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DICTIONNAIRE

DES SYNONYMES

DE LA LANGUE FRANÇAISE.

SUPPLÉMENT.

A

A, OU. Ces mots servent à indiquer un nombre | large fossé suivi seulement de cinq ou six personapproximativement.

nes. » VOLT.

Toutefois ou n'est de rigueur et à n'est absolument impropre que dans le cas où les deux nom

c'est-à-dire non-sculement sont consécutifs, mais encore se rapportent à des choses qui ne peuvent être divisées par fractions. Ainsi on dira bien cinq à six francs, quatre à cinq mètres, deux à trois livres de sucre, avoir dix-sept à dix-huit ans, un territoire de huit à neuf lieues. C'est que dans ces exemples et autres semblables il est question choses divisibles par fractions et qu'entre deux nombres de ces choses il y a des intermédiaires, si bien que le choix ne se réduit pas à une simple alternative.

Mais ou le fait avec plus de précision. Il offre à l'esprit une alternative, l'option entre deux nombres seulement; au lieu que à donne à choisir en-bres ressemblent à ceux qui viennent d'être cités, tre plus de deux nombres. Si un historien apprend d'un général qu'il a péri douze mille hommes dans une bataille, et d'un autre qu'il en a péri seize mille, il écrira que dans cette bataille périrent douze ou seize mille hommes, et le lecteur n'aura à balancer qu'entre ces deux nombres. Mais si l'historien apprend d'autres personnes qu'il en a péri treize, quatorze ou quinze mille, ou bien qu'il ait des raisons de croire que des deux premiers témoins l'un a affaibli et l'autre exagéré la vérité, il écrira qu'il a été tué dans le combat douze à seize mille hommes, et le lecteur aura à hésiter entre tous les nombres intermédiaires depuis douze mille jusqu'à seize mille. J'ai reçu de vous six ou huit lettres, c'est-à-dire l'un ou l'autre; six à huit lettres, c'est-à-dire ou six, ou sept, ou huit.

Quand les deux nombres donnés se suivent, ne different que d'une unité, comme le choix est alors borné à l'un ou à l'autre, ou doit seul être employé. On dira donc sept ou huit personnes (LABR., HEN.), quatre ou cinq hommes (S. S.), quatre ou cinq fois (ID.), sept ou huit moyens de gagner sa vie (ID.), cinq ou six chèvres (LAF.), cinq ou six lois (Boss.), et non pas sept à huit personnes, quatre à cinq hommes, quatre à cinq fois, sept à huit moyens, cinq à six chèvres, cinq à six lois. 19 Le duc de Montmorency avait rassemblé six à sept mille hommes.... Il franchit un

SYN. FRANÇ

Mais c'est là un cas particulier, ce qui lui convient ne doit pas être étendu aux autres, à ceux dans lesquels il s'agit de deux nombres consécutifs d'individus ou de choses indivisibles. On parlerait mal en disant comme autrefois l'Académie, qui du reste s'est rétractée sur ce point depuis 4835: « Il y avait six à sept femmes dans cette assemblée. »

ABAISSER, ABATTRE. Faire aller en bas.

Abaisser est relatif, et signifie faire aller plus bas, diminuer la hauteur; abattre est absolu, et veut dire faire aller à bas, jeter par terre. On abaisse une branche pour pouvoir l'atteindre, et on l'abaisse plus ou moins; on abat un arbre en le renversant. Ce qui s'abaisse s'incline ou décline; ce qui s'abat tombe. L'action d'abaisser, en conséquence de l'effet qu'elle produit, est plus douce ou moins brusque que celle d'abattre. «Ja

1

D

mais les canards ne se posent qu'après avoir fait plusieurs circonvolutions sur le lieu où ils voudraient s'abattre, comme pour l'examiner; et lorsque enfin ils s'abaissent, c'est toujours avec précaution: ils fléchissent leur vol et se lancent obliquement sur la surface de l'eau. » BUFF.-Ensuite, abaisser suppose quelquefois qu'on ôte seulement l'obstacle qui empêchait la chose d'aller en bas, au lieu qu'abattre emporte l'idée d'une action qui détermine ou contraint à aller en bas une chose qui n'y irait pas d'elle-même. on abaisse des voiles, des jalousies, des réverbères en lâchant la corde qui les tient suspendus; on ahat une maison qu'on demolit, dont on cause la chute.

tairement au rang des petits.» BOURD. « Ce prince daigne descendre à tout. » VOLT. « Enfant de saint Louis, que votre grandeur ne vous empêche jamais de descendre avec bonté jusqu'aux plus petits. » FÉN.

