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nuance il est particulièrement qualificatif. La
naissance ou l'origine d'un homme n'en fait sou-
vent connaître que quelque chose d'extrinsèque,
son pays, par exemple, ou l'époque à laquelle le
nom de sa famille a commencé à paraître dans le
monde; l'extraction d'un homme en annonce les
talents ou les défauts, les vertus ou les vices hé-
réditaires, un extrait ayant nécessairement telle
ou telle nature, la même que ce d'où il a été tiré.
« L'homme, sorti des mains de Dieu, se ressent,
en tout ce qu'il est, de la noblesse de son extrac-pensable. » DESTUTT DE TRACY.
tion, » ROLL. « Du génie et de l'extraction qu'il
était (le P. Tellier), on ne peut être surpris
qu'il fût sur tout le reste grossier et ignorant à
surprendre, insolent, impudent, impétueux.... »
S. S. Un homme de basse naissance ou de basse
origine est de bas lieu, ne brille pas par ceux
dont il descend immédiatement ou médiatement;
un homme de basse extraction est bas, tient de
ses aieux des sentiments peu relevés.

presse moins. Aussi n'est-il pas rare de trouver
indispensable mis après nécessaire pour renchérir.
«Examiner la tradition de l'Eglise pour savoir ce
qu'elle a toujours regardé dans la communion
comme nécessaire et indispensable. » Boss. « Par-
mi ces dernières vertus il doit y en avoir quel-
qu'une qui soit plus nécessaire, plus essentielle,
plus indispensable à l'héroïsme. » J. J. « Cela
ne veut pas dire que ce sacrifice (d'argent pour
les impôts) ne soit pas nécessaire et même indis-

NÉCESSAIRE, INDISPENSABLE. Qui ne peut pas ne pas être, ne pas avoir lieu, ou dont on ne peut pas se passer.

NÉGLIGENCE, INCURIE. Défaut de soin.

La négligence, de nec legere, ne pas choisir, est inattentive; l'incurie, de in négatif et de cura, souci, est insouciante.

Dans la négligence on considère plutôt l'effet du défaut, le dommage qui en résulte; et, dans l'incurie, l'état de l'esprit atteint du défaut, état de sécurité, d'indifférence, de non préoccupation. Avec de la négligence on ne fait pas les choses ou on ne les fait pas bien; avec de l'incurie, on ne les prend pas à cœur, on ne s'en inquiète pas. La négligence est nuisible au succès des affaires. << Ceux qui ont en garde votre vaisselle, vos pier

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Nécessaire est absolu; indispensable, relatif. Ce qui est nécessaire l'est en soi; ce qui est indis-reries, vos trésors, s'ils négligent de les garder, pensable l'est par rapport à nous. Dieu est nécessaire; son culte est indispensable. C'est une conséquence nécessaire que celle qui découle d'un principe évident; quand vous avez admis certaines propositions, vous êtes amené par une conclusion indispensable à convenir de telle ou telle chose. On dira plutôt d'un devoir qu'il est nécessaire, et d'une obligation qu'elle est indispensable; ou, si le devoir, par exemple, reçoit les deux qualifications, elles n'auront pas le même sens exactement; devoir nécessaire voudra dire devoir dont on ne peut jamais s'exempter, et devoir indispensable signifiera devoir dont on ne peut s'exempter dans certaines situations : « Quel bonheur si je pouvais vous persuader ces deux devoirs si indis- | pensables dans la religion que nous professons, et si nécessaires dans tous les états de la vie! >> BOURD.

