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rapporte, est à un moindre degré que celui du balourd. L'homme lourd est pesant, lent à concevoir, sans légèreté, sans facilité, sans grâce; le balourd est bête ou stupide, incapable de concevoir. Le lourd Crévier (VOLT.) n'était pas un balourd. Les pédants, les traducteurs sont souvent lourds; les badauds, les benêts, les nigauds, les mauvais plaisants, tous personnages à mettre sur la scène, sont balourds. Une lourdise est une gaucherie ou une maladresse; une balourdise est une sottise, et, conformément à la première distinction, une sottise risible, une bévue plaisante. Balourdise est aujourd'hui à peu près seul usité, parceque toutes les maladresses, même les plus sérieuses, nous excitent à rire, et qu'en général, enclins à exagérer, nous préférons toujours volontiers les expressions les plus fortes.

marque réaction, réflexion, ou bien retour. D'une part, au lieu que ce qui luit est lumineux par soi-même, ce qui reluit n'a qu'une lumière d'emprunt le soleil luit; toutes les surfaces extrêmement polies reluisent, renvoient la lumière. De même au figuré. « Où a-t-on pris qu'il n'y ait pas en Dieu une justice dont celle qui reluit en nous ne soit qu'une étincelle? » Boss. « On croyait voir reluire en Télémaque la sagesse de Minerve qui l'inspirait. » FÉN. D'autre part, reluire exprime quelquefois un retour à un état antérieur de clarté. Le soleil luit pendant le jour; il disparaît pendant la nuit; il reluit au matin, après quelques heures d'absence et d'obscurité. Le même rapport se retrouve entre ces deux mots dans l'acception figurée. L'espérance, un rayon d'espérance, luit dans tous ceux qui LUEUR, RAYON. Ces deux mots servent égale-espèrent; l'espérance reluit dans une âme où elle ment à exprimer un peu de certaines choses dont on dit figurément qu'elles brillent: une lueur ou un rayon d'espérance, d'intelligence ou d'esprit, de fortune, de faveur, etc.

Mais lueur, lumière affaiblie, se dit plutôt de quelque chose qui finit, qui s'éteint, et marque un reste. « Les Arabes ont conservé une lueur de connaissances dans des siècles où d'épaisses ténèbres se répandaient partout. » COND. « C'est ici (dans Sertorius) que finit le grand Corneille : tout le reste n'offre que des lueurs passigères d'un génie éteint. » LAH. Rayon, au contraire, rappelle le soleil levant, l'aurore, et s'emploie de préférence pour indiquer un commencement. « Il faut laisser voir un rayon de politesse naissante sous l'empire de Charlemagne. » FEN. « J'ai cru entrevoir chez elle de beaux rayons de philosophie; il faut qu'elle devienne absolument philosophe. VOLT. Une dernière lueur, un premier rayon, d'espérance.

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D'ailleurs, comme, au propre, la lueur est une lumière faible, sombre, mourante, et le rayon un simple trait de lumière, mais un trait éclatant, lueur se prend en moins bonne part que son synonyme ou il se rapporte à des choses de moindre valeur, ou il ne signifie des choses qu'une vaine apparence. On dit une lueur de gain (ROLL.), et un rayon de gloire (ACAD.), même un grand rayon de gloire (LAROCHEF.); on ne peut refuser aux animaux une lueur d'intelligence (BUFF.); la raison est un rayon de la sagesse divine qui semble éclairer nos âmes (ACAD.). D'autre part, une lueur d'espérance ou de fortune est ou suppose quelque chose de très-faible ou même de vain. « Ce qui me tourmente encore plus est une lueur de vaine espérance dont je vois l'illusion. » J. J. « Si quelque lueur de fortune le flattait de loin,... » VAUV. Mais un rayon d'espérance ou de fortune paut être ou annoncer quelque chose de solide. Un rayon d'espérance, si bas que l'on soit, relève aussi haut qu'on était auparavant. » PASC. «< Ce petit rayon de fortune lui en fit entrevoir une plus grande.» REGN. Fausse lueur est une expression très-commune, mais non pas faux rayon.

