux sauniers. » S. S. « Les pays où l'on emmaillotte les enfants sont ceux qui fourmillent de bossus, de boiteux...., de gens » J. J. Fourmilcontrefaits de toute espèce. ler se prend volontiers aussi en mauvaise part quand il est question, non d'une multitude de personnes, mais d'une multitude de choses. « Paris fourmil e d'écrits qui portent mon nom, mais dont peu de gens sont les dupes. » J. J. « Votre gouvernement fourmille d'abus. » VOLT. « Nous passons une multitude d'anachronismes, de méprises, d'ignorances et de fables qui fourmillent dans ces livres. » 1D.

D

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Regorger se dit de ce qui abonde à la manière d'un fluide qui, ne pouvant tenir tout entier dans la gorge ou dans quelque autre canal, reflue, en sort pour se répandre. Ce mot suppose un contenant où les choses en question sont rassemblées et d'où elles débordent. Une province abonde en blés; des greniers regorgent de blés. «Ils engraissent tout ce qui les entoure, hommes et bestiaux, des biens dont regorgent leurs granges, leurs caves, leurs greniers. » J. J. « Nos bibliothèques regorgent de livres de théologie. » ID. « Les antichambres regorgent de serviteurs mieux nourris, mieux vêtus.... » VOLT.« Nos arsenaux et nos ports sont remplis de canons et de vaisseaux que nous avons enlevés à ces puissances; il en regorgent au point BERN. 1 que.... » D'ailleurs, regorger, rejeter ou sortir de la gorge, qui en a de trop, semble renFourmiller se dit de ce qui abonde comme une chérir sur ses synonymes, et marquer non pas

Depuis que la richesse entre ses murs abonde. CORN.
La louange est si sèche, elle produit si peu!
Mais la critique abonde; elle coule de source.
LA CHAUSSÉE.

Iris goûtait encor,

Non cet encens commun dont le Parnasse abonde,
Mais la louange délicate.... LAF.
Dans sa charite fausse, où l'amour-propre abon 'e....

BOIL.

seulement une grande mais une très-grande et même une trop grande quantité. « Toutes ces superfluités dont regorgent nos palais. »> DEL. a Comme ces femmes regorgent de train, de splendeur et de dignités, elles se delassent volontiers avec la philosophie ou la vertu. » LABR.

a

D'éloges on regorge, à la tête on les jette,

Et mon valet de chambre est mis dans la gazette.
MOL.

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l'égard desquelles on cesse d'être éloigné. L'abord ou l'accès d'un port, d'une ville, d'une place, d'une montagne; un homme d'un abord ou d'un accès difficile.

L'abord, d'à et de bord, est simplement l'approche, et de là vient qu'on dit également les abords et les approches d'une place; l'accès, latin accessus, acces, entrée, lieu par où on entre, est l'entrée. Ce qui défend l'abord d'un lieu ou d'une chose empêche qu'on n'y arrive, qu'on ne vienne auprès, qu'on n'en approche.

On n'en approche plus (de cette fontaine): deux monstres à l'entour

Interdisent l'abord d'une source si belle. LAF.

Ce qui défend l'accès d'un lieu empêche qu'on n'y pénètre, le ferme.

Depuis quand entre-t-on dans ces lieux (le sérail), Dont l'accès etait même interdit à nos yeux? RAC. manière dont on est accueilli, reçu, traité, quand Ensuite, abord se rapporte à la manière, à la on se rend auprès de la chose ou de la personne, et on lui donne des qualifications en conséquence. Ainsi l'abord d'une côte où règne la peste est dangereux pour un équipage.

