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Sous ces conditions est aussi-tôt jurée :

Trois combattront pour tous; mais, pour les mieux

choisir,

Nos chefs ont voulu prendre un peu plus de loisir :
Le vôtre est au Sénat, le nôtre dans sa tente.

CAMILLE.

O Dieux que ce discours rend mon ame contente !

CURIA CE,

Dans deux heures au plus, par un commun accord,
Le sort de nos guerriers réglera notre sort.
Cependant tout est libre, attendant qu'on les nomme.
Rome est dans notre camp, et notre camp dans
Rome.

D'un et d'autre côté l'accès étant permis,

Chacun va renouer avec ses vieux amis.

51

Pour moi ma passion m'a fait suivre vos frères;
Et mes desirs ont eu des succès si prosperes,

Que l'Auteur de vos jours m'a promis à demain 52 Le bonheur sans pareil de vous donner la main. 53 Vous ne deviendrez pas rebelle à sa puissance?

CAMILLE.

Le devoir d'une fille est dans l'obéissance.

CURIA CE.

Venez donc recevoir ce doux commandement,
Qui doit mettre le comble à mon contentement.

54

CAMILLE.

Je vais suivre vos pas, mais pour revoir mes freres, 5 Et savoir d'eux encor la fin de nos miseres.

JULIE.

Allez, et cependant au pieds de nos autels.
J'irai rendre pour vous graces aux immortels.

Fin du premier acte.

ACTE I I.

SCENE PREMIERE.

HORACE, CURIA CE.

CURIA CE.

AINSI Rome n'a point séparé son estime;

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Elle eût cru faire ailleurs un choix illégitime.
Cette superbe Ville en vos frères et vous
Trouve les trois guerriers qu'elle préfere à tous;
Et son illustre ardeur d'oser plus que les autres, 2
D'une seule maison brave toutes les nôtres.

Nous croirons, à la voir toute entiere en vos mains,
Que, hors les fils d'Horace, il n'est point de Ro-

mains.

Ce choix pouvait combler trois familles de gloire, Consacrer hautement leurs noms à la mémoire ; 3 Oui, l'honneur que reçoit la vôtre par ce choix, En pouvait à bon titre immortaliser trois,

Et puisque c'est chez vous que mon heur et ma flamme

M'ont fait placer ma sœur, et choisir une femme
Ce que je vais vous être, et ce que je vous suis
Me font y prendre part autant que je le puis:
Mais un autre intérêt tient ma joie en contrainte
Et parmi ses douceurs mêle beaucoup de crainte.
La guerre en tel éclat a mis votre valeur,
Que je tremble pour Albe, et prévois son malheur

Puisque vous combattez, sa perte est assurée ;
En vous faisant nommer, le destin l'a jurée.
Je vois trop dans ce choix ses funestes projets
Et me compte déjà pour un de vos sujets.

HORACE.

Loin de trembler pour Albe, il vous faut plaindre

Rome,

Voyant ceux qu'elle oublie, et les trois qu'elle

nomme.

C'est un aveuglement pour elle bien fatal ? D'avoir tant à choisir, et de choisir si mal. Mille de ses enfans beaucoup plus dignes d'elle Pouvaient bien mieux que nous soutenir sa querelle; Mais quoi que ce combat me promette un cercueil, La gloire de ce choix m'enfle d'un juste orgueil; Mon esprit en conçoit une mâle assurance; J'ose espérer beaucoup de mon peu de vaillance; Et du sort envieux quels que soient les projets, Je ne me compte point pour un de vos sujets. Rome a trop cru de moi, mais mon ame ravie Remplira son attente, ou quittera la vie. Qui veut mourir, ou vaincre, est vaincu rarement; 5 Ce noble désespoir périt malaisément.

Rome, quoi qu'il en soit, ne sera point sujette, Que mes derniers soupirs n'assurent ma défaite.

CURIA CE.

Hélas! c'est bien ici que je dois être plaint!
Ce que veut mon pays, mon amitié le craint.
Dures extrémités, de voir Albe asservie,
Ou sa victoire au prix d'une si chere vie ;

Et que l'unique bien où tendent ses desirs
S'achete seulement par vos derniers soupirs!
Quels vœux puis-je former, et quel bonheur at-
tendre ?

De tous les deux côtés j'ai des pleurs à répandre;
De tous les deux côtés mes desirs sont trahis.

HORAC E.

Quoi! vous me pleureriez mourant pour mon pays!
Pour un cœur généreux ce trépas a des charmes ;
La gloire qui le suit ne souffre point de larmes ;
Et je le recevrais en bénissant mon sort,
Si Rome et tout l'État perdaient moins à ma mort.

CURIAC E.

A vos amis pourtant permettez de le craindre;
Dans un si beau trépas ils sont les seuls à plaindre :
La gloire en est pour vous et la perte pour eux. 6
Il vous fait immortel, et les rend malheureux.
On perd tout quand on perd un ami si fidele.
Mais Flavian m'apporte ici quelque nouvelle.

SCENE I 1.

HORACE, CURIACE, FLAVIAN.

CURIAC E.

ALBE de trois Guerriers a-t-elle fait le choix?

FLAVIA N.

Je viens pour vous l'apprendre.

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