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Dans une lettre au marquis d'Argenson, il s'ap- | chose agréable nous plaît. Il y a dans l'une plus pelle « l'éternel malade, l'éternel persécuté, le de solidité, dans l'autre plus de douceur. On proplus ancien de ses courtisans et le plus écloppé. » fite de ce qui est bon, on jouit de ce qui est Il faut convenir pourtant que boiteux peut indi- agréable. Bon a pour superlatif excell nt, et quer aussi une infirmité acquise ou contractée. agréable délicieur. Ce qui nous est bon fait partie «On demanda un jour à Diogène pourquoi on de nos commodités; ce qui nous est agréable condonnait plutôt l'aum ne aux borgnes et aux boi- tribue à nos aises. L'objet bon nous fait du bien; teux qu'aux philosophes : C'est, répondit-il, parce l'objet agréable nous fait plaisir. Que de choses que les hommes s'attendent plutôt à devenir bor- sont bonnes, sans être agréables, comme les regnes ou boiteux que philosophes. » FEN. « Une mèdes et les corrections! Que de choses sont femme lacédémonienne pensait en homme, lors- agréables sans être bonnes, témoin les funestes que, pour consoler son fils, qu'une blessure glo- effets de la mollesse et de la débauche! rieuse avait rendu boiteux, elle lui disait . Va, mon fils, tu ne saurais plus faire un pas qui ne te fasse souvenir de ta valeur. » ROLL. Mais boiteux est de tous les styles, au lieu que le mot écloppé appartient au langage familier seulement. En cela consiste une différence dont il est tenu compte, dans l'usage, autant que de la première pour le moins.

BOMBANCE, BONNE CHÈRE. Idée commune, celle d'un repas qu'on fait à une table bien servie, où il y a de quoi se bien traiter.

Bombance (de bombe), repas qui fait devenir rond et gros comme une bombe, est familier, et il suppose des mets abondants plutôt que délicats; en sorte que faire bombance ressemble beaucoup à faire ripaille ou à faire ribote.

Et le rat court en diligence

A l'office, qu'on nomme autrement la dépense,

Où maints rats assemblés

Cependant, pour ce qui regarde l'état du corps, c'est d'ordinaire par l'agrément que nous jugeons de la bonté, et de là vient que les deux mots ont quelque apparence de synonymie. Il fallait qu'Adam fùt averti par des sentiments prévenants que telles et telles choses étaient bonnes pour son corps ou utiles à sa santé » MAL.

BON, EXCELLENT, DÉLICIEUX, EXQUIS. Epithètes qualificatives d'un objet qui a les qualités qu'il doit avoir pour être estimé et recherché.

Bon exprime de la manière la plus faible l'idée commune à tous ces mots; si bien qu'on peut définir excellent, délicieux et exquis par très-bon, Quand on dit simplement d'un objet qu'il est bon. on se sert du positif; mais on emploie le superlatif en disant d'un objet qu'il est excellent, ou délicieux, ou exquis.

De leur côté, excellent, délicieux et exquis n'éFaisaient, aux frais de l'hôte, une entière bombance. quivalent pas non plus l'un à l'autre. Excellent

LAF.

« Le sérénissime prince de Guise se moque de moi, chétif citoyen; il fait bombance à Arcueil, et il laisse mourir de faim ses créanciers. » VOLT. « C'était à peu près du temps que M. le chevalier de Grammont avait jeté les yeux sur la Warmestré, qu'on menait ce petit train de vie dans sa chambre. Dieu sait les pâtés de jambon, les bouteilles de vin, et les autres provisions de sa libéralité qui s'y consommaient! Au milieu de ces bombances nocturnes.... » HAM. « Chez Fulvius ce ne furent que festins et bombances: il s'enivra lui-même le premier. » ROLL.

diffère de délicieux comme il ditière d'exquis (voy. Excellent, exquis).

