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serviteurs et des moyens. De ces trois mots c'est le plus général il n'est relatif qu'à l'effet, et il en marque l'impossibilité par les choses employées pour le produire.

Inusité signifie proprement contraire à l'usage, à quelque chose de particulier; et insolite (in solitus, non accoutumé), contraire à la coutume, à quelque chose de général. Une chose est inusitée à quelqu'un qui n'a pas l'habitude de la faire ou Vain, latin vanus, vide, solide en apparence de l'éprouver. <«<Louis XIV n'aurait jamais voulu et creux en réalité, qualifie les choses qu'on a eu ouïr parler de ce choix, bien qu'arrêté, ce qui tort ou qu'on aurait tort de regarder comme calui était entièrement inusité. » S. S. « Le roi d'Es-pables d'amener un certain effet dont il s'agit. Ce pagne parla à la reine avec tant de hauteur, qu'elle fut étourdie d'un langage si inusité pour elle. » ID. « Ce m'était un pays inusité. » ID. « C'était la coutume des apôtres, après que JésusChrist avait parlé, de l'interroger en particulier.... Mais cette fois ils appréhendaient de l'interroger. D'où leur vient ce sentiment inusité? » Boss. Mais une chose n'est pas insolite à quelqu'un; ce qui est insolite l'est en général, pour tout le monde, ou au moins pour tout un pays. « Le duc de Berwick prit le parti de céder à son fils sa grandesse suivant le privilége insolite que le roi d'Espagne lui en avait accordé. » S. S. « Cette grâce n'est pas une grâce extraordinaire, insolite, ni qui soit particulière parmi les saints et les élus à quelques personnes distinguées. » Boss. ·C'est une faveur inusitée que celle qu'on obtient d'un roi qui n'en accorde jamais de telle; c'est une faveur insolite que celle qu'on obtient d'un roi, contre la coutume qui est de n'en accorder de semblable à per

sonne.

Inusité, contraire à la coutume de quelqu'un, n'implique ni louange ni blâme. Mais insolite, contraire à la coutume, à ce qui est généralement usité et par conséquent établi comme une règle ou comme une loi, emporte assez souvent l'idée défavorable de quelque chose d'étrange ou d'inique. Procédé bizarre et insolite (ACAD.); démarche insolite et irrégulière (ROLL.); demande insolite et injuste (ID.). « Cette conduite de l'administration ne paraîtrait pas moins extraordinaire et insolite, et ne ferait qu'augmenter le murmure. » S. S.

mot implique proprement une idée de déception. Des efforts inutiles échouent; de vains efforts échouent et trompent l'attente ou causent du désappointement. Les flots de la mer font d'inutiles efforts pour rompre une digue; un homme présomptueux fait de vains efforts pour atteindre un but qui est au-dessus de sa portée. Dans une famine générale, quand il ne reste plus d'aliments à acheter, les trésors sont inutiles; en disant de vains trésors nous faisons entendre combien sont peu fondées les espérances de bonheur qu'on y attache. Contre une force supérieure la résistance est inutile; le chêne a beau défier la tempête et vanter sa force sur laquelle il compte, sa résistance est raine. Le marronnier d'Inde est un arbre inutile (J. J.); les Pyrrhoniens opposent à la foi du genre humain de vaines raisons (PASc.).

A cette première différence s'en joint une autre qui y est analogue. Inutile convient en parlant des choses d'application ou considérées quant à l'application; et rain a moins de rapport à l'action qu'à l'acte, regarde surtout l'âme, ses dispositions, ses sentiments. On dit des démarches, des pas, des courses, des cris inutiles; et des prétentions, des pensées, des craintes vaines. On dit un raisonnement inutile, et de vaines raisons; un art inutile, et un vain savoir. « Je n'ai pas la vaine curiosité d'éclaircir des questions inutiles. » J. J. << Crois-tu que tous les coups (donnés dans la bataille) seront perdus, toute la prudence vaine, et tout le courage inutile?» MONTESQ. « Ce sévère jugement où la vérité condamnera l'inutilité de leur vie et la vanité de leurs travaux. » Boss.