Ce qui est nécessaire l'est universellement, à tous égards, quoi qu'il arrive; au lieu que ce qui est indispensable dépend souvent des lieux, des circonstances, du moment, des individus. La nature fait les choses nécessaires; les convenances font quelquefois les choses indispensables. Il est impossible de ne pas faire ce qui est nécessaire; souvent il est simplement mal de ne pas faire ce qui est indispensable: l'homme meurt nécessairement; un homme poli est indispensablement obligé à certaines déférences envers certaines personnes. Nos besoins naturels sont nécessaires; ceux que nous nous sommes créés par l'habitude sont indispensables. Ainsi il est nécessaire de se vêtir pendant la froide saison, et la mode a rendu indispensables certaines formes d'habits. La respiration nous est nécessaire; que de gens pour qui est devenu indispensable l'usage du tabac ou du café!

les perdent en tant qu'en eux est, encore que le
voleur ne vienne pas. On ne les châtie pas néan-
moins toujours, parce qu'on n'aperçoit la faute de
cette négligence que quand le malheur est arrivé. »
Boss. Un bon général doit bien se donner de
garde de relâcher ses soins et sa vigilance dans les
bons succès, la moindre négligence étant capable
de tout ruiner. » ROLL. — L'incurie est commode,
elle exempte de toute sollicitude, de toute peine
d'esprit. « Il y en a qui ne trouvent leur repos que
dans une incurie de toutes choses, qui ne pren-
nent rien à cœur, qui se donnent à qui est pré-
sent, et n'ont du futur aucune inquiétude. Boss.
« Il aurait l'embarras des richesses, des soucis,
des affaires; il faudrait renoncer à l'incurie, pour
lui la plus douce des voluptés. » J. J.

Quant à moi, que ma négligence,
Tout comme un auteur d'importance,
Porte assez à ne rien valoir,

De grâce, force remontrance....
Que j'aime la douce incurie

Où je laisse couler mes jonrs! CHAPELLE.

D'ailleurs, la négligence est relative, elle ne finit pas, elle ne fait pas attention à tout; au lieu que l'incurie est absolue, elle ne se donne la peine de rien. La négligence n'est pas assez soigneuse; l'incurie ne l'est point. C'est pourquoi le mot incurie se place mieux après qu'avant celui de négli gence. « On va voir la négligence et l'incurie des pairs. » S. S. « Là-dessus je ne puis qu'admirer la négligence, l'incurie, et j'ose dire la stupidité de la nation anglaise. » J. J.

NETTOYER, LAVER, RINCER. Rendre propre, enlever d'une chose les ordures, les matières étrangères qui la salissent, la tachent ou la souillent.

Nettoyer est plus général que laver, qui, à son tour, est plus général que rincer.

Etant relatif à nous, indispensable exprime Nettoyer, c'est rendre net (du latin nitidus), quelque chose de plus impérieux pour nous; en c'est-à-dire poli, luisant, pur, de quelque manière sorte que le nécessaire, bien que l'emportant sur qu'on s'y prenne pour produire cet effet, qu'on l'indispensable au fond, nous touche et nous ramasse et qu'on emporte des immondices, qu'on

balaye, qu'on torche, qu'on écure, qu'on fourbisse, qu'on vanne, qu'on épluche, qu'on étrille ou qu'on brosse.

Laver, latin lavare, du grec oúetv, baigner, faire prendre un bain, c'est nettoyer avec de l'eau ou avec quelque autre liquide; c'est, suivant le langage de la chimie, employer, pour nettoyer, la voie humide et non la voie sèche. Après la mort des poursuivants, Ulysse ordonne aux femmes de nettoyer la salle en emportant les morts et en balayant, et de laver la table du festin en y passant une éponge remplie d'eau (FEN.). « Il ne sert de rien d'être lavé de l'eau du baptême, si on n'est nettoyé par la foi. » Boss.

Nenni se trouve par rapport à non comme pas par rapport à point: il est moins fortement négatif, il n'exprime qu'une demi-négation ou un demi-refus. C'est pour cela apparemment qu'on dit un doux nenni, c'est-à dire un non affaibli, qui, au lieu de rebuter, donne à espérer, agace et engage. Nos meilleurs écrivains l'ont entendu ainsi. Quelques exemples en feront foi. GÉRONTE.

«Comment! c'est sur mes épaules qu'il a frappé.

SCAPIN.

«Nenni, monsieur; c'était sur mon dos qu'il frappait. » GÉRONTE. «Que veux-tu dire? J'ai bien senti les coups, et les sens bien encore. »

SCAPIN.