LUIRE, RELUIRE, BRILLER, ÉCLATER RESPLENDIR. Jeter, répandre de la lumière.

Entre luire et reluire d'abord existent deux différences assez importantes. Dans reluire re

renaît, où elle revient après un temps de désespoir: «On me fit sortir de la tour; et l'espérance commença à reluire au fond de mon cœur. » FÉN.

Briller, de béryl, latin beryllus, grec ẞýpullos,
sorte d'émeraude, de pierre brillante, suppose
une vive lumière. Aussi se met il bien après luire
comme y ajoutant. « Ceux qui s'abandonnent à
ces sentiments déréglés peuvent bien luire et
briller dans le monde par des dignités éminentes;
mais ils ne luisent que par le scandale. » Boss.
La charge sonne....

Le fer luit, l'éclair brille et les tonnerres grondent.
DEL.

Ce qui luit simplement répard une lumière
douce, égale et continue, et même quelquefois
une lueur ou des lueurs seulement. Mais l'objet
qui brille fait plus qu'éclairer; il lance la lumière,
il frappe la vue et parfois l'éblouit.

Éclater, jeter des éclats, des traits de lumière, ressemble singulièrement à briller et peut être aussi regardé comme un augmentatif de luire. Pour découvrir la différence, il faut remonter jusqu'à l'application primitive des deux mots. Or, briller se dit d'abord des pierreries, de choses petites; et éclater, de toutes les autres choses, même des plus grandes. « Il se fit, par le ministère de ces puissances invisibles, un palais où les choses même du plus vil usage éclaraient par l'or, ou brillaient par les pierreries. » HAM. Par conséquent, ce qui brille est d'ordinaire plus petit que ce qui éclate, de moindre valeur ou de moindre solidité. L'esprit d'une personne brille dans sa conversation; le génie d'un grand artiste, la sagesse de Dieu, éclate dans son ouvrage. D'ailleurs, briller s'emploie bien en parlant des personnes, au lieu qu'éclater ne peut se dire que des choses. La reine, votre épouse, à votre droite assise, Brillera d'une auguste et douce majesté.... Mais écoute, ma fille, écoute, et considère Combien en sa personne éclatent de trésors. CORN. Aujourd'hui que ta gloire éclate à notre vue, Que ta religion est partout répandue, De superbes e-prits, ivres d'un faux savoir, Quand tu brilles sur eux, refusent de te voir. L. RAC.

Resplendir signifie aussi luire beaucoup. Mais il a moins rapport à l'intensité et à la force comme briller et éclater, qu'à l'étendue et à la plénitude. C'est répandre de tous les côtés une lumière

SUPPLÉMENT.

abondante. Ce mot, du reste, n'est guère usité qu'en poésie et dans le style soutenu. « Les terres lointaines apparaissent sombres; ce sont les eaux et les sommets des monts couverts de neiges et de glaces qui resplendissent. » BERN. La divinité de Jésus-Christ.

Devant les trois témoins qu'accable sa lumière,
Libre, au haut du Thabor, resplendit tout entière.

DUC.

Soudain, de tous les points au loin rejaillissante,
Eclate et resplendit la flamme éblouissante. DEL.

MAGICIEN, SORCIER, NÉCROMANCIEN. Personnages auxquels on attribuait autrefois une puissance surnaturelle, sans que pourtant on la crut émanée de Dieu comme celle des prophètes ou des saints thaumaturges.

M

» HAM.

que l'autre est une honnête magicienne.
Charles VI étant tombé en démence, on fit venir
un magicien pour le guérir de cette maladie,
qu'on regarda comme l'effet d'un ensorcellement
ou comme ayant été causée par un sorcier (Boss.,
VOLT.).

