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d'entre eux par des danses guerrières (VERT.). Ainsi solenniser, c'est célébrer et quelquefois féter avec de grandes cérémonies.

FINIR, TERMINER, DÉCIDER, VIDER, RÉGLER, ACCOMMODER, AJUSTER. C'est, en parlant d'une affaire, d'un différend ou d'autres choses semblables, les faire cesser, faire en sorte qu'on n'ait plus besoin de s'en occuper.

Les finir, les mener à fin ou à leur fin, marque une action douce, lente, naturelle; mais les terminer, y mettre un terme, y couper court, signifie une manière d'agir soudaine, brusque, qui arrête les choses au lieu de les faire aller jusqu'au bout. En France on finit les procès et les disputes en suivant une marche prescrite par des lois (FLÉCH.); en Turquie on les termine promptement, on veut surtout avoir bientôt fait (MONTESQ.). Les dernières années de Louis XIV se passèrent à finir des disputes de religion (FEN.); saint Louis terminait sur-le-champ avec une netteté et un jugement admirable les choses qui demandaient une prompte résolution (Boss.). Il arrive quelquefois que, faute de pouvoir finir un différend par des négociations, on le termine par un combat. Dans une autre acception, on dit finir ses jours dans les ennuis de la vieillesse, et les terminer par un suicide.

Sire, quand par le fer les choses sont vidées,
La justice et le droit sont de vaines idées. CORN.
Parmi les écrivains qui font le plus grand usage
de vider on compte Mme de Sévigné, Lafontaine
et Molière. Bossuet ne s'en sert que dans ses ou-
vrages de controverse. Fénelon dit en parlant des
hommes grossiers du premier âge d'après Epi-
cure: Ils n'avaient point d'autres défenses que
leurs mains, leurs ongles, leurs dents, des pierres
ou des bâtons; c'étaient là les armes dont ils se
servaient pour vider leurs différends. »

Régler, ordonner, c'est finir, terminer ou décider souverainement, d'autorité ou comme le fait l'autorité, en maître, par un arrêt qui fait loi. << Samuel parut à la tête du peuple de Dieu, régla les différends des tribus, et fut le censeur des rois et des princes du peuple. » MASS. S'il n'y avait point de testament pour régler le droit des héritiers, je ne sais si l'on aurait besoin de tribunaux pour régler les différends des hommes. » LABR. «Idoménée représenta à Mentor qu'il ne pouvait régler sans lui un différend qui s'était élevé entre le prêtre de Jupiter et celui d'Apollon. » FÉN.

Accommoder se distingue par l'idée de la commodité, de l'avantage (commodum) que procure ce mode de réunion aux personnes qu'il rapproche et qu'il accorde. « Mme de Wolmar se charge de mille soins pour ses ouvriers et ses domestiques;

Accommoder et ajuster, arranger, c'est finir, terminer ou décider en accommodant et en ajustant les personnes, c'est-à-dire en les réconciliant, à l'amiable, sans en venir aux moyens extrêmes Décider, du latin de et cædere, couper, tran-et aux voies de rigueur. Mais ensuite chacun de cher, ressemble à terminer en ce qu'il annonce ces deux verbes a sa nuance propre. comme celui-ci une action prompte, expéditive, par laquelle on en finit tout d'un coup. Mais il en diffère par l'effet qu'il exprime. En terminant, on empêche de continuer; en décidant, on lève les doutes, on tire d'incertitude ou d'indécision. Vous terminez une guerre ou une querelle; vous déci-elle leur donne des conseils; elle accommode leurs dez une question ou quelque chose qui est en question. Quand une affaire, telle que celle d'un mariage, est terminée, c'est une affaire faite, il n'y a plus à y revenir; quand une affaire, une affaire contentieuse, par exemple, est décidée, on en connaît la solution, on sait à quoi s'en tenir sur ce qui était disputé ou débattu. On dira plutôt terminer un procès, et décider un différend, parce qu'un procès et un différend demandent, le premier à être arrêté, le second à être éclairci. « Les différends des nobles doivent être promptement décidés; sans cela, les contestations entre les personnes deviennent contestations entre les familles. Des arbitres peuvent terminer les procès ou les empêcher de naître. » MONTESQ.

différends. » J. J. Dans l'oraison funèbre de La-
moignon, Fléchier représente ce magistrat dans
sa retraite de Basville, qui accommode les diffé-
rends des gens de la campagne et assure ainsi le
repos de pauvres familles.

