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HOMME DE MÉRITE, HOMME D'ESPRIT, HABILE HOMME. Homme au-dessus du commun ou qui se distingue par quelque qualité personnelle éminente.

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L'homme d'esprit brille dans la conversation, dans les lettres, en matière de sciences ou de goût, dans les arts où l'imagination joue le principal rôle. « Appellerai je homme d'esprit celui qui, L'homme de mérite diffère bien des deux autres. borné ou renfermé dans quelque art ou même Ce qu'on considère en lui, c'est ce qu'il a fait et dans une certaine science qu'il exerce dans une ce qui lui est dû en conséquence; au lieu que grande perfection, ne montre hors de là ni jugel'idée qui domine dans l'homme d'esprit et dans ment, ni mémoire, ni vivacité ? » LABR. « Le pul'habile homme est celle de leur capacité, de ce blic a jugé et applaudi vos écrits, et y a reconnu qu'ils savent faire. — L'homme de mérite a mérité, avec plaisir l'homme d'esprit et de goût. » J. J. c'est-à-dire qu'il a fait des choses dignes d'estime Quand on s'est attendu que je brillerais dans une et de récompenses: c'est un homme de valeur, de conversation, je ne l'ai jamais fait; j'aimais mieux considération, noble et honorable par ses œuvres, avoir un homme d'esprit pour m'appuyer que des tout le contraire d'un faquin ou d'un homme de sots pour m'approuver. » MONTESQ. « Les maximes néant. Un homme à la mode dure peu s'il est de Larochefoucauld sont les proverbes des gens par hasard homme de mérite, il subsiste encore par d'esprit. » In. Vous croyez avoir dit une belle quelque endroit; également estimable, il est seu-chose. De bonne foi, pensez-vous que ce discours lement moins estimé. » LABR. « Tout le monde soit d'un homme d'esprit ou d'un mauvais plais'élève contre un homme qui entre en réputation. sant?» DEST. « J'avais, dit Denys le Tyran, des ....L'on ne se rend qu'à l'extrémité, et après que gens d'esprit pour m'entretenir et pour me louer. » le prince s'est déclaré par des récompenses; de ce FEN. « Un défaut de Molière, que beaucoup de jour-là seulement il prend son rang d'homme de gens d'esprit lui pardonnent, est qu'il a donné un mérite. » ID. « Le comte de Bassevitz était un tour gracieux au vice. » ID. homme de mérite, et qui a laissé en Allemagne L'habile homme est tout pratique, il se signale une mémoire précieuse. » VOLT. « Vous trouverez par sa conduite ou par des qualités de l'esprit reà pied une infinité de gens de mérite, et la piupartlatives à la conduite, l'entendement, le sens, la des carrosses pleins de faquins.» MONTESQ. «N'avez-prudence, la sagesse. « L'habile homme est celui vous point trop répandu de bienfaits sur vos ministres, sur vos favoris, pendant que vous avez laissé languir dans le besoin des personnes de mérite qui ont longtemps servi?» FÉN.

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qui cache ses passions, qui entend ses intérêts, qui y sacrifie beaucoup de choses, qui a su acquérir du bien ou en conserver. » LABR. « Je me tirai d'affaire en habile homme. » FÉN. « Il faut L'homme d'esprit et l'habile homme sont tous avouer que les pères de Bâle agirent quelquefois deux des gens de talent, de ressource, des gens comme des imprudents, et qu'Eugène se conduisit qui excellent à faire certaines choses; ressem- comme un homme habile. » VOLT. « Comme Platon blance qui ne les empêche pas néanmoins d'avoir avait lui-même profité des avis et des exemples de chacun sa nuance particulière. Socrate son maître, le plus habile homme qu'ait eu L'homme d'esprit est spirituel, et l'habile homme le paganisme pour faire goûter la vérité, il eut adroit. Un trait d'homme d'esprit est un trait d'es-soin de manier l'esprit du jeune Denys avec une prit, une saillie ou un bon mot; un trait d'habile adresse merveilleuse.» ROLL. & Voici un avis d'un homme est un tour, une manière d'agir pleine de habile homme. » Boss. « On vient me consulter dextérité. (comme médecin) ainsi qu'un habile homme. » MOL.

