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évidente son primitif latin obæratus, qui expri-] exemple. Dans la primitive Église on distinguait mait la même idée.

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divers ordres : les surveillants, iníoxoño; les anciens de la société, πpeabúτepot...; les catéchumènes qui attendaient le baptême, et les énergumênes qui attendaient qu'on les délivrât du démon (VOLT.). Au commencement de l'oblation

et les énergumènes (Boss.). Démoniaque, auquel correspond un mot français démon, comme à maniaque manie, à élégiaque élégie, est un mot de la langue commune. « Tous les peuples ont cru à la magie, aux sorciers, aux démoniaques, aux apparitions. » VOLT. Des ecclésiastiques, ennemis secrets de Henri IV, imaginèrent de produire sur la scène une démoniaque pour confondre les protestants. » ID.

D'ailleurs, énergumène dit plus que son synonyme, il suppose une plus grande fureur. « Les querelles de la religion achevaient d'ulcérer tous les cours. Les convulsionnaires surtout étaient des énergumènes atroces qui disaient hautement qu'il fallait du sang. » VOLT. Le démoniaque, selon la valeur de la terminaison de ce mot, tient seulement du démon, y a rapport, au lieu que l'énergumène en est proprement travaillé ou tourmenté comme anciennement la pythonisse par le dieu qui s'emparait de son esprit. Pour peu qu'un homme se démène en agissant ou en parlant, on dit, surtout en style de conversation, qu'il fait le démoniaque (FÉN.), qu'il prend un ton de démoniaque. << Il me semble qu'un roi qui s'entretient tout seul avec son capitaine des gardes parle un peu plus humainement et ne prend guère ce ton de démoniaque. » MOL.

Endetter, s'endetter, endetté s'emploie à l'égard de tout le monde, et spécialement en parlant des particuliers, même les moins considérables. « Les Hollandais n'ont aucune commisération de ceux qui font des dettes. Ils pensent que tout homme on renvoyait les catéchumènes, les pénitents endetté vit aux dépens de ses concitoyens s'il est pauvre, et de ses héritiers s'il est riche. » CHAMF. «Mes affaires sont dans une fort mauvaise crise. Je suis déjà fort endetté, et je n'ai qu'une seule écolière. J. J. « Je me serais considérablement endetté à l'Ile de France si je n'y avais pas vécu d'herbes.» BERN. « Les pauvres (à Athènes avant Solon) étaient si endettés, qu'on les adjugeait tous les jours comme esclaves à leurs créanciers. » FÉN. Dans une lettre familière de Fénelon à sa belle-sœur on lit : « J'aurai encore la dépense des meubles pour mon logement, que je crains dans ces premières années, où je suis endetté. » — - Mais obérer, s'obérer, obéré sont préférables quand il est question d'une nation entière, d'un Etat, d'une ville, d'un gouvernement ou de quelque grand personnage. « Vous ruinez, par ces multiplications d'offices, la bonne police de l'Etat; vous obérez toute la nation. » FEN. «Quand le despotisme est notoirement obéré et banqueroutier. » ID. « Sicyone se trouvait alors extrêmement obérée. » ROLL. «< Croyez-vous que l'Etat en fût obéré?» DID. « Les dépenses augmentèrent, l'Etat s'obéra de plus en plus. » VOLT. «Un ministère malheureux, obéré, et ignorant. » In. « Mazarin gouvernait les finances comme l'intendant d'un seigneur obéré. » ID.« D'Arrouy, trésorier des Etats de Bretagne, s'obéra si bien que, quand il fallut compter, il ne put jamais se tirer d'affaire. » S. S. D'un autre côté, endetter, qui est d'un plus grand usage, convient seul quand il s'agit de marquer avec précision à combien s'élève l'excédant du passif sur l'actif, la somme qu'on est tenu et actuellement incapable de payer. « Antoine s'endetta de six millions de sesterces. » ROLL. « Les largesses de César l'avaient endetté de treize cents talents. » COND. « Le roi vint au secours de la Comédie-Francaise, qu'un désordre antérieur avait endettée de quatre cent quatre-vingt-sept mille livres. >> BEAUM. « La France et l'Angleterre, pour s'être fait la guerre, se sont trouvées endettées chacune de trois milliards de nos livres. »> VOLT. Avec obérer, au contraire, on ne détermine jamais le montant de la dette; c'est un mot dont on ne se sert que d'une manière absolue. Aussi est-il seul propre à désigner une fâcheuse situation, non pas relative, à tel ou tel degré, mais complète, un épuisement de fortune. Qui est endetté a une dette ou des dettes; qui est obéré est accablé de dettes. « Des familles obérées, ruinées sans ressource et tombées dans la dernière mendicité. » BOURD.