Tu descends jusqu'à nous de ton trône suprême.

CORN.

ABANDONNER, LIVRER, CÉDER, LÂCHER. On abandonne, on livre, on cède, et on lache quelque chose à quelqu'un, en faisant en sorte qu'il en devienne maître.

Mais d'abord livrer dit quelque chose de plus positif qu'abandonner. « On abandonne une chose qu'on ne défend pas; on livre celle qu'on met entre les mains, au pouvoir d'un autre. On abandonne une place lorsqu'on se retire et qu'on cesse par conséquent de la défendre; on la livre lorsqu'on ouvre soi-même les portes à l'ennemi. L'Église abandonnait un prêtre au bras séculier, c'est-à-dire que, ne voulant pas le juger ellemême, elle laissait aux tribunaux le soin de le juger; livrer à la justice, c'est traduire un mal

Les mêmes nuances reparaissent au figuré. Une puissance abaissée est moins grande; une puissance abattue est détruite, sans force ou sans ressource aucune l'une a baissé, l'autre est déchue. Les premières guerres puniques n'avaient fait qu'abaisser le courage et l'orgueil des Carthaginois; il fallut la ruine de Carthage pour abattre l'un et l'autre. Suivant Nicole, « Nos misères doivent nous abaisser sans nous abattre. » C'est-à-faiteur devant un tribunal. » COND. A l'approche dire qu'elles doivent diminuer l'estime de nousmêmes, nous humilier, mais non pas nous jeter dans un état de complet accablement, de désespoir.

ABAISSER (S), DESCENDRE. Se mettre plus bas, prendre une position inférieure ou moins élevée.

S'abaisser, c'est simplement se baisser, comme fait un homme qui s'incline en saluant ou par respect. Mais pour descendre il faut quitter la place où on est et passer à une autre qui est audessous. S'abaisser dit donc moins que descendre. « Lorsque je m'abaisse je perds de ma force, et je tombe lorsque je descends. » CHAMF. A l'égard des pécheurs, le directeur des consciences doit s'abaisser et descendre dans la profondeur de leur corruption et de leur misère. » MASS.

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Que si descendre se distingue par le degré, s'abaisser, de son côté, a pour accessoire une idée particulière d'abaissement, de dégradation, d'humiliation, de diminution de dignité ou de grandeur. « Il descend au style naïf sans jamais s'abaisser. » ACAD. «L'orateur alors, simple et modeste, saura descendre sans s'abaisser. DAG. Affable et d'un accès facile, Cyrus sait descendre jusqu'au dernier de ses sujets sans s'abaisser. » COND. On doit rendre aux auteurs qui nous ont paru, originaux dans plusieurs endroits de leurs ouvrages cette justice, qu'ils ne se sont point abaissés à descendre jusqu'à la qualité de copistes. » MONTESQ. « Le Fils unique de Dieu descend du sein de son père, et vient sur la terre s'abaisser lui-même et s'anéantir. » BOURD.

D

d'Alexandre, les Bactriens abandonnèrent Bessus, et se retirèrent chacun chez eux; mais Spitamène et deux autres officiers de l'usurpateur, s'étant saisis de sa personne, le conduisirent à Alexandre, auquel ils le livrèrent chargé de chaînes (ROLL.). - On abandonne, mais on ne livre pas un homme à lui-même, un homme se possède déjà; mais on le livre à quelqu'un ou à quelque chose. << Tout m'abandonne à moi-même, ou plutôt tout me livre à toi. J. J. « Je vais rester abandonnée à moi seule, ou livrée aux persécutions. ID. « Dieu abandonne les impies à eux-mêmes, et les livre à l'erreur, à un sens réprouvé. » Boss., MAL.

