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LE BARBIER DE Séville. Act. III, SC. XIV.

SCENE XIV.

BARTHOLO, seul, les poursuit.

Je suis fou! infâmes suborneurs! émissaires du diable, dont vous faites ici l'office, et qui puisse vous emporter tous!... Je suis fou!... Je les ai vus comme je vois ce pupitre... et me soutenir effrontément!... Ah! il n'y a que Bazile qui puisse m'expliquer ceci. Oui, envoyons-le chercher. Hola! quelqu'un... Ah! j'oublie que je n'ai personne... Un voisin, le premier venu, n'importe. Il y a de quoi perdre l'esprit! il y a de quoi perdre l'esprit!

FIN DU TROISIÈME ACTE.

Pendant l'entr'acte, le théâtre s'obscurcit: on entend un bruit d'orage, et l'orchestre joue celui qui est gravé dans le recueil de la Musique du Barbier.

ACTE QUATRIÈME.

Le théâtre est obscur.

SCENE I.

BARTHOLO; DON BAZILE, une lanterne de papier à la main.

BARTHOLO.

COMMENT, Bazile, vous ne le connoissez pas ? Ce que vous dites est-il possible?

BAZILE.

Vous m'interrogeriez cent fois que je vous ferois toujours la même réponse. S'il vous a remis la lettre de Rosine, c'est sans doute un des émissaires du comte: mais à la magnificence du présent qu'il m'a fait, il se pourroit que ce fût le comte lui-même.

BARTHOLO.

Quelle apparence? Mais, à propos de ce présent, eh! pourquoi l'avez-vous reçu ?

BAZILE.

Vous aviez l'air d'accord; je n'y entendois rien; et, dans les cas difficiles à juger, une bourse d'or

me paroît toujours un argument sans réplique. Et puis, comme dit le proverbe, ce qui est bon à prendre...

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Oui, j'ai arrangé comme cela plusieurs petits proverbes avec des variations: mais, allons au fait; à quoi vous arrêtez-vous?

BARTHOLO.

En ma place, Bazile, ne feriez-vous pas les derniers efforts pour la posséder?

BAZILE.

Ma foi non, Docteur. En toute espèce de biens, posséder est peu de chose; c'est jouir qui rend heureux : mon avis est, qu'épouser une femme dont on n'est point aimé, c'est s'exposer...

BARTHOLO.

Vous craindriez les accidens?

BAZILE.

Eh! eh! Monsieur... on en voit beaucoup cette année. Je ne ferois point violence à son cœur.

BARTHOLO.

Votre valet, Baziie Il vaut mieux qu'elle pleure de m'avoir, que moi je meure de ne l'avoir pas,

BAZILE.

Il y va de la vie? Epousez, Docteur, épousez.

BARTHOLO.

Aussi ferai-je, et cette nuit même.

BAZILE.

Adieu donc. Souvenez-vous, en parlant à la pupille, de les rendre tous plus noirs que l'enfer.

BARTHOLO.

Vous avez raison.

BAZILE.

La calomnie, Docteur, la calomnie. Il faut toujours en venir là.

BARTHOLO.

Voici la lettre de Rosine que cet Alonzo m'a remise, et il m'a montré, sans le vouloir, l'usage que j'en dois faire auprès d'elle.

BAZILE.

Adieu: nous serons tous ici à quatre heures.

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Oui, chez le barbier Figaro; c'est sa nièce qu'il

marie.

BARTHOLO.

Sa nièce? il n'en a pas.

BAZILE.

Voilà ce qu'ils ont dit au notaire.

BARTHOLO.

Ce drôle est du complot; que diable!

BAZILE.

Est-ce que vous penseriez?...

BARTHOLO.

Ma foi, ces gens-là sont si alertes! Tenez, mon ami, je ne suis pas tranquille. Retournez chez le notaire : qu'il vienne ici sur le champ avec vous.

BAZILE.

Il pleut, il fait un temps du diable; mais rien ne m'arrête pour vous servir. Que faites-vous donc ?

BARTHOLO.

Je vous reconduis; n'ont-ils pas fait estropier tout mon monde par ce Figaro! Je suis seul ici.

J'ai ma lanterne.

BAZILE.

BARTHOLO.

Tenez, Bazile, voilà mon passe-partout, je vous attends, je veille; et vienne qui voudra, hors le notaire et vous, personne n'entrera de la nuit.

BAZILE.

Avec ces précautions, vous êtes sûr de votre fait.

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