Inusité, qui rappelle usité, usage, user, se dit communément; au lieu qu'insolite se trouvant Superflu, de superfluere, couler au-dessus, pardans notre langue seul, sans famille, s'emploie ra-dessus, déborder et se perdre, se dit des choses rement et ne convient guère qu'en termes de qui sont de trop pour produire un effet, soit parce science et de pratique. « Ces idées ne se réveil- que cet effet se produira bien sans elles, soit parce lent pas de même au son d'un mot étranger, et, qu'il est déjà produit. Le précepte de céder à la si j'osais le dire, insolite à mon oreille et à mon force est superflu, c'est un soin superflu de cherâme. » MARM. « Dans l'un de ces livres de l'ana- cher à corriger dans l'enfant des défauts qui se logie César recommandait particulièrement d'évi- corrigeront d'eux-mêmes; prêcher un converti, ter comme un écueil les expressions nouvelles et raconter à quelqu'un ce qu'il sait déjà, pleurer insolites. » ROLL. « Saturnin avait ajouté à la loi une personne morte, sont choses superflues. une clause tout à fait insolite. » ID. « La prétendue Ce mot contraste d'une manière frappante avec justice cléricale a continué ses procédures.... Ces inutile: la chose inutile est impuissante, la chose démarches illégales et insolentes autant qu'inso- superflue surabondante. J. J. Rousseau condamne lites rebutent ceux qui travaillent pour moi. >> ainsi les livres de morale «S'ils soutiennent les VOLT. maximes du monde, ils sont superflus, et, s'ils les combattent, ils sont inutiles. » Ailleurs il prétend que « l'ouvrage de l'abbé de Saint-Pierre sur la paix perpétuelle paraît inutile pour la produire et superflu pour la conserver; » ce qu'il explique en disant que les princes s'opposeront à ce qu'on l'établisse, eux qui la défendraient de toute leur force si elle existait. Le duc de Villeroi prenait mille précautions pour préserver le jeune roi Louis XV des prétendus mauvais desseins du ré

INUTILE, VAIN, SUPERFLU. Qui ne sert à rien ou de rien.

Inutile, inutilis, non utile, utile et utilis venant d'uti, se servir, user, employer, signifie littéralement qui ne peut être employé ou dont on ne peut se servir efficacement. Il se dit primitivement et particulièrement bien des outils (même racine, uti), des instruments, des machines, des meubles et des hommes considérés comme des

gent: « Ces précautions auraient été bien inutiles, si elles n'avaient pas été superflues.» MARM.

Ainsi, ce qui est inutile est pour une certaine fin de nul effet, de nul usage, sans pouvoir, infructueux; ce qui est vain inspire une confiance chimérique; ce qui est superflu ne fait pas ou ne fait plus besoin, on s'en passera bien ou on s'en est passé. Des efforts, des soins, des conseils inutiles ne peuvent rien, ne mènent à rien; des efforts, des soins, des conseils rains sont trompeurs, on ne doit pas ou on n'aurait pas dû s'y fier, des efforts, des soins, des conseils superflus sont en pure perte, sans eux la chose se fera, se ferait ou est déjà faite.

Armes inutiles; vaines promesses; regrets superflus.

INVENTER, CONTROUVER;— FORGER, FABRIQUER. Ces mots expriment l'action de l'esprit qui imagine ou produit quelque chose de faux.

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« Ces

quer se rapporte davantage à la façon. philosophes prennent plaisir à se fabriquer des dieux à leur fantaisie. » MAL. On se forge des chimères ou des monstres; on ne s'en fabrique pas, parce que relativement à ces choses l'action, la manière, le travail importent peu. Mais fabriquer se dit de préférence quand on veut marquer le temps, le mode ou l'auteur de la fabrication. Les cinq dogmes fameux fabriqués par la main de l'Equivoque (BOIL.). << Dans ce temps une bulle ridicule (la bulle Unigenitus) était fabriquée à Paris dans un collége de jésuites. » VOLT. Ensuite, forger ne s'emploie pas aussi essentiellement et aussi constamment en mauvaise part: Un forgeur de contes (ACAD.), un fabricateur de faux actes (ID.). On forge des mots (ID.) par besoin ou par caprice; on fabrique des passages (PASC., J. J.) pour triompher artificieusement d'un adversaire.

