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e point indéfiniment, un individu vague; c'est | fier la manière d'agir d'un particulier. « Vous m'aquelque homme déterminément, c'est-à-dire un tel | vez défendu expressément de me charger d'auet un tel.» ID. « Je ne dirais plus que ce grand cune affaire auprès de vous. MOL. Formelle- changement fùt arrivé déterminément dans deux ment, en forme ou dans les formes, convient jours, mais peu à peu, et dans un espace de mieux pour un acte public, pour ce qui émane de temps indéfini. » VAUG. l'autorité. Tout ce qui n'est pas formellement défendu par l'Eglise n'est pas pour cela permis. » BOURD. D'ailleurs expressément se rapporte plutôt à l'intention, et formellement au résultat. Tel auteur traite expressément d'une science (P. R.), et telles ou telles opinions se trouvent formellement dans son livre (PASC.). Pour savoir si un pape a expressément approuvé une doctrine (Boss.), il faut voir s'il s'en est formellement expliqué (Bourd.).

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Précisément, d'une manière précise, distincte, non équivoque, exclut la confusion. C'est un mot essentiellement relatif ou comparatif, et non pas absolu comme le premier. Nous connaissons si bien l'infini que nous le distinguons précisément de tout ce qu'il n'est pas. » FEN. « L'esprit du paysan s'adresse précisément à ceux des nerfs ou des muscles dont il a besoin, et il ne prend point les uns pour les autres. » ID. «< Toutes les fois qu'on parle du nombre pair, entendre précisément que c'est celui qui est divisible en deux parties égales. » PASC. « De déterminer précisément qui des trois le doit emporter, je ne le crois pas possible.» LAF.

Justement, d'une manière juste, exacte, et, pour ainsi dire, coïncidente, ressemble beaucoup à précisément. Il en diffère cependant en ce qu'il est objectif. Au lieu d'indiquer, comme précisément, la manière dont les hommes entendent, disent ou font les choses, il sert à marquer comment les choses sont ou arrivent. « En France, par un bonheur admirable, la capitale se trouve plus près des différentes frontières, justement à proportion de leur faiblesse.» MONTESQ.

La tortue enlevée, on s'étonne partout
De voir aller en cette guise
L'animal lent et sa maison,
Justement au milieu de l'un et l'autre oison. LAF,

Je sentais bien que je vous étais quelque chose de plus qu'à l'ordinaire depuis que je suis ici: je ne savais pas bien précisément ce que c'était, mais vous me le dites; c'est justement que je suis votre voisine. >> SEV. On dira qu'un homme vient à un rendez-vous précisément à l'heure indiquée quand on voudra donner une idée de sa manière d'agir, de sa ponctualité; mais si c'est par rencontre qu'il survient, on dira le voici justement.

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Ciel! comme il m'écoutait! par combien de détours
L'insensible a longtemps éludé mes discours! RAC.
Mais dans la comédie des Plaideurs, c'est biais
qui devait être et qui a été préféré par Racine.
Je ne sais quel biais ils ont imaginé,

Ni tout ce qu'ils ont fait; mais on leur a donné
Un arrêt par lequel, moi vêtue et nourrie,
On me defend, monsieur, de plaider de ma vie.

De même Voltaire. Dans sa tragédie de Brutus,
Arons dit de Titus :

Un regard de Tullie, un seul mot de sa bouche
Peut plus pour amollir cette vertu farouche
Que les subtils détours et tout l'art séducteur
D'un chef de conjurés et d'un ambassadeur.
Et, d'autre part, on lit dans une des lettres fami-
lières de ce même écrivain : « Il ne serait pas
mal que l'on trouvât un jour quelque biais pour
que le fond l'emportât sur la forme. » — Dans la
haute comédie un personnage distingué, Alcmène
dans Amphitryon, par exemple, emploiera détour.

Si vous cherchez, dans ces transports confus,
Un prétexte à briser les nœuds d'un hyménée
Qui me tient à vous enchaînée,
Tous ces détours sont superflus. MOL.

valet.