N'altère point son innocence. RAC,

Pulluler, latin rullulare, de pullus, petit, rejeton, c'est abonder en choses ou comme les choses qui font des petits ou multiplient beaucoup, qui vont se reproduisant d'une manière extraordinaire. « Les frères doivent se réunir pour résister aux méchants, dont on m'a dit que la race pullule. VOLT. C'est une chose infame que les Fréron pullulent, et que les aigles n'aient point de petits. » ID. « Orose proteste dans ce mémoire qu'il a ramassé toutes les plantes de perdition qui pullulent dans la secte des priscillianites. » ID. Les rats se multiplient toujours trop, et dans certaines années pullulent à un tel point, qu'ils dévorent toutes les graines. : » BUFF. L'amour a varié ses lois à l'infini dans cette foule d'insectes qui pullulent au sein de la terre, des forêts, des eaux et des airs.» BERN. - Cette idée de propagation est unique et parfaitement distinctive du mot, au figuré comme au propre. Que des hérésies fourmillent quelque part, cela signifie qu'il y en a beaucoup; mais dire qu'elles y pullulent, c'est faire entendre qu'elles s'y engendrent et s'y étendent comme les mauvaises herbes, par exemple. « S'ils jugent que ce ne soit pas assez ôter le mé-personne d'un abord difficile est rude, brutale, farouche. Lucullus était d'un abord difficile: il chant que de le bannir pour faire pulluler ailleurs ses impiétés, comme celles de Nestorius se sont répandues en Orient par son exil.... » Boss. La durée et le nombre des procès fait toute la richesse et l'autorité de la robe, et par conséquent il les faut laisser pulluler et s'éterniser. » S. S. Foisonner, du français oison (à foison), est familier comme son primitif et d'un usage aussi rare pour le moins. Il ne s'en trouve guère d'exemples que dans des lettres et dans la poésie légère. Quant à nos sottises intestines, elles commencent à foisonner un peu moins dans ce momentci. » VOLT.

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Et du méchant l'abord contagieux Mais accès n'est relatif qu'à la possibilité, à la faculté d'entrer, de s'introduire dans le lieu ou chez la personne. L'accès est donné (Boss., VOLT.), permis (LAF., CORN.), ouvert (MOL.) ou fermé (In.); et on dit absolument avoir accès quelque part, et non pas abord, pour, y avoir ses entrées.

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Une

avait le commandement rude... il ne savait point se concilier les esprits par un air de bonté et de douceur, et des manières insinuantes. » ROLL. Mais une personne d'un accès difficile ne laisse pas aisément pénétrer chez elle, ferme sa porte à presque tout le monde. a Qui est cet homme qui parle si souvent à vos ministres qu'on dit être d'un accès si difficile? » MONTESQ. Auguste n'excite pas seulement Virgile et Horace par ses bienfaits, mais encore en leur donnant un libre accès auprès

de lui. » B ss.

Mêmes différences entre abordable et accessible, entre inabordable et inaccessible. L'homme abordable est gracieux, affable, accueille les gens avec douceur; l'homme accessible ne se renferme point, Sont en très-petit nombre, et que les sots foisonnent. laisse venir chez lui qui veut. Une batterie de ca

Mais savez-vous pourquoi? C'est que ceux qui raisonnent

DEST.

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nons rend une côte, un vaisseau, un port, un rempart inabordable; une inondation et des embarras rendent une brèche inaccessible (Boss.), et en général un lieu inaccessible est impénétrable. Un trone est inabordable (J. B. Rouss.), ce n'est pas quelque chose en quoi il s'agisse d'entrer; mais un empire (FEN.) et une forêt (ROLL.) sont inaccessibles. Des rochers inabordables rendent une ile inaccessible. « La côte est formée de rochers inabordables. L'ile serait inaccessible, s'il ne se trouvait des passages dans les récifs. D BERN. Une personne inabordable n'est point du tout, comme le prétend l'Académie, un homme de difficile accès, mais un bourru, un homme mal gracieux, d'humeur fâcheuse, dont les manières choquent et rebutent ceux qui l'approchent en toute