ENERGUMÈNE, DÉMONIAQUE. Au propre, un homme possédé du malin esprit; au figuré, un homme qui se livre des emportements.

ENFONCÉ, ABIMÉ, ABSORBÉ. Ces mots s'emploient en parlant d'un homme qu'ils représentent comme entièrement plongé dans certaines choses, au figuré.

Mais d'abord enfoncé dit moins qu'abîmé. Mme de Sévigné écrit à sa fille au sujet d'un dérangement de fortune de M. de Grignan : « Bon Dieu! quel horrible mécompte! Jamais il ne fut une telle dissipation: on est quelquefois dérangė; mais de s'abimer et de s'enfoncer à perte de vue, c'est ce qui ne devrait point arriver. » Abimé veut toujours dire enfoncé à perte de vue ou enfoncé dans une chose où on est perdu ou comme perdu. On est enfoncé dans une étude (ACAD., S. S.); enfoncé, c'est-à-dire plongé profondément ou jusqu'au fond; mais on est abimé dans une rêverie (VOLT.), c'est-à-dire qu'on est engagé en pensée dans quelque chose de vague, d'illimité, qui est sans fonds et sans bornes. Un théologien érudit est sans cesse enfoncé dans la sainte Ecriture (VOLT.); un mystique est continuellement abîmé en Dieu (BOURD., SEV.), dans la contemplation de l'infini, ou, selon l'expression de Bossuet, dans l'incompréhensibilité de l'Être divin. Enfoncé dans le sommeil (CORN.), on dort profondément, rien de plus; abîmé dans la mort, abimé de dettes, on se trouve comme quand on est abimé dans les flots, c'est-à-dire perdu, c'en est fait.

Ces deux mots sont pris du grec, èvepyoúμevos, Absorbé, du latin sorbere, humer, attirer avec datuoviaxós. Cependant le premier a seul un air la bouche, et ab, de, hors de, loin de, a cela de de science, ce qui en fait plus particulièrement propre, qu'il est relatif. Il se rapporte aux choses un terme de théologie comme catéchumène, par | dont on est tenu éloigné par celle à laquelle on

est appliqué. L'homme enfoncé ou abîmé dans ses réflexions est considéré en soi, comme étant dans tel état; mais celui qui est absorbé dans ses réflexions est considéré par rapport à tout le reste, comme hors d'état d'y penser, comme abstrait. «Quoique je sois absorbé dans des in-folio, je n'oublie pourtant pas Corneille. » VOLT. « Vos concitoyens sont tout absorbés dans leurs occupations domestiques, et toujours froids sur le reste. J. J. Tu découvrirais des vérités qui te paraîtraient si dignes de ton application, qu'absorbé dans la contemplation de ton être tu ne pourrais plus penser à autre chose. » MAL. « Le bon gros bourgmestre, absorbé dans la contemplation de Mme de Blumm, ne s'était d'abord aperçu de rien. » BOUFFL. Quand votre attention est absorbée par un objet, il ne vous en reste plus à donner aux autres. Une seconde différence, conforme à la première, a été indiquée par Eberhard: c'est qu'absorbé, exprimant proprement une préoccupation, est purement intellectuel, ne regarde que l'esprit, au lieu que en- | foncé et abimé sont d'une application plus générale, et se disent bien, par exemple, quand il est question de l'âme et de ses états. On est absorbé dans ses pensées ou dans la lecture d'un livre (VOLT.); on est enfoncé dans le chagrin (CORN.), abimé dans la douleur (Boss.).

ENHARDIR, ENCOURAGER. Déterminer quelqu'un à ne pas craindre, à ne pas reculer.

