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sont des dissonnances qu'on doit toujours préparer et sauver par l'accord parfait de l'or. BARTHOLO, lui donnant de l'argent.

Il faut en passer par où vous voulez; mais fi

nissons.

BAZILE.

Cela s'appelle parler. Demain tout sera terminé : c'est à vous d'empêcher que personne aujourd'hui ne puisse instruire la pupille.

BARTHOLO.

Fiez-vous-en à moi. Viendrez-vous ce soir, Ba

zile ?

BAZILE.

N'y comptez pas. Votre mariage seul m'occupera toute la journée; n'y comptez pas.

BARTHOLO, l'accompagnant.

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FIGARO, seul, sortant du cabinet.

On! la bonne précaution! Ferme, ferme la porte de la rue, et moi je vais la rouvrir au comte en sortant. C'est un grand maraud que ce Bazile! heureusement il est encore plus sot. Il faut un état, une famille, un nom, un rang, de la consis

tance enfin, pour faire sensation dans le monde en calomniant : mais un Bazile, il médiroit qu'on ne le croiroit pas.

SCÈNE X.

ROSINE, accourant; FIGARO.

ROSINE.

QUOI! vous êtes encore là, M. Figaro?

FIGARO.

Très-heureusement pour vous, Mademoiselle. Votre tuteur et votre maître à chanter, se croyant seuls ici, viennent de parler à cœur ou

vert...

ROSINE.

Et vous les avez écoutés, M. Figaro? Mais savez-vous que c'est fort mal.

FIGARO.

D'écouter? C'est pourtant ce qu'il y a de mieux pour bien entendre. Apprenez que votre tuteur se dispose à vous épouser demain.

ROSINE.

Ah! grands dieux!

FIGARO.

Ne craignez rien; nous lui donnerons tant d'ouvrage, qu'il n'aura pas le temps de songer à celui-là..

ROSINE.

Le voici qui revient; sortez donc par le petit escalier. Vous me faites mourir de frayeur.

(Figaro. s'enfuit.)

SCENE X I.

BARTHOLO, ROSINE.

ROSINE.

Vous étiez ici avec quelqu'un, Monsieur?

BARTHOLO.

Don Bazile, que j'ai reconduit, et pour cause. Vous eussiez mieux aimé que c'eût été M. Figaro,

ROSINE.

Cela m'est fort égal, je vous assure.

BARTHOLO.

Je voudrois bien savoir ce que ce barbier avoit de si pressé à vous dire?

ROSINE.

Faut-il parler sérieusement? Il m'a rendu compte de l'état de Marceline, qui même n'est pas trop bien, à ce qu'il dit.

BARTHOLO.

Vous rendre compte ! Je vais parier qu'il étoit chargé de vous remettre quelque lettre.

ROSINE.

Et de qui, s'il vous plaît ?

BARTHOLO.

Oh! de qui? De quelqu'un que les femmes ne nomment jamais. Que sais-je, moi? Peut-être la réponse au papier de la fenêtre.

ROSINE, à part.

Il n'en a pas manqué une seule. (Haut.) Vous mériteriez bien que cela fût.

BARTHOLO regarde les mains de Rosine.
Cela est. Vous avez écrit.

ROSINE, avec embarras.

Il seroit assez plaisant que vous eussiez le projet de m'en faire convenir.

BARTHOLO, lui prenant la main droite. Moi! Point du tout; mais votre doigt encore taché d'encre! Hein? rusée Signora !

ROSINE, à part.

Maudit homme!

BARTHOLO, lui tenant toujours la main. Une femme se croit bien en sûreté parce qu'elle est seule.

ROSINE.

Ah! sans doute... La belle preuve !... Finissez donc, Monsieur, vous me tordez le bras. Je me suis brûlée en chiffonnant autour de cette bougie, et l'on m'a toujours dit qu'il falloit aussitôt tremper dans l'encre ; c'est ce que j'ai fait.

BARTHOLO.

C'est ce que vous avez fait? Voyons donc si un second témoin confirmera la déposition du premier. C'est ce cahier de papier, où je suis certain qu'il y avoit six feuilles; car je les compte tous les matins, aujourd'hui encore.

ROSINE, à part.

Oh! imbécille!...

BARTHOLO, comptant.

Trois, quatre, cinq...

ROSINE.

La sixième....

EARTHOLO.

BARTHOLO.

Je vois bien qu'elle n'y est pas, la sixième..
ROSINE, baissant les yeux.

La sixième? Je l'ai employée à faire un cornet pour des bonbons que j'ai envoyés à la petite Figaro.

BARTHOLO.

A la petite Figaro ? Et la plume qui étoit toute neuve; comment est-elle devenue noire? Est-ce en écrivant l'adresse de la petite Figaro? ROSINE, à part.

Cet homme a un instinct de jalousie... (Haut.) Elle m'a servi à retracer une fleur effacée sur la veste que je vous brode au tambour.

BARTHOLO.

Que cela est édifiant! Pour qu'on vous crût, mon enfant, il faudroit ne pas rougir en déguisant coup sur coup la vérité; mais c'est ce que Vous ne savez pas encore.

ROSINE.

Eh! qui ne rougiroit pas, Monsieur, de voir tirer des conséquences aussi malignes des choses le plus innocemment faites?

BARTHOLO.

Certes, j'ai tort; se brûler le doigt, le tremper dans l'encre, faire des cornets aux bonbons pour la petite Figaro, et dessiner ma veste au tambour, quoi de plus innocent! Mais que de mensonges entassés pour cacher un seul fait!... Je suis seule, on ne me voit point; je pourrai mentir à mon aise ; mais le bout du doigt reste noir, la plume est taRÉPERTOIRE. Tome XLIX.

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