INVESTIR, ASSIÉGER. Entourer avec des troupes une place dont on veut se rendre maître. C'est ce que signifie simplement investir, du latin investire, revêtir, garnir, entourer. Se propose-t-on, par exemple, de réduire une ville par la famine, on l'investit, on l'enveloppe d'un cordon de soldats qui empêchent qu'il n'y entre des vivres. On investit de même une maison dans laquelle s'est refugié un homme qu'on veut prendre et qu'on craint de laisser échapper.

Que s'il s'agit d'une ville ou d'une place dont on cherche à s'emparer de force, investir, par rapport à assiéger, marque un préliminaire, une première mesure. De là vient que assiéger se met bien après investir comme y ajoutant, comme exprimant quelque chose de plus, une continuation. « Philometor battit Physcon, et l'obligea à se renfermer dans la ville de Lapitho, où il fut bientôt investi, assiégé, et enfin pris et mis entre les mains de son frère. » ROLL. « Bruxelles est étonnée de se voir presque en même temps in

On invente quelque chose de nouveau; on controuve ce qu'on cherche, ce qu'on cherche attentivement, avec soin, selon la force de la préfixe cum. Ce qui est in enté est arbitraire, gratuit, n'a pas le moindre fondement; ce qui est controuvé est composé, arrangé à dessein. Un fait inventé est un fait en l'air, de pure invention, dont il n'y a ni preuve ni trace. « Cela fit inventer des contes inouïs sur l'origine du peuple juif. » Boss. « Scaliger fait peu de cas de ce petit conte, dont il demande des preuves et un meilleur témoignage; on se tourmenterait en vain à le chercher, c'est un fait inventé en l'air. » ID. | «Ils me font décréter d'accusation sur des dilapidations inventées, dont il n'y a pas de vestiges.» BEAUM. Un fait controuvé est un fait médité, concerté, imaginé exprès pour arriver à un but. Des calomnies controuvées pour noircir la vertu. » P. A. « Toute espèce de demande des quinze louis n'était donc qu'une histoire controuvée, une infamie.» BEAUM. Les voyageurs croient se dédommager de leurs travaux pénibles en exa-vesie, assiégée et prise au milieu des glaces de gérant, en rendant plus merveilleuses les choses qu'ils ont vues; «< mais un esprit attentif reconnaît aisément les faits purement controuvés. » BUFF.-L'historien qui invente, le fait quelquefois à son insu; celui qui controuve, jamais. D'autre part, ce qu'on controuve peut être connu ou déjà existant; seulement on l'exagre ou on l'applique mal à propos : «< Voyez le peuple, il controuve, il augmente, il charge... » LA BR. Mais ce qu'on invente ne contient rien de réel ou de véritable. Forger et fabriquer, dans l'acception figurée où ils sont pris ici, ne se disent que familièrement, sans compter qu'ils dés gnent, non pas seulement, comme inventer et controuver, l'action de faire des choses abstraites, des mensonges, des histoires, des faits, mais aussi l'action de produire des choses concrètes, des objets, tels que des livres et des testaments.

Forger a plus de rapport à l'invention ce qui est forgé est une création, une fiction toute pure. « Les étrangers qui ont besoin d'assistance forgent des mensonges pour se rendre agréables.... Peut-être que vous-même vous inventeriez de pareilles fables si l'on vous donnait de meilleurs habits à la place de ces haillons. » FEN. Fabri

l'hiver. » THOм. « Ces iniquités sont les monstres qui investiront le réprouve, qui l'assiégeront, qui le saisiront des plus vives frayeurs. » BOURD.