-

α

sens caractéristique d'abord, c'est-à-dire pour faire connaître comment on accueille ou on reçoit habituellement, c'est quand il s'agit de dépeindre, non quelque personnage considérable, mais un homme du commun. Dans l'Ecole des maris, Va

liberté. Qu'il soit permis aux grands d'être fâ- | daigna-t-il me rendre le salut. » J. J. Si quelcheux, inquiets, inabordables, qu'ils regardent quefois on se sert abusivement d'accueil dans le comme un droit acquis à la prospérité d'accabler encore de leur humeur des malheureux qui gémissent.... Grand Dieu! serait-ce donc là le privilége des grands? » MASS. « On leur avait assuré (à des officiers curieux de voir J. J. Rousseau) que j'étais un loup-garou inabordable. » J. J. « Com-lère dit de Sganarelle : ment vous y prendrez-vous pour apprivoiser cet Il a le repart brusque et l'accueil loup-garou. MOL. ours presque inabordable? » ID. Mais un homme Accueil et réception, de leur côté, ont aussi inaccessible est un homme de difficile accès, c'est- leurs nuances particulières provenant surtout de à-dire qui ne laisse pas aisément pénétrer jus- ce que le premier est un mot tout français, et le qu'à lui. Les gens intéressés qui obsèdent les second un mot pris du latin (receptio, de recipere, rois sont ravis de les voir inaccesibles. » FÉN. « Le | recevoir) et ayant encore la physionomie toute sultan, enfermé dans son sérail, ne voit que par latine. Il y a dans l'accueil plus de familiarité, les yeux de son grand vizir: ce ministre, aussi de cordialité ou de faveur, et dans la réception inaccesible que son maître, est d'ordinaire trompé. » plus de cérémonie et de pompe. On est sensible à Comme accès signifie l'entrée et inacces- un bon accueil; on est honoré d'une bonne récepsible ce où l'entrée n'est pas permise, cet adjectif tion. On dit un accueil doux (CORN, REGN.), doux se dit bien de l'âme considérée en tant qu'elle ne et poli (MARM.), favorable (CORN., BOURD.), grase laisse pas pénétrer de certains sentiments. Inac- cieux (VOLT.), obligeant (J. J.), aisé, tendre et facessible aux frayeurs de la mort (Boss.), aux milier (MARIV.), l'accueil de l'amitié (J. J.); mais consolations (LAF.). on dit une réception honorable (ROLL.), superbe (Boss.), magnifique (BOURD.), solennelle (In.), la grandeur d'une réception (DELAF.), les cérémonies et la magnificence des réceptions (HAM.), et quand Labruyère et Voltaire racontent comment Louis XIV reçut le roi Jacques d'Angleterre après qu'il eut été détrôné, c'est du mot de réception qu'ils se servent. Rollin rapporte que, Lélius et Massinissa étant venus trouver Scipion dans sa tente en Afrique, Scipion leur fit à tous deux un accueil également amical et gracieux; mais, dans un

VOLT.

Il oppose à l'amour un cœur inaccessible. RAC. ABORD, ACCUEIL, RÉCEPTION. Traitement fait à une personne quand on vient à être avec elle, dans une rencontre ou une entrevue.

qui fut faite à Varron, à son retour après une défaite dont il avait été la principale cause. « M. de Wolmar amène à sa femme quelque bon vieillard; elle lui fait un accueil charmant, qui marque la bienveillance et l'humanité de son caractère.... Le vieux bonhomme, de retour dans sa chaumière, raconte avec emphase la réception qu'on lui a faite, les mets dont on l'a servi...., et généralement ce qui peut donner du prix aux marques d'estime et de bonté qu'il a reçues; toute la inaison croit jouir des honneurs rendus à son chef. » J. J.