Positivement, d'une manière positive, assurée, et non pas négative, hypothétique, incertaine, exclut le doute. Si j'entends dire à trois ou quatre personnes seulement que Gand est pris, je commence à croire la chose, mais en doutant. Que si la nouvelle se confirme, et que tout le Mais biais sera mieux placé dans la bouche d'un monde le mande positivement, je m'en tiens assuré.» Boss. « Ce serait donner un trop eruel démenti au docte Servius, qui assure positivement le contraire. » BOIL. «< Conjectures qu'il est impossible de prouver positivement.» P. R. « Voilà tout ce que je puis dire sur cet article; je ne tarderai pas à vous parler plus positivement; mais jusqu'à présent cet arrangement est très-c'est-à-dire loyal, franc; un habile détour (S. S.). douteux. » J. J.

Expressément et formellement, d'une manière expresse ou formelle, c'est-à-dire explicite et non tacite, excluent le silence, les réticences, les sous-entendus. On déclare, on défend quelque chose expressément ou formellement. Mais expressément, exprès, à dessein, se dit bien pour signi

Il faut voir maintenant quel biais je prendrai.

(Mascarille, dans l'Étourdi). ID. Ensuite, le détour est plus subjectif, a plus de rapport aux personnes on dit bien les détours de quelqu'un; Ulysse était un homme inépuisable en détours et en finesse (FEN.); être sans détour,

Mais le biais est plutôt objectif, relatif aux choses, c'en est une face ou un côté: on ne dit pas les biais de quelqu un, mais bien les biais d'une affaire, les affaires compliquées ont mille biais par où on les peut prendre (COND.). Trouver un détour ressemble plus à trouver une ruse, et trouver un biais à trouver un joint ou le joint. Un

<< En pareil cas, devenir marque seulement qu'on est ce qu'on n'était pas, quelle qu'en soit d'ailleurs la cause; et se rendre marque qu'on le devient par sa conduite.» COND.

bon détour est bien inventé; un bon biais est DEVENIR, SE RENDRE illustre, ridicule, imjuste, celui qu'il faut. Dans le Misanthrope, Cé-portun, etc., c'est-à-dire arriver à l'être, ne l'ayant limène ayant supposé que le billet dont se plaint pas été jusque-là. Alceste était pour une femme, Alceste reprend : Ah! le détour est bon, et l'excuse admirable !... Osez-vous recourir à ces ruses grossières?... Voyons, voyons un peu par quel biais, de quel air, Vous voulez soutenir un mensonge si clair. MOL. Enfin, suivant l'unique distinction de Condillac, le détour est plus ordinairement négatif, et le biais positif. On prend des détours pour se détourner, pour éluder, pour échapper, pour s'excuser. Songez à chercher dans votre tête quelque nouveau détour pour vous tirer de cette affaire.» MOL. « Le dictateur repartit à Manlius qu'il ne prendrait pas le change, qu'il lui commandait de parler sans tant de détours, et de nommer précisément ceux qu'il accusait d'avoir profité des dépouilles des Gaulois. » VERT. Ne cherche point d'excuses;

Devenir exprime une modification subie par le sujet, et se rendre une modification produite dans le sujet par lui-même. L'homme qui devient malheureux est fait tel; celui qui se rend malheureux se fait tel, c'est sa faute. On devient citoyen d'un Etat ou esclave; on se rend digne ou maître de quelque chose. « L'Evangile rend les hommes d'autant plus propres à être bons citoyens sur la terre, qu'il leur apprend par là à se rendre dignes de devenir citoyens du ciel. » Boss. « Que peuton refuser à la volupté, lorsque une fois elle s'est rendue maîtresse d'un cœur, et qu'on en est devenu l'esclave. » MASS.

DIABLE, SATAN. C'est, dans la religion chrétienne, le génie du mal, le malin esprit, l'ange déchu qui a l'enfer pour séjour.

Diable en est le nom commun, et il ne s'emploie jamais sans l'article; Satan en est le nom propre; aussi ne prend-il pas l'article et commence-t-il par une majuscule.