La puissance du magicien est merveilleuse, Au figuré, outre que magicien est plus noble ainsi que l'était la science des mages de la Chaldée ou de la Perse. La puissance du sorcier est dia-que sorcier, le magicien possède une grande puisbolique ou infernale en relation avec les esprits sance dont il use pour produire des effets essende ténèbres, il tient d'eux la faculté de jeter des tiellement agréables, enchanteurs, séduisants, au sorts, ou d'influer sur le sort des hommes d'une lieu que le sorcier se distingue par une qualité manière funeste. La magie est inoffensive, si non qui peut être tournée à mal comme à bien, c'esttoujours bienfaisante; la sorcellerie est noire, à-dire par une grande habileté, surtout par la impie, méchante, redoutable. Dans les gracieuses finesse avec laquelle il devine. Ce peintre, ce fictions auxquelles ont donné lieu les exploits de musicien, ce poëte est un magicien (ACAD.). « Il la chevalerie il est souvent question des prodiges n'avait pas besoin d'être un grand sorcier pour opérés par des magiciens; dans la jurisprudence deviner ce que cette grimace voulait dire. » LES. Le nécromancien a une partie de l'art du mabarbare du moyen âge les plus terribles peines sont prononcées contre les prétendus crimes des gicien, celle qui consiste à évoquer les morts, sorciers. Le magicien fait la pluie et le beau pour apprendre d'eux quelque chose de futur ou temps, dispose des éléments, des ven's, des tem- de caché, ou bien ce qui concerne l'autre monde. pêtes, des astres, ainsi que des âmes ou des om- Nécromancie est le grec vexpouavτeía, de vexpós, bres; il opère des métamorphoses, prend lui-même mort, et de pavteía, divination. « L'évocation des toutes sortes de formes, guérit, rend invulnérable morts était un des plus sublimes mystères de la ou invisible, donne des secrets pour se faire aimer, magie. Tantôt on faisait passer aux yeux du se transporte en un instant à des distances prodi- curieux quelque grande figure noire qui se mougieuses, et produit d'un coup de baguette des vait par des ressorts dans un lieu un peu obscur; palais ou des jardins d'une beauté admirable. Le tantôt le sorcier ou la sorcière se contentait de sorcier se rend coupable de maléfices il nuit ou dire qu'elle voyait l'ombre. Cela s'appelle la nédonne la mort soit aux hommes soit aux bestiaux, cromancie. » VOLT. « Saint Clément, agité par et il se livre à des pratiques occultes et odieuses un doute sur l'immortalité de l'âme, et voulant savoir si le monde était éternel, ou s'il avait été pour mettre l'enfer au service de ses passions. créé, s'il y avait un Tartare et un Phlégéton, un Ixion et un Tantale, etc., voulut aller en Égypte apprendre la nécromancie. » ID.

<< Dans le Latium, l'art des prodiges ou la magie était de deux espèces : l'une théurgique, l'autre goétique. La théurgie était l'évocation des démons bienfaisants, dans le dessein de produire quelque bien la goétie était l'évocation des démons malfaisants dans le dessein de nuire; nous la nommons sorcellerie. » COND. « Pendant l'absence du prophète Zoroastre, on jeta parmi ses livres des os de chiens et de chats, des ongles et des cheveux de morts, toutes drogues, comme on sait, avec lesquelles les magiciens ont opéré de tout temps; puis on alla accuser le prophète d'être un sorcier et un empoisonneur. » VOLT. « Il y a dans l'Omphale de La Motte une certaine magicienne, nommée Argine, qui ne peut souffrir Omphale, et qui poursuit partout Hercule pour troubler ses nouvelles amours. Cette terrible femme est plutôt une vraie sorcière qu'une magicienne, et son rôle est aussi désagréable que sa situation. » LAH. «Serène a une sœur qui s'appelle Dentue, presque aussi savante qu'elle; mais comme son art ne lui sert qu'à nuire, elle n'est que sorcière, au lieu

α

MAITRE, PROPRIÉTAIRE. On appelle ainsi un homme par rapport auquel on peut dire en parlant d'une chose qu'elle est exclusivement sienne.

