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ments longs, ni courts, pour distinguer l'âme du corps, c'est-à-dire qui faille y arriver de conséquence en conséquence, en partant de quelque principe. Dans ses Méditations, Descartes paraît beaucoup raisonner, mais ce ne sont que des réflexions vigoureuses, par lesquelles l'âme se démêle de ses préjugés, revient à elle-même, se voit distincte du corps, et cette distinction est le résultat des efforts qu'elle fait pour s'affranchir, et non point la conclusion d'aucun argument. Et sur quoi Descartes s'appuierait-il pour raisonner, lorsqu'il commence par chasser toute connaissance, toute notion, par conséquent tout principe?

« Voici, continue Arnauld, une autre raison de Malebranche: Je crois pouvoir dire que l'ignorance où sont la plupart des hommes, à l'égard de leur âme, de sa distinction d'avec le corps, de sa spiritualité, de son immortalité et de ses autres propriétés, suffit pour prouver évidemment que l'on n'en a point d'idée claire et distincte. « Si les « erreurs des hommes et les doutes déraisonnables qu'ils ont tous les jours sur des choses très-certaines, peuvent être allégués pour prouver que nous n'avons pas • d'idées claires des choses dont il leur plaît de douter, il n'y a plus rien dont on puisse dire que nous avons « des idées claires. Car y a-t-il rien dont les sceptiques • et les pyrrhoniens n'aient fait profession de douter ? Que si, de ce général, nous descendons au particulier, « comment Malebranche n'a-t-il pas vu qu'on n'avait • pas moins de droit de conclure de ce qu'il dit que les ⚫ hommes n'ont point d'idée claire et distincte de leur

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• corps ? Car les épituriens and

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a spiritualité et als cat cru que

« leur corps ésta capable de penser. El n'y a encore • présentement que troç dimples qui son dans le même ⚫ sentiment. Or. si les mas es es avaient eu une idée claire de ler arps is 1'alent pas eu cette ◄ pensée, puisque, sin ut, quand on a une idée « claire d'une chose, în vili sans peine et d'une vue simple ce qu'elle enferme, es ce qu'elle EXCLIT. Donc cette « raison ne prouve rien, ca elle prove autant contre la • clarté de Tidée da corps on de Tetendre, que contre la • clarté de oclle de l'âme 1. » Il faut savoir que, d'après Malebranche, nous avons une idée claire et distincte du corps, qu'il fait consister dans rétendue seule. N'avoir qu'une idée confuse et obscure de l'âme, cu ne pas en avoir du tout, c'est pour lui la même chose. Cependant, comme quelqu'un qui n'est pas sur de sci, il emploie ordinairement la première expression, qui est moins dure.

Malebranche, en niant que l'âme se connaisse, la retire d'elle-même, cù Descartes l'a rappelée, et ruine l'un des deux fondements de la philosophie; il ruine l'autre, en niant qu'elle connaisse Dieu par une idée qu'elle ait en soi; car il prétend qu'elle ne le connait que parce qu'il agit sur elle, qu'il la presse et la pénètre de sa substance. A cet égard, Malebranche détruit l'œuvre de Descartes; mais, sous un autre rapport, il la continue, prenant la philosophie où Descartes l'a laissée, c'est-à-dire au rap

(1) Vraies et fausses idées, ch. XXIII.

pel de la pensée à soi et à Dieu, et étudiant la nature des idées, celle de Dieu, cherchant le motif qu'il a eu de créer, les lois générales des choses, le système du monde et la destinée de l'homme.

Locke, qui nie non-seulement que l'âme se connaisse, mais qu'elle connaisse Dieu d'aucune sorte, tout en soutenant, par inconséquence, qu'elle peut démontrer qu'il existe, Locke renverse aussi, à plus forte raison, la philosophie et l'œuvre de Descartes; cependant il la continue de même en un certain sens, mais dégradée. Si Descartes a ramené la pensée à soi ou aux notions primitives, il n'a point examiné comment nous arrivons à chacune d'elles en particulier, excepté à celles de l'âme et de Dieu; c'est ce que Locke entreprend de faire; mais, incapable d'approfondir les choses, il prend pour origine de ces notions ce qui les suppose et les applique. Voulez-vous savoir d'où nous vient la notion d'existence? Écoutez: « Lorsque nous avons des idées

dans l'esprit, nous les considérons comme y étant actuellement, tout ainsi que nous considérons les choses « comme étant actuellement hors de nous, c'est-à-dire < comme actuellement existantes en elles-mêmes. > Voilà, selon lui, l'idée d'existence obtenue. L'idée d'unité ? Écoutez encore : Tout ce que nous considérons ⚫ comme une seule chose, que ce soit un être réel, ou ⚫ une simple idée, suggère à notre entendement l'idée « de l'unité (1). »

(1) Essai sur l'Ent. hum., 1. II, ch. vii, art. 7.

Débiter ces puérilités, c'est ce que Locke appelle philosopher. Quelque opposés que lui et Malebranche soient à Descartes, la cause de leurs erreurs est dans celui-ci, comme il paraîtra au chapitre suivant.

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CHAPITRE II

Des Substances spirituelles et corporelles. - De l'existence des corps.

SECTION I

DES IDÉES ET DES SUBSTANCES.

Pour s'être borné à rappeler la pensée à elle-même et à Dieu et n'avoir point approfondi la nature des idées et des substances, Descartes tend à tous les systèmes, et fournit des armes à toutes les écoles. Et comme jamais rénovateur ne fut aussi énergique, jamais aucun ne provoqua de si puissantes luttes, et ne suscita, pour l'instruction du genre humain, d'aussi savantes et d'aussi solennelles discussions.

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• L'idée d'un être souverainement parfait ou de perfection infinie est née et produite avec moi dès lors que j'ai été créé, ainsi que l'est l'idée de moi-même. Et de

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