I

IMAGE, DESCRIPTION, TABLEAU. Représen- | élément, c'est-à-dire une phrase composée de tation vive et sensible des choses de la nature par le discours.

vives, naturelles, circonstanciées, pleines d'images naïves. » ROLL. « La conjuration de Rütly, telle qu'elle est racontée dans l'histoire de Müller..., quel tableau! Les images seules y font naître les pensées. » STAËL.

quelques mots, une espèce de métaphore. La mort de Laocoon dans l'Eneide est une description ou Beauzée et Marmontel ont très-bien caractérisé un tableau; Laocoon ardens est une image. « Les l'image en disant qu'elle est courte, sans dévelop-descri, tions (dans le panegyrique de Trajan) sont pement, passagère, un simple crayon et comme une apparition instantanée. Un orateur ou un écrivain trace quelque image des choses (Boss.); i en fait des descriptions ou des tableaux. Les fables de la Fontaine sont pleines d'images qui font presque l'effet des descriptions les plus détaillées et des tableaux les plus accomplis. Cette pompe (du triomphe) était magnifique; j'en donnerai bientôt une description etendue et détaillée; ici je ne songe qu'à en tracer une légère image.» | ROLL. Distinction tellement vraie, que parfois même image signifie dans un discours, et par conséquent dans une description ou un tableau, quelque chose qui en fait partie, qui en est un

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Entre la description et le tableau il n'y a pas non plus identité ou parfaite ressemblance.

La description, résultat de l'action de décrire, de reproduire, est plutôt d'un savant, 'd'un naturaliste; au lieu que le tableau est une peinture ou comme une peinture, une œuvre d'artiste, c'està-dire ici de poëte. « Il ne manque à l'autre partie du monde que des Théocrites et des Virgiles pour que nous en ayons des tableaux au moins

aussi à sa ressemblance. » Boss. « Voici le trait le plus admirable de cette divine ressemblance. Dieu se connaît et se contemple; sa vie, c'est de se connaître; et, parce que l'homme est son image, il veut aussi qu'il le connaisse. » ID.

L'image est plutôt quelque chose d'absolu, d'achevé, et la ressemblance quelque chose de partiel, un trait, un commencement, une ébauche. Aussi le mot image se met-il volontiers après celui de ressemblance comme y ajoutant. « Dieu a des soins particuliers de ceux qu'il porte sur le trône. Ce sont ses créatures les plus nobles, et faites proprement à sa ressemblance et à son image. FLÈCH.

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D'où vient toutefois qu'on dit ordinairement, d'après la Genèse, que l'homme a été fait à l'image et à la ressemblance de Dieu (Boss., FEN., ARN.)? Bossuet l'explique de la manière suivante qui s'accorde sans difficulté avec la distinction ci-dessus indiquée : l'homme a été fait à l'image de Dieu quant au fond de sa nature, à son essence, et fait à la ressemblance de Dieu quant à ses opérations, à ce qu'il y a en lui de contingent et d'accidentel. Ressemblance, rappelant ressembler, a un caractère verbal, c'est-à-dire qu'il se rapporte à l'action et non à la nature et qu'il exprime, non pas, comme image, quelque chose qui est, mais quelque chose qui se fait, quelque chose par conséquent d'imparfait, d'inachevé, de relatif.