Abord est de ces trois mots le plus distinct. Il désigne aussi bien le traitement fait par la personne qui arrive que celui qui est fait par la personne vers laquelle on arrive; au lieu que accueil et réception signifient exclusivement le traitement fait par la personne vers laquelle on arrive ou qui reçoit.« On introduisit Auguste dans l'apparte-autre endroit, il rappelle la glorieuse réception ment d'Antoine. Leur abord fut froid. » VERT. Omphis, roi des Indes, vint trouver Alexandre. a Leur abord se passa avec beaucoup de civilité. » VAUG. J'attendis de sang-froid Mme de Velbac. Rien de plus leste et de plus délibéré que son abord; rien de plus naturellement poli que mon accueil. » MARM. « J'aperçus un jour La Dornal à la comédie avec Senecé. J'allai trouver celui-ci comme pour lui demander une place. Mon abord les déconcerta l'un et l'autre.... La Dornal finit par me faire un accueil assez flatteur. » DUCL. Outre cela, l'abord se rapporte plutôt à l'air, et même à l'air qu'on a constamment à l'égard des personnes; au lieu que l'accueil et la réception regardent proprement les manières ou les procédés dont on use dans l'occasion. Telle personne a l'abord ou un abord doux ou choquant, et dans une certaine circonstance elle vous fait un bon ou un mauvais accueil, une bonne ou une mauvaise réception. - Enfin l'abord est surtout facile ou difficile, et le mot s'emploie particulièrement bien en parlant d'un grand, pour exprimer qu'il est ou qu'il n'est pas accessible. Bossuet dit de François Ier que son abord gagnait tout le monde. Le duc de Monmouth avait un abord attrayant, un air de grandeur.... » HAM. Son abord facile (de Vononès, roi des Parthes), son affabilité générale, vertus inconnues aux Parthes, étaient à leurs yeux des vices nouveaux. » D'AL. « Je me soucie fort peu que Colbert ait eu la physionomie rude et basse, l'abord glaçant. » VOLT. « L'abord de Grimm fut celui du comte de Tuffière, à peine

ABORD (D), SUR-LE-CHAMP, AUSSITÔT, A L'INSTANT, TOUT DE SUITE, INCONTINENT, IMMÉDIATEMENT. Adverbes et locutions adverbiales qui signifient sans tarder, sans délai, sans perdre de temps.

D'abord, dès l'abord, au premier abord, sans aller au delà, sans pousser plus loin, vient de ab ordio, dès le commencement, et est opposé à ensuite. Il exprime qu'une chose se fait sans délai, parce qu'on la fait ou qu'on l'épuise en un seul coup, sans avoir besoin d'y revenir à plusieurs reprises. « Ceux qui sont accoutumés à juger par le sentiment ne comprennent rien aux choses de raisonnement car ils veulent d'abord pénétrer d'une vue, et ne sont point accoutumés à chercher les principes. » PASC. « Je l'ai d'abord reconnu.» LAF. « Adraste, d'un coup de lance, le rendit immobile; et son âme s'enfuit d'abord avec son sang.» FEN.« On allait droit à l'ennemi, et la force décidait d'abord. » MONTESQ. « Le dé

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faut de lumière nous empêche de discerner d'a- | clin d'œil. Il faut donc se servir de cette locution bord ce qui est le meilleur.» LAROCH. Harpagon toutes les fois qu'il s'agit d'une succession trèsdit à son cuisinier: « Il faudra de ces choses dont rapide, instantanée, ponctuelle. on ne mange guère, et qui rassasient d'abord. » MOL.

Sur-le-champ, sur la place, sans changer de lieu, séance tenante, où qu'on se trouve, répond tout à fait au latin illico, in loco. Il se dit surtout en parlant d'une résolution, d'une mesure qu'on prend sans délai, sans tergiverser, sans délibérer davantage. Il rappelle l'idée de ce roi de Syrie qu'un ambassadeur romain avait sommé d'accepter la paix ou la guerre avant de sortir du cercle qu'il avait tracé autour de lui avec une baguette, ou bien encore l'idée d'une assemblée qui ne quitte le lieu de ses séances qu'après avoir adopté une certaine mesure. Dans le Lutrin, le prélat approuve le projet de Sidrac.

Il veut que sur-le-champ dans la troupe on choisisse
Les trois que Dieu destine à ce pieux office.