Je connais tes détours, et devine tes ruses. CORN. Mais on prend des biais pour rendre des obstacles inutiles et en général pour réussir dans ce qu'on entreprend. « On se mortifie en secret; mais on fait si bien que ce secret cesse bientôt d'être secret, et l'on a cent biais pour le rendre public. » BOURD. « M. de Péréfixe chercha des biais pour satisfaire les uns et les autres. » RAC. 'ai donc cherché longtemps un biais de vous donner La beauté que les ans ne peuvent moissonner. MOL. Ce sont, à dire vrai, de très-fâcheux obstacles ;... Mais je vais employer mes efforts plus puissants Pour tâcher de trouver un biais salutaire. ID. DEVANCER, PRÉVENIR. Ces verbes expriment une antériorité d'arrivée, d'occupation ou d'évé-monde, le diable les tenait captifs et tremblants

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nement.

Mais devancer implique une idée de concurrence tout à fait étrangère à prévenir. On devance en prenant l'avance, en dépassant, en gagnant de vitesse; on prévient en venant præ, avant, avant une personne qui n'est peut-être pas partie ou même qui n'y pense pas. Un écolier devance ses condisciples avec lesquels il lutte; l'ami d'un ministre prévient les solliciteurs en se faisant donner une place au moment où on ne sait pas encore qu'elle est vacante. Un courrier devance l'autre, c'est à qui arrivera le premier; mais une nouvelle prévient le courrier, elle n'a pas pris à tâche de rivaliser avec lui, de l'emporter sur lui. La sagesse devance l'âge dans une personne chez laquelle le progrès de la sagesse est plus grand que celui de l'âge; la sagesse prévient l'âge dans une personne qui se montre sage avant le temps, chez laquelle la sagesse contraste beaucoup avec l'âge.

Prévenir signifie quelquefois venir le premier, d'abord, aller à une personne avant qu'elle vienne elle-même, et par conséquent l'empêcher de venir. On prévient un malheur ou une objection en allant au-devant. Qui prévient vos désirs n'attend pas même qu'ils se forment ou au moins qu'ils s'expriment; qui les devance les satisfait seulement plus tôt que vous ne l'espériez. Au lieu de devancer la critique en commençant par signaler soi-même ses propres fautes, il vaut mieux pour un écrivain songer à la prévenir en se rendant irréprochable (LAH.).

Diable, du grec diabolos, calomniateur, formé de ôtabáλɛtv, décrier, tromper, représente l'ange des ténèbres en rapport avec l'homme qu'il cherche à tromper, à séduire. Une tentation du diable (ACAD.). « Judas n'a pas été poussé au crime, si ce n'est par le diable et par sa propre malice. » Boss. « Et le monde et les maîtres du

sous de serviles religions.» ID. « On conserve une certaine région dans son esprit, qui ne paraît point troublée par les impressions du diable. » Nic. Mais Satan, d'un mot hébreu, qui veut dire adversaire, désigne plutôt l'adversaire, l'antagoniste de Dieu. « Le péché de Satan a été une insupportable arrogance. » Boss. « Tu t'es élevé, ô Satan, tu t'es élevé contre Dieu de toute ta force. » ID. C'est proprement Satan qui a été le tentateur de Jésus-Christ. « Ne nous persuadons pas qu'il eût été permis à Satan de tenter le Sauveur sans quelque haut conseil de la Providence divine. Boss. « Il était donné à Bonaparte de voir les empires à ses pieds, comme Satan les offrit à Notre-Seigneur. » STAËL.