aussi intéressants que ceux de notre pays. Je sais que des voyageurs pleins de goût ont donné des descriptions enchantées de plusieurs les de la mer du Sud.» BERN. « On peut voir par les tableaux poétiques de Pindare, de Virgile, et par les descriptions des autres auteurs anciens et modernes combien, en dix-huit ou dix-neuf cents ans, la face entière de l'Etna a subi d'altération. » BUFF. Il suit de là que, si on peut à la rigueur se servir des deux mots dans quelque genre de littérature que ce soit, il faut au moins prendre garde que la description est de sa nature plus détaillée ou plus exacte, et le tableau plus pittoresque, plus animé, ou plus original. En parlant des choses physiques, comme il n'y a qu à copier, on emploie de préférence description; mais tableau convient mieux à l'égard des choses morales, parce que l'écrivain a plus à y mettre du sien. Dans le poëme des Saisons, S. Lambert a associé aux descriptions physiques des tableaux, c'est-à-dire une philosophie et des idées morales (THOM.). « Lucrèce et Virgile sont lus à cause de leurs belles descriptions, de leur saine morale, de leurs tableaur admirables de la vie humaine. » VOLT. « Si j'avais peint souvent les campagnes des climats étrangers, il aurait fallu trop enchâsser des descriptions dans des descriptions; j'ai préféré pour épisodes les tableaux des mœurs et quelques actions susceptibles d'intérêt. » S. LAMB. D'autre part, description et tableau expriment proprement, celui-là une action. quelque chose qui se fait, celui-ci un objet, quelque chose qui est. Une description de tel écrivain; un tableau de la vie champêtre. «Qu'on change quelques mots dans la description de Cicéron (dépeignant Verrès), et qu'on en dérange L'imagination est le fait de celui qui s'imad'autres, cet excellent tableau perdra une partie gine, qui a une fausse idée des choses, et le mot de sa vivacité et de ses couleurs. » ROLL. « Quels s'emploie principalement bien en matière de tableaux nous offriraient les descriptions de ces science. « Les atomistes se sont persuades qu'en pays décorés d'une pompe magnifique ! » BERN. subtilisant la matière ils la rendraient moins « Les descriptions exigent non-seulement une ima- matérielle et qu'enfin elle deviendrait capable de gination vive, forte, étendue pour saisir à la foispenser; ce qui est une imagination ridicule. » l'ensemble et les détails d'un tableau vaste, mais P. R. Le système de Descartes est un tissu encore un goût délicat et sûr pour choisir les ta- d'imaginations erronées et ridicules. » VOLT. bleaux et dans chaque tableau des circonstances . Cette fausse notion d'un firmament n'est qu'une et des détails dignes du poëme héroïque. » MARM. | imagination des anciens Grecs. » ID. « Quand la Ce qu'on considère surtout dans la description, c'est l'action et celui qui la fait; dans le tableau, c'est la chose faite ou ce d'après quoi elle a été

faite.

IMAGE, RESSEMBLANCE. Ces mots ont pour idée commune celle d'un rapport tel entre deux personnes ou deux choses, que l'une porte les traits de l'autre, en est la représentation.

IMAGINATION, CHIMÈRE, VISION. Idées qui ne sont que de simples fictions de notre esprit, auxquelles ne correspond rien d'existant: c'est une pure imagination, une pure chimère, une pure vision.

lune et les autres planètes et les étoiles fixes paraissent faire un tour sur notre tête en vingtquatre heures, c'est donc aussi une imagination?» FONT.« Si je disais qu'une fontaine est empoisonnée, comme on pourrait croire que c'est une pure imagination de ma part, je serais obligé de nommer celui qui l'a empoisonnée. » PASC.