L'investissement cerne ou bloque les ennemis; il les enferme de manière qu'ils ne peuvent ni sortir ni être secourus. Mais assiéger, d'assidere, s'asseoir ou s'installer auprès, c'est s'établir comme il faut et établir tout ce qu'il faut pour préparer l'action décisive; c'est disposer les approches et ouvrir la tranchée pour battre en brèche et donner l'assaut. «Jésus-Christ a distingué trèsnettement les deux siéges (de Jérusalem) : l'un où la ville serait entourée de fossés et de forts; l'autre où elle serait seulement enceinte de l'armée, et plutôt investie qu'assiégée dans les formes. » Boss.

INVÉTÉRÉ, ENVIEILLI. Fortifié par l'âge ou par le temps, en parlant d'un mal ou de quelque chose de mauvais.

Invétéré, inveteratus, des mots in, en, et vetus, vieux, correspond exactement pour la composition à envieilli, en vieilli. Seulement le premier est tout latin, et le second tout français. De là vient qu'inrétéré est plus noble et préféré par l'usage. Envieilli, qui n'a jamais été très-usité, qui ne se

inutilité de ses fonctions?» MASS. « Le christianisme devait être l'idee de la plus irrépréhensible sainteté. » BOURD, « Dieu a élu les religieux, afin qu'ils soient saints, afin qu'ils soient irrépréhen

trouve même pas dans la première édition du Dictionnaire de l'Académie, tend de plus en plus à disparaître de la langue. Molière le met dans la bouche d'un médecin qui parle un langage suranné : « La quelle maladie (procédante du vice dessibles, afin qu'ils servent d'exemples aux chrétiens hypocondres), par laps de temps naturalisée, envieillie, habituée, et ayant pris droit de bourgeoisie chez lui (M. de Pourceaugnac), pourrait bien dégénérer en manie.... » Mais on lit dans un des sermons de Massillon que Jésus-Christ va choi-petit reproche à faire au pieux Énée : il est, d'un sir pour le guérir un paralytique de trente-huit ans, «tandis qu'il se refuse à des infirmités plus communes et moins invétérées. »

Pécheur envieilli est une expression qui se rencontre encore dans les Provinciales; aujourd'hui nous dirions plutôt, avec Massillon, pécheur invétéré. Une erreur est proprement invétérée, suivant la manière dont on s'exprime à présent; mais Lafontaine a dit, en parlant de Louis XIV et de ses efforts pour détruire le protestantisme : Vient-il pas d'attirer. et par divers chemins, La dureté du cœur et l'erreur envie lie?

IRRÉPROCHABLE, IRRÉPRÉHENSIBLE. A l'abri de la censure, contre qui ou contre quoi il n'y a rien à dire.

On fait des reproches av sujet de la conduite, afin de faire rougir et d'humilier; c'est une punition qu'on inflige, et cela suppose tou- | jours une faute commise. Un juge, un témoin, un administrateur sont irréprochables, quand on ne peut élever contre eux aucune réclamation. accusation ou plainte. On reprend, non pas d'une faute, mais d'un défaut ou d'une erreur, et la répréhension peut avoir pour objet toute autre chose que la conduite, une œuvre de science ou d'imagination, par exemple. « La doctrine de Jésus-Christ était absolument irrépréhensible, puis ue ses plus grands ennemis demeuraient muets devant lui. Boss. Des vers irrépréhensibles (VOLT., LAH.), d'une correction irréprénensible (MARM.).

Irréprochable est une qualification pratique et relative à une conduite tenue envers les autres; irrépréhensible, une qualification ideale ou tout au plus relative à la manière de vivre considérée solitairement et sans rapport avec autrui. Ce qui est irréprochable n'est pas coupable; ce qui est irrépréhensible est sans defaut, accompli. On est irréprochable dans sa conduite, et irrépréhensible dans ses mœurs. « Les libertins du siècle voudraient être instruits par des hommes qui pratiquassent ce qu'ils prêchent aux autres, par des hommes irréprochables dans leur conduite, et irrépréhensibles dans leurs murs. » BOURD.

du siècle. » ID. « Après la descente du SaintEsprit les apôtres devinrent des hommes saints d'une sainteté consommée, des hommes parfaits et irrépréhensibles. » ID. « Il n'y a pas le plus

bout du poême à l'autre, absolument irrépréhensible, » LAH.