En général, d'ailleurs, diable, plus susceptible de se mettre au pluriel, est moins distingué que Satan, moins propre à signifier un chef, le prince des mauvais anges, le souverain de l'enfer. Pauvre diable! dit-on en parlant d'un misérable, et non pauvre Satan! Dans les exemples suivants, Satan est, au contraire, le seul mot qui convienne. « Jésus-Christ a donné son sang pour rendre le paradis à cette partie de sa famille qui est damnée avec Satan et avec ses anges. » Boss. Un jour Satan, monarque des enfers, Faisait passer ses sujets en revue. LAF. Dans la fable intitulée l'Ivrogne et sa femme, celle-ci dit à son mari qu'elle est la cellérière du royaume de Satan. < Parmi les pièces de marionnettes, il y en a une intitulée le Docteur

Faust.... C'est un chaos intellectuel.... Le diable | car en cette sorte je découvre en toi un rayon de est le héros de cette pièce.... Milton a fait Satan plus grand que l'homme. » STAËL.

Quant au sens, diable le cède encore à Satan. C'est de ce dernier mot qu'on se sert par préférence pour exprimer le comble de l'artifice ou de la méchanceté, ce qui provient ou ce qu'on peut attendre d'un maître diable ou du maître des diables. « Trop instruit des profondeurs de Satan pour ignorer que........ » Boss. « Cela donna beau jeu aux langues de Satan. » S. S. « J'ai ouï parler de ce petit abominable dictionnaire; c'est un ouvrage de Satan. » VOLT.

Cette ruse d'enfer confond mon jugement;
Et je ne pense pas que Satan en personne
Puisse être si méchant qu'une telle friponne....
Je renonce à jamais à ce sexe trompeur,

Et je le donne tout au diable de bon cœur. MOL.
De tous ces damoiseaux on sait trop les coutumes....
Mais ce sont vrais satans dont la gueule altérée
De l'honneur féminin cherche à faire curée. ID.

la divinité, qui attire justement mes respects;
mais en tant que.... » Boss. « Tout ce que les
païens entendaient dire de leurs dieux ne devait
pas leur inspirer un grand respect pour de telles
divinités. » ROLL. « Les Romains reçurent dans
leur ville les dieux des autres pays.... Ils don-
naient aux divinités étrangères les noms de celles
des leurs qui y avaient le plus de rapport. »
MONTESQ. « L'idée qu'on prend de la divinité
dans le paganisme ne convient nullement au
vrai Dieu.» FONT. « Brumoi conjecture que la
pièce des Bacchantes fut composée pour les fêtes
de Bacchus. Ce dieu vient pour établir à Thèbes
sa divinité et son culte. » LAH.

Ne doutez point de ma divinité.
Disant ces mots la déesse benit

Les deux amants, et le peuple applaudit. VOLT. Nous recevons tout de la main de Dieu (ACAD.); le sublime en tout genre est un reflet de la divinité (STAËL). —Quand on parle le langage du pa

DIABOLIQUE, INFERNAL. D'une grande mé-ganisme, on donne de préférence le nom concret

chanceté.

Diabolique a pour accessoire la finesse, et infernal la noirceur; en effet, rien de plus rusé que le diable, et l'enfer est un lieu souterrain, le royaume des ténèbres. Des maximes diaboliques (MASS.) sont artificieuses et captieuses; des maximes infernales (FEN., VOLT.) ont été conçues et répandues dans l'ombre, d'une manière souterraine, elles sont affreuses. On invente des artifices diaboliques (BOURD.); la conspiration des poudres était une entreprise infernale (VOLT.), et qu'est-ce qu'une machine infernale, sinon un instrument de conspirateur? Le Tartuffe a été traité de comédie diabolique (MOL.), tant l'auteur, disait-on, s'y montre habile dans ses attaques ouvertes contre la piété; mais Saint-Simon dit du duc de Noailles : Ses complots, ses pratiques sous terre, ses noires impostures et ses infernales machinations étaient ses armes véritablement à redouter. » Il y a plutôt de la malice dans ce qui est diabolique et de la malignité dans ce qui est infernal. On dit, un esprit diabolique, ce qui ne suppose quelquefois que de la vivacité et de la pénétration: « Leur Jean-Jacques est un esprit diabolique, aigu, pénétrant; le mien ne pensant qu'avec beaucoup de lenteur et d'efforts, peut à peine passer pour un homme d'esprit. » J. J. Mais on dit, une âme infernale, pour signifier une âme profondément et odieusement méchante : « Supposez que Jean-Jacques, au lieu d'être l'âme infernale et le monstre que vous voyez en lui, se trouvât au contraire un homme simple, sensible et bon.... » J. J.

