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Quolibet vient de la théologie scolastique où on appelait questions quodlibétaires des problèmes sur lesquels on pouvait soutenir le pour et le contre, et qui étaient impertinents et ridicules, comme celui de savoir si c'est l'œuf qui a précédé la poule ou la poule l'œuf. Il se prend toujours en mauvaise part. C'est là son caractère

terie. « On ne se paie point de plaisanterie ni | peut-être pour faire cette mauvaise pointe : de gentillesse; on ne se tire point d'affaire par Brûlons-les pour les rendre claires. » ID. de bons mots. » J. J. « Le bouffon emploie les bons mots en tout temps et sans sujet; au lieu que l'orateur ne le fait que rarement, toujours pour quelque raison essentielle à sa cause, et jamais simplement pour faire rire. » ROLL. Il faisait le bel-esprit et s'efforçait par de bons mots de réjouir la compagnie qui éclatait de rire. » LES. «< Quoiqu'on ne marque pas expres-propre. Quolibet froid (VOLT.), licencieux (ID.), sément au médisant qui parle le plaisir qu'on a de l'entendre, il le voit assez par les ris et les éclats qu'excitent ses bons mots. » BOURN.

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plat (LAH.), libertin (ID.), burlesque (ID.). « On dit que le goût des mauvaises pointes et des quolibets est la seule chose qui soit aujourd'hui La saillie, de salire, sauter, est quelque chose à la mode. » VOLT. « Piron n'est qu'un bouffon qu'on dit tout à coup, brusquement, une sorte tout farci de quolibets en équivoques triviales. » d'impromptu, quelque chose qui coule comme LAH. « Benserade dit que dans le déluge Dieu de source. Avoir des saillies, dit Vauvenargues, lava bien la tête à son image. Peut-on dire rien c'est par des transitions soudaines et inattendues de plus petit ni de plus ridicule que ce quolibet?» qui causent toujours une grande surprise saisir BOIL. « On admirera un vieux rébus, un maules rapports des choses les plus éloignées. vais quolibet dans la bouche d'un grand sei« M. Narquois définit l'esprit, saillie aimable et gneur, et l'on ne fera point de cas d'un bon mot raisonnée.... Saillie raisonnée offre deux mots qui échappera à un homme ordinaire. » Les. « Le incohérents.» LAH. « Leur esprit, toujours pré-capucin leur prêche la modération et la justice sent et pénétrant, leur fournit sans cesse des dans un langage plein de quolibets et de calempensées neuves, des saillies, des réponses heu-bours. » STAEL. Boileau dit de l'Équivoque, reuses....; ils étonnent par la promptitude et le qu'elle fit sel de leurs reparties. » J. J. « Le duc d'Orléans s'amusait fort des saillies du duc de Brancas, qui était un homme d'une imagination vive, singulière, plaisante, plein de traits auxquels on ne pouvait s'attendre. » S. S. « Les saillies qui nous échappaient. » LES.

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Le trait, flèche lancée contre quelqu'un qu'on immole à la risée, est un bon mot piquant, une plaisanterie maligne, une raillerie. « Point de traits railleurs et piquants. » BOURD. Ce comte de Lemos avait de l'esprit, et se faisait craindre par la liberté de ses traits. » S. S. « Les armes du monde sont dans ses traits piquants, dans ses railleries.» Boss. Des traits malins, mordants (ACAD.); les traits de la satire, de la haine, de la calomnie (ACAD.). Toutefois trait, dans une de ses acceptions, se prend aussi pour quelque chose d'innocent, qui se distingue moins par le sel que par la vivacité, auquel cas le trait se rapproche beaucoup de la saillie. Le trait ainsi entendu est prompt comme la saillie, mais d'une promptitude qui se considère plutôt pendant la course qu'au moment du départ. Et c'est par cette dernière circonstance que les deux termes different. La saillie échappe, le trait vole. On est surpris de la saillie, on ne s'y attendait pas; on a à peine le temps de saisir le trait, il fuit et disparait à l'instant comme une étincelle. Aussi dit-on bien d'un ouvrage qu'il petille de traits (ACAD.).

