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le district des pansemens et des drogues, je ven

dois souvent aux hommes de bonnes médecines de cheval...

LE COMTE,

Qui tuoient les sujets du roi.

FIGARO.

Ah! ah! il n'y a point de remède universel; mais qui n'ont pas laissé de guérir quelquefois des Galiciens, des Catalans, des Auvergnats.

LE COMTE.

Pourquoi donc l'as-tu quitté ?

FIGARO.

Quitté? C'est bien lui-même; on m'a desservi auprès des puissances :

Crooked

L'Envie aux doigts crochus, au teint pâle et livide...

LE COMTE.

Oh! grâce, grâce, ami! Est-ce que tu fais aussi des vers? Je t'ai vu là griffonnant sur ton genou et chantant dès le matin.

FIGARO.

Voilà précisément la cause de mon malheur, excellence. Quand on a rapporté au ministre que je faisois, je puis dire, assez joliment des bouquets à Cloris, que j'envoyois des énigmes aux journaux, qu'il couroit des madrigaux de ma façon ; en un mot, quand il a su que j'étois imprimé tout vif, il a pris la chose au tragique, et m'a fait ôter mon emploi, sous prétexte que l'amour des lettres est incompatible avec l'esprit des affaires.

LE COMTE.

Puissamment raisonné! et tu ne lui fis pas repré

senter...

FIGARO..

Je me crus trop heureux d'en être oublié; persuadé qu'un grand nous fait assez de bien, quand il ne nous fait pas de mal.

LE COMTE.

Tu ne dis pas tout. Je me souviens qu'à mon service tu étois un assez mauvais sujet.

FIGARO.

Eh! mon Dieu, Monseigneur, c'est qu'on veut que le pauvre soit sans défaut.

LE COMTE.

Paresseux, dérangé...

FIGARO.

Aux vertus qu'on exige dans un domestique, votre excellence connoît-elle beaucoup de maîtres qui fussent dignes d'être valets?

LE COMTE, riant.

Pas mal. Et tu t'es retiré en cette ville?

FIGARO.

Non, pas tout de suite.

LE COMTE, l'arrêtant.

Un moment.... J'ai cru que c'étoit elle.... Dis toujours, je t'entends de reste.

FIGARO.

De retour à Madrid, je voulus essayer de nouveau mes talens littéraires, et le théâtre me parut un champ d'honneur...

LE COMTE.

Ah! miséricorde!

FIGARO.

Pendant sa réplique, le comte regarde avec allention du côté de la jalousie.)

le

En vérité, je ne sais comment je n'eus pas plus grand succès, car j'avois rempli le parterre des plus excellens tray ailleurs; des mains... comme des battoirs; javois interdit les gants, les cannes, tout ce qui ne produit que des applaudissemens sourds; et d'honneur, avant la pièce, le café m'avoit paru dans les meilleures dispositions pour moi. Mais les efforts de la cabale...

LE COMTE.

Ah! la cabale, monsieur l'auteur tombé!

FIGARO.

Tout comme un autre: pourquoi pas? Ils m'ont sifflé; mais, si jamais je puis les rassembler...

LE COMTE.

L'ennui te vengera bien d'eux ?

FIGARO.

Ah! comme je leur en garde! morbleu !

LE COMTE.

Tu jures! Sais-tu qu'on n'a que vingt-quatre heures au palais pour maudire ses juges?

FIGARO.

On a vingt-quatre ans au théâtre; la vie est trop courte pour user un pareil ressentiment.

LE COMTE.

Ta joyeuse colère me réjouit. Mais tu ne me dis pas ce qui t'a fait quitter Madrid.

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FIGARO.

C'est mon bon ange, excellence, puisque je suis assez heureux pour retrouver mon ancien maître. Voyant à Madrid que la république des lettres - étoit celle des loups, toujours armés les uns contre les autres, et que livrés au mépris où ce risible acharnement les conduit, tous les insectes, les moustiques, les cousins, les critiques, les maringouins, les envieux, les feuillistes, les libraires, les cenceurs, et tout ce qui s'attache à la peau dest malheureux gens de lettres, achevoit de déchi queter et de sucer le peu de substance qui leur restoit; fatigué d'écrire, ennuyé de moi, dégoûté des autres, abîmé de dettes et léger d'argent; à la fin, convaincu que l'utile revenu du rasoir est préférable aux vains honneurs de la plume, j'ai quitté Madrid; et, mon bagage en sautoir, parcourant philosophiquement les deux Castilles, la Manche, l'Estramadoure, la Sierra-Morena, l'Andalousie; accueilli dans une ville, emprisonné dans l'autre, et partout supérieur aux événemens; loué par ceux-ci, blâmé par ceux-là : aidant au bon temps, supportant le mauvais, me moquant des sots, bravant les méchans, riant de ma misère, et faisant la barbe à tout le monde; vous me voyez enfin établi dans Séville, et prêt à servir de nouveau votre excellence en tout ce qu'il lui plaira de m'ordonner.

LE COMTE.

Qui t'a donné une philosophie aussi gaie!

FIGARO..

L'habitude du malheur. Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer. Que regardez-vous donc toujours de ce côté?

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BARTHOLO, ROSINE.

(La jalousie du premier étage s'ouvre, et Bartholo et Rosine se mettent à la fenêtre.)

ROSINE.

COMME le grand air fait plaisir à respirer! Cette jalousie s'ouvre si rarement...

BARTHOLO.

Quel papier tenez-vous là?

ROSINE.

Ce sont des couplets de la Précaution inutile que mon maître à chanter m'a donnés hier.

BARTHOLO.

Qu'est-ce que la précaution inutile?

ROSINE.

C'est une comédie nouvelle.

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