Une affaire d'honneur.... Cette affaire cruelle
Vient d'être accommodée....

Je n'ai plus rien à craindre....

DEST.

On crie, on nous sépare; un procureur du coin
D'accommoder l'affaire a pris sur lui le soin :
Pour empêcher les gens d'aller chercher main-forte,
Pour prévenir, dit-il, une amende plus forte,
Je lui signe un billet encor de mille écus. VOLT.

Ajuster a cela de particulier, qu'il suppose, dans celui qui opère la réconciliation, de la justesse Vider, épuiser, c'est finir, terminer ou décider d'esprit, un certain talent d'entremise, de l'habià fond, entièrement. Ce verbe emporte l'idée d'une leté pour rétablir l'harmonie entre les personnes. action complète, qui supprime toute difficulté, qui « Le duc d'Orléans cajola le maréchal d'Huxelles, ne laisse plus absolument rien à faire ou à expli- et lui fit entendre qu'y ayant beaucoup de petites quer. « Il faut une fois vider, à cette occasion, la choses locales à ajuster avec le duc de Lorraine, il question que nous avons avec l'auteur sur le sujet fallait quelqu'un qui fût au fait de toutes ces de saint François de Salles. » Boss. « Le grand choses; qu'il pensait que S. Contest était celui procès des anciens et des modernes n'est pas qu'il pouvait choisir comme le plus instruit et le encore vidé; il est sur le bureau depuis l'âge d'ar-plus propre à travailler au traité. S. S. « Il vous gent qui succéda à l'âge d'or. » VOLT. D'ail- faut l'entremise d'un homme de tête pour ajuster leurs, comme ce mot désigne au propre une ac- ce différend. » DEST. tion commune, celle d'ôter d'un vaisseau ou d'un sac ce qui y est contenu, il ne convient guère au style noble dans l'acception dont il s'agit ici. C'est ce que Voltaire déclare expressément à propos de ces deux vers de la Mort de Pompée :

Votre oncle prévenu veut vous déshériter.
Une telle menace alarme votre père,

Qui ne sait de quel biais ajuster cette affaire.
Ils sont partis ensemble, et vont, je crois, tous deux,
Consulter sur ce point un avocat fameux. ID.

FLATTER (SE), SE VANTER. Ces verbes mar- | l'âme souple et pliante sous la main de Dieu. » quent tous deux l'effet d'une confiance qui fait qu'on s'attribue un certain avantage ou un certain pouvoir. Se flatter ou se vanter d'un grand crédit, d'être juste, de réussir, etc.; vous pouvez vous flatter ou vous vanter d'avoir fait sa conquête.

Ils sont cependant séparés par une première différence qui saute aux yeux, et qui consiste en ce que se flatter est absolu et se vanter relatif: on se flatte en se persuadant à soi-même qu'on est tel ou tel, et on se vante en s'efforçant de le persuader aux autres; celui qui se latte en vain s'en fait accroire, et celui qui se rante à tort en fait accroire. Ne vous flattez point de telle chose, ce serait une illusion: ne vous en vantez point, ce serait de la vanterie, de la jactance.

Mais il arrive quelquefois que se flatter se prend dans le sens relatif de se vanter. Il en diffère même alors. I suppose un moindre degré de confiance. Celui qui se flatte espère simplement; on dit très-bien: j'ose me flatter, parce que se flatter emporte l'idée d'une sorte d'hésitation. Mithridate, dans Racine, dit en parlant des Romains :

Et j'ose me flatter qu'entre les noms fameux Qu'une pareille haine a signalés contre eux Nul ne leur a plus fait acheter la victoire. Se vanter, d'autre part, annonce dans le sujet une assurance pleine et entière : « Le pharisien de l'Évangile se vante de n'être pas semblable aux

autres hommes. » BOURD.