Goûter comme bons mots ses quolibets frivoles.
De froids bons mots, des équivoques fades,
Des quolibets et des turlupinades. VOLT.
Les quolibets que je hasarde

Sentent un peu le corps de garde. LAP. PERCER, TRANSPIRER. Ces deux verbes expriment de la part des choses l'action de se manifester, de se faire jour, d'arriver à être connues.

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Percer, pénétrer, se faire ouverture, emporte pour idée accessoire celle du milieu par lequel passent les choses. On dit presque toujours percer à travers. « L'excellence de la nature de l'homme perce à travers les organes matériels. BUFF. « Le contentement perce à travers son embarras. » J. J. « Son intention perce à travers son silence. » ACAD. Mais transpirer, dont le sens primitif est s'exhaler, sortir du corps par les pores, est relatif à l'opposition du dedans au dehors; en sorte que ce qui transpire passe à l'extérieur, se découvre et se répand ici ou là, dans tel ou tel endroit. On dit transpirer au dehors (DEST.), parmi telles ou telles gens (ID.), dans le public (LES., VOLT.). « L'édition d'Allemagne (de la tragédie d'Olympie) n'est bonne que pour les pays étrangers; et il eût été bon qu'elle n'eût point transpiré à Paris. » VOLT.

La vérité perce tôt ou tard malgré les obstacles. Le secret qui a transpiré parmi les domestiques d'une maison aura bientôt transpiré dans le pu

blic.

La pointe est un jeu de mots, quelque chose PÉRISSABLE, FRAGILE. Susceptible de desqui ressemble à ce que nous nommons aujour-truction, d'anéantissement. d'hui un calembour. « Les Pères sont pleins de jeux de mots, d'antithèses et de pointes. » FEN. « Je ne relève pas dans ces auteurs les pointes et les jeux de mots dont on sent le faux aisément.» Boileau, en proscrivant les pointes, ne défend pas à la gaieté d'en faire quelquefois usage.... Voici un des calembours de Plaute. » LAH. «< Quelqu'un jeta au feu les satires de Perseruptibles; les autres, solides.

VOLT. «<

<«< Les choses sont périssables, parce qu'elles' doivent finir; elles sont fragiles, parce qu'elles peuvent finir à chaque instant et tomber sous les premiers coups qui les frappent. » COND. Les choses périssables sont de nature à perdre l'être; et les choses fragiles, de nature à le perdre aisément. Les premières ne sont pas immortelles ou incor

Périssable, rappelant par opposition ce qui est | BUFF. « On distingue les mouvements primoréternel, ce qui ne passe point, est proprement diaux par les mots de perpendiculaire, d'horizonun terme religieux ou de théologie; au lieu que tal, de circulaire, d'elliptique et de parabolique. » fragile, cassant, aisé à rompre, à briser, exprime BERN. Mais vertical se dira plutôt en parlant un fait de l'ordre commun et appartient au dis-d'objets, de choses concrètes, d'un mur, d'une cours ordinaire. Sur ce vers de Denys le Tyran, boussole, des feux du soleil. « Contre le mur vertragédie de Marmontel, tical qui forme le derrière de la fontaine, debout, le dos appuyé contre ce mur, deux figures charmantes ... » DID. « Les aiguilles des boussoles verticales doivent être faites et placées de manière que leur centre de gravité coïncide avec leur centre de mouvement, au lieu que, dans les boussoles horizontales.... » BUFF. « Le soleil, au milieu de sa carrière, embrase les campagnes de ses feux verticaux. » BERN.