Et pour ce qui regarde le rapport de délicieux et d'exquis, il suffit de remarquer que l'un désigne une qualité naturelle ou qui convient à une chose naturelle, et l'autre une qualité factice ou qui se rapporte à quelque chose de factice. On dit qu'il fait un temps délicieux (SEV.), qu'on respire un air délicieux (REGN.), qu'on habite une contrée délicieuse (VOLT.); mais on dit des sirops exquis (BOIL.), une table exquise (FÉN.), des meubles exquis (LAF.). « N'est-ce pas vous donner pour nourriture les fruits les plus délicieux, les mets les plus exquis? » MARM.

BOUFFON, FARCEUR, BALADIN, TURLUPIN, HISTRION. Termes de mépris dont on se sert pour signifier des comédiens ou des gens qui leur ressemblent.

Mais bonne chère (chère tirant probablement
son origine du latin) est de tous les styles et il
annonce en fait de mets quelque chose qui se dis-
tingue plus par la qualité que par la quantité,
quelque chose de fin, de choisi, de propre à satis-
faire, non pas l'avidité d'un homme sensuel, mais
le goût raffiné d'un voluptueux. «< Dieu ordonnait
à son peuple de venir au lieu que le Seigneur
avait choisi pour y faire bonne chère. » Boss. « Un
des amis de Boileau qui aimait la bonne chère, et
qui se piquait de s'y connaître. » D'AL. Dans la
campagne de 1667, tout le monde se piqua de
somptuosité et de goût dans la bonne chère, dans
les habits, dans les équipages. » VOLT. « Il est
inutile de parler de la bonne chère qu'on y fit : il
suffira de dire que le repas du soir ne cédait ni
en délicatesse ni en variété à celui du dîner. »ries profanes.
HAM. « Le consul Philippe passait pour aimer la
bonne chère et les fin's morceaux. » ROLL.

BON, AGRÉABLE. Qui convient à notre nature.
La chose bonne nous est utile ou salutaire; la

Bouffon s'est dit d'abord du personnage qui dans une comédie a pour emploi de faire rire et qui primitivement bouffissait ou enflait ses joues avec son soufile, soit par grimace, soit pour recevoir de bru ants souflets. Les bouffons sont de mauvais plaisants, et le mot s'emploie surtout en parlant de personnes et de matières auxquelles il conviendrait d'être graves et sérieuses. « Quelle grâce ce prètre aura-t-il à exercer un ministère si sérieux et si divin?.... Peut-être déshonorera-t-il la majesté de la parole sainte par des bouffonneMASS. «< Être bouffon de pro

fession ne convient pas à un homme grave, tel qu'est un disciple de Jésus-Christ. » Boss. « La comédie tourne tout en ridicule, même les objets les plus sérieux et les plus graves, elle change en

bouffons et plaisants de théâtre les plus respectables citoyens. » J. J.

Le farceur est un joueur de farce, et la farce est une comédie d'un genre populaire et bas. Ce qui le distingue, ce n'est pas le défaut de sérieux seulement, mais le défaut de noblesse, la grossièreté. Les fous des rois ont été appelés des bouffons; les farceurs ne sont propres qu'à amuser des valets ou la multitude. « J'avoue que les traits plaisants d'Aristophane me paraissent souvent bas; ils sentent la farce faite exprès pour amuser et pour mener le peuple. » FEN. « Le paysan ou l'ivrogne fournit quelques scènes à un farceur; il n'entre qu'à peine dans le vrai comique. » LABR. «Irai-je quitter tout cela pour être immolé sur le théâtre des farceurs italiens à la malignité du public et aux rires de la canaille? » VOLT. « Vous peignez le sieur Du Jonquay vertueux et opprimé, et vous le faites parler comme un farceur qui cherche à faire rire la canaille. » ID. « Ce maraud de farceur. » CORN.

Baladin, du latin ballare, danser, voulait dire dans le principe un danseur de théâtre ou de ballet, puis il a signifié un danseur de rue, un saltimbanque. C'est de tous ces termes le plus injurieux: il représente un homme comme un misérable qui va de ville en ville ou de foire en foire amuser les regardants par des gambades. « Un Hésiode, un Homère ont été négligés au point d'aller errant, mendiant par tout l'univers, et chantant leurs vers de ville en ville comme de vils baladins. » J. J. « Vous me parlez de Voltaire! Pourquoi le nom de ce baladin souille-t-il vos lettres? ID. & Justinien et Bélisaire avaient pour femmes les deux plus impudentes carognes qui fussent dans tout l'empire. Justinien avait épousé une baladine des rues, une gueuse. » VOLT. Du temps de Plutarque, les parcs où l'on combattait à nu et les jeux de la lutte rendaient les jeunes gens lâches, les portaient à un amour infâme, et n'en faisaient que des baladins. » MONTESQ.