Céder, de cedere, se retirer, faire place à un autre, c'est renoncer à quelque chose en faveur d'un concurrent, d'un compétiteur. « Le peuple allait employer la force (contre Louis XVI); et telle était la repugnance du roi pour toute espèce de violence, que les troupes n'eurent pas l'ordre de le défendre. Sans vouloir rien céder, on abandonnait tout. » MARM. « Qui passera de nous deux? Qui cédera la place à l'autre?» PASC. « J'ai assez combattu, je me retire; prenez mon rang, jeunes gens, je vous le cède. » J. J.

MOL.

α

Les bons morceaux de tout, il faut qu'on les lui cède. Enfin nos ennemis nous cèdent la campagne. CORN. Polyeucte vous cède; Et comme si vos feux étaient un don fatal, Il en fait un présent lui-même à son rival. ID. Lâcher, c'est laisser échapper, ne pas retenir jusqu'au bout. « Il voulut l'espèce sur-le-champ. Je balançai longtemps, mais il me pressa, et faDescendre exprime bien aussi une diminution │tigua ma résistance. J'eus la faiblesse de lui lâcher par rapport à une situation antérieure, sans quoi le dépôt qu'il emporta. LES. « A ce discours, je il ne serait pas synonyme de s'abaisser, mais il jugeai que M. le grand inquisiteur n'avait pas ensignifie proprement une diminution de rang qui vie de lacher ma malle qu'il tenait dans ses serne fait concevoir rien de bas, d'avilissant, d'in-res. » ID. « Ces lions se laissent poursuivre par digne, de honteux ou de mortifiant On s'abaisse à une lâchete (CORN.), à des faiblesses, à de honteux moyens (VOLT.), à une infamie (J. J.), à des contes vulgaires (LAF.); mais on descend de son rang (RAC., VOLT.). « Des grands descendus volon

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des femmes ou par des enfants qui leur font à coup de bâton quitter prise et lacher indignement leur proie. BUFF.

D

Pourquoi donc les avoir en d'autres mains lâchés (Ces papiers)? MOL.

On ne put faire

Qu'elle láchát aux autres le morceau. LAF.

sous soi, en lui faisant mordre la poussière, en remportant sur lui la victoire.

Ainsi on abandonne une chose à quelqu'un, en ABC, ALPHABET (ABÉCÉDAIRE, ALPHAne faisant rien pour l'empêcher de la prendre. On BÉTIQUE). Réunion de tous les signes d'écriture livre une chose à quelqu'un, en la lui remettant. d'une langue; et, comme ces signes sont la preOn cède une chose à un rival, en lui quittant la mière chose qu'on apprend en grammaire, on appartie. On lâche une chose à quelqu'un, en mol-pelle figurément abc ou alphabet un commenlissant, en se relâchant tout à coup de ses efforts pour la retenir.

ABANDONNER (S'), SE LIVRER, aux passions, à la joie, à la douleur, etc. se mettre dans le cas de les ressentir; en latin indulgere.

cement de notions dans un certain genre de savoir.

Charles Nodier, dans son Examen critique des dictionnaires de la langue française, avait voulu proscrire alphabet, parce que ce mot lui semblait faire double emploi avec celui d'a b c, qui a l'avantage d'avoir une origine nationale, ayant été formé des trois premières lettres de notre langue. L'auteur anonyme de la Revue française (no 1x, mai 1829, p. 35 et 36) lui répondit en faisant

S'abandonner à une chose, c'est s'y laisser aller; s'y livrer, c'est s'y adonner. S'abandonner marque plutôt une action aveugle et sans retenue Il ne me reste qu'à m'abandonner à la Providence, et à me jeter tête baissée dans mon destin. » J. J. Mais se livrer est plus propre à ex-voir que les deux expressions méritaient d'être primer une action faite avec choix et modération, comme est, par exemple, celle d'un homme qui se livre à une étude ou à un art: « Je ne blâme pas que vous vous livriez avec la modération que vous voulez y mettre, aux amusements du grand monde. » J. J.

S'abandonner enchérit donc sur se livrer; c'est se livrer sans réserve. « Le pantomime se livre et s'abandonne aux mouvements de son âme. »> MARM. Ses inclinations étaient douces; elle s'y livrait sans faiblesse, et ne s'y abandonnait jamais. J. J.

D'ailleurs nous nous abandonnons à ce qui nous attache ou nous prend, à Dieu, à la fatalité, au sommeil, à la peur; au lieu que nous nous livrons aux choses auxquelles nous nous attachons ou nous nous prenons, au jeu, à la société, à un genre quelconque d'occupation.