Vous que je méprisais, périssables attraits, Laharpe fait la remarque suivante : « Dans les convenances du style, il y a de la différence entre des attraits fragiles et des attraits périssables: celui-ci est proprement du style chrétien, tel que celui de Pauline; l'autre peut se mettre partout, et convenait ici. »>

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Périssable se dira plutôt des êtres, et fragile des manières d'être, des qualités. Ce monde est D'un autre côté, c'est apparemment en raison périssable, et sa gloire fragile. Le corps de du caractère de noblesse reconnu à perpendicul'homme est périssable (VOLT.), et sa beauté fra-laire et non à vertical qu'on attribue à l'homme gile (Boss.). « Plus l'existence est, pour un ani- une situation perpendiculaire, et aux plantes une mal, fragile et passagère, plus il s'empresse de direction verticale. L'homme est le seul (des suppléer à sa destruction par sa fécondité; les plus animaux) qui se soutienne dans une situation périssables sont ceux dont l'espèce se régénère droite et perpendiculaire. » BUFF. « Telle est l'haavec le plus de promptitude et d'abondance. » bitude des plantes dont on gêne la direction verMARM. ticale.... Si la plante (qu'on a inclinée) continue à végéter, son prolongement redevient vertical. » J. J.

PERPENDICULAIRE, VERTICAL. Qui aboutit à une chose de manière à n'incliner par rapport à elle ni d'un côté ni de l'autre.

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Doderlein distingue perseverantia de constantia en disant qu'ils expriment, le premier l'état ou la qualité de l'âme qui fait tenir une telle conduite, et le second cette conduite même, la manière d'agir. Le même rapport existe évidemment entre les deux mots français. La persévérance est une qualité ou une vertu la persévérance filiale (ACAD.); Bourdaloue a fait un sermon sur la persévérance chrétienne. Mais on appellera plutôt du nom de constance un acte ou un trait de persévérance: M. de Feins eut la constance de

PERSÉVÉRANCE, CONSTANCE. Idée comIl y a d'abord entre ces deux termes une diffé-mune, celle d'une conduite soutenue ou qui ne rence considérable et bien connue. Perpendicu- se dément pas. laire, latin perpendicularis ou perpendicularius, de perpendiculum, fil à plomb, cordeau, est plus général. Il se dit, quel que soit le sens dans lequel se trouve placée relativement à la terre la chose que rencontre celle dont il est question. Vertical, du latin vertex, sommet, point culminant du ciel, zénith, n'est applicable qu'à ce qui descend pour ainsi dire du point le plus élevé du ciel sur la terre, qu'à ce qui est perpendiculaire au plan de l'horizon. «Tous les fers étant posés dans une situation perpendiculaire à l'horizon prendront quelque portion de vertu magnétique. M. le che-passer plusieurs jours à Motiers. » J. J. Persévévalier de Lamanon, ayant examiné les fers em- rance appelle l'attention sur la personne, et ployés dans tous les vaisseaux qu'il a vus dans le constance sur ce qui s'y rapporte : «La constance port de Brest, en 1785, a trouvé que tous ceux qui de leur foi, la persévérance généreuse avec laquelle étaient placés verticalement avaient acquis la vertu ils en conservent la pureté. » Mass. Un homme magnétique. » BUFF. est persévérant dans le bien, et il refuse constamment de s'associer à une entreprise criminelle persévéramment est un barbarisme, quoi qu'en dise l'Académie depuis 1835.

Mais il ne suffit pas de cette distinction; car, si vertical ne se prend jamais dans le sens étendu de perpendiculaire, l'usage permet d'employer perpendiculaire dans l'acception étroite de vertical. Dans ce dernier cas, quand il s'agit de qualifier une chose eu égard à sa situation droite sur le plan de l'horizon, perpendiculaire, transporté à peu près tel quel du latin en français, est plus abstrait ou plus noble que vertical, qui a été seulement formé du latin.