D'abord, c'est toujours à agir qu'on enhardit, et c'est quelquefois à souffrir qu'on encourage. « Jésus-Christ avait souvent encouragé ses disciples à souffrir. >> MASS.

Et quand encourager se prend comme enhardir par rapport à quelque chose à faire, il en diffère encore. La personne qu'on enhardit craint d'entreprendre, hésite, manque d'assurance; et celle qu'on encourage craint de succomber, se laisse abattre, manque de fermeté. Si tel homme n'était enhardi, il ne se porterait pas à agir; si tel autre n'était encouragé, il ne se soutiendrait pas en agissant, il se relâcherait et céderait.

« Faiblesse que le parlement mépriserait et qui l'encouragerait à aller plus avant. » S. S. — L'occasion vous enhardit; un premier succès vous encourage.

Comme encourager se dit seul quand il est question de quelque chose à souffrir, et non pas à faire, de même il y a des cas où enhardir est le seul mot qui convienne. C'est, par exemple, quand il s'agit d'exprimer l'idée de faire en sorte qu'une personne prenne l'essor, se hasarde, se lance, se produise, et non pas fasse une action suivie qui demande qu'on persévère, qu'on ne se démente point. «Ronsard n'avait pas tort de tenter quelque nouvelle route pour enhardir notre poésie. » FÉN. Pareillement on dit que l'éducation publique enhardit (ROLL.), et non pas encourage, un jeune homme, en l'accoutumant à aborder les gens sans crainte. « Je mourais d'envie de parler; je n'osai jamais. Plusieurs raisons renforçaient ma timidité naturelle.... Je ne trouvais dans les manières de Mme Dupin rien d'assez agaçant pour m'enhardir. » J. J.

En deux mots, on enhardit la timidité en faisant qu'elle ose, et on encourage la faiblesse en faisant qu'elle souffre ou qu'elle agisse avec constance.

ENLÈVEMENT, RAVISSEMENT, RAPT. Action de s'emparer d'une personne et de l'emporter ou de l'emmener avec soi : l'enlèvement, le ravissement, le rapt des Sabines.

Enlèvement, action de lever en soi, avec soi, est de ces trois mots le plus général. Il ne suppose pas nécessairement que l'action qu'il exprime soit faite avec violence, sans le consentement de la personne, ni que ce soit un crime. Fénelon écrit à La Motte: « Paris vous retient; vos amis disputent à qui vous aura; je ne pourrais vous espérer à mon tour que par un enlèvement de la main de M. Destouches. »<«< Un grand seigneur l'enleva, et j'appris que, éblouie de la qualité de son ravisseur, elle avait consenti à l'enlèvement. » LES. << Elle ne résistait plus que par un reste d'honneur, aisé à détruire; en effet, après quelques difficultés, elle consentit à un enlèvement. » ID.

Ravissement, du latin rapere, se saisir, emmener de force, entraîner, implique toujours l'idée de la violence : une femme ravie l'est contre son

d'Europe (FEN., LES.). « Comment exprimer les mouvements de fureur et de pitié qui s'élevèrent dans le cœur de don Quichotte, si sensible au ravissement des pucelles? » LES. Du reste, ravissement est peu usité dans cette acception, parce qu'il en a une autre et qu'il est à craindre qu'on ne les confonde.

C'est donc pour commencer, pour attaquer qu'on enhardit ou qu'on a besoin d'être enhardi. « Le flatteur enhardit la timidité du crime. » MASS. Si l'amour m'enhardit, l'amitié m'intimide. CORN. « Cet assoupissement du régent le rendait mégré, n'a point consenti à l'être. Le ravissement prisable, et enhardissait ses ennemis et ceux de l'Etat à tout oser et à tout entreprendre. » S. S. « Eloignez de moi, ô mon Dieu, une autre sorte de confiance qui enhardit les libertins à se révolter contre vous par l'espérance de l'impunité. » Boss. « Le roi parlait de Richelieu avec tant d'aigreur, qu'il enhardit Cinq-Mars à lui proposer plus d'une fois de l'assassiner. » VOLT. Mais c'est à l'exécution que se rapporte encourager; il fait considérer l'action pendant qu'elle se fait, et non pas avant ou au début. « Il faut encourager la faiblesse.» Boss. «Ils m'encouragèrent à continuer. » ACAD. « Compter que ce que nous aurons entrepris et commencé avec la grâce, elle nous le fera soutenir et achever; nous encourager et nous affermir contre les répugnances et les révoltes de la nature par ce généreux sentiment: Je puis toutes choses en celui qui me fortifie. » BOURD.