Le maître d'une chose en fait ce qu'il veut, en use à son gré, elle est à lui; le propriétaire d'une chose a ur elle un droit absolu, elle lui appartient en propre. Quand vous louez un appartement garni pour si peu de temps que ce soit, vous êtes maître mais non propriétaire des meubles qui s'y trouvent; et, de son côté, le propriétaire de ces mêmes meubles, l'homme de qui vous les tenez, cesse d'en être le maître du moment qu'il vous a mis en possession. Des soldats se rendent maîtres et non propriétaires du butin qu'ils enlèvent.

Je suis maître de ce dont je dispose, et c'est à cause de cela qu'on dit bien être maître de faire une chose; je suis propriétaire de l'objet dont j'ai l'entier et absolu domaine, qui est mien essen

tiellement ou pour le fonds. On est maître d'élever | au malheur. Les maux d'un homme tourmenté sa maison tant qu'on veut quand on est proprié- dans son corps ou dévoré de chagrin excitent la taire du sol (ACAD.).

|

compassion; on entend ou on fait le récit des malheurs d'un infortuné. Mes maux sont ce qui m'affecte désagréablement, au physique ou au moral; mes malheurs sont ce qui m'arrive et ce que j'essuie de désagréable. « Je suis aussi malade de l'esprit que du corps. Peut-être est-ce un avantage pour ma situation. Mes maux me rendent mes malheurs peu sensibles. » J. J. MALADE, INFIRME; INCOMMODÉ, INDISPOSE; MALINGRE. Mal portant, qui n'est pas en santé.

Le maître n'étant proprement que possesseur ou usufruitier, le mot dit moins que celui de propriétaire qui désigne un seigneur foncier, un maître souverain. « Ce partage de biens s'étant fait d'un commun consentement de toutes les nations, vous êtes les maîtres et les propriétaires de la portion qui vous est échue. » Boss. « J'ai du bien; mais Dieu en est le premier maître, le premier propriétaire, et je n'en suis proprement que l'économe et le dispensateur. » BOURD. Mme de Maintenon écrit aux religieuses de Saint-Cyr : Malade et infirme expriment une altération de « Vous ne devez jamais vous regarder comme la santé grave; incommodé et indisposé, une altėmaitresses et propriétaires des grands biens atta-ration légère; malingre est familier. chés à cette maison. »

MAL, MALADIE. Désordre organique ou corporel, ce qu'on cherche à guérir à l'aide des remèdes.

Malade, infirme. Le malade est mal, dans un état de souffrance ou en danger; l'infirme, du latin in firmus, non ferme, est faible. Quand on est malade, on garde le lit et on prend des remèdes ; Mal, substantif masculin, signifie quelque chose quand on est infirme, on manque de force, on est de restreint et de local: mal de tête ou à la tête,impuissant ou débile, on n'a pas l'usage entier de dents ou aux dents, d'oreilles ou aux oreilles, de ses membres ou de ses sens. D'ailleurs la made jambe ou à la jambe. Maladie, substantif fe- ladie est plutôt un accident, et l'infirmité un état minin, désigne quelque chose de général qui oc- continuel: le malade succombe ou guérit; l'incupe tout le corps, comme une courbature, la firme traîne une vie languissante. fièvre, la peste, etc. Le mal est donc moins grave que la maladie : il peut être fort douloureux, faire très-mal, mais il est de moindre conséquence pour la santé, il ne l'altère pas autant. « On aime à parler des maladies dont on est guéri, parce qu'on se représente à soi-même comme ayant beaucoup de force pour résister aux grands maux.»

P. R.

:

Le mal est un objet on a mal, on prend mal, le remède enlève le mal. La maladie est un état: relever de maladie, pendant sa maladie, le remède fait cesser la maladie. « On m'assure qu'avec beaucoup de souffrances vous ne laissez pas de sentir que la nature surmonte le mal. C'est ce qu'on peut souhaiter de mieux pour vous dans la maladie. » FÉN.