Irréprochable marque donc en ce sens une qualité relative, parfois même purement extérieure, tandis que irrépréhensible désigne une qualité absolue et réelle.

IRRITABLE, IRASCIBLE. D'une grande sensi

bilité.

Irritable est passif et se dit des choses aussi bien que des personnes; mais irascible est actif, et de là vient qu'il sert à qualifier les personnes seulement. La personne ou la chose irritable est susceptible, accessible aux impressions, aisément affectée; l'homme irascible est prompt à se mettre en colère ou à s'emporter.

Que si parfois irritable implique aussi l'idée d'un mouvement de l'âme, et non pas seulement d'une affection, il suppose au moins que ce mouvement est une pure réaction, qu'il a été déterminé par quelque chose d'extérieur: l'amour-propre est irritable (J. J.), tout l'offense et l'excite. Irascible, au contraire, donne l'idée d'un mouvement de l'âme spontané: les gens irascibles n'ont pas besoin d'excitation pour prendre feu.

L'émotion exprimée par irritable est immanente, c'est-à-dire renfermée ou concentrée dans le sujet; c'est un sentiment de mécontentement ou de fâcherie dont il a seul à souffrir. Mais irascible fait concevoir une passion qui éclate, qui inspire aux autres et doit leur inspirer de la crainte. Aussi dit-on irritable, simplement; et irascible contre quelqu'un (LAH.). La pitié commande de ménager les personnes irritables; et la prudence, d'éviter les personnes irascibles.

ISSUE, SORTIE. Lieu de passage pour aller de l'intérieur de quelque chose, de l'intérieur d'une maison, par exemple, au dehors.

Issue est objectif, tout relatif au local. Sortie, au contraire, est subjectif : comme il signifie primitivement l'action de sortir, il en rappelle toujours l'idée ainsi que celle des personnes qui sortent ou ont à sortir. Pour l'ordinaire, on dit l'issue d'un lieu, et la sortie d'une personne : à l'issue de la caverne (MARM.); à la sortie des juges (ACAD.). Or, même quand sortie se prend dans le sens particulier d'issue, c'est-à-dire quand il s'emploie en parlant des lieux, il conserve avec les personnes un certain rapport.

Cependant ces deux adjectifs s'emploient quelquefois l'un et l'autre en parlant de la conduite ou de toute la manière de vivre. Alors irrépréhensible signifie beaucoup plus qu'irréprochable L'homme irrépréhensible n'est pas seulement à l'abri de tout reproche, de toute accusation, pur A proprement parler, le labyrinthe était sans de tout crime, mais parfait, exemplaire, à l'épreuve issue, et il ne laissait pas de sortie. «< C'est un lade la plus rigide censure. Un militaire, qui n'en-byrinthe sans issue, » dit Laharpe d'une tragédie freint jamais la discipline et ne commet jamais de qui manque de plan. Mais dans la description du fautes graves, est irreprochable; un saint prêtre, labyrinthe d'Egypte, donnée par Bossuet, on lit: modèle de toutes les vertus, est irrépréhensible,« Quinze cents chambres s'arrangeaient autour de "La vie du prètre oisif, irréprochable aux yeux douze salles, et ne laissaient point de sortie à ceux des hommes, peut-elle le rassurer sur la longue qui s'engageaient à les visiter. »

tribuns se firent suivre par une troupe des plus mutins d'entre les plébéiens, et ils furent attendre Coriolan à la sortie du sénat pour l'arrêter. » ID. Une autre différence résulte de l'étymologie probable d'issue. Il vient d'issir, formé, dit-on, du