ABATTRE, RENVERSER, TERRASSER. Faire tomber une personne.

Abattre a rapport à la hauteur, c'est jeter de haut en bas. Renverser a rapport au sens dans lequel on met, c'est-à-dire sur le sol tout de son long. On dit très-bien abattre à ses pieds (Boss., FEN., VOLT.), parce que cette expression implique l'idée d'un contraste entre un état antérieur d'élévation et un état actuel d'abaissement; mais on dit renverser sur le sable (FEN.) ou dans la boue, ce qui fait penser à l'état d'un homme étendu sur la terre, et non plus dans sa situation naturelle. Un cavalier est abattu de dessus son cheval; David abatrit Goliath qui était d'une taille gigantesque; Télémaque ayant dit qu'il renversa un Samien, son adversaire au combat du ceste, ajoute : A peine fut-il étendu par terre que je lui tendis la main pour le relever. » FÉN.

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Terrasser représente une lutte, et n'exprime pas seulement un fait; il indique une action prolongée, acharnée, qui suppose de la résistance; aussi ne terrasse-t-on que des hommes ou des animaux, des êtres capables d'opposer des efforts à des efforts. L'homme terrassé n'est pas seulement mis à bas ou étendu sur la place, mais roulé par terre, mais battu et défait, au propre et au figuré. On peut abattre ou renverser un lion d'un coup de flèche ou de fusil, ou bien de manière qu'il se relève; on ne le terrasse qu'en se battant avec lui corps à corps, et en le mettant

conservées l'une et l'autre, parce que, bien que synonymes, elles ont chacune une sphère d'application qui lui est propre.

A b c est naturellement le mot qui convient en parlant de la langue française. Mais alphabet, des deux premières lettres de la langue grecque, aλpa et ẞrra (alpha et bèta), doit être nécessairement préféré quand il est question du grec, puis du latin, puis de toutes les langues anciennes, et enfin de toutes les langues qui ne sont pas la nôtre.

Ainsi a b c est une expression moderne et vulgaire qui désigne une espèce, et alphabet un terme ancien et savant qui marque le genre. On dira bien, surtout dans le langage soutenu, en employant le genre pour l'espèce, l'alphabet francais; mais on ne dira point l'a b c grec, hébreu ou phénicien, si ce n'est pourtant qu'on ne parle avec une sorte de dédain, comme dans cette phrase de Voltaire : « Quand nous avons dit que les marchands de Tyr enseignèrent leur a b c aux Grecs, nous n'avons pas prétendu qu'ils eussent a pris aux Grecs à parler.

Au figuré, abc s'applique à quelque chose de commun, sinon de bas; il convient pour exprimer le commencement d'une science vulgaire ou les premières pratiques d'un métier, même d'un vil métier. « Je ne tardai guère à être employé à la filouterie commune...., en un mot, à cent pareils exercices qui ne sont que l'a b c de l'école des filous. » LES. Alphabet, au contraire, se distingue par un caractère de noblesse conforme à celui de son origine. a Ah! que l'admirable Bernard s'était avancé dans cette sagesse! Il était toujours au pied de la croix, lisant, contemplant et étudiant ce grand livre. Ce livre fut son premier alphabet dans sa tendre enfance: ce même livre fut tout son conseil dans sa sage et vénérable vieillesse.» Boss.

Les adjectifs abécédaire et alphabétique se ressemblent aussi, quoiqu'à un moindre degré que leurs primitifs. Ils diffèrent en ce qu'ils font considérer les lettres, abécédaire sous un point de vue inférieur, comme étant apprises par les enfants dans les écoles, et alphabétique sous un point de vue plus relevé, celui de l'ordre selon lequel elles sont rangées, surtout dans les langues savantes de l'antiquité et dans les dictionnaires.