Rapt, dérivé également de rapere, indique de même que ravissement une action violente. Mais comme il se distingue néanmoins de son synonyme sous le rapport étymologique, en ce qu'il est pris immédiatement d'un mot latin de même forme et de même signification, raptus, il se dit particulièrement en style de palais, et il est relatif à la criminalité du fait. Le rapt est un ravissement considéré comme une action qui mérite d'être poursuivie et punie par la justice. Ce dernier caractère prévaut même dans rapt sur celui de la

violence. En sorte qu'on reconnaît un rapt de sé- | sait que les armées romaines portaient dans leurs duction qu'on oppose au rapt de violence. Mais, comme l'observe fort bien l'Académie, le rapt de violence est le rapt proprement dit. Etre coupable ou accusé de rapt, du crime de rapt; puni pour un crime de rapt.

Ce jeune homme d'un rapt a médité le crime. Duc.. « La mythologie est un amas de vices et de crimes déifiés : l'impudicité, l'adultère, l'inceste, le viol, le rapt, la fourberie, le larcin, le parricide même avaient leurs exemples parmi les dieux. »> MARM.

Ainsi, l'enlèvement des Sabines est l'expression commune et la moins significative; le ravissement des Sabines fait entendre que les personnes enlevées le furent malgré elles; et le rapt des Sabines présente l'action au point de vue du droit, comme un attentat.

enseignes les images de leurs dieux et de leurs césars? Boss. Marius avait un aigle sur son bouclier, et l'aigle commença dès lors à être l'enseigne des Romains. » MARM. « Du temps que les Romains avaient une poignée de foin au bout d'une perche pour enseigne. » VOLT. « Les troupes confédérées des Gaules marchaient sous les enseignes de leurs chefs: c'étaient des peaux de loup, d'ours, de vautour, d'aigle, ou de quelque autre animal malfaisant, suspendues au bout d'une gaule. » Bern.

La bannière, aujourd'hui reléguée dans les églises, est une enseigne dont on se servait au moyen âge, au temps de la chevalerie. « L'escadron de Philippe-Auguste (à la bataille de Bouvines) était remarquable par la bannière royale semée de fleurs de lys. » Boss. « Il y avait (chez ENNUYEUX, FASTIDIEUX (DÉGOÛTANT). | les Français du moyen âge) deux sortes de cris Qui n'amuse pas ou n'attache pas, qui manque de guerre le cri général (Montjoye!), et le cri d'intérêt. « Cela supposerait une immensité de des seigneurs particuliers qui avaient droit de paroles, et de paroles très-ennuyeuses pour la des-lever bannière. » VERT. « Les seigneurs de fiefs, cription des couleurs dans les oiseaux.... Ces portraits d'oiseaux les font mieux connaître d'un seul coup d'œil que ne le pourrait faire une longue description aussi fastidieuse que difficile. » BUFF. « Soyez sûr qu'il n'y a rien de plus ennuyeux, de plus fastidieux que tous les écrits et tous leurs auteurs. DUDEFF.

Ma sœur est doucereuse;
Mais une humeur pareille est bientôt ennuyeuse;
Rien n'est fastidieux comme l'égalité. DEST.

