Page images
PDF
EPUB

origine, on s'en sert le plus souvent comme d'un | suite des verbes aller, venir ou envoyer; auquel

mot usé et avili, on l'emploie par plaisanterie ou en le prenant en mauvaise part. Il n'est pas besoin d'en dire davantage au coryphée des cavaliers galants. » LES. « J'aimais l'honneur, et je pensais avec plaisir que je passerais pour le coryphée des domestiques. >> ID. « Je vous avouerai franchement que je suis le coryphée des joueurs d'échecs de Bordeaux. » ID. « Il s'est formé à Paris une nouvelle secte appelée les Économistes.... M. Quesnay est le coryphée de la bande.» BACH « Les plaidoyers de Lemaître et de Patru, les deux coryphées du barreau, sont imprégnés de cette rouille de pédantisme et de faux esprit. » LAH. « C'est cette doctrine insensée et perverse qui gardera à jamais le nom de philosophie du dix-huitième siècle, et qu'un de ses coryphées, Rousseau, a poussée jusqu'à condamner formellement la société en elle-même. » ID. Voltaire, qui n'aimait point Pascal, l'appelle quelque part le coryphée des jansénistes.

CHER, PRÉCIEUX. Une chose nous est chère ou précieuse qui n'est pour nous rien moins qu'indifférente, qui nous touche ou nous intéresse beaucoup.

Mais c'est par le cœur que nous tenons à ce qui nous est cher:

A tous les cœurs bien nés que la patrie est chère!

VOLT.

Que si nous tenons à la chose qui nous est précieuse, c'est par estime, c'est à cause de sa valeur ou de son utilité. « Voilà les motifs qui doivent rendre à tout homme sage le temps précieux et estimable. » MASS. On conserve chère ment un objet chéri, ce qu'on aime; on conserve précieusement un objet de prix, un trésor. Voltaire écrit à Vauvenargues: « Votre société m'est aussi chère que votre goût m'est précieux. Il dit dans une autre lettre, en parlant d'une visite qu'il a reçue d'un prince : « Je suis toujours dans cet hermitage si précieux pour moi, puisqu'il a été habité par un prince dont le souvenir m'est si cher. » Dans l'éloge de Sacy fait par d'Alembert devant l'Académie française on lit: « Les qualités de son âme et la dignité de sa conduite ont rendu son souvenir cher à cette compagnie et son exemple précieur aux gens de lettres. D

cas tous deux signifient, prendre et amener, ou prendre et apporter. Envoyer chercher ou querir le médecin; allez chercher ou querir une lettre.

La différence entre l'un et l'autre a été trèsbien saisie par Condillac qui l'énonce en ces termes : « On va chercher une chose ou une personne quand on ne sait où elle est; on la va querir quand on sait où la trouver. » Chercher garde ici comme partout son idée essentielle, qui est celle de démarches et d'efforts pour arriver à découvrir; au lieu que querir ne rappelle aujourd'hui à nos esprits aucune idée semblable, quoiqu'il dérive du latin quærere, qui veut dire chercher. « Feignant que la précipitation et le tumulte lui ont fait oublier ses armes, l'homme timide court les querir dans sa tente, où il cache son épée sous le chevet de son lit, et emploie beaucoup de temps à la chercher. » LABR.

Querir, ayant un caractère distinctif assez considérable, mériterait d'être conservé. Mais le fait est qu'on ne le dit plus guère. Voltaire affirme même absolument, dans ses Commentaires sur Corneille, qu'on ne le dit plus, ce qui ne l'empêche pas de s'en servir lui-même dans une de ses lettres. On continue à l'employer quelquefois et on devrait l'employer encore plus souvent dans le discours familier, parmi le peuple, en parlant de choses ou de personnes communes qu'on va prendre dans un lieu certain. Il en est des mots usés comme de la défroque des gens riches, laquelle, avant d'être totalement rejetée, sert encore quelque temps aux domestiques ou aux pauvres.

[ocr errors]

Allez au cabinet me querir un mouchoir. CORN.