D

« Non, vous dis-je, ce n'est que le bout du bâton qui a été jusques sur vos épaules. » MOL. Qne vois je! Est-ce....? Oui.

Rincer, dans Nicod reinser, pourrait bien venir de l'allemand rein, pur, reinigen, rendre pur. Quoi qu'il en soit, il signifie, non pas nettoyer en lavant et en frottant, comme le dit à tort l'Académie, mais nettoyer une chose en la lavant à l'intérieur avec de l'eau qu'on y agite. Voilà pourquoi ce mot ne se dit que des vaisseaux, et Je me trompe. Nenni Si fait. Non, c'est lui-même. ID. encore uniquement quand on les considère comme Mme de Sévigné, malgré deux purgations, avait lavés en dedans de la manière qui vient d'être in-perdu l'appétit et le sommeil. Or, dans une lettre diquée. On lave des bouteilles, quand on les net-à sa fille, s'adressant la parole à elle-même, elle toie comme des assiettes, en les frottant en dehors écrit ce qui suit: « Mangez donc un peu de viande; avec de l'eau; mais on les rince, à proprement parler, comme on rince un tonneau, en y faisant aller de côté et d'autre, par secousses alternatives, de l'eau qu'on a mise dedans. C'est ainsi qu'on se lave les mains, et qu'on se rince la bouche. « Lorsque les Arabes ont tué une autruche..., ils la secouent et la ressassent, comme on ressasserait une outre pour la rincer. » BUFF. Que si on ne rince pas des verres sans les frotter, c'est une exception à laquelle l'Académie aurait d'autant moins dû se laisser tromper, que l'action de laver, en général, a très-rarement lieu sans qu'on frotte. NON, NENNI. Particules négatives. L'Académie decide dans son dictionnaire que nenni est familier, et qu'il ne s'emploie que pour répondre négativement à une interrogation expresse ou sous-entendue. Double assertion qui est incontestable mais insuffisante, et qui demande à être expliquée.

Non est le latin non, et se dit comme lui dans une foule de cas où il ne s'agit point de faire une réponse. Non-seulement, mais encore....; non que je ne l'estime beaucoup; il avait des flatteurs, et non pas des amis; il est en peine, non sans raison; tous les gens non intéressés; nous ne devons pas haïr notre prochain, non pas même quand nous en sommes maltraités.

non, je n'en veux point.... Êtes-vous malade? Nenni: êtes-vous plus faible? Nenni. Je redors présentement; mais je ne minge encore que par machine.... » N'est-il pas évident que la manière dont elle refuse l'usage de la viande est bien plus formelle que la manière dont elle nie qu'elle soit malade? Et est-ce se tromper que de croire que le mot de nenni a été mis ici à dessein comme un diminutif de non, afin de pouvoir sans mentir rassurer sur une santé dont on ne pouvait affirmer absolument qu'elle ne fût pas mauvaise? Non eût fait un mensonge; nenni représentait la chose au vrai ou produisait tout au plus une menterie.

NORD, SEPTENTRION. Partie du ciel ou de la terre qui regarde le pôle arctique ou boréal.

Nord est le même mot qu'on emploie en allemand pour rendre cette même idée, et nul doute qu'il ne soit originairement germanique ou tudesque. Mais septentrion est le latin septentrio ou septentriones, de septem triones, les sept bœufs de labour, c'est-à-dire les sept étoiles de la petite Ourse.