qui amenaient leurs vassaux sous leurs bannières, furent appelés chevaliers bannerets. » VOLT. « Le roi Louis le Jeune donna des priviléges à toutes les villes de son domaine, à condition que chaque paroisse marcherait à l'armée sous la bannière du saint de son église, comme les rois marchaient eux-mêmes sous la bannière de saint Denis. » ID. Si même des guerriers attaquaient Saladin, Quand je reconnaîtrais la bannière chrétienne, Ce manteau, cette croix n'ont rien qui me retienne. Ce qui est ennuyeux cause l'ennui, et ce qui est (Montfort, templier, dans Nathan le Sage). CHÉN. fastidieux, fastidiosus, de fastidium, dégoût, pro- L'étendard et le drapeau sont des enseignes duit le dégoût. D'où il suit que fastidieux dit plus dont on fait actuellement usage dans nos armées, qu'ennuyeux. L'ennui est seulement un état tout avec cette grande différence que la cavalerie a des passif de malaise et de langueur, au lieu que le étendards et l'infanterie des drapeaux. « J'ai vu dégoût implique l'idée d'un soulèvement contre (à Notre-Dame) les drapeaux et les étendards qu'a ce qui en est l'objet. La chose ou la personne en-envoyés M. de Catinat. Il y a cent drapeaux, nuyeuse est insipide, sans agrément; la fastidieuse et quatre étendards seulement; ce qui marque est fade, rebutante, elle excite un sentiment d'a- que la cavalerie ennemie n'a pas fait beaucoup de version. Un récit ennuyeux assomme; un récit résistance et a de bonne heure abandonné l'infanfastidieux donne des nausées pour ainsi dire, re-terie, laquelle a presque été toute taillée en pousse, inspire de l'éloignement. pièces. » RAC.

C'est, quoique un peu affaiblie, la même différence qui existe entre ennuyeux et dégoûtant, ennui et dégoût, ennuyé et dégoûté. « L'ennuyeux, je dirai plus, le dégoûtant pour un lecteur instruit de ce dehors public échappe bientôt à la connaissance de la postérité. » S. S. « Nous portons partout avec nous l'ennui, le dégoût et l'horreur pour ainsi dire de nous-mêmes. » MASS. Ennuyé, dégoûté de la vie, je n'y cherchai plus d'autre plaisir que celui de vous la rendre agréable. » J. J.

Mais, comme ordinairement les deux mots se prennent d'une manière large et vague, sans qu'on considère s'il s'agit de troupes à pied ou à cheval, il est besoin d'une nouvelle distinction pour suppléer à l'insuffisance de la première.

Étendard, ce qu'on étend, signifie l'objet tout entier qu'on expose aux yeux; au lieu que drapeau, morceau de drap, n'indique qu'une partie, celle qui flotte autour de la hampe, l'étoffe. L'étendard royal de France était un bâton doré avec un drapeau de soie blanche, semé de fleurs de ENSEIGNE, BANNIÈRE, ÉTENDARD, DRA-lis. » VOLT. Ou bien l'étendard est général, caPEAU, GUIDON. Signes militaires de ralliement. ractéristique, le drapeau n'étant qu'individuel ou Enseigne, latin insigne, formé de signum, signe, particulier. « Vous l'auriez vu (le prince de Conti) marque, ne s'emploie que comme terme générique prenant lui-même des mains d'un de nos officiers pour définir ses synonymes: bannière, étendard, blessés le drapeau qu'il est hors d'état de porter....; drapeau et guidon expriment chacun une sorte courant porter au milieu des ennemis, avec l'étend'enseigne. Toutefois c'est un mot particulière-dard de la France, le signal de la victoire.» MASS. ment usité en parlant des armées des anciens, de celles des Romains surtout. « Alcibiade, arborant sur son bord amiral les enseignes athéniennes, fondit sur les Lacédémoniens. » ROLL. « Qui ne

Ou bien enfin étendard est plus noble, et c'est à cause de cela apparemment qu'on attribue des étendards à la cavalerie, et que de tous les mots ici examinés étendard est le seul qui se dise en

termes de science, en botanique. « Un drapeau | spéculatives ou relatives à l'esprit; on montre lui est confié; ce devait être en ses mains l'étendard de la victoire. » THOM.

L'impiété marche à front découvert....

Sous ses drapeaux, sous ses fiers étendards,
L'œil assuré, courent de toutes parts
Ces légions, ces bruyantes armées
D'esprits subtils, d'ingénieux pygmées.
J. B. ROUSSEAU.