FLEXIBLE, SOUPLE, PLIANT. Facile à tourner en un certain sens ou en différents sens; au figu.é, qui cède aisément aux volontés des autres, à leurs vœux, à leurs désirs.

Au propre, flexible se dit particulièrement des plantes, et souple des animaux. Au figuré, flexible est passif, il exprime une capacité; mais souple est actif, il indique un talent.

Boss. «< Dieu seul peut te rendre aimable, car tu ne l'es point par ton naturel roide et âpre. Il faut que la main de Dieu te manie pour te rendre souple et pliant. » FEN. « Callisthène n'était pas né pour la cour, où il faut avoir un esprit souple, pliant, accommodant, quelquefois même fourbe et perfide, mais au moins dissimulé et flatteur. » ROLL. « Cicéron entend par flatteurs ces hommes faux et doubles d'un esprit souple et pliant, qui, vrais Protées, prennent mille formes différentes selon le besoin. » ID.

FOIS, COUP. Mots qui servent à marquer les différents cas où une chose se fait, se passe ou se dit.

L'Académie définit coup, dans une de ses acceptions, par fois, simplement. Mais, après avoir indiqué encore un coup comme équivalent à encore une fois, elle ajoute qu'encore un coup s'emploie principalement lorsqu'on répète avec vivacité ce qu'on a déjà dit.

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C'est là en effet un des caractères distinctifs de coup, et par conséquent d'encore un coup: il rappelle l'action de frapper, qui est soudaine, prompte, rapide. Dans la Défense de la tradition, de Bossuet, il dit avec calme à la fin d'un chapitre : « Il ne reste plus ici qu'à remarquer encore une fois qu'il faut juger de la même sorte de toutes les autres matières dont on dispute avec Pélage. Mais, dans un autre endroit du même ouvrage, il s'emporte contre son adversaire jusqu'à s'écrier : « Il faut dire encore un coup à notre critique qu'il ne sent pas ce qu'il dit. J. J. Rousseau en use de même. On lit dans l'Émile: « Encore une fois, mon objet n'est point de donner à mon élève la science, mais de lui apprendre à l'acquérir au besoin. » Mais une lettre du même écrivain à Hume, fort animée et pleine de passion, se termine ainsi : « Encore un coup, si vous êtes innocent, daignez vous justifier; si vous ne l'êtes pas, adieu pour jamais. - Dans l'École des femmes, Arnolphe, d'un ton tranquille et satisfait, félicite Agnès d'avoir échappé à un piége tendu à son

innocence:

Mais, encore une fois, grâce au soin apporté,
Vous en êtes sortie avec honnêteté.

Au contraire, dans le Misanthrope, Alceste cour-
roucé relance de la façon suivante Philinte qui

Pliant enchérit sur l'un et sur l'autre. En effet, l'objet pliant se met en pli comme du linge ou du papier; au lieu que l'objet flexible ou souple se courbe seulement. Il y a dans ce qui est pliant plus de mollesse ou moins d'élasticité. L'osier pliant est très-flexible. De même on appelle pliantes les parties du corps de l'animal ou d'un animal qui sont très-souples. « Les parties de notre corps doivent bien avoir quelque consis-l'importune de ses observations: tance. Mais si elles n'avaient aussi quelque mollesse, elles ne seraient pas assez maniables ni assez pliantes pour faciliter le mouvement. » Boss. « Ce qu'il y avait de plus étonnant, c'est que les oreilles de cette mule étaient si longues, et en même temps si pliantes, qu'elles liaient, de même qu'une queue de serpent, les personnes qui auraient voulu s'approcher d'elle. » LES. · Même différence au figuré. Ce qui est pliant plie, ce qui est flexible peut fléchir, c'est-à-dire commencer à plier. « Ce qui est étonnant, c'est que la religion s'est maintenue sans fléchir et plier sous la volonté des tyrans. » PASC. Et pour ce qui regarde le rapport de pliant à souple, on trouve continuellement dans nos meilleurs écrivains pliant après souple, comme marquant un degré de plus. « Le principal effet de cette oraison est de tenir

Ah! morbleu! mêlez-vous, monsieur, de vos affaires... Monsieur, encore un coup, laissez-moi, s'il vous plaît, Et ne prenez souci que de votre intérêt. On dit à quelqu'un humblement encore une fois, pardon (VOLT.); et avec colère: encore un coup, ceci ne saurait durer (J. J.).