Une maison qui a deux issues est construite de | telle façon qu'on y a pratiqué deux portes; des issues sont quelque chose de matériel, on en ouvre ou on en bouche. Une maison qui a deux sorties permet qu'on passe au dehors par deux côtés différents; les sorties sont des choses qui se considè-latin exire, se tirer de, s'échapper; au lieu que rent immatériellement par rapport aux personnes, ce sont des facultés ou quelque chose qui implique essentiellement l'idée de faculté. En fermant toute issue, on ôte nécessairement toute sortie : « Manlius entra dans le camp, mit des corps de garde à toutes les portes, et, de cette manière, ferma toute issue et toute sortie aux ennemis. » ROLL.

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sortir, d'où dérive sortie, paraît être pour fortir, foras ire, aller dehors. Par conséquent, l'issue est une ouverture pour se sauver, pour se dérober, pour mettre le pied hors d'un lieu d'où il est difficile de se tirer. « Rien n'est plus ordinaire que de le voir s'offrir à servir de guide dans un chemin détourné qu'il ne connaît pas, et dont il ne peut ensuite trouver l'issue. » LABR. « Elle n'avait pu sauver sa propre vie qu'en fuyant dans l'appartement du roi par une issue dérobée. » STAËL. Issues secrètes (ACAD.), issues cachées (ROLL.), issue de derrière (DEST.). Au figuré, on appelle issue plutôt que sortie un expédient, un moyen de sortir d'un mauvais pas, d'une affaire embarrassante. « Je ne vois point, je ne trouve point d'issue à cette affaire; se ménager des issues. » ACAD.

J

JOIE, AISE, HILARITÉ, RÉJOUISSANCE, | au pluriel. L'allégresse se distingue par la vivacité ALLÉGRESSE, JUBILATION. État passif, épa- seulement. Un jour de réjouissance; des cris nouissement d'une âme agréablement affectée. C'est ce que joie exprime simplement et sans aucun accessoire.

Aise désigne une petite joie, une joie causée par un petit plaisir, ou par un plaisir d'une espèce peu grave, peu importante. Ce mot, presque familier, se trouve surtout dans Molière et dans les Lettres de Mme de Sévigné. J. J. Rousseau s'en sert aussi volontiers dans sa correspondance et dans ses Confessions. La guérison inespérée d'un fils nous comble de joie; Amphitryon de retour, après une assez courte absence, témoigne à Alcmène l'aise de la revoir (MOL.).

d'allégresse. « On ne savait quelle fête me faire; et tous les jours que nous passions ensemble étaient des jours de réjouissance. » MARM. « Pendant le sacre de Louis XVI, la reine soutenait son émotion; mais au moment du grand éclat de l'allégresse universelle, l'impression a été trop forte, elle n'a pu y résister.

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» ID.

Jubilation marque aussi une grande joie. « Un air de jubilation et de réjouissance était répandu dans la maison d'Aman, au seul spectacle des malheurs et du supplice de Mardochée. » MASS. « Mon cher ange est donc dans l'allégresse et la |jubilation. » VOLT. Mais, outre que jubilation est généralement familier, il renchérit sur les deux autres mots, il indique une extrême joie. « Possédant votre Dieu, ô Marie, quels ont été vos transports, vos joies, vos jubilations, votre exultation! » Boss. M. du Maine crevait de joie. Son salut aux présidents eut un air de jubilation.» S. S.