Chimère se distingue d'abord par quelque chose de bien particulier. Comme la Chimère était un monstre fabuleux, chimère signifie proprement un être, un objet, et non pas, comme imagination et vision, un fait ou un événement. On se forme, on se crée, on poursuit, on a dans la tête des chimères, et nou des imaginations et des risions; des chimères sont quelque chose de sub

Mais image, substantif concret, désigne la personne même ou la chose qui est la copie de l'autre, au lieu que ressemblance, substantif abstrait, signifie la qualité par laquelle cette personne ou cette chose se rapporte, est conforme à celle qui est son modèle ou son original. L'homme est l'image de Dieu, et il a été fait à sa ressemblance, il a avec Dieu de la ressemblance, des traits de res-sistant (dans l'entendement seulement), des êtres semblance. Dieu, dans les premiers âges du monde, ne put souffrir qu'une creature formée à sa ressemblance défigurât son image par de honteux excès. » BOURD. « Nous sommes les images de notre auteur, et celui qui nous a faits nous a faits

de raison. « Voilà ce qu'on appelle êtres de raison, êtres qui ne sont que dans la pensée. On les appelle aussi en notre langue des chimères. » Boss. « Ne pensons pas qu'un homme aimable et vertueux ne soit qu'une chimère. » J. J. « Les impies

désireraient qu'il n'y eût point de Dieu, que cet Etre si grand et si nécessaire fût une chimère. » MASS.- Ensuite, la chimère a pour second caractère d'être l'objet de nos espérances, de nos désirs, c'est quelque chose qui n'a rien de solide, qui trompe notre attente, sur quoi on a tort de compter; et de là vient que chimère est synonyme d'illusion.

Espérances en l'air : chimères en un mot;

Pour compter la-dessus, il faut être bien sot. DEST. Je regarde ce projet comme une belle chimère. » J. J. « Sur quelles chimères, dis-moi, pourrais-tu bâtir quelque espoir? MOL. « Si le citoyen obscur forme quelquefois des projets d'élévation, ce sont de ces chimères agréables qui amusent le loisir d'un esprit oiseux. » MASS.

La vision suppose un esprit dérangé, troublé par quelque cause, semblable à celui qui tire de son imagination et place au dehors des êtres qu'il | croit voir, entendre, toucher. Elle est le fruit du délire, elle naît dans un cerveau malade; et c'est parce que le mot vision se rapporte au sujet et à son état, qu'on dit bien un homme à visions. Quelle vision, quel délire au sage Antonin de dire que....! LABR. Rien n'est si insensé que cette vision. » FEN. Amphitryon soutenant qu'il est Amphitryon, Mercure lui dit :

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Ah! quelle vision!

Dis-nous un peu quel est le cabaret honnête
Où tu t'es coiffé le cerveau? MOL.

De quelle vision sa cervelle est frappée? ID.
Quel vertigo l'aite (Isabelle) et l'a conduite ici?
Toujours de plus en plus son cerveau se démonte...
Ah! monsieur, pour ma sœur et pour sa vision,

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« Jamais des personnes de tant d'importance n'ont
été conduites en prison par un si petit nombre
de gens.» LAROCH. « Cet homme a un nombre
infini d'amis d'importance. » SEV. « Il est clair
que l'homme au masque de fer était un prison-
nier de la plus grande importance. VOLT. - De
conséquence, au contraire, est particulièrement
propre à qualifier ce qui se fait, événements, ac-
tions, doctrines. « Je vous prie de suivre ces ré-
flexions, qui me paraissent être d'une extrême
conséquence et renfermer toutes les règles des
moeurs. » MASS. « Et il ne sera pas permis de ré-
futer une erreur d'une telle conséquence? » PASC.
Je sais bien qu'un bienfait de cette conséquence
Ne saurait demander trop de reconnaissance,
Et qu'on doit toute chose à l'exploit immortel
Qui replace mon frère au trône paternel. MOL.
« Ce procès m'est d'une conséquence tout à fait
grande. Je suis ruinée, si je le perds. » ID. « Ce
changement, qui parut d'abord de si petite con-
séquence, eut insensiblement des suites terribles. >>
MONTESQ. Co.nme les rois de Macédoine ne pou-
vaient pas entretenir un grand nombre de troupes,
le moindre échec était de conséquence. » ID. « Elle
commençait à sentir toute la conséquence d'un signe
parti sans doute avant la réflexion. » J. J. Un avis
(VAUG.), une faute (CORN, MAINT.) de conséquence.
Quoique l'hôtellerie fût pleine de cavaliers
d'importance, mon valet me fit avoir une des plus
belles chambres: il fit accroire à l'hôte que je
venais à Florence de la part de l'ambassadeur
pour une affaire de conséquence et que probable-
ment j'y ferais un assez long séjour. LEs. Un
secret est d'une grande importance; la révélation
en est d'une grande conséquence. Dans les emplois
d'importance cu de grande importance (S. R.),