DIEU, DIVINITÉ, DÉITÉ. Puissance surnaturelle qui préside aux phénomènes et aux événements du monde.

Dieu est la cause première, créatrice et ordonnatrice de toutes choses, en tant que personne ou quant à son action. La divinité en est l'essence, ou c'est Dieu relativement à sa nature, Dieu considéré d'une manière idéale et abstraite. Vive l'Éternel, ô grandeur humaine, de quelque côté que je t'envisage; sinon en tant que tu viens de Dieu, et que tu dois être rapportée à Dieu,

SUPPL. SYN. FRANC.

de dieu à un être d'imagination, et le nom abstrait de divinité à un être de raison. Lafontaine dit au duc de Bourgogne au commencement de sa première fable du XII® livre :

Les Ris et les Amours

Ne sont pas soupçonnés d'aimer les longs discours.
De ces sortes de dieux votre cour se compose.
Ils ne vous quittent point. Ce n'est pas qu'après tout
D'autres divinités n'y tiennent le haut bout:
Le Sens et la Raison y règlent toute chose.

Déité, de deitas, mot de la basse latinité, est un terme de poésie mythologique, qui s'applique particulièrement bien aux divinités infernales. Les pâles déités (CHÉN.), les Euménides. Pluton et Proserpine sont des déités dont les lois

Traitent également les bergers et les rois. LAF.
On lit dans l'Oreste de Voltaire :

Les déités du Styx marchaient à ses côtés.
D'ailleurs, en prose comme en vers, déité se prend
volontiers en mauvaise part. « Les Grecs et les
Latins ensuite ont fait régner les fausses déités. »
PASC.

D

Ceux qui veulent avoir une déité visible et perceptible par les sens, lequel erreur vilain et grossier a trompé presque tout le monde. » CHARR. Elle traite l'amour de déité de rien. MOL. Les malheurs de l'Indien, sa haine, son amour, Font, défont et refont ses déités d'un jour. DEL, Tu chéris la Raison....;

Non pas cette pédante et lourde déité

Que l'on nomme Raison chez la stupidité.... CHÉN. DIFFÉRENT, DISTINCT (DIFFÉRENCIER, DISTINGUER). Deux objets différents ou distincts ne sont pas un seul et même objet.

Mais différent exprime une qualité absolue, essentielle; et distinct une qualité relative. Les choses différentes sont telles en soi, par leur nature; les choses distinctes sont telles par leur place ou par rapport à notre intelligence. Des choses égales, comme des pièces de monnaie ou les étamines d'une fleur, sont néanmoins distinctes, par cela seul qu'elles sont séparées. « Les hommes ont commencé par donner différents noms aux choses qui leur ont paru distinctement différentes. » BUFF. Des choses ne sont pas dis

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tinctement différentes ou sont différentes sans être | Les deux mots sont-ils donc de tout point synodistinctes quand leurs différences nous sont in-nymes? Assurément non. appréciables. Et, d'autre part, des choses peu L'homme ou l'esprit difficultueux est plein de différentes, au moins pour nous, peuvent être distinctes. « Le rat, la souris, le mulot, etc., forment autant d'espèces distinctes et séparées, mais assez peu différentes pour pouvoir en quelque sorte se suppléer. » BUFF. Les choses différentes sont autres; les choses distinctes ne sont pas ou ne doivent pas être confondues par nous, soit parce qu'elles sont plus ou moins différentes, soit parce que nous les percevons isolé

ment.