Hilarité, terme renouvelé des Latins à la fin du dix-huitième siècle seulement, signifie, comme en latin, une joie calme et sereine, répandue sur le visage et peinte dans le regard. « Une physionomie pleine d'hilarité.» ACAD. Le chevalier de Chatelux avait été le premier à faire sur lui-même l'épreuve alors redoutée de l'inoculation. Buffon le lui rappela en pleine Académie : « Souvenez- JOUISSANCE, POSSESSION, PROPRIÉTÉ. Le vous de cet instant (où vous revîntes de la cam- maître d'un bien en a la jouissance, la possession, pagne après votre guérison)! L'hilarité peinte sur la propriété. « L'homme actif, intelligent, habile, votre visage en couleurs plus vives que celles du économe des biens produits par son travail, a sur mal, vous me dites: Je suis sauvé, et mon exem-ces biens un droit de possession, de jouissance, ple en sauvera bien d'autres. » « Cet ancien mili- de propriété, que n'a pas le fainéant qui les lui taire nous recut avec cette hilarité gasconne à la- envie.» MARM. quelle contribuait l'aisance d'une fortune honnête, l'état d'une âme libre et calme, le goût de la lecture et un peu de la philosophie antique.» MARM. Réjouissance et allégresse veulent dire une grande joie, une joie qui se répand au dehors et est partagée par une multitude d'hommes. Mais la réjouissance est plus longue et se témoigne de plus de manières; ce que prouvent et la terminaison du mot et son aptitude à être employé

Entre la jouissance et la possession d'abord existe une grande différence. Nous jouissons de ce dont nous usons; nous possédons ce que nous avons, ce qui nous appartient. La jouissance fait notre bonheur; la possession notre richesse. Nos jouissances sont nos plaisirs; nos possessions sont nos biens mêmes, qui peuvent devenir pour nous, mais à la condition que nous en usions, une source de plaisirs ou de jouissances. —Nous avons

l'écoutent à subir le joug de Jésus-Christ et à se décharger du fardeau de leurs péchés par la confession (MASS.). On dit le joug de la tyrannie et des passions, et le fardeau des ans ou de l'existence. 11 faut dans le monde se soumettre au joug de l'étiquette; personne, dans l'État, ne doit se refuser à porter une partie du fardeau des impôts. La loi est un joug et un fardeau (BOURN.): un joug, parce qu'elle nons oblige à faire certaines choses, à tenir une certaine conduite, en restreignant notre liberté ou plutôt notre indépendance; un fardeau pour ceux à qui elle pèse, qu'elle fatigue, qui la portent sur leurs épaules, comme on dit. Il en est de même du corps par rapport à l'âme (Boss.): c'est un joug, s'il la domine, s'il s'en rend le maître, s'il la subjugue; c'est un fardeau, parce que, suivant Platon, au lieu de servir l'âme et de l'aider, il l'embarrasse, et qu'une partie de la puissance de l'âme s'use à remuer son instrument incommode.

la jouissance, et non la possession, d'un jardin où | soit d'onéreux. Un prédicateur engage ceux qui il nous est seulement permis de nous promener, d'un service de table dans un hôtel où nous ne faisons que nous arrêter pour prendre un repas en passant, d'une place que nous louons au théâtre pour assister à une représentation. Quelquefois la jouissance a lieu, non plus sans la possession, mais avant. « Ce bonheur (qu'on trouve dans le mariage) est cent fois plus doux à espérer qu'à obtenir; on en jouit mieux quand on l'a tend que quand on le goûte. O bon Émile, aime et sois aimé! Jouis longtemps avant que de posséder. J. J.-Réciproquement, il peut y avoir possession sans qu'il y ait jouissance. Je puis, par exemple, posséder une promenade, en avoir la possession; mais si je suis impotent, et que je ne puisse pas faire usage de mes jambes pour me promener, je n'en ai pas la jouissance. « Pourquoi l'avarice insatiable aspire-t-elle à ces biens? Est-ce pour en jouir? Est-ce pour en goûter les douceurs? C'est seulement et précisément pour les posséder; car pour en jouir il faudrait en user, et l'usage les diminuerait. Or c'est ce qu'une âme intéressée ne veut point. » Bourd.

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|

Les personnes seules peuvent être dites porter un joug. Mais on attribue aussi des fardeaux aux choses.