Incommodé, indisposé. - L'homme incommodé n'est pas commodément ou à l'aise; l'homme indisposé n'est pas disposé ou prêt à. L'incommodité cause un peu de peine, du déplaisir ou du malaise; l'indisposition empêche d'aller quelque part ou de faire quelque chose. « Z non vécut jusqu'à l'âge de quatre-vingt-dix-huit ans, sans avoir jamais eu aucune incommodité. » FN. « Mon indisposition a retardé cet écrit. » ID. On est incommodé d'un mal gênant plutôt que douloureux; on s'excuse d'avoir manqué à un rendez-vous ou à une obligation en disant qu'on a été indisposé. « Elle vint hier pour me voir; mais j'étais indisposée et ne recevais personne. » MARIV.

Malingre est familier; c'est tout ce qu'on peut en affirmer de certain. Il représente un homme Le mal se considère en soi, solitairement, dans qui est chétif et dans un piteux état sous le raple sujet qu'il fait souffrir, et la maladie par rapport de la santé. «Après avoir été longtemps bien port aux circonstances, à tout ce qu'elle occasionne de démarches pour arriver à la guérison; maladie est le terme de la médecine.

Si dom coursier voulait
Ne point celer sa maladie,
Lui up, gratis, le guérirait;
Car le voir en cette prairie
Paître ainsi, sans être lié,

Témoignait quelque mal, selon la médecine. LAF.
« La maladie dont elle est menacée n'étant
point équivoque, elle s'est mise entre les mains
de Carette qui lui fait prendre des médecines et
des eaux de Saint-Méon.... Vous ne sauriez croire
combien son mal me donne de chagrin. » SEV.
MAL, MALHEUR. L'idée commune à ces deux
mots est celle d'une situation douloureuse, pé-
nible, triste ou fâcheuse.

Le mal est subjectif, quelque chose d'inhérent à une personne ou de considéré par rapport à elle; le malheur est objectif, quel ue chose d'extérieur et de fortuit, qui vient assaillir une personne ou tomber sur elle. On est en proie au mal, en butte

malingre, je compte tenter aujourd'hui l'analyse
de quelques troncs d'arbres. » J. J. « Je suis ac-
tuellement si malingre que, si j'arrivais à Paris
dans cet état, on me demanderait mon billet de
confession aux barrières. » VOLT. « C'est une phy-
sionomie qui promet une longue vie (celle du
Saint-Père); si notre comtat eût été sur cette vie,
il nous aurait duré longtemps; mais ce malingre
mourir au bout de l'an!
» SÉV.

MALCONTENT, MAL SATISFAIT. A qui ce qui est ou se fait, ce qui a été ou s'est fait, ne plaît ou ne convient que médiocrement.

Malcontent indique un contentement incomplet; c'est un mot tout subjectif, c'est-à-dire relatif à l'état du sujet ou de l'âme qu'il représente comme n'ayant pas encore tout ce qu'elle voudrait, comme désirant ou pouvant désirer encore. « La prudence vous envoye tousiours malcontent et craintif, là où l'opiniastreté et la temerité remplissent leurs hostes d'esiouïssance et d'asseurance. » MONTAIGNE. « La propre volonté ne se satisfait jamais, quand elle aurait tout ce qu'elle souhaite; mais

SUPPLÉMENT.

on est satisfait dès l'instant qu'on y renonce. Avec
elle on ne peut être que malcontent; sans elle on
ne peut être que content. » PASC. « On trouve
quelquefois de ces personnes malcontentes et cha-
grines, à qui tout déplaît dans leur profession. »
BOURD. «Le duc de Rohan sortant malcontent de
l'audience du premier président, vif et brusque
comme il était, descend le degré, disant rage
Bayard voyant
et injure de lui. » S. S.
que son refus affligeait son hôtesse d'une ma-
nière sensible, et ne voulant pas la laisser malcon-
tente de lui, consentit à recevoir son présent.
ROLL.

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s'emploie en parlant de toutes sortes de choses,
des plus grandes comme des plus petites.
Pylade, où sommes-nous? En quels lieux t'a conduit
Le malheur obstiné du destin qui me suit?
(Oreste.) VOLT.