Entre différencier et distinguer même rapport. Ce sont les propriétés des choses qui les différencient; c'est nous qui les distinguons. « La robe du douc, variée de toutes couleurs, semble diffé- | rencier son espèce.... Il est fort aisé à distinguer des autres singes. » BUFF. On ne dit pas que les choses se différencient, mais bien qu'elles se distinguent, c'est-à-dire qu'on les distingue. Que si distinguer s'emploie aussi dans le sens de différencier pour marquer l'effet d'une propriété qui caractérise une chose par rapport à d'autres et l'en sépare, il ne suppose pas comme lui que cette propriété est naturelle ou essentielle. « Les yeux des Lapons, leurs oreilles, leur nez les différencient de tous les peuples qui entourent leur désert.» VOLT. Ce qui distingue un peuple d'un autre, ce peut être une institution, une mode, une simple circonstance. Différencier n'est guère usité qu'en termes d'histoire naturelle; distinguer se dit partout.

DIFFICILEMENT, AVEC PEINE. Ce qui se fait difficilement ou avec peine ne se fait pas d'abord, d'emblée et comme de soi-même.

Mais difficilement, avec difficulté, est objectif: il suppose quelque chose d'extérieur qui résiste ou fait opposition. On s'avance difficilement par un chemin montant, sablonneux, malaisé. Au contraire, avec peine, avec douleur, effort ou fatigue, est subjectif : il annonce une cause de retard, un empêchement provenant du sujet luimême, auquel il attribue pour l'ordinaire de la faiblesse ou de la répugnance. On s'avance ou on fait quelque chose avec peine quand on est malade ou blessé. « J'écris avec peine; je suis malade.» VOLT.

Mais d'où vient que vers nous il se traîne avec peine?
Est-il blessé? ID.

α

A proprement parler, on obtient difficilement, et on accorde avec peine. « Dommages et intérêts, qu'il obtiendra difficilement. » VOLT. Les confesseurs sont quelquefois obligés de suspendre la grâce du sacrement, et, après bien des délais, de ne l'accorder qu'avec peine (BOURD.).

Le débiteur dont les moyens sont bornés s'acquitte difficilement; celui qui a mauvaise volonté ou qui est avare s'acquitte avec peine.

On n'arrache que difficilement ce qui tient fort; on n'arrache qu'avec peine ce qu'on n'arrache qu'avec beaucoup d'efforts ou qu'à regret. DIFFICULTUEUX (DIFFICILE), ÉPINEUX. L'Académie a défini épineux, dans le cas où on l'applique aux hommes, comme elle avait défini difficultueux qui fait des difficultés sur tout.

|

difficultés, fait beaucoup de difficultés; l'homme ou l'esprit épineux est plein d'épines, c'est-à-dire de petites difficultés, de vétilles, de misères, il fait des difficultés pour ou sur des riens. Fénelon a dit en parlant des religieux intéressés et processifs : « Oe ne voit pas de gens plus ombrageux, plus difficultueux, plus tenaces, plus ardents dans les procès que ces personnes qui ne devraient pas même avoir des affaires. Mais Labruyère a peint d'après Théophraste une des plus petites manies des gens rustiques en disant : « Ces gens épineux dans les payements qu'on leur fait rebutent un grand nombre de pièces qu'ils croient légères, ou qui ne brillent pas assez à leurs yeux, et qu'on est obligé de leur changer. » La même différence existe et a été marquée par Massillon entre difficile et épineux servant à qualifier les choses. « Que d'expédients la passion ne fournit-elle pas pour sortir des embarras les plus épineux ?... Que de ressources dans les occasions les plus difficiles! »