Nord se dit dans la langue commune, en géographie et en termes de marine; mais septentrion, d'un usage plus rare, convient surtout en parlant de l'antiquité classique et dans le style soutenu. « Thalès croyait que la cause de l'inondation du Nil venait de ce que les vents étésiens, qui soufflaient du septentrion au midi, retardaient les eaux du fleuve, qui coulent du midi vers le septentrion, et les contraignaient à se déborder dans la campagne. » FEN. « Au son de cette voix toutepuissante qui se fera entendre en un moment de

Nenni vient-il du latin? C'est douteux, ou du moins les étymologistes ne s'accordent pis sur celui ou ceux des mots latins d'où on peut le dériver. On conçoit donc qu il n'ait pas toutes les applications du latin non, et qu'il ne convienne que dans la conversation familiere. Et même il sem-l'o ient jusqu'à l'occident, et du septentrion jusble aujourd'hui totalement desusite, si ce n'est dans certaines provinces où on parle encore patois ou moitie patois moitié français, en Provence, par exemple. C'est une perte pour notre langue; car, tout bien considéré, il n'y a pas, comme on pourrait le croire si on s'en rapportait à l'Académie, une entière identité de signification entre non et nenni.

qu'au midi, les corps gisants, les os desséchés seront émus dans le creux de leurs tombeaux. Boss.

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- Dire que l'aiguille aimantée se tourne vers le nord (ACAD.), c'est parler comme tout le monde; dire qu'elle se tourne vers le septentrion (ACAD.), c'est, pour exprimer la même chose, se servir d'un mot plus relevé ou moins ordinaire.

D'ailleurs nord est tout abstrait, tout relatif à

la situation ou à la direction; au lieu que septen- | naire « jusqu'à ce qu'il ait été soumis derechef à trion, tout concret, fait penser aux choses, aux la censure. » En général, Jean-Jacques a pour pays ou aux peuples qui se trouvent dans cette derechef une sorte de prédilection; mais il s'en partie du monde. On s'avance vers le nord; Bour- sert surtout dans ses lettres et dans les endroits daloue prétend que Luther et Calvin ont perverti de ses lettres où il parle sans façon. «Adieu, monl'occident et le septentrion. C'est un degré mo- sieur, derechef; bon voyage.... Bonjour, derechef; déré de température que les grues, habitantes du je ne croyais écrire qu'un mot, et je ne saurais septentrion, viennent chercher l'hiver dans le finir. » midi.... Si des peuplades de ces oiseaux sont allées habiter le fond du midi, séquestrées de la grande masse de l'espèce, elles ne sont certainement pas du nombre de celles que nous voyons voyager vers le nord. » BUFF.

Ajoutez que nord est précis, et septentrion vague. On dit qu'un pays est au nord et non pas au septentrion d'un autre. Mais on dit bien d'une manière générale, les royaumes du septentrion (VOLT.). « C'est avec cette brièveté qu'on s'expri- | mait dans les forêts des Gaules et de la Germanie, et dans tout le septentrion. » VOLT.

NOUVEAU (DE), DERECHEF. Termes qui servent à marquer qu'une action, qui s'est déjà faite ou qu'on a déjà faite, recommence ou qu'on la

recommence.

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NUPTIAL, CONJUGAL, MATRIMONIAL. Qui appartient ou se rapporte au mariage.

Entre nuptial et conjugal d'abord la synonymie est peu étroite. Nuptial, nuptialis, de nuptiæ, noces, rappelle le mariage quant au fait et aux circonstances de sa célébration; au lieu que conjugal, conjugalis, de conjux, époux, épouse, le rappelle quant à l'état qui suit la célebration et dans lequel vivent les époux ou les conjoints: bénédiction nuptiale, société conjugale Dans Rodogune, au moment de procéder à la cérémonie du mariage d'Antiochus, Cléopâtre dit à ce prince :

L'hymnen est maintenant notre plus cher souci.
L'usage veut, mon fils, qu'on le commence ici :
Recevez de ma main la coupe nuptiale,