Guignon, de guigner, signifie l'effet de l'action de quelqu'un qui en nous guignant, en nous regardant du coin de l'œil, nous a jeté un sort, suivant un préjugé déjà répandu au temps de Virgile:

Nescio quis teneros oculus mihi fascinat agnos. Mais d'où vient guigner? Apparemment de l'allemand winken, cligner l'œil; Wink, clin d'œil. Aussi guignon appartient-il exclusivement au discours familier et ne se dit-il ordinairement que quand il est question de choses peu importantes, de simples contrariétés. « Ma foi, si j'étais dans votre place, je ne jouerais plus; le cœur me dit que votre guignon ne changera pas. » HAM. « Je crois que d'Hacqueville nous louera l'hôtel de Carnavalet, à moins que Mme de Lillebonne ne se ravise et n'en veuille point sortir je reconnaîtrais bien notre guignon à cela. » SEV. « Oh! j'ai toujours eu du guignon dans les rencontres.»> MARIV.

Mal satisfait a un tout autre caractère : il est objectif, il marque, non pas l'insuffisance de l'effet, de la joie, un reste de désir dans l'âme, mais l'insuffisance de la cause, de l'objet, qui n'est pas encore comme il faudrait ou n'a pas encore été comme il aurait fallu, pour ne plus laisser lieu à aucun désir. Le malcontent est désagréablement affecté; il n'a pas été fait assez (satis factum) pour le mal satifait, il lui reste encore à se plaindre. Quand on est malcontent de soi (S. S.), ou de quelqu'un ou de quelque chose, on souffre; quand un maître est mal satisfait de ses élèves (J. J.), le travail de ceux-ci ne répond pas pleinement à l'attente de celui-là. C'est plutôt la sensibilité ou l'âme qui est malcontente, et l'esprit ou le goût qui est mal satisfait. « On a vu l'opinion que Mélanchthon avait des docteurs du parti, » Boss. Elle et combien il en était mal satisfait. eut envie de voir Damon.... Elle l'avait invité à souper comme bel esprit avec une demi-douzaine de gens.... Il les tro på fort par son silence; et la dame fut aussi mal satisfaite de lui que je le fus d'elle. » MOL. « Le czar dit qu'il ferait dire au régent qu'étant mal satisfait des Autrichiens et du roi d'Angleterre, il était résolu d'appuyer les » S. S. «Monseigneur intérêts du roi d'Espagne. m'interrogea d'abord sur les humanités.... Voyons Malpropre, d'abord, dit moins que sale. La présentement votre écriture, me dit-il. J'en tirai de ma poche une feuille que j'avais apportée ex-personne ou la chose malpropre n'est pas près. Mon prélat n'en fut pas mal satisfait. » LES. Tu pourras à toute heure être mal satisfait Des inégalités dont la vie est semée;

Tous les projets d'un autre auront leur plein effet, Tandis que tous les tiens s'en iront en fumée. CORN. S'il est vrai que malcontent soit vieux, comme le prétend l'Académie depuis 1835 seulement, il peut être heureusement rajeuni. Quant à l'opinion de Voltaire qui regarde ma! satisfait comme un barbarisme, elle se réfute par les exemples qu'on vient de voir et par d'autres de Nicole, de Larochefoucauld, de Lafontaine et de Destouches qui auraient pu y être ajoutés.

MALHEUR, GUIGNON. Espèce de fatalité ou de sort qui nous poursuit et nous empêche de réussir. Avoir du malheur ou du guignon; être en malheur ou en guignon; jouer de malheur ou de guignon; porter malheur ou guignon à quelqu'un.

Quant aux locutions porter malheur et porter guignon, la première peut servir à exprimer l'action des choses aussi bien que celle des personnes, mais la seconde convient plus particulièrement pour indiquer une influence exercée par des personnes, les personnes seules étant capables de jeter un sort. «Tant de bonnes volontés seront-elles toujours inutiles à ce pauvre homme (Corbinelli)? Pour moi, je crois que c'est son mérite qui leur porte malheur; Segrais porte aussi guignon...; on donne des pensions aux beaux esprits...; on ne peut rien obtenir pour lui. » SEV.