α

D'ailleurs, difficultueux regarde plutôt le fond, et épineux la forme. On a de la peine à gagner l'homme difficultueux, et à manier l'homme épineux. Avec les difficultueux, on est tenté de désespérer du succès, tant on les trouve peu disposés à céder ou à se rendre, tant ils opposent de résistance aux efforts qu'on fait pour les amener à vouloir ce qu'on veut. Mais le moyen de convaincre là-dessus certains esprits difficultueux qui ne veulent se rendre qu'à des preuves démonstratives? » P. A. Elle me dit que la mère avait bien fait la difficultueuse. J'ai longtemps, dit-elle, désespéré de lui faire accepter la proposition; néanmoins j'en suis venue à bout. »> LES. Les gens épineux sont comme des fagots d'épines : on n'aime point à avoir affaire à eux, à traiter avec eux; ce n'est pas de facilité qu'ils manquent proprement ou principalement, mais de douceur. « Par les traitements que l'on reçoit, l'on est jeté hors de son naturel; l'on a des chagrins et une bile que l'on ne se connaissait point; l'on se voit une autre complexion, l'on est enfin étonné de se trouver dur et épineux. » LABR. « On n'est ni sauvage, ni épineux, ni scrupuleux; mais on a au dedans de soi un principe d'amour qui élargit le cœur, qui adoucit toutes choses. » FEN. Difficile et épineux, en parlant des choses, diffèrent de même. Une question difficile n'est pas aisée à résoudre, on a de la peine à en venir à bout; une question épineuse présente des épines, est de celles qui sont abstraites, subtiles, délicates, peu agréables à traiter, rebutantes.

DIFFORME, CONTREFAIT, MAL FAIT, MAL BATI. Dont le corps a quelque défaut apparent. Difforme, défiguré, dont la forme est défectueuse, irrégulière, disproportionnée, est le mot général. Outre qu'il a seul un substantif correspondant et une acception figurée, il se dit seul en parlant du visage ou de quelqu'une de ses parties. « Sans le nez, posé dans le milieu, tout le visage serait plat et difforme.. FEN. Un homme qui n'a qu'un œil est difforme (ROLL.). Et même

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pour avoir quelque chose de difforme, il suffit d'être louche : « Les regards ainsi partagés (quand on est louche) rendent l'abord d'un homme choquant et difforme.» Boss.

d'une partie. De tous ces verbes c'est le plus usité et le seul qui se dise en termes de sciences diminuer un nombre, une fraction, les impôts, etc.

Contrefait, fait contre les règles, contrairement Amoindrir, rendre moindre ou moins consià ce qui est bien, annonce un défaut de tout le dérable, est un mot rare qui veut dire diminuer corps, du corps pris dans son ensemble, consi- la valeur ou l'intensité, avilir ou affaiblir, faire déré par rapport à sa structure; il suppose une perdre quelque chose du prix ou de la force difformité qui consiste a être mal taillé ou mal amoindrir le revenu, les forces de quelqu'un. tourné. Une taille contrefaite (ACAD.); un nain« L'imagination grossit souvent les plus petits contrefait (LAF., VOLT., D'AL.). « Pope était un objets par une estimation fantastique jusqu'à en petit homme contrefait, bossu par devant et par remplir notre âme; et, par une insolence téméderrière. » VOLT. « Sans être bossue ni contre-raire, elle amoindrit les plus grands jusqu'à notre faite, Mme la duchesse d'Orléans avait un côté plus gros que l'autre, une marche de côté. » S. S. << Les pays où l'on emmaillotte les enfants sont ceux qui fourmillent de bossus, de boiteux, de cagneux, de noués, de rachitiques, de gens contrefaits de toute espèce. » J. J.

mesure.» PASC. « Cette espèce de pintades aura éprouvé l'influence naturelle de ce climat (d'Amérique), laquelle tend à affaiblir, amoindrir, détériorer les espèces. » BUFF. Ce mal n'est pas tellement inhérent à cette place, qu'on ne pût l'en détacher, ou du moins l'amoindrir considé

m'emparer de la grande affaire des Quinze-Vingts, de l'avoir amoindrie, dénigrée, pour l'obtenir à meilleur compte. » BEAUM. Dans la Mère coupable le comte dit à Suzanne : « Eh! laisse là ton monseigneur! » A quoi elle répond : Je trouve que cela nous amoindrit. » ID.