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:

Une autre différence consiste en ce que coup est familier parce qu'il rappelle quelque chose de commun boire un coup; avoir encore deux coups à jouer.

Certaine Egyptienne

Dont j'ai l'âme piquée, et qu'il faut que j'obtienne, Je l'ai déjà manquée, et même plusieurs coups. MOL. Voltaire reproche à Corneille et à Racine d'avoir fait un usage assez fréquent de la locution encore un coup, qu'il déclare trop familière et presque basse.

FOIS (A LA), EN MÊME TEMPS. Simultané- | présidents se formalisèrent qu'on n'eût pas comment, et non successivement ou à différentes épo- mencé par eux. » VOLT. qués.

Fois a été formé du latin vices, qui signifie tour, rôle, et par conséquent à la fois annonce une action, et une action particulière, quelque chose à faire en un seul tour, en un seul rôle, en un seul coup. En même temps, au contraire, se dit bien des états, des modifications subies, ou encore des actions qui ont de la durée, qui sont en quelque sorte permanentes. Faire deux choses à la fois; posséder, éprouver deux choses en même temps, être, devenir tel et tel en même temps. Il ne faut pas courir deux lièvres à la fois; une même chose ne peut pas en même temps être et n'être pas. L'âme ne peut connaître distinctement plusieurs choses à la fois, de même qu'un morceau de cire n'est pas capable d'avoir en même temps une infinité de figures différentes (MAL.). César dictait à quatre secrétaires à la fois; être en même temps comblé de richesses et accablé de misères. Quand on mange de deux mets à la fois, on n'a pas toujours deux sensations différentes en même temps.

FORFAIT, ATTENTAT. Grand crime. « Les richesses amènent une inégalité odieuse : c'est alors le siècle des attentats; on commet hardiment les plus grands crimes, et les succès paraissent justifier les forfaits. » Cond.

Le forfait est un fait, et l'attentat une tentative. Jocaste commit un forfait en épousant son propre fils (FEN.), et Clytemnestre en tuant son mari (BARTH.); Thésée crut faussement son fils, Hippolyte, coupable d'un attentat (Boss.), et les entreprises de Catilina étaient les attentats d'un brigand déterminé et féroce (LAH.).

Se scandaliser, de scandale, primitivement terme de religion, se dit par extension de ce qui se rapporte aux mœurs. Qui se scandalise d'une chose la trouve impie, immorale, déshonnête, point du tout édifiante. « Vous vous scandalisez tant de voir le monde si corrompu. » BOURD. Voilà ma précieuse

Qui préfère toujours la morale à l'esprit, Et qui se scandalise aussitôt que l'on rit. DEST. « Le lecteur (d'un livre français) toujours plus habile à trouver des sens obscènes que l'auteur à les écarter, se scandalise et s'effarouche de tout. » J. J.

Se gendarmer, faire le gendarme, se soulever en gendarme, en dragon, est familier d'abord, et ensuite il emporte une idée étrangère à ses deux synonymes, celle d'éclat, d'emportement et de violence.

Je m'en vais la rejoindre, et tâcher de calmer
Son esprit violent, prêt à se gendarmer. REGN.
Ici mal à propos votre esprit se gendarme :
Le mal est donc bien grand pour faire un tel vacarme?
ID.

Quel vacarme!
Quoi! pour un rien votre esprit se gendarme?

VOLT.

Il est plus dangereux au moment qu'il caresse
Que lorsqu'il se gendarme et paraît en fureur. DEST.
FORMALISTE, CÉRÉMONIEUX, FAÇONNIER.
Vétilleux dans ce qui regarde les règles des con-
venances sociales.