MALPROPRE, SALE. Dont l'aspect choque et inspire du dégoût.

bien

propre, est imparfaitement propre; la personne
ou la chose sale n'est point propre du tout. « On
reprochait un jour à Diogène qu'il logeait dans
des lieux malpropres : Le soleil, dit-il, entre bien
dans des endroits qui sont encore beaucoup plus
sales, et cependant il ne se gâte pas. » FEN.
Vous me voyez sur le pavé

En désordre, malpropre et sale.
CHAP. et BACH.

Un vieillard malpropre est malséant, mal plaisant,
incommode: «C'est un homme incommode à tout le
» MOL. Mais pour qu'un
monde, malpropre, dégoûtant..., mouchant, tous-
sant, crachant toujours.
vieillard soit sale il faut que sa malproprété aille
jusqu'à être repoussante, jusqu'à faire mal au
» FEN.
cœur: « Cette reine si vieille, si vicille, était sale,
hideuse et puante.

Ensuite, la malpropreté consiste précisément à être mal approprié, mal arrangé, mal habillé, Malheur, male heure, latin mala hora, mauvaise mai peigné, en un mot négligé. « Soyez assez bien heure, mauvais moment de la naissance, comme pour ne vous faire point critiquer comme une perqui dirait mauvaise étoile, est un mot très-com-sonne sans goût, malpropre et trop négligée. » FÉN. « La plupart de ces manants étaient mal peignés mun en français; il convient à tous les genres de style, au plus relevé comme au plus vulgaire et et fort malpropres. » J. J. « Elle m'a paru mal

propre et fort mal habillée. » LES. Saint-Simon | l'avantage malmène son adversaire lorsqu'il prodit d'une femme malpropre « qu'elle avait des fite de toute sa supériorité. » Cond. cheveux de filasse toujours sortants et trainants comme tout son habillement. »

D

On ne critique guère un ouvrage sans maltraiter l'auteur; qui réprimande malmène.

MANTEAU, MASQUE, VOILE. Dans l'acception figurée ces mots signifient des prétextes, des moyens dont on se sert pour cacher quelque chose.

La malpropre sur soi, de peu d'attraits chargée, Est mise sous le nom de beauté négligée. MOL. Mais la saleté consiste à n'être pas net, à être couvert de taches, d'ordures ou de crasse. « Ce sanglier était sale et couvert de la boue de sa Sous le manteau on cache primitivement un bauge où il s'était vautré. » FÉN. « L'avare porte poignard, un instrument pour accomplir un desun manteau usé, sale et tout couvert de taches. » sein, et, par extension, ce qu'on se propose de LABR. « Un homme effroyablement barbu, sale et faire, généralement en mal. « On cache doucecrasseux. » SCARR. Une rue malpropre est malment le poignard sous le manteau de l'amitié, et entretenue, mal disposée pour l'usage qui doit l'on sait égorger en feignant de plaindre. » J. J. en être fait : « Les rues de Londres sont très- «Jamais homme ne couvrit plus ses crimes du malpropres; le pavé y est si mal entretenu qu'il manteau de la religion que le P. Letellier. » est presque impossible d'y aller en carrosse. » VOLT. «Sachant bien qu'il n'y a pas de meilleur MONTESQ. Une rue sale est pleine d'immondices moyen pour fomenter une guerre que le manteau et demande à être nettoyée : « Le châtiment eût de la religion, Sigismond chassi tous les prêtres été plus exemplaire si on avait vu Dodd nettoyer et introduisit en leur place les luthériens. » REGN. de ses mains sacerdotales le milieu très-sale des «La maison d'Autriche, qui se pique si fort d'être rues de Londres. » VOLT. Pareillement, dans catholique zélée, et qui couvre tant de desseins une chambre malpropre tout est en désordre, et d'exécutions de ce manteau.... » S. S. « J'eus mal rangé, peu soigné, au lieu que dans une avis d'une cabale du duc du Maine pour déclarer chambre sale on ne voit que crasse, vilenie et le roi majeur.... Le manteau du bien public par ordures. rapport aux choses de finance, l'audace....; tout cela me parut pouvoir donner de la solidité à ce qui n'en pouvait avoir par nature. » ID.