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Il faut, ma fille et moi, vous demander pardon. REGN. « Je n'ai jamais oui parler de la lune habitée que comme d'une folie et d'une vision. » FONT. Un homme se croit aimé d'une femme qui ne l'aime point. C'est une imagination, dira-t-on, si on veut faire entendre simplement qu'il se trompe, qu'il est dans l'erreur; c'est une chimère, si on veut exprimer qu'il s'abuse, qu'il se flatte, qu'il se repaît d'illusions, que son espérance est mal fondée; c'est une vision, si on se propose de marquer que c'est une rêverie, le produit d'un cerveau creux, d'un esprit égaré, une hallucina-il faut prendre garde à ce qu'on dit, tous les mots tion.

L'imagination se considère logiquement ou par rapport à la vérité; la chimère objectivement ou par rapport à la réalité; la vision subjectivement ou par rapport à l'état de l'esprit qui la conçoit. L'imagination est erronée; la chimère vaine; la vision folle. On it proprement: ce n'est pas une imagination, mais une vérité (BOURD.); donner la chimère au lieu de la réalité (BUFF.); et les sottes visions d'un extravagant (MoL.).

IMPORTANCE, CONSEQUENCE. Ce qui fait qu'une chose est d'un grand intérêt et mérite de n'être ni dédaignée ni négligée.

sont de conséquence ou de grande conséquence (GRESS.).

IMPOSANT, AUGUSTE, MAJESTUEUX: Marqué d'un caractère de grandeur devant lequel on s'incline.

Ce qui est imposant nous inspire de la considération ou de la crainte; ce qui est auguste ou majestueux, du respect. Un grand nom, un air de dignité ou de noblesse sont imposants; il n'y a d'auguste ou de majestueux que ce qui tient ou ressemble à Dieu, que ce qui est sacré ou comme sacré, que ce devant quoi nous faisons plus que nous incliner, nous nous prosternons. Une chose qui est d'importance importe ou a a Tout ce que les plus grands noms ont d'impode la valeur en soi; une chose qui est de consé-sant, tout ce que l'ancienne religion a de plus quence est considérable par ses conséquences ou auguste. VOLT. - Et d'autre part, ce qui prouve par ses suites. Vous appelez affaire d'importance qu'il entre de la crainte, parfois au moins, dans une affaire d'une nature grave; une affaire de l'impression que produit l'objet imposant, c'est conséquence peut être de sa nature presque indif- qu'on dit des forces imposantes. et non pas des férente, mais elle est de celles qui doivent avoir forces augustes ni des forces majestueuses.

Si mon œil aperçoit ces Alpes menaçantes
Qui portent jusqu'aux cieux leurs cimes imposantes.

DEL.

| lieu qu'édition désigne l'action de celui qui revoit le texte, qui le châtie, l'éclaircit, l'étend ou le resserre. L'impression peut être retardée par le

Auguste et majestueux diffèrent aussi l'un de manque de caractères, et l'édition par le manque

l'autre.

de copie. L'impression marche plus ou moins

tion à être complet et à ne rien laisser dans le texte d'obscur, d'apocryphe ou de blâmable. En 1767 on entreprit de réimprimer à Paris les Œuvres de Bossuet. L'archevêque, craignant qu'on n'y mêlât des productions étrangères favorables au jansénisme, alla trouver le lieutenant général de police, M. de Sartine, « et le pria de suspendre l'impression de cet ouvrage. » M. de Sartine s'y refusa; mais il nomma un nouveau cen

avec le plus grand soin et ne rien laisser passer qui ne fût reconnu pour être de l'auteur.» BACH.