D

Turlupin, nom d'un acteur de nos anciennes farces, a pour caractère parfaitement distinctif de ne se rapporter qu'aux paroles. Le bouffon et le farceur agissent, jouent, font des gestes et des grimaces en même temps qu'ils cherchent à divertir par ce qu'ils disent, et quant au baladin, il ne parle même pas, ou au moins son rôle consiste surtout à se donner divers mouvements. Mais le turlupin égaie uniquement par ses propos, ses pointes, ses calembours. Des turlupinades sont des bons mots. Mme de Sévigné écrit à sa fille Ne craignons jam is de nous permettre les turlupinades qui viennent au bout de nos plumes. » Dans la Critique de l'École des femmes, il est dit que les turlupinades sont un langage à la mode, et qu'un turlupin est un bel-esprit qui défraye la compagnie de bons mots, et qu'il semble qu'il ne doit demander à boire qu'avec une pointe. Dans son Art poétique, Boileau rapporte que le goût des pointes disparut peu à peu de la littérature française et se réfugia dans l'épigramme, puis il ajoute :

Toutefois à la cour les turlupins restèrent,
D'un jeu de mots grossiers partisans surannés.

a

Histrion, latin histrio, de tous ces mots le seul qui se soit dit dans l'antiquité, est naturellement le seul aussi dont on doive se servir quand il est question de comédiens des temps anciens ou du moyen âge. « M. Needham est comme cet histrion, qui, jouant devant Auguste, prenait pour lui les applaudissements qu'on prodiguait à l'empereur. » VOLT. « Saint Thomas d'Aquin, qui ne connaissait que de malheureux histrions, devine. pourtant que le théâtre peut être utile. » ID. « Au temps de saint Louis, il s'était répandu dans toutes nos villes une foule d'histrions qui sur des théâtres impurs corrompaient le peuple. » MASS. Quand histrion s'emploie pour désigner des personnages de notre temps, c'est particulièrement dans le style relevé. « Les comédiens seront les arbitres de l'E at; les élections se feront dans les loges des actrices, et les chefs d'un peuple libre seront les créatures d'une bande d'histrions. » J. J.

Vieux seigneurs, histrions, courtisanes et prêtres,

Contre moi tout s'est déchaîné. CHEN. BOURRASQUE, TOURBILLON. Coup de vent. La bourrasque (italien burasca) est bourrue, ou comme borée, le vent le plus soudain et le plus impétueux : elle arrive brusquement, elle survient, et elle traite d'une manière rude ou brutale. A peine fùmes-nous hors du golfe d'Alicante, qu'il survint une bourrasque effroyable. LES. « Cette bourrasque inattendue lança malgré lui le génie sur le rivage. DHAM. « Cette bourrasque imprévue a renversé avec notre barque le projet que nous avions fait. » MOL.

Demain ma Didon s'en ira
A la chasse avec votre Énée;
Une bourrasque inopinée
Que je ferai tomber sur eux

Fera peur aux plus valeureux. SCARR.

Le tourbillon, du latin turbo, mouvement en rond, tournoiement, agit d'une manière circulaire, et, au lieu d'assaillir et, de renverser comme la bourrasque, il enveloppe ou absorbe et enlève ou dissipe ce qu'il a saisi. « On voit souvent les ouragans élever des tourbillons de sable, de terre, et souvent ils enlèvent et transportent dans ce tourbillon les maisons, les arbres, les animaux. » BUFF. Dieu a effacé tes iniquités comme une légère vapeur qui, étant dissipée par un tourbillon, ne laisse pas dans l'air le moindre vestige. » Boss. « Il semblait un tourbillon d'automne qui disperse des monceaux de feuilles desséchées. » BOUFFL.