«Que diable peut-on dire de formaliste, sinon qu'un homme formaliste est un homme insupportable?» VOLT. Ce qu'on en peut dire relativeToutefois, attentat se prend aussi dans le sens ment à ses synonymes cérémonieux et façonnier, de forfait, de fait accompli, de crime commis; c'est que sa terminaison primitivement emprunmais alors, à la différence de forfait, c'est moins tée du grec en fait un terme plus noble. De là l'atrocité qu'il exprime que l'audace. Le forfait, vient d'abord qu'il se prend seul dans un sens fait hors, excède, passe les bornes, transgresse, théorique ou spéculatif en parlant d'un homme c'est une énormité; l'attentat touche à ce qui doit trop attaché à la lettre même des lois ou aux forêtre respecté, à quelque chose de sacré ou de vé-mules des procédures, des actes judiciaires ou nérable. Il y a de la scélératesse dans le forfait, et du sacrilége ou de l'insolence dans l'attentat. L'infanticide, surtout avec des circonstances qui font horreur, est un forfait; un régicide (Boss.), le meurtre d'un ambassadeur (ROLL.) est un attentat. FORMALISER (SE), SE SCANDALISER, SE GENDARMER. C'est se choquer, se blesser ou s'offenser mal à propos, par trop de susceptibilité. Mais se formaliser regarde les procédés ou les égards. Qui se formalise trouve qu'on manque envers lui aux formalités, aux civilités, à ce que son rang exige. « Qu'un aveugle-né entreprit de raisonner avec les pharisiens, ils s'en formalisaient...: C'est bien à un pécheur comme vous, lui disaientils, de vouloir nous instruire! » BOURD. « Le diraije, et ne s'en formalisera-t-on point? non; car je le dirai avec tout le respect et toute la circonspec-liste, ne fut pas content de ce rapport à son insu, tion convenable. » ID. « La noblesse qui vint audevant du maréchal de Montesquiou arrivant à Rennes pour tenir les états, se formalisa de ce qu'il ne sortit point de sa chaise de poste pour monter à cheval avec elle. >> S. S. « Le chancelier

demanda le suffrage des princes et des pairs; les

autres. O chétive prud'hommie des formalistes, qui se tient aux mots de la loi, et en pense être quitte!» CHARR. « On sait que les Romains étaient extrêmement formalistes; et nous avons dit que l'esprit de la république était de suivre la lettre de la loi. » MONTESQ. César, le moins formaliste de tous les hommes, ne fut point blessé du vice qui rendait sa nomination irrégulière. » ROLL. Ensuite, dans l'acception où formaliste se rapproche davantage de cérémonieux et de façonmer, il en diffère en ce qu'il se dit seulement de grands personnages. Sont-ce ces mêmes princes si pointilleux, si formalistes sur leurs rangs et sur les préséances, qui consument pour les régler les mois entiers dans une diète? » LABR. Le maréchal de Villeroy, grand forma

comme chef du conseil des finances. » S. S. « Je te trouve fort bonne de vouloir qu'une prude grave et formaliste comme moi fasse les avances!» J. J.

Le cérémonieux, quoique très-voisin du façonnier, s'en distingue néanmoins. L'un exagère en

D

Un chrétien effroyable

Fortifier vient du latin fortificare (fortis, fort, et facere, faire), comme amplifier d'amplificare, purifier de purificare, justifier de justificare, etc. Mais renforcer, de re en force, remettre en force, a évidemment une origine et une phy