Va querir un peu d'eau; mais il faut te håter. ID.

Qu'y avait-il de plus ordinaire que la rencontre d'un homme qui venait de querir de l'eau à quelque fontaine hors de la ville? » Boss. « Croiriezvous bien que je n'aurais jamais eu le courage d'aller au grenier querir du foin, si la cuisinière n'y fût pas venue avec moi? » DEST. « Envoyezmoi toujours ce soir vos lettres par Lefevre qui viendra les querir. » VOLT. « Il avait ce livre, il l'alla querir, et le mit entre les mains de son ami. » ARN. « Fort bien, mon gaillard, me ditelle; allez donc querir vos hardes afin de revenir dîner. » MARIV. «< Almanzor, dites aux gens de Quelquefois les deux mots se mettent l'un après M. le marquis qu'ils aillent querir des violons. » l'autre avec leurs nuances respectives, mais sans MOL. « Je suis de retour dans un moment.... Si que l'un enchérisse sur l'autre, comme on pour-l'on m'apporte de l'argent, que l'on me vienne rait se l'imaginer. Qu'on affectionne beaucoup une chose et qu'on en fasse grand cas, on dira qu'elle est chère et précieuse : << Non, grand Dieu! vous n'exercerez pas votre vengeance sur cette église que le sang de tant de martyrs vous rendra toujours chère et précieuse. » MASS. Et si une chose est d'un grand prix ou très-prisée, et que par conséquent on y soit attaché, il faudra dire qu'elle est précieuse et chère :

Un diamant trouvé dans un désert Est-il moins beau, moins précieux, moins cher ? VOLT. CHERCHER, QUERIR. Ils sont synonymes quand on les emploie de la seule manière qui convienne à querir, savoir, à l'infinitif et à la

querir vite chez le seigneur Géronimo. » (Sganarelle, au commencement du Mariage force). ID. CHÈREMENT, TENDREMENT. Aimer chèrement, aimer tendrement, c'est-à-dire beaucoup.

On aime chèrement ce qu'on chérit, ce qu'on aime par réflexion, par estime, en considération des qualités qu'on y trouve; mais on aime tendrement ce qu'on aime avec tendresse, par inclination, spontanément, d'instinct.

On aime chèrement un ami, un bienfaiteur, la vertu. « Le prince de Montpensier adressant la parole au comte d'un ton qui faisait voir qu'il avait encore de l'amitié pour lui: Que vois-je ? lui dit-il. Est-il possible qu'un homme que j'ai aimé si chèrement choisisse ma femme entre toutes les

D'ailleurs, chicaner se prend en plus mauvaise part, ou plus essentiellement en mauvaise part. En effet, c'est alléguer des raisons frivoles, des vétilles; au lieu que incidenter, c'est proprement relever quelque chose d'accessoire, quelque chose de peu important, il est vrai, mais non pas de futile ou de mal fondé. « Antoine ayant (par ce sé

autres femmes pour la séduire? » DELAF. «< Tout | ras, l'auteur ne songe qu'à tout embrouiller de ce pays a bien sujet d'être dans l'affliction; nous questions inutiles à cette matière.... On voudrait, allons perdre notre seigneur, que nous aimons pour incidenter toujours, voir ce que nous dichèrement, et de qui nos familles reçoivent mille rons. » Boss. biens tous les jours. » LES. « Julie n'aima si chèrement la vertu même que comme la plus douce des voluptés. » J. J. Mais ce sont ses enfants, c'est son époux ou sa femme, c'est un amant ou une maîtresse qu'on aime tendrement. « La reine sa mère ne l'aimait pas plus tendrement que faisait Anne d'Espagne. » Boss. « Vous ne savez pas ce que c'est qu'un mari qu'on aime tendrement. »natus-consulte) l'essentiel de ce qu'il désirait, MOL. « Je suis une princesse de la cour d'Ortus. J'étais tendrement aimée d'Arimin. Il me devait épouser, lorsqu'une imprudente curiosité nous porta, mon amant et moi, à vérifier ce qu'on disait d'une fontaine si merveilleuse. » LES.