Même différence au figuré. Bourrasque annonce, en fait de mouvements de colère ou d'humeur et en fait de rudesses, quelque chose de brusque et d'imprévu; tourbillon exprime un cercle d'occupations, d'affaires, de soins ou de plaisirs dans lequel on tourne de force et sans pouvoir se retenir. Une bourrasque est comme une incartade, on ne s'y attendait pis; on est emporté par le tourbillon comme on l'est par un torrent.

Bourrasque, au figuré, ne se dit guère que familièrement; tourbillon est de tous les styles, même du plus relevé.

BOURREAU, EXÉCUTEUR. Le bourreau et Texécuteur mettent à mort.

Qui deviennent tyrans dès que nous épousons.... Femmes de ces messieurs, nous cessons d'être belles. Ils sont chagrins, bourrus, ennuyés, ennuyeux. DEST. Mais c'est précisément dans les manières qu'on est brusque, c'est-à-dire ennuyeux pour les autres, impoli. Il est brusque, impoli. REGN.

Que Ménage ait raison ou tort d'attribuer à bourreau la même étymologie qu'à boucher, le fait est que bourreau correspond exactement pour le sens au latin carnifex, carnem faciens, qui fait de la chair ou du carnage. Le bourreau en effet est un homme de carnage ou de boucherie; il tue volontiers, comme l'homme cruel (de cruor, sang) a le goût du sang, est sanguinaire. De « Je ferais craindre aux maris la différence qu'il y bourreau dérive bourreler, faire éprouver des a de leurs manières brusques aux civilités des gatourments. De là vient au bourreau un caractère lants. » MOL. « Un mari avare, brusque dans ses odieux que n'a point l'exécuteur, celui-ci se bor- réponses, incivil. » LABR. «< Ses propos avaient nant à exécuter, à accomplir un ordre. Ce sont souvent une nuance brusque. » S. S. « Des mades bourreaux qui ont fait souffrir la mort à Jé-nières ou brusques ou rebutantes. » BOURD. De sus-Christ et aux martyrs. Mais ce sont propre ces supérieures brusques dans leurs manières, ment des exécuteurs que les hommes chargés par sèches dans leurs paroles.... » ID. état de donner la mort aux condamnés; ils sont désignés ainsi par la loi française, qui considère comme injurieuse à leur égard la dénomination vulgaire de bourreau.

Ensuite, il se peut que le bourreau agisse de lui-même ou de son chef, au lieu que l'exécuteur est toujours un instrument, le bras qui met à exécution une sentence criminelle. Cromwell fut le bourreau de Charles Ier d'Angleterre (VOLT.); l'exécuteur qui fit tomber la tête de ce malheureux prince était masqué (STAEL). De même qu'Agamemnon fut le bourreau de sa fille (RAC.), Philippe II d'Espagne fut celui de son fils don Carlos, à qui l'exécuteur, le voyant crier et prêt à se débattre, dit en l'étranglant : « Paix, monseigneur, tout ce qu'on en fait n'est que pour votre bien. » J. J. D'ordinaire, il est vrai, le bourreau n'est, comme l'exécuteur, qu'un agent, il ne fait qu'obéir; mais bourreau ne fait pas entendre aussi expressément qu'exécuteur cette idée accessoire. «< Mon ami, dit-il, en s'adressant à l'exécuteur, fais promptement ton devoir; consomme l'ouvrage injuste et barbare de tes supérieurs. A ces mots, il pencha sa tête sur le billot, et le bourreau la lui trancha. » LES.

BOURRU, BRUSQUE, BRUTAL. Ces mots signifient des qualités sociales fâcheuses, des qualités qui font qu'on n'est pas aimable.