De nouveau est de tous les temps et de tous les Pour être après unis sous la foi conjugale. CORN. styles. Derechef, formé d'un vieux mot français, Anneau (ACAD.), festin (Boss.), voile (ID.), bourechef, changement, a vieilli lui-même, et Voltaire | quet (LAH.), chant (MARM.), don (Co×N.), préle déclare hors d'usage. Mais, avant de devenir un archaïsme, derechef s'est dit concurremment avec de nouveau. On lit dans Massillon : « Vous avez prié, et Dieu n'a point eu d'oreilles pour yous; vous avez crié derechef, il s'est tu; encore une fois la voix de votre cœur est montée de nouveau vers le Seigneur, et ç'a été en vain. »

sent (VOLT.) nuptial, habit nuptial (Boss.), habits nuptiaux (ACAD., LAF.); robe (ACAD., Boss.), chambre (ACAD., BERN.), bague (DEST.), torche (VOLT.), pompe (ID., STAËL) nuptiale, des fêtes nuptiales (J. J.), des pompes nuptiales (VOLT.). Le lien (ACAD., MOL., LAF.), le nœud (ACAD., Boss., MOL.), le pacte (DEL.), l'amour (ACAD., LAF.), le Malgré l'autorité d'un si grand écrivain, qui devoir (ACAD., MONTESQ., VOLT.), l'état (Bɔss.) aura voulu simplement éviter ici une répétition en conjugal, des soins conjugaux (REGN.); l'union employant derechef, on est forcé de reconnaître (ACAD., J. J.), l'affection (ACAD.), l'amitié (ACAD., que ce mot au XVII et au XVIIIe siècles n'est que Boss.), la société (Boss., J. J.), la vie (BERn.), la du style comique, badin ou familier. « J'annonce fidélité (J. J.), la sagesse (LAH.), la chasteté un écrit périodique........ Je vois s'élever contre moi | (Boss.) conjugale; des mœurs innocentes, conjumille pauvres diables à la feuille; on me sup-gales et maternelles (BERN.). La foi nuptiale prime; et me voilà derechef sans emploi !» (FEN.) est la foi que se sont jurée le mari et la Figaro dans le Mariage de Figaro. BEAUM. femme le jour des noces; la foi conjugale (ACAD., CORN., RAC., LAF.) est la foi qu'ils se gardent l'un à l'autre depuis ce même jour. Même différence entre lit nuptial et lit conjugal. Montesquieu parle d'un tableau qui représente les noces de Vulcain et de Vénus et où on voit Vulcain qui enlève sa divine épouse pour l'emporter sur le lit nuptial; un homme qui, aimant une femme, en a épousé une autre, est exposé à n'éprouver que des remords sur le lit conjugal (LES.).

Retournez voir Luce le saint ermite.... Les voilà donc derechef en chemin. LAF. Nous voila donc encore en mer Derechef réduits à ramer. Scarr. Dans l'Avare, Harpagon dit à Cléante qui persiste à prétendre à Mariane: «Quoi, pendard? derechef? » Dans le Légataire, Crispin dit à Géronte:

Ah! monsieur, touchez là.

Je suis votre valet, ou le diable m'emporte.
Touchez là derechef.

Et il est à remarquer que dans cette dernière
pièce, Géronte, qui n'est point un valet, emploie
de nouveau et non pas derechef:

Matrimonial est aussi formé d'un mot latin, matrimonialis (de matrimonium, mariage). Mais il n'appartient pas à la langue commune; c'est un terme de jurisprudence particulièrement usité en parlant de ce qui dans le mariage regarde la jurisprudence ou la justice. « C'était aux empereurs et aux rois qu'il appartenait de régler les conditions nécessaires pour la validité des mariages, et de marquer les degrés de parenté où ils

Qu'on aille de nouveau les chercher (les notaires). J. J. Rousseau paraît également avoir senti et observé cette différence. Dans une lettre à M. de Sartine, lieutenant général de police, il le prie de ne pas laisser imprimer son Dictionnaire de mu-seraient défendus. Eux seuls pouvaient donner des sique, jusqu'à ce qu'il ait été de nouveau soumis dispenses; et il n'y avait que le magistrat qui pût à la censure.» Mais écrivant le même jour à l'un prendre connaissance des causes matrimoniales. » de ses amis les plus familiers, il lui annonce qu'il COND. « Le duc de Mantoue étant mort, son genvient de faire arrêter la publication de ce diction-dre prétendait la succession en vertu de ses con