Mme de Sévigné écrit à M. de Grignan, son gendre: Il faut m'aimer, mon cher comte, et vous assurer que vous n'êtes aimé en nul lieu du monde si chèrement qu'ici. » Mais quand elle écrit à sa fille et lui parle de ses sentiments pour elle, elle emploie tendrement de préférence : « Vous connaissez tous mes sentiments sur votre sujet et combien la vie me paraît triste sans voir une personne que j'aime si tendrement. »

Chèrement annonçant une affection réglée par la raison et calme, au lieu que tendrement suppose de l'entraînement et de l'abandon, une plus grande effusion de cœur, il s'ensuit que tendrement l'emporte en force et renchérit sur son synonyme. Après cette gronderie toute maternelle, laissez-moi vous embrasser chèrement et tendrement, persuadée que vous n'êtes point fàchée. »

SEV.

«

CHICANER, INCIDENTER. Élever de mauvaises difficultés.

n'incidenta par sur une clause par laquelle il savait bien qu'il ne serait pas gêné. » ROLL. « On pourrait incidenter sur une main qui se fait partie (dans la tragédie d'Héraclius); mais c'est ici que la critique des mots doit se taire devant la noblesse des choses. » VOLT. Il est donc quelquefois permis d'incidenter, mais de chicaner, jamais.

CHOQUER, BLESSER, OFFENSER. Pris au figuré, ces verbes sont synonymes quand ils signifient produire sur la vue ou sur l'ouïe une impression désagréable, ou bien affecter l'esprit d'une manière fâcheuse en contrariant ses goûts, ses préventions, ses sentiments, ou bien porter atteinte à certaines choses morales, telles que la religion et la bienséance.

Choquer, c'est heurter contre ce qui est établi, accoutumé, en usage, l'ébranler, tendre à le renverser. Blesser n'a point pour accessoire d'exprimer qu'on s'attaque à une chose reçue, ordinaire, qui a cours, et qu'on la brusque, qu'on la rudoie; mais il désigne une impression ou une atteinte beaucoup plus forte, laquelle endommage ou laisse une lésion. Offenser, d'offendere, donner, toucher contre une chose qui est devant soi et qu'on rencontre, n'a pas l'accessoire de choquer et marque une impression ou une atteinte plus faible que blesser. « Un musicien sera vivement choqué d'une dissonance; une voix fausse, un son aigre l'offensera, le blessera. » BUFF.

Chicaner, c'est user de chicane. La chicane, de l'italien cica, minutie, bagatelle, d'où viennent aussi l'espagnol chico, petit, et le français chiche, qui dépense peu, signifie une difficulté par la quelle on veut réduire à peu, diminuer. Celui donc qui chicane cherche à rabattre. C'est ce que fait un critique chicaneur: il déprise, il ôte aux Mon visage l'offense, et ma gloire le blesse. CORN. personnes ou aux choses une partie de leur mérite. La vue ou l'ouïe est choquée par un assortiQuelques-uns prétendaient chicaner sur la vic- ment de couleurs ou par un son inaccoutumé fortoire de César, et soutenaient qu'elle n'était pas mant avec ce qu'on voit et ce qu'on entend d'ordiaussi complète que l'on pouvait se l'imaginer. »naire un contraste qui désoriente, surprend et ROLL. «Il me dit que, puisque j'avais les profits de sa chancellerie, il était juste que j'en fisse les frais. Je ne voulus pas chicaner sur cet article. »> J. J. Notre présent (don gratuit de la Bretagne au roi) est déjà fait : on a demandé trois millions; nous avons offert sans chicaner deux millions cinq cent mille livres, et voilà qui est fait. » SEV.