Qu'à ce monstre à l'instant l'âme soit arrachée. RAC. Cent coups étaient portés et parés à l'instant. VOLT. « Calypso fit signe aux nymphes à l'instant on chanta le combat des centaures. » FEN. « Finissez vos cruels discours, ou je vais vous fuir à l'instant. » BEAUM. Si mademoiselle Goton m'eût ordonné de me jeter dans les flammes, je crois qu'à l'instant j'aurais obéi. » J. J. « Songez à la manière admirable dont la règle exprime cette ponctualité: que tout autre ouvrage cesse à l'instant, quand il s'agit d'accomplir celui de l'obéissance. » Boss. « Quand l'action du cerveau ou du cœur cesse tout à fait, on meurt à l'instant. » ID.

Tout de suite, incontinent et immédiatement, ainsi que aussitôt et à l'instant, annoncent une succession prompte et rapide entre des événements consécutifs; mais étant primitivement ap

C'est-à-dire qu'il ne veut pas que l'on sorte avant plicables à l'espace, ils font image dans l'acception d'avoir tiré les noms des trois élus.

Je voulais sur-le-champ congédier l'armée. RAC. « Dans vos nouvelles lois, l'offensé se demande à lui-même la mort de son ennemi, il l'ordonne, il l'exécute sur-le-champ. » PASC. « Louis XI terminait sur-le-champ avec une netteté et un jugement admirables les choses qui demandaient une prompte résolution. » Boss. « Tout le peuple applaudit à cette peinture (du juste par Eschyle), et en fait sur-le-champ l'application à Aristide présent. » D'AG. « On a fait sur-le-champ arrêter son premier ministre. » MONTESQ. « Ordonner de partir sur-le-champ. » J. J.

ici considérée, ils indiquent qu'on ne peut rien mettre entre ces événements, qu'ils font suite, se touchent, ne laissent point entre eux de lacunes. Au surplus, chacun d'eux se distingue par quelque chose de particulier.

Tout de suite est du style simple et familier, comme beaucoup de locutions où entre le mot tout, tout de bon, tout exprès, tout au long, tout de travers, tout à loisir, etc. « Elle m'interrogea, m'examina: je ne lui déplus pas; et tout de suite j'entrai à son service. » J. J. « Ne comptez jamais mes lettres, ou rompons tout de suite. » ID. «<Entre l'arrivée de Fénelon chez moi et le départ de Chirac il n'y eut pas une heure, et il alla tout de suite à Cambrai. » S. S. « Le bruit s'est accru.... La garde s'en est mêlée, et on a arrêté deux jeunes gens des plus acharnés.... On les a relâchés tout de suite. » BACH.

Aussitôt indique par sa composition une comparaison, une condition dans un événement antérieur formellement exprimé et que suit sans délai, dans le plus court intervalle, l'événement principal, sur lequel il appelle l'attention. Par là il se distingue nettement de ses deux premiers syno- Incontinent, in continenti, en continuation de, nymes qui ne supposent rien d'antérieur. « Ja-outre qu'il est du style soutenu, marque transition mais personne n'osa me contredire sans être prompte entre des événements semblables, dont aussitôt puni. » FEN. « Les juges prononcèrent en le second tient au premier, y est contenu, de mafaveur de Bias qui expira aussitôt. » ID. « Pro- nière qu'ils forment un tout continu ou qu'il y a tésilas sourit; toute l'assemblée se mit aussitôt à continuité de l'un à l'autre. rire. ID. Je dis à ce père: Je voudrais que vous en eussiez de bonnes preuves. En voulezvous? me dit-il aussitôt. » PASC. « Je ne suis sorti que trois fois depuis votre départ, et je suis rentré presque aussitôt. » J. J.

D

"Il n'est marmot osant crier

Que du loup aussitôt sa mère ne menace. LAF.
L'aventurier rencontre une cité.

Un cri par l'éléphant est aussitôt jeté :

Le peuple aussitôt sort en armes. ID.