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Ce n'est pas là pourtant la seule ni la principale différence. La principale, déjà indiquée par Condillac, consiste en ce que la persévérance est absolue, et la constance relative. La persévérance ne se lasse pas, continue sans relâche jusqu'à la fin; la constance ne cède pas, va toujours malgré les obstacles et les opOn appliquera de préférence l'épithète de per- positions. Si la persévérance est infatigable, pendiculaire à une ligne, à une hauteur, à un la constance est inébranlable. En un mot, la permouvement, choses qui ne sont pas matérielles. sévérance n'emporte pas l'idée de lutte contre Les dimensions pures et abstraites de la matière quelque chose qui empêche. « Ce que vous dites ne sont pas sans quelque expression. La ligne per- des arbres qui changent est admirable; la persépendiculaire, image de la stabilité, mesure de la vérance de ceux de Provence est triste et enprofondeur, frappe plus que la ligne oblique. » nuyeuse; il vaut mieux reverdir que d'être touDID. «Dans cinquante ou soixante pieds de hau jours vert. » SÉV. La plupart des hommes pour teur perpendiculaire, on voit souvent tous les de-arriver à leurs fins, sont plus capables d'un grés de plus ou moins de solidité de la craie. » grand effort que d'une longue persévérance.

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choses éprouvent des modifications, surtout en plus ou en moins, augmentent ou diminuent, successivement, et non tout d'un coup.

LABR. Mais la constance suppose nécessairement | verbiales dont on se sert pour exprimer que des des assauts ou des résistances. On connaît la constance du sénat de Rome, que les défaites et les calamités n'empêchaient pas de suivre invariablement ses desseins (Boss., MONTESQ., ROLL.). « Dieu voyant l'homme appliqué à se maintenir dans la grâce, et pour cela se faire violence à lui-même, mortifier ses passions, résister et combattre, il se sent réciproquement ému, en vue d'une telle constance, à le gratifier de ses plus singulières faveurs, et en particulier du don de la persévérance finale. » BOURD.

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Grâce aux dieux, mon malheur passe mon espérance! Oui, je te loue, o ciel, de ta persévérance. RAC. Mais ce que nous fait admirer Bossuet dans l'oraison funèbre de la reine d'Angleterre, c'est « sa constance, par laquelle n'ayant pu vaincre la violence de la destinée, elle en a si noblement soutenu l'effort. » Quand la persévérance du sort contre nous est tellement grande, qu'il ne nous reste plus assez de constance pour soutenir l'épreuve de la vie, les Romains prétendaient que nous avons le droit de mettre fin à nos jours. C'est ce que dit Titus dans Bérénice:

Lorsque trop de malheurs ont lassé leur constance, Ils ont tous expliqué cette perseverance Dont le sort s'attachait à les persécuter Comme un ordre secret de n'y plus résister. RAC. PESTILENTIEL, CONTAGIEUX. Propre à infecter, à corrompre dans l'homme les principes de la vie.

Mais peu à peu paraît mieux convenir pour l'abstrait, et petit à petit pour le concret. L'un signifie par degrés, l'autre par parties. L'ardeur, la vertu de quelqu'un croft peu à peu; l'eau d'une citerne augmente petit à petit par les pluies. Après Charlemagne, sa maison tomba peu à peu (Boss.); le château de Versailles qui ne devait être d'abord qu'un rendez-vous de chasse devint petit à petit un palais immense (VOLT.). Peu à peu on vient à bout de comprendre une énigme; petit à petit l'oiseau fait son nid.

PHILOSOPHE, PHILOSOPHIQUE. Où il y a de la philosophie : esprit, siècle, vie philosophe ou philosophique.

Philosophe, qui possède, qui a en partage la philosophie, se dit d'abord des personnes, puis d'une réunion de personnes, comme une nation (VOLT.), un auditoire (ID.), un parterre (ID.), et enfin de ce qui compose ou représente en quelque sorte une personne : une âme (VOLT.) ou une tête (D'AL.) philosophe. Philosophique, qui tient à la philosophie, marque avec la philosophie un rapport moins étroit, et ne convient qu'aux choses traité, discours, raisonnement philosophique. « Vous savez quel bruit ont fait des gens peu philosophes au sujet d'une tragédie un peu philosophique. » VOLT. Un esprit philosophe est ' une personne philosophe; l'esprit philosophique est un genre d'esprit marqué de philosophie :

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Il n'y a que les cœurs sensibles et les esprits philosophes qui rendent justice aux vrais talents; puisse cet esprit philosophique germer dans la nation! » VOLT.