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ventions matrimoniales. » VOLT. « Si l'on voulait | (VOLT.). Il est à remarquer, en outre, que masuivre les lois matrimoniales des Hébreux, il fau- | trimonial s'emploie bien dans le langage plaisant drait donc les suivre en tout. » ID. « Un arrêt du de la comédie. Il se trouve dans le Double veuparlement de Paris porte.... Quelques théologiens rage de Dufresny: « Oui, Monsieur, c'est la disont prétendu que cela était fondé sur le quatrième simulation qui maintient parmi les hommes la concile de Carthage, qui l'avait ordonné pour la société civile et matrimoniale. » Regnard s'en est révérence de la bénédiction matrimoniale. » ID. également servi dans les comédies qu'il a compoAnciennement la justice, dans certains cas, or-sées pour l'ancien théâtre italien. « Pour peu que donnait un congrès, c'est-à-dire une épreuve pour vous ayez écorné la fidélité matrimoniale.... Je constater si des gens mariés étaient ou n'étaient vous conseille de bannir de votre cerveau toutes pas capables de remplir le devoir matrimonial. vos idées matrimoniales. »

OBJECTION, DIFFICULTÉ. Raison qu'on oppose à une opinion ou à une proposition. On propose, on prévient, on résout des objections et des difficultés, ou on y répond.

Objection, du verbe latin objicere, jeter devant, reprocher, répond d'ailleurs au verbe français objecter. C'est donc, à la différence de difficulté, un substantif verbal. Il suffit de cette seule remarque pour distinguer les deux mots.

La difficulté est une chose, l'objection un fait. La difficulté se considère en elle-même, comme étant, et comme étant avec telle ou telle qualité elle est importante, insoluble, etc. L'objection se considère comme un événement, comme se passant de telle ou telle manière, et se qualifie en raison de sa manifestation et de son rapport avec celui qui en est l'auteur. On relève les termes d'une objection; on soutient le choc des objections; on fait une objection hardie, ingénieuse, subtile, pressante. « Il m'est impossible de vous suivre dans toutes les objections que vous semez sur votre chemin. Les difficultés naissent sous vos pas. » FEN. « Une telle objection ne peut partir que d'un esprit droit....: voici la solution de cette difficulté. » VOLT.

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n'emporte souvent que l'idée d'en démêler les termes, d'en faire voir les équivoques et tout ce qu'elle peut contenir de spécieux dans la forme. C'est la logique qui enseigne l'art de résoudre les difficultés, et la dialectique qui apprend celui de réfuter les objections.

OBSERVATION, EXPÉRIENCE. Moyen de connaître la nature ou les réalités.

L'observation est un moyen par lequel on remarque, on aperçoit des choses visibles, apparentes. L'expérience est un moyen par lequel on force la nature à révéler ses secrets. On recueille des observations, il n'y a qu'à ramasser, pour ainsi dire; on fait ou on tente des expériences, il faut pour cela une intention plus formelle de rechercher et plus d'art dans la manière de procéder. «Je n'avais pas fait alors toutes les expériences qui m'ont conduit à ce resultat; il me manquait aussi beaucoup d'observations que j'ai recueillies dans ce long espace de temps. » BUFF. On recueille des observations sur les météores, on fait des expériences sur le vide.

« L'observation, moins recherchée et moins subtile, se borne aux faits qu'elle a sous les yeux, à bien voir et à bien détailler les phénomènes de toute espèce que la nature nous presente. L'expérience cherche à pénétrer la nature plus profondé

Une opinion ne souffre point de difficulté, c'est-à-dire qu'elle est vraie sans contredit; elle passe sans objection, c'est-à-dire sans contradic-ment, à lui dérober ce qu'elle cache, à créer en tion.

quelque manière, par la differente combinaison des corps, de nouveaux phénomènes pour les étudier; enfin elle ne se restreint pas à écouter la nature, mais elle l'interroge et la presse. On pourrait appeler l'observation, la physique des faits, ou plutôt la physique vulgaire et palpable, et réserver pour l'expérience le nom de physique occulte. »