fait de civilité, l'autre en fait de politesse. «Timon | forme, une pure cérémonie. « C'est être supersou le misanthrope peut avoir l'âme austère et fa- titieux de mettre son espérance dans les formarouche; mais extérieurement il est civil et céré-lités et dans les cérémonies. PASC. « Sachez-moi monieux...; semblable en ce sens à une femme gré de vous avoir épargné quelques formalités qui est en visite chez une autre femme: LABR. ennuyeuses. » STAËL. « Le caractère des Neuchâtelois est offusqué de manières ils se croient polis parce qu'ils sont Pourra, marchant toujours dans des sentiers maudits, façonniers. J. J.- Le cérémonieux s'astreint trop Par des formalités gagner le paradis! BOIL. minutieusement à ce que prescrit l'usage envers FORTIFIER, RENFORCER, ENFORCIR, CONles personnes selon l'âge, le sexe, le rang, la con- FORTER, RECONFORTER. Donner de la puisdition; il est l'esclave du cérémonial, de l'éti-sance ou de l'énergie; soutenir ou relever ce qui quette, comme le sont, dit-on, les Chinois. Le est, devient ou peut devenir faible. façonnier ne se signale pas par des démonstrations d'égards et de respects communes, convenues, aussi invariablement fixées que des règle- | ments de police; il est attentif à plaire par des moyens plus spéciaux, à l'aide desquels il relève ou feint de relever le mérite personnel. Dans lesionomie françaises, c'est-à-dire vulgaires. cérémonieux on remarque toujours un air de fête Fortifier s'emploie plus volontiers au moral : et de théâtre, quelque chose de roide et d'apprêté; fortifier la vertu, le vice, des passions, le goût ce qui déplaît dans le façonnier, ce sont ses maniè- de l'étude, des espérances, l'amitié, le courage, res étudiées, ses minauderies, ses grimaces, ses des soupçons. « Si la voix du sang n'est fortifiée affectations d'amabilité, ses fadeurs. Celui-là n'est par l'habitude et les soins, elle s'éteint dans les rien moins que familier, celui-ci rien moins que premières années. » J. J. Mais en physique, surnaturel. Nous sommes plus cérémonieux qu'on ne tout en parlant de choses peu relevées, on devra l'était dans l'antiquité où on tutoyait tout le en général se servir de renforcer par préfémonde, et moins façonniers qu'il y a un siècle rence renforcer le quartier d'un soulier, un ou deux, moins prodigues de compliments et de mur, une poutre ou d'autres choses semblables; louanges. un canon renforcé, une étoffe renforcée. « Les FORME, FORMALITÉ. Manière réglée, éta-rossignols, presque à la fin de leur ramage, semblie, consacrée, de procéder en justice, en ad-blaient se plaire à le renforcer. » J. J. ministration, dans l'exercice d'un culte, pour dresser des actes, etc.

sait

Lorsque les deux mots se disent l'un et l'autre au propre et au physique, ce qui arrive quelA l'égard de la forme la formalité est comme la quefois, ils different encore, quoiqu'à un moindre callosité à l'égard du cal, quelque chose qui en degré. Fortifier, comme purifier, par exemple, approche, qui en tient, qui y ressemble, quelque exprime une action intime, dérobée aux regards, chose par conséquent de moins essentiel. Aussi qui s'opère au dedans de la chose et se fait sendit-on bien de simples, de petites formalités. tir à toute la masse; au lieu que l'action de ren« D'Aguesseau avait un attachement aux formes, forcer est plutôt extérieure, concrète et partielle. et jusqu'aux plus petites, si littérale, si précise, Dans un enfant qui se fortifie on voit les memsi servile, que toute autre considération disparais-bres se renforcer peu à peu. Quand l'enfant ses yeux devant la plus petite formalité. » commence à se fortifier, laissez-le ramper par S. S. Je suppose que les juges, liés par les for-la chambre; laissez-lui développer, étendre ses mes, condamnent le maréchal de camp à payer petits membres; vous les verrez se renforcer de ce qu'il ne doit point.... Il se peut, à toute force, jour en jour. » J. J. Comme la poitrine est quelque des formalités de chicane que je ne connais que chose dont l'état est tout intérieur, invisible, pas fassent perdre le procès au maréchal de camp. on dira bien qu'on la fortifie ou qu'elle se fortifie; VOLT. « Quand on entreprenait une guerre, on mais, par la raison contraire, renforcer sera le envoyait avant toutes choses redemander dans les mot propre quand il sera question, par exemple, formes (par les féciaux) les choses injustement des jambes. La vérité est que le bain m'a renravies. Mais que servent les meilleures institu- forcé les jambes et fortifié la poitrine. BOIL. On tions quand enfin elles dégénèrent en pures céré-fortifie une place en renforçant la garnison, c'estmonies? Les délibérations des féciaux ne furent bientôt plus qu'une formalité inutile. Boss. Parle-t-on des formes comme de quelque chose qui mérite peu qu'on y ait égard, on les appelle des formalités. « Comme le prince de Condé (à Que si, d'un autre côté, renforcer prend quelson lit de mort) donnait des ordres, averti qu'il quefois l'acception morale, c'est abusivement, et fallait écrire et ordonner dans les formes, il répéta dans le discours commun, pour ne pas dire famisouvent, Monseigneur, qu'il vous connaissait, qu'il lier, ou bien pour exprimer quelque chose de maun'y avait sans formalités qu'à vous dire ses inten-vais ou de blamable. Douze ans d'études, sans tions. Boss.