Malpropre, comme propre, convient mieux pour un ensemble, pour une chose composée, ou pour tout l'extérieur; et sale, comme net, pour une Sous le masque on cache son visage, c'est-àchose simple ou pour un détail. « Les maîtres dire ce qu'on est, et non plus ce qu'on se propose doivent prendre soin que leurs disciples n'aient de faire; ses vices, et non plus ses mauvais desrien dans leur extérieur de malpropre, de rebu-seins. « L'hypocrisie est le masque du vice déguisé tant ni de grossier; qu'on ne leur voie point des habits déchirés, des cheveux mal peignés, des mains sales. » ROLL. On dit d'une manière générale, la malpropreté, et d'une manière particu¡ière et distributive, des saletés. «Le caractère d'un vilain homme suppose toujours dans un homme une extrême malpropreté et une négli-et hautaines. » BOURD. gence pour sa personne qui passe dans l'excès et qui blesse ceux qui s'en aperçoivent.... On lui voit aux mains des poireaux et d'autres saletés qu'il néglige de faire guérir.» LABR.

Malpropre, qui a de la malpropreté, indique plutôt une qualité constante et caractéristique: Les Juifs étaient un peuple si malpropre, que ses législateurs furent obligés de lui faire une loi de se laver les mains. » VOLT. Sale, qui a des saletés, qui a été sali, est préférable pour exprimer une qualité accidentelle : « Pythagore s'enferma dans sa caverne, et après y avoir demeuré une année entière, il en sortit sale, maigre et hideux à faire peur. » FEN.

MALTRAITER, MALMENER. En user durement avec quelqu'un en actions ou en pa

roles.

en vertu. » MARM. « La vanité n'a jamais eu que le masque de la grandeur. » MASS. « Une vertu ajustée est la vertu de ceux qui n'en ont point, ou plutôt c'est le masque spécieux sous lequel ils cachent leurs vices. Boss. « Des âmes qu'on voit, sous un beau masque de dévotion, orgueilleuses

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Au travers de son masque on voit à plein le traître, Partout il est connu pour tout ce qu'il peut être. MOL. Le voile ressemble beaucoup au masque; et cela doit être, puisqu'au propre le voile et le masque sont employés tous deux à couvrir le visage. Mais, comme au propre le voile sert d'ornement aux femmes qui le portent, cette même nuance convient particulièrement à voile pris au figuré. On dit un voile pompeux (MoL.), honorable (VOLT.). « Ces avarices sordides sont couvertes d'un voile de désintéressement dont on se pare. » BOURD. De plus, voile se prend de préférence ou même seul en bonne part, ce qui vient sans doute de ce qu'au moyen du voile certaines femmes, et, par exemple, les religieuses, se dérobent aux regards par modestie et par humilité. « Cet extérieur qui nous choque est peut-être un voile d'humilité sous lequel il a plu à Dieu de tenir cachés les plus excellents dons. » BOURD. « Il ne faut pas

On maltraite tout le monde, particulièrement ses égaux. Un mari maltraite sa femme (ACAD.); un domestique, son camarade (Boss.). On ne mal-juger des hommes sur une seule et première vue; mène qu'un inférieur, qu'une personne au-dessus de laquelle on est placé ou sur laquelle on a quelque avantage; en effet, mener, c'est conduire par la main, en enfant, comme un petit garçon, d'autorité. Un confesseur malmène sa pénitente (LAF.); à la guerre, des troupes sont malmenées quand elles ont le dessous; « un joueur qui a

il y a un intérieur et un cœur qu'il faut approfondir le voile de la modestie couvre le mérite, et le masque de l'hypocrisie cache la malignité. » LABR.

MARBRÉ, JASPE. Termes que Girard a indiqués comme synonymes, mais qui n'ont été distingués ni par lui ni par aucun de ses imitateurs.

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