Mal fait est évidemment le diminutif de con-rablement. » J. J. « On m'impute d'avoir voulu trefait. Le défaut du mal fait n'est qu'une imperfection, au lieu d'être, comme celui du contrefait, un vice, quelque chose de monstrueux; sans être tout à fait conforme aux règles du beau, il ne les viole pas ouvertement. « On ne se repent pas d'être mal fait ou d'être mal sain; mais on se repent d'avoir mal fait. » Boss. « A Sparte, si un enfant était bien formé, fort, vigoureux, on le nourrissait. S'il était mal fait, délicat, faible, on le condamnait à périr. » ROLL. « Les jeunes gens épuisés de bonne heure restent petits, faibles, mal faits, et vieillissent au lieu de grandir. » J. J. « Eux bossus! disait le médecin Procope; Vous vous moquez; ils ne sont que mal faits. »

DID.

Mal bâti, quelque équivalent à mal fait qu'il paraisse pour le sens, en diffère cependant en ce qu'il est familier. On s'en sert quelquefois en opposition à bien fait, uniquement afin d'éviter la répétition du mot fait. Dans Turcaret, Lisette s'écrie en voyant le chevalier pour la première fois : « Ah! qu'il est bien fait!» Et Frontin lui répond: « Il ne faut pas être mal bâti pour donner de l'amour à une coquette. »>

Qu'il soit beau, qu'il soit laid, bien fait ou mal bàti, Il ne me plaira point, car j'ai pris mon parti. DEST. Ne semble-t-il pas d'ailleurs que mal bâti convient mieux que mal fait, quand il est question d'un homme de haute taille, qui ressemble en quelque sorte à un bâtiment? « Mais quel est ce grand mal bâti de Romain qui vient après ce chaud amoureux?» BOIL. Dans l'Enéide travestie, Acestès dit à Entelle à propos de Darès, vainqueur au combat du ceste:

Si peu de courage il te reste,
Que ce grand vilain mal bâti
A tes yeux du prix est nanti?

Eh! n'as-tu pas quelque vergogne? SCARR. DIMINUER, AMOINDRIR, ACCOURCIR, ABREGER, APETISSER, RESSERRER. Ces verbes se rapportent tous à la quantité et signifient la rendre moins grande, opérer dans les choses un changement en moins.

Diminuer, de dis qui marque séparation, et de minus, moins, c'est proprement réduire à moins par séparation, par l'ablation ou le retranchement

Accourcir, rendre plus court, c'est diminuer en longueur, faire le contraire d'allonger ou d'étendre. On accourcit une robe, une jupe, un manteau, un bâton, un sabre, un fil, une ligne, une phrase, un article, un mémoire, un détail.

Abréger, rendre plus bref, c'est diminuer en durée. Abréger le temps des études (ACAD.), des prospérités (MONTESQ.). « Ainsi l'Eglise de Corinthe adoucit la peine de ce pénitent: non-seulement elle en abrégea le temps, mais encore elle en diminua le poids. » Boss. Abréger des formalités (REGN.), les procès (VOLT.), des prières (Boss.), des longueurs (ID.), un supplice (RAC.).

Dans le même sens accourcir garde toujours un certain rapport à l'espace. On accourcit un écrit, on abrége un récit; on accourcit une préface, on en abrégé les idées. On accourcit son chemin d'une lieue en prenant une route de traverse; on l'abrége d'une heure de quelque façon que ce soit, en causant, par exemple : « La conversation abrége le chemin. » ACAD. D'ailleurs, abréger avec chemin s'entend plutôt dans un sens abstrait et tout idéal : des voies abrégées (P. R.).

Nous autres, gens de cour, Nous savons abréger le chemin de l'amour. REGN. Apetisser, rendre plus petit, c'est diminuer dans tous les sens de l'espace, et non pas seulement en longueur, c'est faire le contraire d'agrandir, et non pas le contraire d'allonger ou d'étendre. Les forgerons apetissent une barre de fer, lorsque, loin de l'accourcir, ils l'étendent. On apetisse une figure, un chapeau; l'éloignement apetisse les objets. Ce mot se dit particulièrement bien de l'homme, de son corps, des différentes parties de son corps, et figurément en parlant de son ame. Jean-Jacques n'est assurément pas un bel homme; il est petit, et s'apetisse encore en baissant la tête. » J. J. Dans la systole le cœur

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