Formalité, on le voit par ces exemples, se prend plus volontiers que son synonyme dans le sens de formaliste, c'est-à-dire pour exprimer quelque chose de frivole, de tout extérieur, une espèce de

à-dire qu'on produit une sorte de qualité ou de vertu secrète, un accroissement de puissance défensive, en augmentant matériellement le nombre des défenseurs.

compter les années que de bons parents font doubler à leurs enfants, pour les renforcer, disent-ils! » BERN. « Cette Eglise, à peine établie (sous Constantin), était déchirée par les disputes de ses prêtres devenus presque tous sophistes, depuis que le pla

tonisme avait renforcé le christianisme. » VOLT. Ce qui prouve combien renforcer est inférieur à son synonyme par le rang, c'est l'usage qu'on en fait au participe, pour signifier toujours, figurément et familièrement, quelque chose de mauvais, de méprisable ou de ridicule. Un âne (LAF.), un pédant (LAH.), un fat (ACAD.) renforcé. L'Opéra-Comique n'est autre chose que la Foire renforcée. Je sais que ce spectacle est aujourd'hui le favori de la nation; mais je sais aussi à quel point la nation s'est dégradée. » VOLT.

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Enforcir n'est pas français. On en trouverait difficilement un seul exemple ailleurs que dans les dictionnaires.

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grand soin. » ROLL. Mais il arrive souvent de fure-
ter par pure curiosité, pour le seul plaisir de sa-
voir, en simple nouvelliste :

Don Lope venant dans mon appartement,
Par une liberté qu'on lui voit se permettre,
A fureté partout, et trouvé cette lettre. Mo..

On fouille plutôt par autorité, parce qu'on en a le droit ou qu'on en est chargé. « Il répondit qu'il avait ordre de fouiller dans ses papiers. » ROLL. « M. Le Peletier avait eu commission de visiter la haute Auvergne, et fouillait les greffes de toutes les montagnes avec plus d'exactitude qu'on ne saurait imaginer. FLECH. L'action de fureter, au contraire, est presque toujours arbitraire ou indiscrète. « Saumery était du naturel des rats qui se hâtent de sortir d'un logis, lorsqu'il est prêt de crouler. Il furetait tout et en tant de sortes de lieux qu'il ne lui fut pas difficile de voir la déca

vol à d'Alembert qui avait pu trouver le moyen de fureter ces papiers et d'en enlever ce qui lui avait plu. » J. J. Dans l'Avare, Harpagon fouille bien partout pour voir si on l'a volé, et son domestique, La Flèche, est accusé par lui d'être un espion dont les yeux maudits furettent de tous côtés pour voir s'il n'y a rien à voler (MOL.).