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Brutal, semblable à une brute, enchérit sur bourru et sur brusque. « Le seigneur Isidore était grossier, bourru, brutal et capricieux. » LES. «Je leur faisais un accueil si brusque, qu'il pouvait porter le nom de brutal. » J. J. Le brutal va jusqu'aux mauvais traitements, jusqu'aux coups ou aux injures. « La brutalité est une certaine dureté, et, j'ose dire, une férocité qui se rencontre dans nos manières d'agir et qui passe même jusqu'à nos paroles. >> LABR. « Cette femme l'épouse; ce garçon est brutal, il est fou; il la battra comme plâtre. » SEV. « Il faut un laquais au capitaine Torbellino, homme emporté, brutal et fantasque; il gronde sans cesse, jure, frappe, et le plus souvent estropie ses domestiques. ⚫ LES. Si la Justice vient à connaître du fait, Elle est un peu brutale, et saisit au collet. REGN. Il se retourne et voit un brutal qui de paroles insolentes maltraitait une bergère. » MOL. « Le général Lalli usa sans doute très-mal de son autorité en outrageant de paroles quelques officiers, en manquant d'égards, de circonspection, de bienséance; mais il n'y a point de loi qui dise: Tout général d'armée qui sera brutal aura la tête tranchée. » VOLT.

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BOUTIQUE, MAGASIN, ATELIER, CHANTIER. Lieux consacrés à une industrie.

Dans la boutique, quelle que soit l'étymologie

La ressemblance est très-grande entre bourru du mot, on fait deux choses, on tient des produits et brusque, et pourtant ils different.

et on en fabrique. « Robinson eut fait beaucoup plus On dit de quelqu'un que c'est un bourru, et de cas de la boutique d'un taillandier que de tous qu'il agit ou parle brusquement, qu'il fait ou dit les colifichets de Saïde. » J. J. « Je m'arrête au des brusqueries. C'est que bourru regarde le ca- milieu de la ville, devant la boutique d'un maréractère, et brusque les manières; c'est que le pre-chal; me voilà regardant forger et battre le fer.» mier indique comme on est, et le second comment on se comporte. On est bourru simplement; on est brusque dans son accueil ou dans ses réparties.

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On a proprement l'humeur bourrue, c'est-à-dire qu'on est constamment chagrin et maussade. « C'était un petit homme bourru et chagrin. VOLT. « Ce Gardiel était donc bien séduisant, bien aimable? Point du tout. Un petit homme bourru, taciturne et caustique. » DID. «FIGARO. Tu sais comme l'humeur du comte est devenue sombre et terrible! SUZANNE. Tu n'es pas mal bourru non plus! » BEAUM.

Dame chagrine, apaise tes regrets;

Si quelque ingrat rend ton humeur bourrue,
Ne t'en prends point à l'enfant de Cypris. LAF.
Tous ces galants polis sont d'aimables fripons,

BERN.

Dans le magasin (d'un mot arabe, dit-on, qui signifie réservoir ou trésor) on ne fait qu'une seule chose, on tient des produits. D'ailleurs ces produits ne sont pas toujours destinés à la vente comme ceux qui sont étalés dans les boutiques. << Les saintes vérités du ciel ne sont pas des meubles curieux et superflus qu'il suffise de conserver dans un magasin. » Boss. « Les Perses avaient assemblé dans Persépolis comme en un magasin toutes les richesses de la Perse. » VAUG. Et quand ce sont aussi des marchandises que le magasin renferme, elles ne se vendent qu'en gros, et elles sont en plus grande quantité que celles qui sont exposées à la vue dans les boutiques; en sorte que de toute façon le magasin est une maison de vente plus considérable que la boutique. Aussi il

faut voir combien est dédaigné parmi les mar-1 sert plus particulièrement de bouton en parlant chands le nom de boutique, et combien recherché des fleurs, et de bourgeon pour désigner un emcelui de magasin; tout garçon de boutique veut bryon végétal d'où doivent se développer des étre appelé garçon de magasin; et on dira plutôt feuilles et des branches. « Bouton, germe de fleurs; une boutique d'apothicaire, et un magasin de li- bourgeon, germe de feuilles et de branches. » J. J. brairie. a On peut donner le nom de germe aux rudiments des feuilles enfermées dans les bourgeons, et à ceux des fleurs enfermées dans les boutons. » ID. Cette prévoyance divine soit pour défendre ces feuilles si soigneusement et si artistement plissées dans l'enveloppe du bourgeon, soit pour conserver ces tendres fleurs dans le bouton qui les enferme. » MARM.