Auguste est pour l'intérieur et l'abstrait, majes-vite; l'édition se fait avec plus ou moins d'attentueux pour l'extérieur et le concret : un sacrement auguste, l'auguste sacrifice de nos autels, les sentiments augustes de la religion, l'auguste vérité, l'auguste raison, d'augustes souvenirs, l'auguste lien du mariage, d'augustes lois; un spectacle, un air, un port, un style majestueux, une contenance, une démarche majestueuse, des arbres majestueux. « On ne peut rien penser de plus grand ni de plus auguste que la noble alliance de la puissance et de la raison.... Dans le vieux Testament Dieu se plai-seur, le syndic Riballier, « pour suivre l'édition sant à se faire voir avec un appareil majestueux, il était convenable que la synagogue eût des marques de grandeur extérieure. » Boss. « Ramassez ensemble les choses si grandes et si augustes que nous avons dites sur l'autorité royale.... Il n'y a rien de plus majestueux que la bonté répandue.... » ID. « L'exorde de l'oraison funèbre de Turenne (par Fléchier) sera éternellement cité pour son harmonie, pour son caractère majestueux et sombre, et pour l'espèce de douleur auguste qui y règne. » THOм. « On ne rencontre presque jamais en Italie, dans l'auguste fonction de la chaire, un accent vrai ni une parole naturelle.... Un culte éclatant et majestueur dans les formes extérieures est certainement très-prop e à remplir l'âme des sentiments les plus élevés mais il faut prendre garde que les cérémonies ne dégénèrent en un spectacle. » STAËL.

L'homme seul eut de toi ce front majestueux,
Ce regard noble et doux, fier et voluptueux.
Mais ton chef-d'œuvre auguste est une âme sublime.
DEL.

IMPRESSION, ÉDITION. Mots qui expriment ou qui concernent le travail nécessaire pour mettre au jour un écrit.

De son côté, impression a quelquefois rapport au résultat de même qu'édition. Car, quoiqu'on n'appelle jamais impression, mais seulement édition, les exemplaires tirés d'un ouvrage, on dit une impression comme on dit une édition belle, correcte, ou le contraire. Mais les qualités de l'impression regardent uniquement l'exécution typographique, et celles de l'édition font connaltre le livre à tous les autres points de vue. Une belle impression fait honneur aux presses de l'imprimeur et suppose des caractères d'une forme et d'une régularité parfaites; une belle édition se recommande par le papier, le format, les figures, les notes, etc. Une impression fautive présente des fautes d'impression; mais ce sont des fautes d'une autre sorte ou d'autres sortes qu'on remarque dans une édition fautive.

INCLINER, PENCHER. N'ètre pas droit ou d'aplomb, être porté ou tendre d'un côté ou d'un

autre.

Incliner marque déclinaison; il est relatif au point de départ, à la perpendiculaire, d'où s'éloigne la chose. Pencher, de pandus, courbe, plié, ou de pendere, pendre, descendre, aller vers la terre, être près de tomber, est relatif au point vers lequel la chose se dirige ou est dirigée; c'est pourquoi on dit bien qu'un État penche (et non pas incline) vers sa ruine ou vers sa chute. «< Pencher, c'est incliner vers une chose qui est en bas. » COND. On s'incline en donnant à son corps un mouvement qui le fait sortir de la situation verticale; on se penche sur le bord d'une fontaine pour regarder ou pour se mirer dedans.