Voudrais-je, de la terre inutile fardeau,

Attendre chez mon père une obscure vieillesse? RAC.
Comme on met toujours le même joug aux

lier; fardeau, au contraire, prend souvent le pluriel, parce que, au propre, rien n'est plus ordinaire que de changer de fardeaux, que d'en recevoir et d'en porter successivement de différentes sortes. «La règle et la constitution (dans une communauté religieuse) ne sont point des fardeaux ajoutés au joug de l'Evangile; ce n'est que l'Évangile expliqué en détail. » FÉN.

JUGEMENT, SENTENCE, ARRÊT. Actes qui émanent du pouvoir de décider, de prononcer sur les choses ou sur les personnes.

La possession et la propriété, d'autre part, se ressemblent beaucoup. Seulement la possession est de fait, et la propriété de droit. La possession est plus ou moins ancienne ou paisible; la pro-mêmes bœufs, ce mot ne s'emploie qu'au singupriété est plus ou moins bien fondée. « Il faut bien distinguer la possession, qui n'est que l'effet de la force ou le droit du premier occupant, de la propriété, qui ne peut être fondée que sur un titre positif. » J. J. « Cela faisant une possession continue se transforme aisément en propriété. » ID. Auguste distribua à ses vétérans des possessions qui étaient les propriétés des bergers dont Virgile a exprimé les plaintes dans sa première églogue. Une terre est censée appartenir à celui qui en est en possession, jusqu'à ce qu'il soit prouvé qu'elle ne lui appartient pas en propre ou qu'il n'en a pas la propriété (MARM.). Le possesseur d'un champ peut n'en être que le fermier; le propriétaire d'un champ est celui à qui le fonds appartient d'une manière absolue et qui peut en disposer à son gré souverainement. La ville de Mitylène dans l'île de Lesbos ayant été prise par les Athéniens, « l'île fut distribuée au sort à des habitants d'Athènes à qui ceux du pays donnèrent deux mines de revenu pour chaque part, moyennant quoi ils demeurerent possesseurs de l'île, quoiqu'ils n'en fussent plus les propriétaires. » ROLL.

JOUG, FARDEAU. Au figuré, «< ces termes de joug et de fardeau marquent de la difficulté et de la pesanteur. » BOURD. Un joug et un fardeau sont quelque chose qu'on porte avec peine.

Joug implique l'idée d'un développement d'activité, par analogie au bœuf qui tire ou laboure, attelé sous le joug: le joug suppose un maître auquel on est assujetti. Mais fardeau fait concevoir un état purement passif : le fardeau est un poids ou comme un poids dont on est chargé. Un joug trop pesant nous asservit; un fardeau trop pesant nous accable. On secoue le joug, on se délivre d'un joug, et cela signifie s'affranchir, se mettre hors de dépendance; on se soulage d'un fardeau en rejetant ou en déposant quoi que ce

"

Jugement, action de juger, action d'un juge, est le terme général, et se dit dans tous les cas où il n'est pas besoin d'une grande précision. De plus, il a cela de particulier, qu'il exprime quelquefois, non pas l'acte proprement, mais l'action, l'événement d'où résulte la sentence ou l'arrêt. Faites, Seigneur, que je m'examine moi-même avant votre jugement, et que je prévienne la rigueur de votre sentence. » PASC. « Il est dit que, après le jugement, l'empereur Antonin commit à différents juges le soin de faire exécuter l'arrêt contre sainte Félicité. » VOLT. Le jugement est un fait, il a de la relation au temps demander un prompt jugement (FEN.). La sentence et l'arrêt sont des choses.

Sentence, sententia, sentiment, opinion, marque ce qu'on pense, ce qu'on résout. Arrêt, c'est ce qu'on arrête, ce qu'on ordonne, ce qu'on pense ou résout d'une manière définitive, irrévocable. «Par cette première sentence, les juges déclaraient simplement que Socrate était coupable, sans rien statuer sur la peine qu'il devait souffrir, car, lorsqu'elle n'était pas déterminée par la loi; on laissait au coupable le choix de la peine qu'il croyait mériter. Sur sa réponse, on opinait une seconde fois, et ensuite il recevait son dernier arrêt. » ROLL. Une cour inférieure dont on peut ap

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