A l'instant se rapproche beaucoup d'aussitôt. Cependant il est plus précis. Aussitôt, c'est dans ⚫ le même temps, à la même heure; à l'instant, c'est dans le plus petit intervalle de temps qui se puisse concevoir. Fénelon dit : « Ma volonté n'a qu'à vouloir, et le corps que j'appelle le mien se remue aussitôt; c'est-à-dire simplement sans qu'il y ait beaucoup d'intervalle entre l'ordre et son exécution. Ailleurs il dit : « L'esprit veut, et tous les membres du corps se remuent à l'instant; c'est-à-dire subitement, en moins d'un

Un cerf tomba malade.
Incontinent maint camarade
Accourt à son grabat le voir. LAF.

Tout de suite n'eût point convenu; il est trop fa-
milier, trop prosaïque; à l'instant, à la minute,
eût indiqué une promptitude qu'il n'est pas be-
soin d'exprimer ici. Aussitôt semblerait plus pro-
pre à remplacer incontinent; d'autant plus que
Lafontaine dit ailleurs :

La femme du lion mourut;

Auss tót chacun accourut.

Il y a pourtant une différence aussitôt signifie
qu'on ne tarda pas à accourir après la mort de la
lionne; incontinent implique de plus que le con-
cours forme un tout avec la maladie du cerf,
qu'il en est la continuation, qu'on devait s'y at-
tendre, que, le cerf étant malade, il était tout na-
turel qu'on accourût. « Incontinent après le com-
bat, les consuls donnaient publiquement la
louange ou le blâme. » Boss. «<
Après avoit dit
dans le symbole: Je crois au Saint-Esprit, nous

occupation qu'une attaque, ou du moins qu'une attaque précise. Madame Deshouli? res, faisant l'apothéose de son chien, pretend qu'il est supérieur au chien qui jappe là-bas, » c'est-à-dire à Cerbère, et elle ajoute :

Il déméle un sot de cent pas,

ajoutons incontinent après la sainte Église catho- | nuie peut-être d'être renfermé, c'est plutôt une lique. » In. « Agamemnon etait demeuré d'accord avec Clytemnestre que, sitôt que Troie serait prise, il le lui ferait savoir par des flambeaux disposés de montagne en montagne, dont le second s'allumerait incontinent à la vue du premier, le troisième à la vue du second, et ainsi du reste. » CORN.« Une pauvre femme attaquée d'une humeur froide se présenta devant lui (Édouard III), il la guérit incontinent en faisant le signe de la croix. » VOLT. « Un soulèvement général de tout le royaume suivit incontinent celui de Lisbonne.» VERT. Ce chien nagea jusqu'à ce qu'il abordat presque sans force à Salamine, et mourut incontinent sur 1 rivage. » ROLL.

Le poursuit, l'aboie, et le pille. Voltaire a observé cette différence d'une manière encore plus rigoureuse en parlant de certains libellistes : « On ne peut fermer la gueule à ces roquets-là, parce qu'ils jappent pour gagner un écu; ils ont plus aboyé contre Louis XIV que contre son historien. »