Dans l'atelier on ne fait qu'une seule chose, on travaille, on crée des produits. Les ateliers étaient primitivement les basses-cours des grandes fermes où travaillaient divers ouvriers, comme bourreliers et charrons, pour l'attelage des chevaux et des bœufs. Par conséquent il n'y a guère de ressemblance entre le magasin et l'atelier magasin de marchandises, atelier de construction. Quant au rapport qui existe entre l'atelier et la boutique considérée comme un lieu de travail, il revient à celui qu'il y a entre le magasin et la boutique, prise pour un lieu de dépôt la boutique le cède à l'atelier en importance. L'atelier réunit un grand nombre d'ouvriers, et il n'y en a qu'un ou quelques-uns dans la boutique. Ou bien atelier se dit en parlant d'industries plus relevées, d'arts et non pas de métiers: atelier de peinture, de sculpture, les ateliers d'une imprimerie; boutique d'artisan, de serrurier, de cordonnier. Il y a des élèves dans un atelier, et dans une boutique des apprentis.

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Un bouton de rose (FEN.), des boutons de fleurs (BERN.) « Les pétales d'une fleur sont renfermés dans son bouton. BERN.-Les bourgeons des arbres (MARM.). « J'ai remarqué qu'au commencement du printemps les scions et les bourgeons de la plupart des arbres devenaient tout rouges avant de jeter leurs feuilles.» BERN.

BRAS (DANS LES), ENTRE LES BRAS. On dit également et indifféremment, ce semble, prendre ou tenir quelqu'un dans ses bras, et prendre ou tenir quelqu'un entre ses bras.

A proprement parler, on prend ou on tient dans ses bras un enfant; on lui fait de ses bras comme un contenant dans lequel on le met ou on le porte. « Quand à ta naissance je te pris dans mes bras. »

flammes avec les enfants qu'elles tenaient dans
leurs bras. » VOLT. « Le czar Pierre, étonné et
inquiété de la foule qui se pressait autour de ce
monarque enfant (Louis XV), le prit et le porta
quelque temps dans ses bras. » ID.

Flore même en naissant le reçut dans ses bras. DEL.
La nourrice, à son tour, un enfant dans les bras,
Arrive dans la chambre. ID.

Dans le chantier, comme dans la boutique, on fait deux choses, on tient des objets et on travaille. Mais le chantier, du latin canterius, che-J. J. « Les femmes furent consumées par les vron, étançon, se distingue par la matière des objets. Ce qu'on y tient en dépôt ou en vente, c'est exclusivement du bois, bois de chauffage, de charpente, de charronnage, de construction, et quelquefois des pierres à bâtir; d'autre part, le bois et la pierre sont les seules matières employées dans les travaux du chantier, tous ou la plupart relatifs à l'industrie du bâtiment, et qui comprennent principalement ceux des charpentiers, des scieurs de long, des constructeurs de navires et des tailleurs de pierre. « En Russie et en Suède sont les chantiers des Hollandais pour les matures. » BERN. « Ces pousses si vigoureuses et si rapides s'emparent souvent de nos chantiers de pierres, de nos murailles de maçonnerie et de nos cours pavées de grès. » ID. « Le czar Pierre va s'instruire dans les chantiers de Hollande, il y veut être charpentier pour apprendre la construction. » COND.

Les ateliers des arts, les chantiers de Neptune. DEL. BOUTON, BOURGEON. Ce sont de petits corps, de formes variées, qui poussent sur diverses parties des végétaux et qui contiennent le germe d'un nouveau développement.

Le bouton n'est autre chose qu'un petit bourgeon, le rudiment d'un bourgeon, ou, ce qui revient au même, le bourgeon est un bouton qui a un peu grossi. Ce sont des boutons qu'on remarque pendant l'hiver à l'extrémité des branches ou un peu au-dessus des endroits où ont été les feuilles; mais, au retour du printemps, à l'époque où tout bourgeonne dans la nature, les boutons se gonflent et deviennent proprement des bourgeons. On appelle même bourgeons les nouveaux jets de la vigne lorsqu'ils sont déjà en scions: couper les nouveaux bourgeons d'un cep de vigne.