Impression est plus relatif à ce travail même, à l'action de la presse, au fait de mettre sous la presse; édition, du latin edere, produire, enfanter, l'est davantage à ce qui résulte de ce travail, au produit de cette opération. On conduit l'impression d'un ouvrage; l'édition s'en écoule en quelques mois. Il a fallu tant de temps pour terminer l'impression d'un livre, et tant de temps pour épuiser une édition de ce même livre. L'autorité, apprenant l'impression d'un pamphlet qu'elle juge dangereux, fait saisir toute l'édition. Or, comme l'impression se rapporte essentiellement au tra- Pencher renchérit donc sur incliner: incliner, vail, et non à l'ouvrage, on ne dit pas qu'un ou- c'est pencher légèrement, s'écarter si peu que ce vrage plusieurs fois imprimé ait eu plusieurs soit de la perpendiculaire; et pencher, c'est inimpressions, mais bien qu'il a eu plusieurs édi-cliner beaucoup, de façon à s'approcher de terre, tions. Les frais d'impression d'un livre réimprimé à être près de tomber. « Il faut fort peu de chose seront nécessairement plus grands, si l'édition pour déterminer cette glande à s'incliner et se qu'on en donne est considérablement augmentée. pencher plus ou moins tantôt d'un côté tantôt d'un Mais il n'y a pas toujours une aussi notable autre. » DESC. différence entre les deux mots.

Car d'abord édition se prend bien dans le sens particulier d'impression: commencer, achever, suspendre, retarder l'édition ou l'impression d'un écrit. L'impression alors se réduit à l'œuvre de l'imprimeur, à la composition et au tirage; au

Il en est de même au figuré. « On incline, on penche vers un sentiment, vers un parti, lorsqu'on commence à s'y sentir porté. Mais pencher marque une plus grande disposition à le suivre. » COND. On lisait autrefois dans le Dictionnaire de l'Académie que, en parlant d'une bataille où la vic

toire commence à pencher d'un côté, on dit que la S. S. « Il accuse le vieux abbé Bazin d'avoir dit victoire incline de ce côté-là.

INCREDULE, MECREANT. Sceptique en matière de religion.

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que la Providence envoie la famine et la peste sur la terre. Quoi! mécréant, tu oses le nier! >> VOLT. Qu'on soit incrédule, c'est l'effet d'une disposition de l'esprit; mais c'est parfois un défaut de l'àme, une sorte de perversité qui rend mécréant, Dans le Festin de Pierre, Sganarelle dit à don Juan: «Comment! vous êtes aussi impie en médecine!... Vous avez l'âme bien mécréante. Cependant vous voyez que le vin émétique fait bruire ses fuseaux: ses miracles ont converti les plus incrédules esprits. » MOL.

C'est ce que signifie ni plus ni moins incrédule, in credulus, qui ne croit point; mais mécréant veut dire, à la rigueur, qui croit mal, qui a une mauvaise croyance, qui suit une fausse religion. Incrédule est purement négatif; au lieu que mécréant emporte l'idée positive de quelque chose de mauvais. L'incrédule n'a point de religion, ou il est de la bonne, mais il n'y croit point, c'est un esprit fort, et, comme on disait autrefois, un libertin. Poussons à bout le raisonnement des incrédules et des libertins. >> Boss. « Ces prétendus esprits forts, ces incrédules. » Mss. Pourquoi répéter si souvent contre les incrédules cette objection triviale, que c'est le libertinage du cœur qui les mène à la licence de penser? » D'AL. «< Il n'y aura d'incrédules punis que ceux dont le cœur se ferme à la vérité. » J. J. Mais le mécréant a un culte différent du vrai; c'est un païen ou un inf-pace ou nombre indéterminé. dèle. Planter et installer la chrétiensté en un peuple mescréant et infidèle, comme maintenant en la Chine. » CHARR. « Les peuples de cette côte (de Gênes), dès qu'ils reconnurent les Sarrasins, descendirent des montagnes en criant: Amis, donnons sur ces Barbares, sur ces mécréants. » LES. « Les Tur:s sont des mécréants qui n'ont point été baptisés. » VOLT.