Ensuite, il y a plus de philosophie dans ce qui est philosophe que dans ce qui est philosophique. Voltaire et Vauvenargues appellent le dix-huitième siècle un siècle philosophe; mais quand le premier de ces deux écrivains veut affaiblir cette qualification, il emploie le mot philosophique : « On me cita plusieurs exemples dans ce siècle même, dans ce siècle philosophique, de jeunes gens appliqués à la torture, mutilés, brûlés, rompus vifs, pour n'avoir pas révéré les portraits de la sainte Vierge. >>

Pestilentiel, qui peut causer la peste (pestis, de perdere ou de perire), mal capable de perdre ou de faire périr, est relatif au danger et au grand nombre d'hommes qu'il menace. « Le péché est un mal plus grand et plus dangereux que les maladies du corps les plus pestilentielles. » Boss. « La raison commence à détruire ce germe pes- Enfin, philosophe, qui est philosophe ou aptilentiel (de l'opinion religieuse) qui avait si partient au philosophe, c'est-à-dire à celui qui longtemps infecté la terre. » VOLT. Mais conta-sait la philosophie et qui en observe les préceptes, greux, qui agit par contact, en touchant, annonce un mal qui se gagne. «< Quand les maladies sont incurables et contagieuses, c'est s'exposer à les gagner que d'entreprendre de les guérir. » D'AL. « Il y a des folies qui se prennent comme les maladies contagieuses. » LAROCHEF. « Vos tristesses sont si contagieuses qu'elles ont gagné jusqu'à votre valet. » MARIV.

regarde plutôt la pratique, au lieu que philosophique, relatif à la philosophie, à la science seule, convient uniquement pour la théorie. On dira donc une mort philosophe (SÉv.), un chagrin philosophe (MOL.).

Oh! que peu philosophe est ce qu'il vient de faire ! ID. «La partie la plus philosophe de la vie de Platon et d'Aristote était de vivre simplement et tranquillement. » PASC. Une vie philosophe est une vie sage, employée à vivre conformément à la philosophie; une vie philosophique se passe à étudier la science, les systèmes de la philosophie. Même différence entre un esprit philosophe et un esprit philosophique. « La moitié de GePEU A PEU, PETIT A PETIT. Locutions ad- nève va à Lyon pour voir passer des rois ; cela est

Ce qui est pestilentiel répand de tous côtés un mal meurtrier ou funeste, un mal mortel pour l'ordinaire et épidémique; ce qui est contagieux répand d'un homme à un autre un mal qui se prend, c'est-à-dire qui est de nature à se communiquer, à se propager par le contact.

peu philosophe.... J'aurais voulu dans votre écrit | quelque chose d'un peu plus piquant et dont le sujet eût donné plus d'exercice à votre esprit philosophique. » VOLT.

Croirait-on que l'Académie ne cite l'adjectif philosophe que depuis 1835?

PIN, SAPIN. Noms de deux arbres aussi communs dans le nord qu'ils sont rares vers l'équateur, et qui présentent les ressemblances suivantes : l'un et l'autre sont conifères, résineux, toujours verts, ont des feuilles longues et trèseffilées, et fournissent un bois propre aux mêmes usages.