Mais une seconde différence tout autrement importante pour l'application consiste en ce qu'on se SUPPL. SYN. FRANC.

Mais on prend et on tient entre ses bras toute personne qu'on embrasse sans la soulever, autour de laquelle on met ses bras en les rapprochant plus ou moins. Aussi dit-on, presser, serrer, étouffer entre et non pas dans ses bras. « Dès que l'époux approche, l'épouse le tient serré entre ses bras. » Boss. « Sophronyme nomme Aristonous son père, et le serre entre ses bras. » FÉN. Trois fois j'abattis le lion; trois fois il se releva. Enfin je leouffai entre mes bras. » ID.

Ma mère, auprès du roi,...

a

Le roi de temps en temps la presse entre ses bras.
RAC.

« Apollonius se laissa tomber sur le corps de Marc-Aurèle; il le serra longtemps entre ses bras; et se relevant tout à coup Mais toi, ô fils de Marc-Aurèle, ô mon fils, permets ce nom à un vieillard qui t'a vu naître et qui ta tenu enfant dans ses bras.... » THOм.

Au figuré se retrouve une différence analogue à celle-là. Dans les bras annonce un état heureux ou agréable, comme est celui d'un enfant sur le sein de sa mère; et, par opposition, entre les bras marque une situation pénible, une sorte de détresse. On va se reposer dans les bras du sommeil (FEN.); Jésus-Christ a expiré entre les bras de la douleur (MASS.). Ou, tout au moins, on est plus doucement et plus en sûreté dans les bras qu'entre les bras; c'est, d'une part, un asile, et, de l'autre,

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un simple refuge. O qu'on est bien quand on demeure les yeux fermés dans les bras de Dieu!» FEN. « Hippias est chassé d'Athènes; il se jette entre les bras de Darius, et n'a plus d'espérance qu'en sa protection. Boss.

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BRAVER, AFFRONTER. Se comporter sans crainte à l'égard de quelqu'un ou par rapport à un danger, à un supplice, à la mort.

envie de se battre, peuvent bien se braver l'un l'autre ; mais ils ne se défient pas, si ce n'est quand ils ont la certitude d'un refus.

Provoquer, à son tour, ajoute à défier. Le provocateur ne propose pas seulement un cartel, n'appelle pas seulement au combat; il y excite, il y entraîne, pour ainsi dire, soit par des injures, soit par un commencement d'agression. Toute la différence consiste en ce que braver, Le duc d'Albe révolte l'âme généreuse du comte se montrer brave ou faire le brave, ne suppose d'Egmont, et l'irrite par la dispute, pour arrapas qu'on en soit aux prises comme affronter, cher de lui quelques paroles violentes. Il veut se qui signifie opposer front à front ainsi que des donner l'air d'être provoqué. >> STAËL. Don béliers ou des taureaux qui se battent. Pour bra- | Quichotte leur dit : Sortez tous ensemble contre ver l'ennemi il suffit de le défier ou d'être à l'abri | moi.... ; je vous attends ici pour vous punir de de ses coups; pour l'affronter il faut en venir aux votre audace........ Voyant que, conformément à son mains avec lui. Vous bravez la menace de quel-défi, il les provoquait au combat en les appelant qu'un (ACAD., THOм.); vous affrontez sa présence canailles et poltrons, l'hôte lui dit.... » LES. (RAC., CHEN.). Vous bravez une personne même Quoique plus faible, cette louve était la plus absente; vous ne l'affrontez qu'en face: « Ose méchante; elle provoquait, elle attaquait, elle affronter cette société qui ne peut te braver qu'en mordait le chien, qui finit par l'étrangler. » BUFF. ton absence. » STAËL. On brave quelquefois une personne sans avoir envie de se battre avec elle; on ne saurait l'affronter sans se porter contre elle avec intrépidité et s'efforcer de la vaincre. Qui brave le danger s'en moque; qui l'affronte s'y expose hardiment. On brave la mort en la méprisant, en la défiant, en se disant à soi-même qu'elle vienne, je ne la crains pas; on affronte la mort en allant au-devant d'elle, comme ont fait les martyrs. Dans leurs nids, les petits des oiseaux bravent les piéges et les saisons (DEL.); mais le serpent,

Assaillant furieux,...