Une ignorance abécédaire (MONTAIGN.) et un | les moineaux mangent les mouches à miel et déhomme abécédaire (ID.) se disent d'un homme qui n'en sait pas plus que l'écolier le moins avancé, que celui qui est encore à la croix de par Dieu. Mais ordre alphabétique, table alphabétique, sont des expressions d'érudit, et c'est en érudit que s'exprime Voltaire quand il dit dans son Essai sur les mœurs: « On trouve encore ces histoires absurdes dans nos dictionnaires qui ont été longtemps, pour la plupart, des archives alphabétiques du mensonge. »

truisent ainsi de préférence les seuls insectes qui nous soient utiles. Bernardin de Saint-Pierre n'est pas moins précis. Au mot d'abeille, qui est celui dont il se sert d'ordinaire, il préfère la circonlocution mouche à miel quand il a à représenter l'abeille comme un agent de production qui nous fournit le miel et la cire. « La Livonie est la province de Russie la mieux cultivée et la plus fertile: elle donne en abondance des blés, des chanvres....; on y trouve quantité de mouches à miel qu'on élève dans des troncs d'arbres. >>

ABJURER, SE CONVERTIR ; RENIER, APOSTASIER. Abandonner sa religion pour en embrasser une autre.

ABEILLE, MOUCHE À MIEL. Insecte ailé et armé d'un aiguillon, qui se colonise par essaims, qui vit en société sous une sorte de police instinctive, qui est très-industrieux, et que l'homme rend domestique et fait travailler pour son profit en le Abjurer et se convertir se prennent en bonne renfermant sous une espèce de panier ou de clo-part, savoir: abjurer, d'ordinaire, et se convertir, che qu'on appelle ruche.

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toujours ils expriment l'action d'abandonner une religion fausse ou qu'on croit telle. Renier et apostasier ne se disent jamais qu'en mauvaise part, et signifient renoncer à sa religion par crainte, égarement d'esprit, libertinage, intérêt ou ambition. Abjurer, se convertir.

Abjurer se distingue, et de se convertir, et, au besoin, de ses deux autres synonymes, en ce qu'il marque une renonciation solennelle, par serment et acte public. « Henri IV fit dans l'église abbatiale de Saint-Denis son abjuration publique, le dimanche 25 juillet 1593, entre les mains de l'archevêque de Bourges. » S. S. a Thoré conduisit le prince de Condé à Strasbourg, où il abjura publiquement la religion catholique. » Boss. Se convertir désigne plutôt un changement intérieur de croyance de mal en bien, qu'une déclaration par laquelle on fait connaître qu'on ne professe plus telle religion. D'ailleurs, à la différence d'abjurer, se convertir a plus de rapport à la religion qu'on embrasse qu'à celle qu'on quitte des peuples sauvages abjurent l'idolatrie pour se convertir au christianisme. Enfin se convertir ne doit pas toujours s'entendre à la lettre : c'est quelquefois sim

Abeille, en latin apis, qui a pour diminutif apicula, d'où vient abeille, est le nom propre du petit animal. Mouche à miel est une circonlocution employée par les gens trop peu instruits pour connaître les noms des choses. Il y a en France bien des villages où on élève beaucoup d'abeilles et où on ne les nomme jamais que des mouches à miel. Un auteur dit abeille; mais à ce mot il substitue mouche à miel quand il a occasion de faire parler des gens du peuple. « Le vol de la simple abeille me paraît encore plus étonnant. Des marins m'ont assuré qu'on voyait sur les côtes de Normandie des mouches à miel arrivant des îles de Jersey et de Guernesey, situées à plus de six lieues au large. BERN. Il en est de même de ruche à l'égard de panier à mouches: l'écrivain qui parle de la demeure des abeilles la désigne par le mot ruche, mais il met celui de panier à mouches dans la bouche des paysans, des gens de peu d'instruction, quand il lui arrive d'en rapporter quelques paroles. Le meunier retira Ragotin d'entre les glaives pointus et venimeux de ces ennemis volants; et, quoiqu'il fût enragé de la chute de ses ruches, il ne laissa pas d'avoir pitié du misérable. Il lui de-plement changer de vie et revenir à Dieu, à la manda où diable il se venait fourrer tout nu, et les mains liées, entre des paniers à mouches. » SCARn. Au figuré, abeille convient seul; mouche à miel est trop vulgaire pour pouvoir être employé dans cette acception. Voltaire a dit de Rollin que c'était a l'abeille de la France. Sophocle avait reçu le nom d'abeille à cause de la douceur de ses vers, et c'est aussi ce qui fit imaginer que des mouches à miel s'étaient arrêtées sur ses lèvres lorsqu'il était au berceau (ROLL.). Une personne qui a recueilli d'excellents vers est l'abeille du Parnasse; l'abeille des bibliothèques se dit d'une personne qui a su butiner dans les livres comme l'abeille sur les fleurs. Le mot abeille sert aussi à désigner certains recueils.

