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MARCELINE, riant.

Ce cœur plein d'assurance n'étoit donc qu'un ballon gonflé, une épingle a tout fait partir. FIGARO, furieux.

Mais cette épingle, ma mère, est celle qu'il a ramassée...

MARCELINE, rappelant ce qu'il a dit.

La jalousie? oh! j'ai là-dessus, ma mère, une philosophie... imperturbable; et si Suzanne m'attrape un jour, je le lui pardonne...

FIGARO, vivement.

Oh! ma mère, on parle comme on sent: mettez le plus glacé des juges à plaider dans sa propre cause, et voyez-le expliquer la loi. Je ne m'étonne plus s'il avoit tant d'humeur sur ce feu!— Pour la mignonne aux fines épingles, elle n'en est pas où elle le croit, ma mère, avec ses marronniers: si mon mariage est assez fait pour légitimer ma colère; en revanche, il ne l'est pas assez pour que je n'en puisse épouser une autre, et l'abandonner...

MARCELINE.

Bien conclu! abîmons tout sur un soupçon. Qui t'a prouvé, dis-moi, que c'est toi qu'elle joue, et non le comte? L'as-tu étudiée de nouveau pour la condamner sans appel? sais-tu si elle se rendra sous les arbres, à quelle intention elle y va, ce qu'elle y dira, ce qu'elle y fera? Je te croyois plus fort en jugement.

FIGARO, lui baisant la main avec respect. Elle a raison, ma mère, elle a raison, raison, toujours

toujours raison! Mais, accordons, maman, quelque chose à la nature; on en vaut mieux après. Examinons, en effet, avant d'accuser et d'agir. Je sais où est le rendez-vous. Adieu, ma mère. (Il sort.)

SCENE X V I..

MARCELINE.

ADIEU: et moi aussi, je le sais. Après l'avoir arrêté, veillons sur les voies de Suzanne ; ou plutôt avertissons-la; elle est si jolie créature! Ah! quand l'intérêt personnel ne nous arme pas les unes contre les autres, nous sommes toutes portées à soutenir notre pauvre sexe opprimé, contre ce fier, ce terrible... (En riant. ) et pourtant un peu nigaud de sexe masculin. ( Elle sort. )

FIN DU QUATRIÈME ACTE.

RÉPERTOKE. Tome XLIX.

25

ACTE CINQUIÈME.

Le théâtre représente une salle de marronniers, dans un parc; deux pavillons kiosques, ou temples de jardins, sont à droite et à gauche; le fond est une clairière ornée, un siége de gazon sur le devant. Le théâtre est obscur.

SCÈNE I.

FANCHETTE, seule, tenant d'une main deux biscuits et une orange, et de l'autre une lanterne de papier allumée.

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DANS le pavillon à gauche, a-t-il dit. C'est celuici. - S'il alloit ne pas venir à présent; mon petit rôle... Ces vilaines gens de l'office qui ne vouloient pas seulement me donner une orange et deux biscuits! Pour qui, Mademoiselle ? Eh bien! Monsieur, c'est pour quelqu'un.-Oh! nous savons. - Et quand ça seroit parce que Monseigneur ne veut pas le voir, faut-il qu'il meure de faim? Tout ça pourtant m'a coûté un fier baiser sur la joue... Que sait-on ? il me le rendra peut-être. (Elle voit Figaro qui vient l'examiner; elle fait un cri.) Ah! (Elle s'enfuit, et ellé entre dans le pavillon à sa gauche. )

LE MARIAGE DE FIGARO. ACTE V, SC. II. 295

SCÈNE II.

FIGARO, un grand manteau sur les épaules, un large chapeau rabattu; BAZILE, GRIPESOLEIL, BARTHOLO, ANTONIO, BRID'OISON, TROUPE DE VALETS ET

DE TRAVAILLEURS.

FIGARO, d'abord seul.

C'EST Fanchette! (parcourt des yeux les autres à mesure qu'ils arrivent, et dit d'un ton farouche:) Bonjour, Messieurs; bonsoir : êtes-vous tous ici?

BAZILE.

Ceux que tu as pressés d'y venir.

FIGARO.

Quelle heure est-il bien à peu près?
ANTONIO, regardant en l'air.

La lune devroit être levée.

BARTHOLO.

Eh! quels noirs apprêts fais-tu donc? Il a l'air d'un conspirateur.

FIGARO, s'agitant.

N'est-ce pas pour une noce, je vous prie, que› yous êtes rassemblés au château?

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Nous allions là bas, dans le parc, attendre un signal pour ta fête.

FIGARO.

Vous n'irez pas plus loin, Messieurs; c'est ici, sous ces marronniers que nous devons tous célébrer l'honnête fiancée que j'épouse, et le loyal seigneur qui se l'est destinée.

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BAZILE, se rappelant la journée.

Ah! vraiment, je sais ce que c'est. Retironsnous, si vous m'en croyez; il est question d'un rendez-vous: je vous conterai cela près d'ici.

BRID'OISON, à Figaro.

Nou-ous reviendrons.

FIGARO.

Quand vous m'entendrez appeler, ne manquez pas d'accourir tous, et dites du mal de Figaro, s'il ne vous fait voir une belle chose.

BARTHOLO.

Souviens-toi qu'un homme sage ne se fait point d'affaire avec les grands.

Je m'en souviens.

FIGARO.

BARTHOLO.

Qu'ils ont quinze et bisque sur nous, par leur état.

FIGARO.

Sans leur industrie, que vous oubliez. Mais souvenez-vous aussi que l'homme qu'on sait timide, est dans la dépendance de tous les fripons.

Fort bien.

BARTHOLO.

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