- D'ailleurs, on dit lever l'étendard, et non pas lever le drapeau, pour signifier se soulever, s'insurger, se porter contre, déclarer la guerre ; d'où il suit qu'étendard seul emporte nécessairement une idée d'agression, de guerre ou d'hostilité. Ce ne sont pas en effet des étendards, mais des drapeaux qu'on déploie ou qu'on porte dans certaines circonstances, cérémonies ou fêtes qui n'ont rien que de pacifique. « Il a déposé l'étendard de la guerre, qui tire son droit de la force, pour arborer le drapeau de la justice, qui ne tient son pouvoir que des lois. » BEAUM.

Se ranger sous les enseignes de quelqu'un, c'està-dire prendre son parti, ne s'emploie bien qu'en parlant de l'antiquité Les soldats de Lépide l'abandonnèrent pour se ranger sous les enseignes d'Octave (ROLL.). Se ranger sous la bannière de quelqu'un convient quand il est question du moyen âge, ou c'est une expression familière, parce qu'elle rappelle le bon vieux temps et qu'on ne se sert plus de bannières que dans les églises. Parmi tant de chevaliers, le Cid fut celui qui se distingua le plus contre les musulmans. Plusieurs chevaliers se rangèrent sous sa bannière. » VOLT. Se ranger sous l'étendard ou les étendards de quelqu'un est une manière de parler noble ou prétentieuse ou qui suppose que le parti qu'on embrasse est en armes, en insurrection ou en guerre. Se ranger sous les drapeaux de quelqu'un est du style ordinaire, relatif à ce qui se passe de nos jours et propre à marquer une adhésion à un parti quelconque.

plutôt ce qui se réduit à un exercice du corps et se démontre par l'exemple, principalement, la danse, l'équitation, l'escrime, à lire, à écrire, à chanter, à coudre, etc. » A peine me montra-t-on à lire et à écrire; on s'attacha moins encore à m'enseigner les principes de ma religion. LES. «< Enseigne-lui la langue castillane; mais montre-lui en même temps à chanter et à jouer de la guitare. » ID. « Il y avait des maîtres qui montraient à monter à cheval et à faire des armes; et d'autres qui se chargeaient d'enseigner aux jeunes gens tout ce qu'il faut savoir pour exceller dans l'art militaire et pour devenir un bon commandant. » ROLL.

Comme il faut vivre, aucuns étaient lecteurs, Instituteurs, auteurs, prédicateurs; Aucuns montraient le chant à quelque belle; Aucuns, la danse; aucuns, Polichinelle.... Quant au héros, il enseignait surtout L'art d'acquérir esprit, talent et goût, Et des secrets pour avoir du génie. CHEN. ENSORCELER, FASCINER. C'est exercer sur quelqu'un une influence magique nuisible; c'est, par des maléfices, lui ôter la possession de luimême ou l'usage de ses facultés.

Ensorceler, mettre dans l'état d'un homme à qui on a jeté un sort, envers qui on a usé de sortilége, exprime une action complète, qui atteint toute la personne. Fasciner, fascinare, de fascia, bande, et particulièrement ce qui sert à bander les yeux, indique, au contraire, une action partielle qui n'attaque que la vue on dit proprement fasciner les yeux (BOURD., Boss., MASS., VOLT., J. J., DEST., LES.), ou la vue (BOURD., LES.).

Au figuré, de même. L'ensorcellement est une véritable aliénation de l'âme, qui fait qu'on ne s'appartient plus, qu'on est au pouvoir d'un autre. « On ne peut s'empêcher d'admirer l'ensorcellement des monarques abandonnés à un premier ministre. S. S. Mais la fascination ne va qu'à troubler la vue de l'esprit. « Il ne restait plus qu'à se servir de l'aveuglement de ce qui restait de cette noblesse fascinée. » S. S.

Guidon, chose destinée à guider, n'est ici que pour mémoire. Il n'appartient pas au langage commun c'est, pour ainsi dire, un terme technique. Anciennement les compagnies de gendarmes avaient un guidon, et de nos jours on En ensorcelant, on s'empare de toutes les puisappelle guidons de petits drapeaux carrés dont le sances de l'âme, principalement des sentiments, manche peut entrer dans le canon d'un fusil et du cœur, de la volonté, on subjugue; en fasciqui servent pour l'alignement dans les manoeu-nant, on ne fait qu'obscurcir l'intelligence, que vres de l'infanterie.