Incidenter, faire naître un incident ou des incidents dans un procès, indique des difficultés élevées afin de se tirer d'affaire, des échappatoires. Celui donc qui incidente le fait pour éluder ou pour sortir d'embarras. « Les tribuns incidentent, cherchent des faux-fuyants, et tâchent d'éluder la force du serment. » ROLL. « On s'aperçut que la cour de Vienne incidentait sur des détails de peu de conséquence, et qu'elle cherchait à éluder l'acceptation du traité. » MARM. « Pour empêcher qu'on ne voie tous ces nouveaux embar

déplait. Il faut qu'une chose agisse vivement, fasse une forte impression sur la vue ou sur l'ouïe pour blesser l'une ou l'autre; il faut, par exemple, une couleur trop vive ou trop éclatante, un son trop aigre ou trop aigu. Il y a des vues et des oreilles délicates qu'une lumière peu éclatante ou une dissonance légère peut offenser.

Ce qui est difforme ou grotesque choque la vue; il faut pour blesser la vue quelque chose dont l'aspect fasse une impression très-pénible; l'offenser, c'est la blesser un peu. Ce qu'il y a d'étrange, de peu mesuré, dans le langage d'un homme, choque l'oreille; tout ce qui fait beaucoup de peine à entendre, comme des paroles obscènes, la blesse; il suffit d'un mot mal prononcé, d'une parole un peu libre pour offenser une oreille délicate.

On choque un homme en. contrariant sa ma

[ocr errors]

nière de penser, ses préjugés, ses habitudes, ses | xolos, creux, concave. C'est la partie du monde mœurs, et cela dénote peu de ménagement, le qui s'étend au-dessus de nos têtes en forme de peu de soin qu'on prend de s'accommoder aux voûte et à laquelle les astres semblent être attavues et aux volontés des autres. On blesse les chés. personnes dans ce qu'elles ont de plus cher : on dit blesser au vif, blesser au cœur; et, s'il y a défaut de ménagement, rudesse à choquer, il y a souvent malice et cruauté à blesser. On offense les personnes surtout en ne leur marquant pas toute la considération dont elles se croient dignes, en leur manquant de respect.

Nous sommes choqués de tout ce qui nous paraît paradoxal, inusité, excessif; nous sommes blessés par tout ce qui nous cause du chagrin ou de la douleur, par tout ce qui froisse nos affections; nous sommes offensés par tout ce qui paraît attaquer notre mérite, notre honneur ou nos

droits.

Le singulier marque l'unité, et le pluriel la multiplicité. On se sert du mot ciel comme d'une expression collective ou synthétique quand on veut donner une idée du tout, de l'ensemble, sans avoir aucun égard à l'étendue de la chose et à ses parties. Lever les yeux ou les mains au ciel; tout ce qui est sous le ciel; le ciel devient sombre.

Son front touchait le ciel, ses pieds foulaient la terre.
DEL.

Mais on emploie le pluriel cieux toutes les fois
qu'il s'agit de développer devant les yeux de l'es-
prit les vastes espaces du ciel ou d'en parler
d'une manière analytique, distributive ou détail-

J.

α

La chose choquante est bizarre, singulière, sur-lée. « Les dieux d'Homère franchissent l'espace prenante, ridicule; la chose blessante est poi- des cieux en trois pas, et arrivent au quatrième. gnante, très-sensible, amère, mortifiante; la J. « On dit qu'un prophète, en une minute, parchose offensante est injurieuse. courut sept régions différentes des cieux. » STAËL. -« Il tourne par hasard les yeux vers le ciel.... ; il considère, avec je ne sais quel frémissement, la marche lente et majestueuse de cette multitude de globes qui sans cesse lancent à travers les espaces des cieux une lumière pure et inaltérable. » J. J.

On se choque de ce qu'on trouve étrange; on se blesse de ce qu'on prend à cœur, de ce dont on se chagrine; on s'offense de ce qu'on regarde comme un outrage. Se choquer de tout est le propre d'un esprit étroit et peu flexible qui ne peut concevoir qu'on pense ou fasse autre chose que ce qu'il pense ou fait. Se blesser de tout et s'offenser de tout sont la marque, l'un d'une trop grande sensibilité, l'autre d'une trop grande sus-puissance céleste, Dieu, la Providence. Cieux, ceptibilité.