On croirait au premier coup d'œil, vu surtout le peu de différence des deux arbres, que le mot sapin n'est autre chose celui de pin, devant lequel on a mis, pour préfixe, sa. Il n'en est rien cependant. Pin est le latin pinus, en grec, nítʊç. Sapin correspond au latin abies, venu lui-même du grec ǎow. Or de ce mot radical av les Latins ne s'étaient pas contentés de tirer abies, mais ils avaient formé aussi sapinus; ce qui est conforme aux lois de dérivation du latin par rapport au grec. Car, par exemple, les mots latins sal, satis, saltus, qui commencent par un s, dérivent incontestablement des mots grecs λ, ális, äλoos, qui commencent par un a. Et rien n'est plus commun que le changement de b en p. Donc, pin et sapin, pour l'étymologie, comme pour le sens, reviennent à pinus et à abies, et dans sapin, la syllabe initiale sa n'est pas ajoutée à pin en guise de préfixe.

Comment distinguer maintenant pin de sapin, pinus d'abies? En général, le pin est moins élevé et moins droit. Le sapin est le rival du chêne et du cèdre; il partage avec eux la royauté dans l'ordre des végétaux. « Hercule déracinait sans peine d'une main les hauts sapins et les vieux chênes, qui, depuis plusieurs siècles, avaient méprisé les vents et les tempêtes. » FEN.

cieux.

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pin pour la dureté et la solidité; et d'ailleurs le pin a l'avantage de croître sur le sol le plus ingrat, dans les terrains les plus arides, les plus stériles, et dans des lieux qui, sans sa présence, n'offriraient aucune image de végétation. Quant aux caractères scientifiquement et strictement essentiels, le sapin diffère du pin par la disposition des feuilles qui ne sont jamais réunies par faisceaux dans des gaines, et par les cônes composés d'écailles coriaces, mais non ligneuses, amincies au sommet et non épaisses, inadhérentes et non entregreffées.

PIRATE, CORSAIRE. Écumeur de mer, homme qui va sur mer attaquer et piller les vaisseaux marchands.

Malgré leur synonymie apparente, ces deux mots doivent différer notablement; car Voltaire reproche quelque part à un écrivain comme une faute grossière d'avoir pris pirate pour corsaire.

Pirate, latin pirata, grec reipatńs, exprime l'idée commune dans toute sa force et dans toute sa plénitude. Le pirate a pour métier de pirater, d'exercer la piraterie, c'est-à-dire des brigandages sur mer. «< Il y a cent ans qu'un Maratte, nommé Conogé Angria, se fit pirate; et s'étant retranché vers Bombai, il pilla indifféremment ses compatriotes, ses voisins et tous les commerçants qui naviguaient dans cette mer.... Son fils et son petit-fils continuèrent le même métier.... Mille vagabonds marattes, indiens, renégats chrétiens, nègres, étaient venus, augmenter cette république de brigands, presque semblable à celle d'Alger. » VOLT.

Corsaire dit moins que pirate, qui se met volontiers après, comme propre à enchérir : « Nicias ne fit aucun compte de l'approche de Gylippe, depuis qu'il eut appris qu'il avait fort peu de vaisseaux avec lui; et il le traitait de corsaire et de pirate. » ROLL. Le corsaire, de l'italien corso, course, va en course, c'est-à-dire qu'avec des lettres de marque, avec une autorisation du gouvernement, il court sur les navires marchands ennemis; c'est moins un brigand, un bandit, un homme sans aveu, qu'un soldat qui est régulièrement au service d'un Etat ou d'un prince. «On déclara la guerre à l'Espagne dans les formes à la fin de l'année 1739. La mer fut d'abord le théâtre de cette guerre, dans laquelle les corsaires des deux nations, pourvus de lettres patentes, allaient en Europe et en Amérique ruiner réciproquement le commerce pour lequel ils combattaient. » VOLT.