ENSEIGNER, MONTRER. Au propre, indiquer; au figuré, apprendre quelque chose à quelqu'un par leçons.

Au propre, enseigner marque une indication moins précise et moins directe. On enseigne en disant quelle est l'enseigne, à quelle enseigne on trouvera une personne, quelle est son adresse; on montre en indiquant du doigt ou de la main, en faisant voir la chose ou la personne qui est là, devant les yeux. « Je ne manquai pas de m'informer de la demeure de Samuel-Simon. Une personne me l'enseigne, on me la montre. » LES. Au figuré, enseigner s'applique à quelque chose de plus relevé, et montrer à quelque chose de plus commun. On enseigne les sciences, les arts libéraux, des vérités, des principes, des choses

SUPPL. SYN. FRANC.

l'empêcher de bien voir. « Cet attachement dont nous nous faisons une passion n'est qu'une fascination d'esprit, qu'un ensorcellement de cœur. ■ BOURD. Le fanatisme ensorcelle (VOLT.), l'intérêt fascine (BOURD.).

ENTENDRE (S'), ÊTRE D'INTELLIGENCE. Agir de concert.

A proprement parler, s'entendre exprime une action ou un fait, et être d'intelligence un état ou une qualité.

D'où il suit d'abord que s'entendre, mais non pas être d'intelligence, signifie quelquefois entrer en intelligence, former un concert ou se concerter. « J'ai besoin de m'entendre avec vous là-dessus. » ACAD. « Comme l'empereur avait répondu avec mépris, le czar pourrait aussi s'entendre avec la France, s'il y trouvait son compte, » S. S.

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Dans ces soupers privés un reste de circonspection fait inventer devant les laquais un certain langage entortillé, sous lequel feignant de rendre la satire plus obscure, on la rend seulement plus amère. » J. J. « De là dans l'abbé de Boismont le défaut trop fréquent de justesse dans la pensée et de propriété dans l'expression, l'affectation, l'obscurité, le jargon précieux et entortillé. » LAH.

Il s'ensuit, de plus, que s'entendre convient | faire. » Boss. mieux pour un fait particulier, un coup de main, et être d'intelligence pour quelque chose d'habituel, pour tout un genre de conduite. « Nous résolûmes de nous venger.... Les bourgeois pensaient que les flibustiers espagnols ne s'entendaient point avec nous; et toutefois ce furent ceux-ci qui nous livrèrent quatre des maris. » LES. « Les décemvirs poussèrent si loin leur fureur, qu'ils contraignirent une grande partie de la noblesse d'abandonner Rome; de sorte qu'il ne resta plus guère dans la ville que ceux qui étaient d'intelligence avec les tyrans. » ROLL.

D'un autre côté, quoiqu'on dise proverbialement, ils s'entendent comme larrons en foire, s'entendre se prend quelquefois en bonne part. «< Faire ce qu'on doit, s'entendre, être attentif l'un à l'autre, être résolu à tout et soumis à Dieu, c'est tout ce que doivent faire de bons généraux. » Boss. A plus forte raison emploie-t-on bien s'entendre quand on ne blâme ni ne loue. «<< Montgomery eût été en péril si le maréchal Damville et Montluc se fussent entendus. » Boss. Buffon dit en parlant des aigles : « Le mâle et la femelle paraissent s'entendre pour la chasse.» Mais être d'intelligence, comme entretenir des intelligences, suppose essentiellement un sourd dessein, une entreprise funeste, un complot, une perfidie. « Notre raison, prenant parti contre nous-mêmes, commencerait à s'accorder et à être d'intelligence avec la passion. >> BOURD. «L'imposture de Stair alla jusqu'à avertir les ministres d'Angleterre que le régent était d'intelligence avec les jacobites qui méditaient quelque entreprise. » S. S. «< On surprit un transfuge nommé Arion, qu'Acanthe envoyait vers Adraste pour lui assurer qu'il empoisonnerait les principaux rois avec Télémaque. On soupçonna qu'il était d'intelligence avec Acanthe. » FEN. <«< Ils étaient accusés d'être d'intelligence avec les ennemis de l'Etat.» BERN.