α

Outre cela, aboyer se dit de tous les chiens, Immédiatement, de in négatif, et de medius, mais japper convient surtout quand il est question milieu, moyen, se dit quand il s'agit d'événe- des moins gros. Japper paraît être une onomatoments entre lesquels il y a contiguité, une sorte pée (hap, hap), un mot formé par imitation des de contact, qui se touchent, entre lesquels on ne cris courts, continue's et multipliés des petits peut rien intercaler, quoiqu'ils soient distincts et chiens. Tous nos déclamateurs crient à l'idolâne forment pas un tout continu. Changer immétrie comme de petits chiens qui jappent quand diatement du blanc au noir (J. J.), c'est aller de, ils entendent un gros chien aboyer. » VOLT. l'un à l'autre sans transition, brusquement, sans ABRÉGÉ (EN), EN RACCOURCI. D'une maintermédiaire, sans qu'on s'y attende; inconti- nière peu étendue, peu développée, sans détails. nent en pareil cas serait un vrai contre-sens. En abrégé est l'expression ordinaire. On dit « Faire que ces deux choses (la définition et le (Boss.), on rapporte (ID., FEN., ROLL.) une chose défini) soient tellement jointes et inséparables en abrégé; une chose en contient, en renferme dans la pensée, qu'aussitôt que le discours ex- une autre en abrégé (BOURD., Boss., FEN.). prime l'une, l'esprit y attache immédiatement « La proposition est le discours en abrégé. » FEN. l'autre. » PASC. «< Tu te trompes de croire que le En raccourci fait image; c'est une façon de parler pécheur soit souvent puni immédiatement après figurée, prise de la peinture; elle ne s'emploie son crime.» MAL. « Les Suédois sont bien sûrs que qu'à l'égard d'objets mis sous les yeux de l'esprit, Magog, fils de Japhet, leur donna des lois immé- et susceptib es de leur paraitre accourcis par diatement après le déluge. » VOLT. — D'ailleurs, l'effet de la perspective. « Les anciens taillaient au lieu que tout de suite est familier, et inconti- l'émeraude en creux régulier dans lequel venaient nent du haut style, immédiatement appartient se peindre les objets en raccourci. » BUFF. On plutôt au langage de la métaphysique. présente (BUFF., S. S.) ou on représente (Boss.) les choses en raccourci. « Voílì en raccourci tout le portrait de ce grand saint. BOURD. « J'emprunterai ici le pinceau de Tite-Live pour tracer en raccourci le portrait d'un homme si fameux. » ROLL. « Le voilà ce tableau que je vous ai promis; la voilà représentée au naturel et comme en raccourci cette immortelle beauté de la morale chrétienne. » Boss. Lafontaine, dit, en parlant du paysan du Danube, qu'il va dépeindre en peu de mots :

En résumé donc, on fait une chose d'abord, quand on la fait tout d'un coup, sans avoir besoin de s'y prendre à plusieurs fois, d'y revenir ensuite. On se détermine, on prend un parti ou une mesure sur-le-champ, sans hésiter. Une chose étant arrivée, une autre arrive aussitôt, ou elle arrive à l'instant si c'est instantanément, dans le plus bref délai, à la minute. Tout de suite est du style commun, du style de la conversation. Incon tinent, d'un usage relevé, mais de plus en plus rare, marque prompte succession entre des evénements analogues d'un même drame, d'un même plan. Immédiatement a quelque air de métaphy-en sique, et sert à marquer un prompt passage entre des événements divers entre lesquels il établit non continuité, mais contiguité seulement.

ABOYER, JAPPER. Ces deux verbes expriment l'action du chien poussant la sorte de cri qui est particulière à son espèce.

Mais aboyer, du latin ad, à, vers, contre, et baubari, aboyer, hurler, est transitif, marque une action dirigée d'un certain côté, vers, après, contre une personne ou une chose; au lieu que japper, verbe simple, ne contenant aucune préposition, est absolu, indique une action sans objet, sans relation avec qui que ce soit et avec quoi que ce soit. Un chien aboie aux voleurs, contre les passants, après tout le monde; il jappe à part soi, sans nécessité, par habitude, parce qu'il s'en

Voici le personnage en raccourci. Une histoire en abrégé (SEV.); une description raccourci (BUFF.). Conter une chose en abrégé (ACAD.); exposer une affaire en raccourci (ID.).

ABSENCE, ÉLOIGNEMENT. Défaut de présence d'une personne en un lieu où elle a coutume d'être.

Absence exprime proprement que la personne n'est plus là, abest; et éloignement, qu'elle est loin de là. Ainsi, sous le rapport de la distance, absence dit moins qu'éloignement. « Flle jugea que l'absence seule et l'éloignement pouvaient lui donner quelque force. » DELAF. « L'absence et l'éloignement de l'her tier légitime n'empêcha point la plupart des provinces de regarder toujours le Bourguignon comme un usurpateur. » V-RT. — Le malheur de l'absence consiste à ne pouvoir plus vivre ensemble, et il est d'autant plus grand que l'absence dure plus longtemps. Dans la fable des

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