Ciel, emportant l'idé d'unité, se prend souvent d'une manière abstraite et pour personnifier la

au contraire et par la raison contraire, est impropre ou bien moins propre à cet usage: il ne convient guère que pour le concret, pour désigner quelque chose qui est dans l'espace ou relatif à l'espace. La philosophie est un présent du

En parlant des choses morales auxquelles on porte atteinte, choquer se dit du bon sens, de la vérité, de la bienséance, des usages, de toutes les choses en un mot qui sont établies, reçues, et qui peuvent être heurtées, attaquées, ébran-ciel: elle nous a été donnée pour porter nos eslées; blesser convient en parlant de l'honnêteté, de prits à la connaissance d'un Dieu par la contemla pudeur, de la conscience, du cœur, de tout ce plation des cieux (MOL.). « Ici nous sentons touqui peut recevoir une vive atteinte ou être violé;jours la protection du ciel.... Connaissez-vous offenser est préférable à l'égard de ce qui peut cette terre que les rayons des cieux fécondent être l'objet d'une injustice ou d'une injure. avec amour? » << Despréaux interdit à la comédie les plaisanteries qui choquent le bon sens, ou qui blessent l'honnêteté. » MARM. « Vous me déplaisez en me parlant comme vous le faites de vos aimables lettres.... Où pêchez-vous cette fausse et offensante humilité? Elle blesse mon cœur, elle offense la justice, elle choque la vérité. » Sév.

Choquer la religion, c'est faire ou dire quelque chose qui soit contraire à ce qui est établi par la religion, aux croyances, aux cérémonies, aux pratiques religieuses; la blesser, c'est en transgresser ouvertement les préceptes en faisant quelque action qu'elle réprouve; l'offenser, c'est se rendre coupable envers elle d'irrévérence.

Vous montrez-vous dans une réunion vêtu d'une manière grotesque ou tout à fait surannée, vous choques la bienséance. Qu'une femme déclare son amour à celui qui en est l'objet, elle blesse la bienséance. C'est offenser la bienséance que de mettre peu de retenue dans ses paroles au milieu d'un cercle composé de personnes chatouilleuses ou qui sont encore dans l'âge de l'inno

STAEL.

Peignez de ces beaux lieux les oiseaux et les fleurs,
Où le ciel prodigua le luxe des couleurs....
Montrez-nous l'Orénoque et l'immense Amazone...,
Qui semblent, à leur poids, à leur bruyant tonnerre,
Plutôt tomber des cieux que rouler sur la terre.

DEL.

Toutefois, quand le ciel en adoucit les traits,
Les rigueurs de l'hiver se changent en bienfaits:
Il raffermit les nerfs; son souffle salutaire
Va balayer les cieux et purger l'atmosphère. ID.

Enfin, ciel est précis, et cieux vague. C'est pourquoi celui-ci est préféré et doit l'être dans le style soutenu auquel conviennent moins les abstractions et la clarté que le grandiose, les images et les expressions indéterminées. « Les cieux s'ouvrent sur la tête de J. C., et annoncent eux-mêmes aux hommes sa gloire et sa magnificence.» Mass. Descends du haut des cieux, auguste Vérité! VOLT. Les cieux instruisent la terre

A révérer leur auteur. J. B. ROUSSEAU. CLASSE, ORDRE; GENRE, ESPÈCE; SORTE. Ces mots signifient tous un assemblage, une collection ou une réunion d'individus qui se CIEL, CIEUX. En latin cœlum, cæli, du grec ressemblent sous certains rapports, ou, en d'autres

cence.

termes, des divisions entre les choses en raison | bien en matière de science. Ordre a une significade leurs similitudes et de leurs différences. Des êtres sont de la mème classe, du même ordre, du même genre, de la même espèce ou de la même sorte, quand il y a entre eux certains caractères

communs.