Conforter et réconforter, dans l'acception figurée, sont des archaïsmes. Au propre, s'ils se disent encore, c'est bien rarement, et seulement quand il s'agit de soins donnés au corps. Conforter est usité uniquement ou presque uniquement en mé-dence de M. de Beauvilliers. S. S. « J'imputai ce decine. Les Lapons se servent d'une espèce d'huile de fromage pour se frotter à l'endroit où ils souffrent, et le remède est toujours suivi d'un succès et d'un effet merveilleux; il conforte la poitrine, emporte la toux, et est bon pour toutes les contusions. » REGN. Réconforter, qui marque une action plus forte ou une action venant après un affaiblissement qu'elle répare, ne s'emploie guère plus que conforter dans la langue commune si ce n'est en plaisantant ou en badinant. « Je me réconforte | dans mes disgrâces en buvant de meilleur vin que le bon homme Loth. » VOLT. Vert-Vert partageait Tous les sirops dont le cher père en Dieu, Grâce aux bienfaits des nonnettes sucrées, Réconfortait ses entrailles sacrées. GRESS. FOUILLER, FURETER. Ces verbes signifient l'un et l'autre, au figuré, rechercher curieusement.

Quand il s'agit de recherches faites ou à faire dans des papiers, des livres ou des bibliothèques, fouiller exprime un travail sérieux, et fureter un amusement. « Pour composer un livre utile sur cet objet, il faut avoir fouillé, pendant une année entière au moins, dans les registres.» VOLT. Quand j'allais à Genève, je logeais chez elle, et je m'amusais à fureter et feuilleter les livres que mon oncle avait laissés. » J. J.

α

FOURNI, GARNI, MUNI, ARMÉ, POURVU. Ces mots expriment le contraire d'un manque ou d'un défaut, ou, ce qui revient au même, la présence de quelque chose dans le sujet qu'ils qualifient.

Mais on fouille en creusant, en pénétrant vers le fond « Dieu entre jusque dans les replis les plus intérieurs de l'âme, il sonde jusques aux plus profonds abîmes du cœur, il examine, il fouille, il Fourni est relatif à la quantité. Ce qui est recherche. » BOURD. On furette en allant dans tous fourni d'une chose en a assez ou beaucoup, suffiles sens, de tous les côtés, comme le furet, qui | samment ou en abondance. Dans une de ses visite un terrier de lapin: Allons, tâchons à acceptions fournir signifie suffire, satisfaire, et trouver ce Géronte, cherchons partout. Courons pris adjectivement fourni veut dire, épais, toute la ville. N'oublions aucun lieu. Visitons tout. touffu chevelure bien fournie. -«Etre abonFuretons de tous les côtés. » MOL. damment fourni de tout. » ACAD. « Leurs majestés catholiques y prennent le plaisir de la pêche, cette pièce d'eau étant assez fournie pour cela de poisson. » S. S. « Rien n'est plus rare que le livre de Gaulmin, et j'ai été obligé de le faire venir de Hambourg. Je ne suis pas mal fourni de ces drogues-là. » VOLT.

Une autre différence, d'une application plus générale, et déjà indiquée par le rapprochement des deux exemples qui précèdent, c'est que fouiller est de tous les styles, et fureter, du familier seulement. Celui qui fouille creuse la terre pour y chercher et en tirer quelque chose, action qui n'a rien de bas, et c'est pourquoi fouiller dans le sens dont il s'agit se dit de Dieu lui-même. Mais celui qui furette est un furet ou imite le furet, petit animal carnassier qui chasse et dont on se sert pour chasser les lapins; ce qui donne à l'esprit l'idée d'une action animale commune, qui ne peut être attribuée à un homme que familièrement ou par badinage.

Fouiller suppose quelque chose d'important à découvrir; c'est un mot qui convient particulièrement bien à la police: «< Denys le Tyran n'allait jamais de nuit dans la chambre de ses femmes sans avoir fait fouiller partout auparavant avec

Je trouve ici, monsieur, beaucoup de circonstances:
Vous en avez sans doute un trésor infini;
Votre hymen de Poitiers n'en fut pas mieux fourni.
CORN.

Garni est relatif à la manière. Ce qui est garni d'une chose en a tout du long, tout à l'entour, et de façon qu'il en résulte un heureux effet, quelque chose de complet ou de beau. Une rue garnie de trottoirs, une robe garnie de dentelles, une boîte garnie de diamants (ACAD.); une haie garnie d'arbrisseaux (J. J.). « Le napel est une très-belle plante haute de trois pieds, garnie de jolies fleurs bleues. » ID. Une boutique bien fournie de

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