Vous ne répondez point. Mon fils, mon propre fils,
Est-il d'intelligence avec mes ennemis ?
(Thésée). RAC.

D'autre part, le style contourné, outre qu'il pèche contre le naturel, sent l'effort et le travail; c'est ce qui résulte de la valeur attachée à la particule initiale con. Si ce qui est entortillé n'est pas clair, ce qui est contourné n'est pas aisément tourné ou facile. «< La versification de Piron est de la mauvaise prose richement rimée et durement contournée.... Ce qui la caractérise, c'est la dureté la plus rebutante.... Aucun auteur, depuis Chapelain, n'a eu un style plus péniblement martelé. » LAH. « Du Belloi écrivait ses pièces comme il les avait conçues, avec effort et recherche; et comme ses combinaisons sont ingénieusement pénibles, le langage de ses personnages est bizarrement contourné. La facilité, l'harmonie, la grâce, l'élégance lui sont partout étrangères. » ID.

ENTREPRENDRE, ATTENTER. Se porter ou chercher à nuire, à faire du mal, à blesser, à commettre une violence.

L'entreprise est moins forte que l'attentat, moins audacieuse, moins criminelle; elle a pour objet quelqu'un ou quelque chose de moins considérable.

« Il fut dit que Veltius serait mis en prison et que, si quelqu'un l'en tirait, le sénat regarderait cette entreprise comme un attentat contre la république. » ROLL. « Le vieux roi Josaphat ne permit pas à ses ministres d'attenter sur les ministres des choses sacrees, ni réciproquement à ceux-ci d'entreprendre sur les droits royaux. » Boss. Dans la suite le pape entreprendra sur de nouvelles provinces, et il osera même attenter jusque sur les souverains. » COND. Moi qui ne voudrais pas qu'on entreprit sur le moindre de mes droits, j'attente sur le domaine de Dieu en lui ôtant mon cœur (BOURD.).

ENTREPRENDRE, PRENDRE A TÂCHE. Se proposer de faire quelque chose de hardi ou de difficile.

Philippe m'a trahi : cet esclave infidèle Étail d'intelligence avec tous les proscrits. CRÉB. Mais c'est un crime affreux, qui ne peut s'exprimer, D'être d'intelligence avec le meurtrier. VOLT. Dans son commentaire sur l'Héraclius de Corneille, Voltaire caractérise la fin d'une des scènes Entreprendre, se proposer une entreprise ou de la pièce en disant : « La fin de cette scène ap- comme une entreprise, se dit bien en parlant d'un proche un peu trop d'une scène de comédie dans acte ou d'un fait particulier, qui est simple et non laquelle personne ne s'entend. » La scène en- pas suivi. Entreprendre de résoudre une question tière lui avait paru, suivant ses propres expres-(PASC., J. J.). « Les Gaulois, dans Rome, ayant sions, « une conspiration dans laquelle personne n'est d'intelligence. »

ENTORTILLÉ, CONTOURNÉ. Au figuré, ces deux mots se disent du style, et servent à lui attribuer un défaut de naturel.

α

reconnu que le rocher du Capitole n'était pas aussi impraticable qu'on le croyait, entreprirent d'y monter. ROLL. « Essayez d'animer l'indolent, vous n'y parviendrez pas plus que si vous entrepreniez de donner la vue à un aveugle-né. VOLT. « J'enMais chacun d'eux cependant se distingue par treprends (dans ce sermon) de vous expliquer une idée accessoire qui lui est propre.

Le style entortillé ne manque pas seulement de naturel, il est, de plus, enveloppé, embarrassé, obscur. « Pour se mieux cacher, saint Clément affecte de parler sans suite; souvent il embarrasse et il entortille exprès son discours; car, au reste, quand il veut parler nettement, il le sait bien

deux secrets de la vie chrétienne qu'il vous est important de savoir. » BOURD. Mais prendre à tâche, se faire une tâche, un objet d'efforts continuels, donne l'idée de quelque chose de long à l'égard de quoi on se fait tout un système de conduite. « C'est la source des combats des philosophes, dont les uns ont pris à tâche d'élever

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