La difficulté regarde uniquement le fond, et l'objection se rapporte, ou à la forme seule, ou à la forme en même temps qu'au fond. « On ne doit pas proposer cette objection comme une vraie difficulté. » FEN. «< Cette difficulté ne m'étonne pas, et j'oppose à cette objection un raisonnement invincible. » Boss. Toute votre difficulté | D'AL. réelle resterait, et on pourrait faire encore votre objection. » FÉN. « J'ai peut-être fait à Eraste des objections dont toute la difficulté venait de l'ignorance où nous sommes de bien des choses. » MAL. « Voilà bien des difficultés.... Il faut comparer les objections aux preuves. » J. J. « Il donne le change dans sa réponse à cette objection, parce qu'il néglige la deuxième chose, en quoi consiste toute la difficulté. » AкN.

On peut être embarrassé d'une objection sans avoir à résoudre aucune difficulté réelle. On répond à la difficulté ou on la résout, en la levant ou en l'éclaircissant. Répondre à une objection

« Il ne suffit pas, dit Bacon, d'observer la nature dans le cours qu'elle suit d'elle-même et librement; il faut encore la violenter par des expériences, la tourmenter, la vexer. » COND. « Pour parvenir à connaître les phénomènes et les lois de la nature il faut donner une attention particulière à chaque chose, et comparer avec soin les faits et les circonstances; c'est ce qu'on entend par observer. et les phénomènes découverts s'a pellent observations. Mais pour découvrir des phénomènes, il ne suffit pas toujours d'observer; il faut encore employer des moyens propres à les rapprocher, à les dégager de tout ce qui les cache, à les

mettre à portée de notre vue. C'est ce qu'on nomme des expériences. Il a fallu, par exemple, faire des expériences pour observer la pesanteur de l'air. >> ID.

L'expérience renchérit sur l'observation: elle pénètre plus avant et elle est plus précise. « Le premier objet réel de la physique expérimentale est l'examen des propriétés générales des corps que l'observation nous fait connaître pour ainsi dire en gros, mais dont l'expérience seule peut mesurer et déterminer les effets.... L'observation journalière nous apprend que l'air est pesant; mais l'expérience seule pouvait nous éclairer sur la quantité absolue de sa pesanteur. » D'AL.

que chose qui demande, non pas précisément beaucoup de soins comme les affaires, mais beaucoup d'efforts. « Un travail fort et suivi a soulagé la plupart de ceux qui s'y sont livrés » STAËL. «Jésus-Christ ne nous a parlé d'une vie chretienne que sous la figure d'un combat, d'un négoce, d'un trarail, pour nous faire entendre que ce doit être une vie laborieuse et agissante. » BOURD.« Sylla savait admirablement l'art de mêler les travaux les plus pénibles des plus sérieuses affaires aux plus vives douceurs de la galanterie. » S. RÉAL. Au lieu de faire du jeu une occupation continuelle et de s'y appliquer comme à une affaire importante, on ne doit se le permettre que comme un divertissement passager, frivole en lui-même et propre seulement à remettre l'esprit des fatigues d'un long travail (BOURD.). Ajoutez, pour le distinguer plus com

L'observation est proprement un moyen d'instruction, et l'expérience est d'ordinaire un moyen de vérification. « Telle est la méthode de l'esprit humain dans les arts qu'il crée et qu'il perfec-plétement encore de l'occupation et des affaires, tionne. Il recueille des observations, il fait les hypothèses que ces observations indiquent, et il finit par les expériences qui confirment ou qui corrigent ces hypothèses. » COND. « Les vérités de la physique sont tous les phénomènes qu'on découvre par l'observation, et dont on s'assure par l'expérience. » ID.

que le travail est ordinairement productif, qu'il en résulte des effets, des transformations de matière, des édifices, des objets d'art, des compositions littéraires ou autres.