Il ne faudrait pas croire toutefois que mouche à miel fût exclu de la langue des savants et de celle des personnes qui parlent bien. C'est l'expression à laquelle on revient naturellement quand on considère les abei les par rapport au produit de leur industrie, à la sorte de richesse que nous tirons d'elles. Ainsi on lit dans Buffon, d'une part, que nos observateurs admirent à l'envi l'intelligence et les talents des abeilles; mais, d'autre part, que

manière d'un pécheur qui fait pénitence, sans pour cela passer d'une religion à une autre. Renier, apostasier.

Il semble que le reniement est moins libre et par conséquent moins coupable, moins odieux que l'apostasie. Saint Pierre renia son maître (ACAD.) dans une circonstance où il fut surpris et comme contraint; il faut plaindre plutôt que détester ceux des premiers chrétiens qui renièrent la foi dans la crainte des tourments (Boss.). Mais ce fut de son plein gré que l'empereur Julien apostasia, et que Saurin rentra avec sa femme dans le sein de l'Eglise romaine, ce qui fit dire aux protestants qu'il avait apostasié et fait apostasier sa femme (VOLT.).

Ensuite renier, dans sa sphère, comme abjurer dans la sienne, indique une rupture complète; au lieu que l'apostasie, comme la conversion, peut n'ètre que partielle ou relative: un simple hérétique et un religieux qui renonce à ses vœux et à son habit, apostasient, selon l'expression consacrée par l'usage, et ne renient pas proprement. Les Pères ont reproché aux hérétiques qu'ils apostasiaient en se séparant de l'Eglise. » Boss.

5

Mais lavage n'a rien de relevé. C'est le mot dont on se sert, toujours au propre, en parlant des choses et des actions les plus vulgaires. Le lavage des vitres, des carreaux d'une salle, des rues d'une ville, du linge sale, de légumes qu'on apprête pour le repas. « Je fais des lavages à mes

« Dans sa jeunesse, poussé d'une dévotion indis-
crète, il avait pris l'habit et fait profession dans
un ordre fort austère, et apostasié quelques an-
nées après.
>> LES. « Quoique engagé dans l'état
ecclésiastique, l'abbé Abeille ne crut pas aposta-
sier en travaillant pour le théâtre.
ABLUTION, LAVAGE, LAVEMENT. Action de mains, de l'ordonnance du vieux de Lorme. » SÉv.
nettoyer avec de l'eau.

D'AL.

Ablution, latin ablutio, du verbe abluere, laver, reproduit exactement son primitif. Mais lavage, quoique dérivé en dernière analyse du latin lavare, a été fait du français laver par l'addition d'une terminaison toute française; si on l'eût formé de lavare, on aurait dit lavation, latin lavatio.

C'est pourquoi ablution, seul d'ailleurs de sa famille dans notre langue, s'y distingue par un caractère de noblesse qui fait qu'il se dit seulement en termes de religion et au figuré; au lieu que lavage appartient à la langue commune et n'est usité qu'au propre.

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D

« Est-il possible que dans le pays des bains chauds vous trouviez le moyen de laisser périr vos pauvres jambes? N`y a-t-il point de lavages qui puissent vous ramener les esprits à ces parties comme abandonnées? » SEV. « Je me trouve infiniment mieux depuis que j'ai renoncé à tout ce lavage D RAC. d'eaux qu'on m'avait ordonnées, et qui m'avaient presque gâté entièrement l'estomac.

Quand toutes les maisons de Paris seront fournies d'eau nécessaire, l'usage des bains deviendra plus fréquent, on multipliera les lavages.... » Les premières terres limoneuses ayant BEAUM été délayées et entraînées par les eaux, ce grand lavage aura fait la séparation de tous les grains de fer contenus dans cette terre. » BUFF.

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ou n'a pas autant d'aptitude à prendre l'acception figurée. « Jésus voulut bien recevoir le baptême de Jean; mais le lavement d'eau doit être aboli par le baptême du Christ, ce baptême de l'esprit, cette ablution de l'àme, qui sauve les hommes. » VOLT.