C'est ainsi que la terre avec plaisir rassemble Ces chènes, ces sapins, qui s'élèvent ensemble: Leur pied touche aux enfers, leur cime est dans les VOLT. « Ce n'est qu'au pied des neiges éternelles du mont Liban que le cèdre, le roi des végétaux, s'élève dans toute sa majesté. Le sapin, qui est après lui l'arbre le plus grand de nos forêts, ne vient à une hauteur prodigieuse que dans les montagnes à glaces.» BERN. « Les pins sont très-beaux dans un jardin, les sapins au sommet d'une haute montagne. » ID. Ensuite, les branches du pin ne commencent qu'à une certaine hauteur, et se réunissent toutes au sommet, de manière à composer la plupart du temps une espèce de voûte ou de parasol. Le sapin n'a pas cette forme ramassée et arrondie ses branches partent du tronc comme des bras, à peu de distance du sol, s'étendent horizontalement à droite et à gauche, Le corsaire est le pirate en exercice, en ou même s'abaissent au lieu de s'élever, et se dis- course, actuellement occupé à courir les mers: posant par étages en diminuant de longueur font on est pris par les corsaires, on tombe entre les de cet arbre svelte et élancé une sorte de pyra- mains des corsaires, une anse est propre à metmide. «< Des plantes inclinent leurs branches vers la tre les barques à l'abri des corsaires. Mais le terre, comme les sapins; d'autres les arrondissent pirate se considère comme étant ailleurs que sur en tête de champignon, comme les pins. BERN. mer ou comme ne faisant pas dans le moment Le bois du pin est supérieur à celui du sa- ce qui est de son métier: on est prisonnier en

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Mais, si pirate ne se prend jamais dans la signification affaiblie et légale de corsaire, il arrive assez souvent à corsaire de recevoir le sens absolu et odieux de pirate. Chacun d'eux a pourtant même alors une nuance qui lui est propre.

tre les mains des pirates, vendu par des pirates, | rent la strangurie ou difficulté d'uriner à laquelle tel lieu est un repaire de pirates; Alexandre de- il était sujet. » D'AL. « Mon premier soin, quand mandait un jour à un pirate qu'il avait pris quel je me suis vu en sûreté, a été d'uriner bien vite. droit il croyait avoir d'infester les mers. Une expérience bien des fois réitérée m'a appris Jean-Jacques Rousseau termine son Émile par qu'après une grande émotion c'est un des plus une lettre dans laquelle Émile raconte com- sûrs calmants qu'on puisse employer. » BEAUM. ment il fut pris sur la Méditerranée par des corsaires et quelle vie il mena à Alger chez les pi

rates.

Au figuré reparaît la différence du plus au moins. Le pirate est un brigand qui vous pille, qui vous vole sans l'ombre d'un droit. « Denys (tyran de Syracuse) était cruel, avide, pirate, brigand. » COND. Mais le corsaire n'est qu'un homme dur qui abuse de son droit pour vous rançonner. Pour ce qui est de cette coutume de faire des conventions avec les parties et de les rançonner à proportion du danger qu'elles courrent, c'est, dit Quintilien, un trafic abominable, plus digne d'un corsaire que d'un orateur. » ROLL. Endurcis-toi le cœur sois arabe, corsaire. Ne va point sottement faire le généreux. BOIL. PISSER, URINER. C'est, comme dit Molière dans une de ses comédies, expulser le superflu de la boisson. Il serait difficile d'exprimer la chose d'une manière tout à la fois plus exacte et aussi décente.

Pisser, quoi que prétendent certains étymologistes, ne vient assurément ni du grec ni du latin; il doit avoir une origine vulgaire; car il est lui-même, non pas vulgaire seulement, mais populaire. On se le permet à peine dans la conversation d'où la gêne est bannie. Voltaire le compte expressément parmi les gros mots de Shakespeare qu'on ne peut faire entendre sur la scène française. Cependant, dans les Plaideurs de Racine, Dandin, à qui on a présenté les petits chiens pour le supplier et l'attendrir, s'écrie:

Tirez donc. Quels vacarmes!