Classe et ordre ont cela de bien particulier relativement aux deux mots suivants, qu'ils expriment des divisions artificielles, faites par les hommes dans certaines vues et d'après des points de ressemblance pris arbitrairement. C'est pourquoi on dit bien classer et ordonner, pour, former des classes et ranger en ordres, tandis qu'on ne peut pas dire dans le même sens généraliser et spécifier, genre et espèce marquant des divisions constantes établies par la nature même. C'est pourquoi, d'un autre côté, on dit bien que la nature veille à la conservation des genres ou des espèces, mais non pas à celle des classes ou des ordres. II peut y avoir dans une société d'hommes diverses classes ou divers ordres sans qu'il y ait pour cela plusieurs genres ou plusieurs espèces d'hommes. Dans les locutions générales, talent de premier ordre, artiste de première classe, substituez genre ou espèce à ordre ou à classe, elles n'auront plus de sens; et, d'autre part, ordre humain ou classe humaine à la place de genre humain, d'espèce humaine, seraient des barbarismes. Un homme est de l'ordre ou de la classe des savants, mais non du genre ou de l'espèce des savants.

Quant à sorte, de sorte, ablatif de sors, sort, hasard, il est vague et indéterminé; il n'indique pas comme ses synonymes, de classification expressément faite par l'homme ou par la nature, et il s'emploie surtout avec les mots qui marquent multiplicité sans distinction: bien des sortes, toutes sortes, différentes sortes d'oiseaux, de livres, etc. « Il n'y a sorte de volupté qu'ils n'essaient. » LABR. Il y a bien des sortes d'oiseaux signifie qu'il y en a d'un grand nombre de couleurs, de formes, de grosseurs, etc. ; il y en a bien des genres ou des espèces suppose qu'on pourrait au besoin les compter et montrer en quoi consistent leurs différences. On compte douze espèces de fauvettes dans nos climats, qui ont chacune leur département; nos diverses sortes d'alouettes sont aussi réparties à différents sites. BERN. On est moins précis quand on dit que des objets sont de la même sorte que quand on dit qu'ils sont du même genre ou de la même espèce; et si la nature, qui conserve les genres et les espèces, ne conserve pas les sortes, non plus que les classes et les ordres, c'est que les sortes sont des assemblages indéfinis, fondés sur des accidents, sans caractères fixes. Aussi le mot sorte, à la différence de tous les précédents, est-il exclu de la science et renvoyé au langage commun et presque familier où on en fait un continuel usage.

Classe, ordre. Divisions artificielles, établies par les hommes.

[ocr errors]

tion bien plus restreinte et ne se dit que de certaines divisions introduites dans un État ou une corporation. C'est en ce sens seulement que sa synonymie avec classe devient étroite.

Ordre vient du latin ordo formé du grec ὀρθός, droit, en droite ligne. Du même mot latin a été fait celui d'ordinal qui se trouve dans l'expression nombre ordinal: le nombre ordinal, c'est 1o, 2o, 3, etc. Un État divisé en ordres est en quelque sorte aligné, c'est-à-dire réglé suivant une hiérarchie; chaque ordre est subordonné à un autre, et à son tour il a le pas sur un ordre inférieur; chaque ordre a des prérogatives, des priviléges bien déterminément fixés par des règlements invariables. La classe d'abord n'emporte pas l'idée d'hiérarchie; elle est ensuite plus flexible et ne suppose pas de distinctions aussi nettement et aussi fortement tranchées. La république romaine était composée de deux ordres, le sénat et le peuple (ROLL.); Numa partagea le peuple par métiers, comme d'orfévres, de charpentiers et d'autres pareils artisans, les rangeant, selon les professions, en diverses classes (ID.). Les Athéniens avaient été partagés par Thésée en trois ordres, dans l'un desquels chacun naissait et restait, l'ordre des nobles, celui des laboureurs et celui des artisans; mais Solon les divisa en quatre classes suivant les biens de chacun, et, comme la mesure des revenus scule en décidait, quand les revenus augmentaient on pouvait passer dans une classe supérieure (ROLL.). Autrefois en France les états étaient composés de trois ordres, les nobles, le clergé, le tiers état, et non pas de trois classes. Aujourd'hui notre société est divisée en classes élevée, moyenne, pauvre, laborieuse, etc.; mais ces locutions n'expriment pas de divisions rigoureuses, des corps particuliers et bien délimités dans le grand corps de l'État : tous les citoyens étant considérés comme également honorables, il n'y a pas de subordination de l'une de ces classes aux autres. « Le nom de communes que le tiers avait pris, et le nom de classes qu'il donnait aux deux premiers ordres, annonçait qu'il ne voulait plus entre eux et lui de distinction de grades. >> MARM. Savoir intéresser par le charme de son style toutes les classes de lecteurs (Duc.). Il y a bien encore dans les diverses branches de notre administration des employés de 1re, de 2o et de 3o classe; mais là encore il n'y a pas hiérarchie dans un régiment un capitaine de 1re classe n'est distingué en rien de celui de 2o ou de 3o, si ce n'est que sa paye est plus forte; il en est de même dans l'Université du professeur de 1re classe par rapport à ceux de 2° ou de 3. D'ailleurs, quand même une classe aurait de grands avantages sur une autre, c'est par le talent, la capacité, le mérite personnel qu'on y arrive, au lieu qu'on naît d'ordinaire dans un ordre.