Ouvrage, ce que fait l'ouvrier, désigne proprement le résultat du travail. Aussi dit-on bien un ouvrage ou des ouvrages d'un grand travail (FLÉCH., OCCUPATION, AFFAIRE, TRAVAIL, OU-ROLL.). Au lieu que travail, tout subjectif, appelle VRAGE, BESOGNE. L'idée commune à tous ces mots est celle d'un certain emploi ou d'une certaine application de l'activité.

Occupation et affaire d'abord sont séparés par d'assez grandes différences. Occupation est général, et affaire particulier : ils expriment, celui-là quelque chose de continuel ou de constant, celui-ci quelque chose de restreint. De là vient qu'occupation se met de préférence au singulier et affaire au pluriel : on a de l'occupation et on a des affaires; on est accablé d'occupation et accablé d'affaires. Les affaires sont des sujets d'occupation, et on dit très-bien l'occupation des affaires : « Vous avez l'occupation des affaires et l'amusement des plaisirs; voilà tout ce qu'il faut à l'homme. » VOLT. - L'occupation occupe, remplit le temps ou le vide de l'existence, fait qu'on ne reste pas inactif; mais elle peut n'avoir rien de sérieux, elle peut consister en jeux, en promenades, en mouvements ou en courses pour les visites, la toilette ou l'amusement, et en autres choses semblables. Toujours à sa toilette, et devant un miroir! Voilà tout son emploi du matin jusqu'au soir. Belle occupation, vraiment!... Au contraire, c'est toujours quelque chose d'important qu'une affaire ou que les affaires, c'est quelque chose qui intéresse ou qui doit intéresser. Affaire, ce qui est à faire, emporte l'idée d'une obligation et par conséquent celle d'une grande utilité. « Il serait à désirer que Monseigneur le duc de Bourgogne n'occupat toute sa solitude qu'à la lecture des histoires, et qu'il regardât cette sorte d'occupation comme son unique affaire, comme la seule pour laquelle il lui est permis de se dérober à la vue de la cour. » S. S. Dans un moment où on fait du plaisir son unique occupation, on s'écrie, à demain les affaires, ce qui revient évidemment à dire, à demain les choses sérieuses.

REGN.

l'attention sur l'action ou sur celui qui la fait, ouvrage, tout objectif, fait penser uniquement à ce qui a été créé ou produit par cette action ou par une action de ce genre. « Tous les chefs animaient le peuple au travail; et le roi Idomenée faisait avancer les ouvrages avec une incroyable diligence. » FÉN. « Je souhaiterais que les femmes de condition fissent des ouvrages où l'art et l'industrie assaisonnassent le travail de quelque plaisir. » ID. « Depuis huit jours que cet agreable travail (des vendanges) nous occupe, on est à peine à la moitié de l'ouvrage. » J. J. « Après qu'on a essuyé tant de travaux et qu'on a conduit tous les ouvrages à leur perfection.... » ROLL. « L'éducation des demoiselles est un ouvrage immense, et il n'est pas possible d'en soutenir le travail et d'en remplir les devoirs sans une sainteté éminente. »M INT. - Que si parfois les deux mots échangent leurs significations, de manière que travail se dise pour le résultat et ouvrage pour l'action, ils different toujours en ce que le travail, et non pas l'ouvrage, suppose du labeur ou de la peine. Les digues de Hollande sont un travail qui a dû coûter bien des efforts pour vaincre de grandes difficultés; les dunes sont l'ouvrage du vent, l'amour est souvent l'ouvrage du hasard. De plus, travail garde son caractère de subjectivité en opposition au caractère d'objectivité qui est propre à ouvrage. La beauté d'un beau travail fait l'éloge du travailleur; celle d'un bel ouvrage se considère, non plus par rapport à l'artiste, mais dans l'objet qui est sorti de ses mains.

Besogne, d'une origine vraisemblablement vulgaire, est commun, famillier ou déprisant. Cela seul suffit pour en faire un mot à part. « Envoyez querir notre chère Pène, et ayez la bonté de mettre un peu toute cette besogne en train. » Mme DE SIMIANE. « Les platoniciens ne nous faisaient pas Travail signifie quelque chose de pénible, quell'honneur de penser que Dieu eût daigné nous

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