ABOLITION, A BOLISSEMENT. Anéantissement, extinction, suppression de certaines choses, comme usages, coutumes, institutions, lois.

Une ablution, dans le sens le plus général du Quant à lavement, qui diffère aussi de lavage mot, est une pratique religieuse qui consiste à se laver diverses parties du corps, à des heures pres- en ce qu'il est plus noble, se confond-il par cela crites, avec certaines formalités et selon certains même avec ablution? Point du tout. Uniquement rites. Les éléphants ont quelque participation usité dans le langage de l'Église, il n'y exprime de religion; d'autant qu'après plusieurs ablutions point comme ablution quelque chose qui se praet purifications, on les void haussans leur trompe tique à la messe, mais l'action que fit Jésus-Christ en lavant les pieds aux apôtres le jour de la Cène, comme des bras, et tenans les yeux fichez vers le soleil levant, se planter longtemps en méditation et la double cérémonie qui consiste à laver, le jeudi saint, les autels et les pieds de certaines et en contemplation, à certaines heures du jour. MONTAIGN. a Ces ablutions, ces privations et ces personnes. Ensuite, beaucoup moins susceptible jeûnes.... qu'on recommande si fort dans les mys-d'extension que son synonyme, lavement n'a point tères de la Grèce. BARTH. « Mahomet laissa dans sa loi beaucoup de choses qu'il trouva établies chez les Arabes: la circoncision, le jeûne, les ablutions. » VOLT. « Là les seuls Israélites avaient le droit d'entrer; encore fallait-il qu'ils ne fussent souillés d'aucune tache, et qu'ils eussent pris soin de se purifier par la vertu des jeûnes et des ablutions prescrites. » MASS. « Le mauvais riche offrait les sacrifices ordonnés; il pratiquait les ablutions - Dans le christianisme l'usage prescrites. » ID. des ablutions est inconnu. Cependant le mot ablution chez les peuples catholiques en particulier a aussi une signification spéciale: il désigne dans la cérémonie de la messe l'action du prêtre qui prend le vin après la communion, et, d'autre Abolition représente comme se faisant la même part, quand le prêtre a communié, l'action de verser du vin et de l'eau sur ses doigts au-dessus chose qu'abolissement signifie comme étant faite. du calice. « Ce vin qu'on mettait dans un calice On travaille à l'abolition d'un usage dont on juge pour le donner à ces enfants après les avoir bap-l'abolissement nécessaire. Une loi ordonne l'abolitisés) s'appelait ablution, par la ressemblance de cette action avec l'ablution que les prêtres prenaient à la messe.» Boss. « On voit que les solitaires ne communiaient que sous une seule espèce (celle du pain), et n'employaient ensuite le vin que par forme d'ablution comme nous. » ID. Figurément, au sens moral, ablution s'est dit et tend de plus en plus à se dire, pour signifier une purification de l'âme. « L'innocence, qui est sans la moindre souillure, n'a pas besoin d'ablution. » DID. « Jamais on n'entre dans une église sans ressentir une émotion qui fait du bien à l'âme, et lui rend, comme par une ablution sainte, sa force et sa pureté. » STAËL.

Abolissement n'est point du tout, comme le prétend l'Académie dans son Dictionnaire historique, un synonyme inutile d'abolition. Rivarol a raison de vouloir qu'on les distingue l'un de l'autre et qu'on les conserve l'un et l'autre, comme dépopulation et dépeuplement, par exemple.

tion d'un vieux système de poids et mesures : mais on n'en obtient l'abolissement qu'après qu'un long usage a rendu le nouveau système familier. L'abolition de telle coutume a eu lieu à telle époque, a rencontré de grands obstacles; le peuple se trouve fort bien de l'abolissement de cette coutume.

« La guerre entre l'empire et le sacerdoce n'a semblé terminée que par l'abolition des jésuites. » VOLT. & M. d'Aguesseau égalera la gloire de son père, s'il contribue à l'abolition de l'esclavage. » ID.-a L'Etat et les séculiers, en Angleterre, n'ont profité que de l'abolissement des monastères. » VOLT. « La France n'est que plus florissante par l'abolissement de la vénalité infâme de la judica

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