Dans une acception plus étendue, ordre a par Classe, de xλñoıç, action d'appeler, de nommer, lui-même quelque chose de noble et d'élevé qui de convoquer, de rassembler, est le mot propre tient sans doute à ce qu'il a exprimé d'abord les pour exprimer tous les rassemblements d'objets prérogatives, les distinctions honorifiques des ansous des dénominations communes que font les ciennes castes esprit du premier ordre, homme hommes pour des motifs particuliers, afin, par de la dernière classe. On ne dit pas un fripon ou exemple, de soulager la mémoire. Il se dit très-un menteur du premier ordre, mais de la pre

mière classe; on ne dit pas faire rentrer un roi | mieux rester cochons que de redevenir hommes. dans l'ordre, mais dans la classe des simples citoyens. Les ordres de chevalerie; les classes d'un collége.

Genre, espèce. Divisions naturelles.

Genre, de genere, ablatif de genus, naissance, origine, en grec yévoç, qui signifie la même chose et vient de yiveGoat, naître, devenir, se dit des êtres qui ont une naissance commune, qui se ressemblent par leur nature même, leur essence, et sont de la même race, de la même famille; c'est pourquoi on dit engendrer, pour propager sa race. Espèce, de species, aspect, apparence, extérieur, est le nom donné aux subdivisions du genre, qui doivent se distinguer entre elles par des signes spécifiques, caractéristiques, visibles, frappants. C'est conformément à cette étymologie qu'espèce veut dire quelquefois qualité, et genre jamais, des poires d'une belle espèce, et qu'on dit mieux la nature veille à la conservation des espèces que des genres, considérant plutôt alors les ètres par rapport à leurs qualités que par rapport à leur essence qui semble impérissable d'elle-même. On dit d'un arbre, il en faut conserver l'espèce et non le genre.

a Parmi les universaux, ce qui est essentiel et plus commun s'appelle genre; ce qui est essentiel et plus particulier s'appelle espèce. » Boss. Sous le genre animal il y a deux espèces comprises, celle de l'homme et celle de la bête. Deux affaires peuvent être du même genre sans être de la même espèce ces deux affaires ne sont pas de la même espèce dit donc plus que, ces deux affaires ne sont, pas du même genre. De même, il est unique en son espèce dit plus que, il est unique en son genre.

[ocr errors]

L'espèce considérée par rapport à des espèces inférieures devient genre: ainsi l'espèce béte est genre par rapport au lion et au chien. Réciproquement le genre devient espèce quand on le considère par rapport à un genre supérieur. Or, il faut se servir du mot genre, non-seulement quand on considère une classe naturelle par rapport à ses espèces, mais aussi quand on la considère absolument le genre humain. Au contraire, il faut se servir d'espèce non-seulement quand on considère une classe naturelle par rapport à son genre, mais encore quand on la considère par rapport aux autres espèces du même genre: après avoir créé les animaux, Dieu créa l'espèce humaine. La découverte de la vaccine est un bienfait pour l'espèce humaine fait entendre que ce bienfait ne s'étend pas aux autres animaux; genre humain n'exprimerait point cet accessoire.