Il est à remarquer enfin qu'incrédule est de tous les styles, et que mécréant ne se dit guère qu'en plaisantant ou dans un langage voisin du familier. INDÉTERMINÉ, INDÉCIS, Qui a été laissé var gue, qu'on n'a pas rentlu fixe ou distinct.

Un esclave qui sort des mains des mécréants....
N'a pas le d-mi-quart tant de plaisir que j'ai

En recevant de vous ce bienheureux congé. REGN. Dans un conte de Thomas, intitulé la Française, au sérail, un Turc dit au sultan en parlant d'une femme :

Elle naquit parmi les mécréants;
Elle est Française.

Un prédicateur en chaire, un controversiste
dans un ouvrage, travaille à convaincre les incré-
dules; saint François Xavier se rendit aux Indes
pour travailler à convertir les mécréants.

A

Quelquefois on appelle mécréant un hérétique ou un sectaire, un homme qui est, non pas d'une religion, mais d'une communion ou d'un parti religieux qu'on désapprouve. «< S'ensuit-il des inepties que débite un inspiré que ce soit un catholique, et de celles que réfute un raisonneur que ce soit un mécréant? ■ J. J. La Constitution changea tout à coup de situation avec ce parti de mécréants (les jansénistes), de révoltés, de schismatiques, d'hérétiques, proscrits, persécutés.... S. S. « Je n'ai pu m'empêcher de vous dire combien j'estime la probité de mon huguenot. Je ne suis point suspect de favoriser les mécréants, puisque je viens de faire bâtir une église. » VOLT. «L'abbé de Prades est enfin arrivé à Potsdam.... Je me remercie d'avoir servi un pareil mécréantC'est le plus drôle d'hérésiarque qui ait jamais été excommunié. » Id.

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On se sert aussi de mécréant pour désigner un simple incrédule; mais c'est une expression de dénigrement ou d'injure qui suppose dans le sujet qualifié quelque chose de méchant. « Bonneval déserta aux ennemis de la tête de son régiment en Italie...., fort débauché, fort mécréant, »

Indéterminé, à quoi on n'a pas assigné de termes ou de limites, est le mot qui convient quand on considère les choses au point de vue mathématique, quant à l'étendue et au nombre: es

Mais indécis, qui n'est pas décidément ceci ou cela, à l'égard de quoi on ne s'est pas décidé ou on n'a pas décidé si c'est quelque chose de tel ou tel, regarde plutôt le côté physique ou esthétique des choses: une lumière indécise, les traits indécis d'une figure, des expressions, des formes de style indécises.

INDIRECT, DÉTOURNÉ, OBLIQUE. Qui ne va pas droit.

Indirect, non direct, exprime l'idée commune de la manière la plus simple; car il n'a rapport qu'à la direction. Détourné, c'est-à-dire écarté, éloigné, a pour accessoire l'idée d'éloignement, de mise hors de la vue. Le chemin indirect est opposé au droit chemin, c'est le plus long; mais le chemin d'tourné est opposé au chemin commun ou battu, il est à l'écart ou reculé, c'est le moins connu et celui où on est le moins exposé aux regards. Les Liégeois (assiégés) sortirent de nuit, et par des chemins détournés ils approchèrent fort près du quartier des princes. » Boss,

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Albéroni disait qu'il regarderait comme offenses toutes démarches indirectes, toutes instances faites (auprès du roi d'Espagne) par d'autres voies que par lui. S. S. « Tout ce que le czar obtint par des voies indirectes fut que le régent interposât ses bons offices pour l'élargissement du baron de Goërtz. » VOLг. Mais des voies détournées sont non seulement en ligne courbe, mais encore se crètes ou même cachées, dérobées à la vue avec soin. «Nous qui sommes si éloquents sur les voies secrètes et détournées que les gens de bien savent prendre pour parvenir.» MASS. « Albéroni avait communiqué ces propositions à Cellamare sous un grand secret et par des voies détournées. » S. S. « Dans le temps mème que Tissapherne se déclarait, ouvertement pour les Lacédémoniens, il ne

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