Ils ont pissé partout. On en trouve aussi des exemples supportables dans des livres qui ne manquent pas totalement de décence. « La plus belle fontaine de Bruxelles est un enfant de bronze...; il pisse continuellement de l'eau.» VOLT. « Voilà M. de Metz à s'impatienter, à gloser sur l'inutilité de ce qui se débattait, à frétiller, et finalement à dire qu'il crevait d'envie de pisser. » S. S. « Celui qui supprime un mauvais livre ou qui détruit une statue voluptueuse ressemble à un idiot qui craindrait de pisser dans un fleuve, de peur qu'un homme ne s'y noyât. » DID. J. J. Rousseau fait dire à un symphoniste qui écrit à ses camarades de l'orchestre: « Au bout d'une ligne ou deux, ne sachant plus ou j'en étais, je feignais de compter des pauses, ou bien je me tirais d'affaire en sortant pour aller pisser. »

Mme de Sévigné, écrivant familièrement à sa fille, emploie pisser dans la même circonstance absolument où Buffon, dans son histoire naturelle de l'homme, se sert d'uriner. « Ce fut une joie si parfaite pour moi que celle de votre heureux accouchement.... Vous avez eu la colique, vous avez eu la fièvre de votre lait...; votre fils a été trois heures sans pisser, à ce que m'a dit le coadjuteur; vous étiez déjà tout épouvantée. » SEV. « Quelques instants après sa naissance, l'enfant urine, c'est ordinairement lorsqu'il sent la chaleur du feu. » BUFF.

PLACE, POSTE. Lieu occupé par une personne; au figuré, lieu occupé par une personne dans le monde ou dans l'Etat, à la cour, dans l'armée, l'Eglise, la magistrature, etc.

Place (du latin platea, place publique) exprime le genre, et poste (du latin positus, posé, préposé) désigne une espèce. Poste est primitivement un terme de guerre qui signifie une place assignée par un chef à un militaire, soldat ou officier, ou à des troupes; mais il se prend aussi dans l'acception générale de place, sans quoi il n'y aurait entre ces deux mots aucune synonymie.

Or, même alors, même quand poste semble le plus équivaloir à place, il garde quelque chose de sa signification spéciale primitive, et c'est de là que se tire son caractère distinctif. L'idée de gloire et d'éclat étant inséparable de celle de guerre, le poste est une place importante, éminente, supérieure ou des plus honorables. « Je n'appris pas sans peine que quelqu'un pouvait vivre avec Mme de Warens dans une plus grande intimité que moi. Je n'avais pas songé même à désirer pour moi cette place.... Sans affecter avec moi l'autorité que son poste le mettait en droit de prendre, Claude Anet prit naturellement celle que son jugement lui donnait sur le mien. » J. J. << Content de la place où Dieu m'a mis, je ne vois rien, après lui, de meilleur que mon espèce.... Puis-je me voir ainsi distingué sans me féliciter de remplir ce poste honorable?» ID. « Estce une bonne maxime qu'un citoyen puisse être obligé d'accepter, dans l'armée, une place inférieure à celle qu'il a occupée.... Dans les gouvernements despotiques, où l'on abuse également de l'honneur, des postes et des rangs, on fait indifféremment d'un prince un goujat, ou d'un goujat un prince. >> MONTESQ. On dit un poste brillant (MASS.) plutôt qu'une place brillante. Poste périlleux (ACAD., MASS., J. J.) est aussi une locution préférable à place périlleuse (qui peut-être ne se dit point du tout), et c'est aussi parce que le mot poste a été employé d'abord en termes de guerre et que le souvenir en reste.

Mais uriner, formé du latin urina, urine, est le mot usité en termes de science. « Les mouches cantharides portent à la vessie, l'excorient et font uriner du sang. » VOLT. « Les cochons d'Inde ne boivent jamais, et cependant ils urinent à tout moment. » BUFF. « Ce lama que je décris urine en arrière. » ID. « Voltaire tomba très-sérieuse- Ce n'est pas que la place, de son côté, ne ment malade pour avoir pris dans un moment puisse être considérable; mais elle l'est moins de travail plusieurs tasses de café qui augmenté-essentiellement; et d'ailleurs, elle est plus pro

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