COCHON, PORC, POURCEAU. Animal domestique qui a le pied fourchu, qui ne rumine pas, et qui est déclaré immonde dans la loi

de Moïse.

Cochon est le nom de l'espèce, le mot dont on sert en histoire naturelle et dans l'économie rurale, quand on veut donner une idée de la famille à laquelle appartient cet animal, de ses caractères, de ses mœurs, de sa manière de vivre ou de multiplier. Buffon traite dans un même article du cochon, du cochon de Siam et du sanglier. « Les compagnons d'Ulysse aimèrent

VOLT. L'un d'eux dit à Ulysse, qui l'invite à revenir à son premier état : « Le métier de cochon est bien plus joli. » FÉN. «En Dauphiné tous les cochons sont noirs. » BUFF. « Les Cachemiriens n'ont point ces petits yeux de cochon qu'on trouve chez leurs voisins. » ID. « Les cochons aiment à se vautrer dans la fange; un groin de cochon, etc. » ACAD.

Porc et pourceau ont rapport à l'usage que nous faisons de cet animal. Le porc est le cochon, lorsqu'il a acquis le développement qui le rend propre à servir ou même lorsqu'il sert actuellement à la nourriture de l'homme. Le pourceau est un petit porc, qu'on élève, qu'on fait paître, qu'on engraisse, afin qu'un jour il devienne porc, c'està-dire tel qu'on veut qu'il soit pour le manger. Voy. Porc, pourceau.

COFFRER, CLAQUEMURER. Mots familiers qui signifient l'un et l'autre emprisonner.

Coffrer, mettre dans un coffre, est plus relatif à l'action, au fait de saisir quelqu'un pour le mener en prison. Claquemurer, appliquer ou flanquer entre des murs, entre quatre murs, a plus de rapport à l'état, exprime plutôt la détention que l'arrestation. On coffre ou on est coffré tel jour, de telle manière; on voit coffrer quelqu'un, c'est une scène dont on est témoin. « Si ton maître ne me paye aujourd'hui, je le ferai coffrer demain. » REGN. « Sancho arriva à la porte de la prison, où, après avoir vu coffrer don Quichotte, il demeura très-embarrassé de sa personne. » LES.

Par les soins vigilants de l'exempt Balafré, Ton affaire allait bien, le drôle était coffré, Si ton maître au moment ne fût venu lui-même.... D'abord il a charge si bien sur les recors.... MOL. Mais on est claquemuré, c'est-à-dire étroitement renfermé, dans tel licu.

Notre beauté, si fatale au cerveau,

Fut dans sa chambre étroitement gardée....
La belle sotte, ainsi claquemurée,
Filait, cousait.... VOLT.

L'on m'a raconté qu'Encelade

Est sous ce mont (l'Etna) claquemuré.
SCARR.

D'ailleurs, coffrer n'a jamais que le sens propre et ne se prend qu'à la rigueur: c'est un terme de police. Claquemurer, au contraire, est susceptible d'extension et d'applications plus ou moins éloignées de la primitive; on dit bien, par exemple, se claquemurer. « Le duc d'Orléans me dit qu'il s'était résolu à donner au duc de Charost la place de gouverneur du roi, qu'il l'allait tenir en mue, claquemuré dans son appartement, sans en sortir ni se montrer à qui que ce fût, pour l'avoir tout prêt sous sa main. » S. S. « Me voilà claquemuré pour longtemps dans ma triste, mais très-chère et très-paisible géométrie. » D'AL. « Je quitte aujourd'hui les agréables pénates de la baronne, et je vais me claquemurer vis-à-vis le portail de Saint-Gervais. » VOLT.

Plus d'une fille a forligné : le diable

Est bien subtil; bien malins sont les gens;
Il nous faudrait toutes dans des couvents
Claquemurer jusqu'à notre hymenée. LAF.

« PreviousContinue »