Du tigre affreux lui-même affronte la colère. ID.

Or, comme braver n'emporte pas l'idée d'un combat effectif, comme il a pour objet une personne ou une chose qui est à distance, au lieu qu'on affronte une personne ou une chose présente contre laquelle on lutte actuellement, affronter dit plus, marque un plus grand péril. On brave le qu'en-dira-t-on (J. J.); on affronte l'enfer avec ses feux. Boss. Tu n'as qu'à me dire les périls que je dois braver; j'affronterai pour toi sans pâlir la mort la plus terrible. » LES.

BRAVER, DÉFIER, PROVOQUER. Se comporter à l'égard de quelqu'un avec fermeté ou sans faiblesse, de manière à lui témoigner ouvertement qu'on ne le craint pas.

Braver se met bien avant défier. « La cavalerie gauloise s'étant approchée pour braver et défier les Romains, celle de César se retira.» ROLL. « La bise n'est pas toujours en humeur de souffrir ces hauteurs qui semblent la braver et la défier. » SEV. C'est que braver veut dire seulement se moquer, se poser intrépidement en face; au lieu que défier, c'est, de plus, inviter à venir essayer ou mesurer ses forces. En bravant on se tient sur la défensive; mais, pour défier, il faut prendre l'offensive à l'idée d'assurance, qui est propre à braver, défier joint celle d'appel. Vous bravez l'amour par des bravades, en vous vantant d'être fort contre lui; vous le défiez en le sommant en quelque sorte de venir lutter avec vous. Aussi ne dit-on pas braver au combat, comme on dit défier au combat, mais braver, simplement. Deux fanfarons ou deux poltrons, n'ayant nulle

α

D

BRAVER, MORGUER. Braver ou morguer quelqu'un, c'est lui faire sentir sans ménagement la supériorité qu'on a ou qu'on prétend avoir sur lui.

Mais on brave par bravade, en témoignant qu'on a un grand courage et qu'on ne craint pas les gens; et on morgue par morgue ou par orgueil, en se montrant hautain, plein de fierté. Vous bravez un ennemi que vous êtes prêt à combattre, que vous défiez; vous morguez un public ou des gens que vous méprisez, que vous narguez, à qui vous faites la nique.

:

Du reste, morguer est un mot rare et d'un style familier ou voisin du familier. En voici un exemple tiré de la correspondance de Voltaire. « Les Lois de Minos seront huées d'un bout à l'autre il faut s'y attendre, en prévenir les acteurs, ne se pas décourager, jouer la pièce avec un majestueux enthousiasme, bien morguer le public, et le traiter avec la dernière insolence. » Il s'en trouve un autre dans les Mémoires de Larochefoucauld: M. de Beaufort, croyant que le marquis de Jarsay, et d'autres dépendants du cardinal, avaient affecté de le morguer aux Tuileries pour persuader que son crédit dans le peuple était fini avec la guerre, il se résolut de leur faire un affront public. »

BREF, BULLE, CONSTITUTION. Termes de chancellerie romaine, qui désignent des rescrits du saint-père.

Le bref est bref ou succinct, comme son nom l'indique, sans préface, relatif à des affaires peu considérables, et revêtu de peu de formalités. Il est ordinairement sur papier et scellé de cire verte avec l'anneau du pêcheur; et, quand il est sur parchemin, ce qui arrive quelquefois, il est scellé du même anneau, mais en cire rouge. Il est adressé à des souverains, à des prélats, à des communautés, et même à de simples particuliers pour leur accorder des dispenses ou simplement pour leur donner des marques d'intérêt, des témoignages d'affection ou de reconnaissance, ou bien encore pour leur demander ou leur défendre quelque chose. « Aldovrandi emportait des brefs qui accordaient au roi d'Espagne une imposition annuelle de deux cent mille écus sur les biens ecclé

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