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CHAP. C. 1501,

vers Capoue, et investit cette ville des deux côtés de la rivière à-la-fois. La garnison repoussa avec vaillance le premier assaut que donnèrent les Français; mais elle éprouva de son côté une perte considérable : elle avoit vu le danger de près, et elle craignoit de succomber dans une seconde attaque; en sorte que le 24 juillet 1501 elle offrit de capituler. Le comte de Caiazzo fut admis sur le bastion à une conférence avec Fabrice Colonna, pour traiter des conditions auxquelles la place seroit livrée. La garnison, qui depuis huit jours étoit appelée à des veilles continuelles, crut pouvoir se relâcher de sa vigilance, au moment où l'on étoit presque d'accord; et tandis qu'on parlementoit, les Français pénétrèrent dans l'enceinte de la ville. On assure qu'un des bourgeois leur en ouvrit l'entrée, mais qu'il fut immédiatement après tué par les vainqueurs. Capoue, surprise tandis qu'elle croyoit se rendre, fut traitée avec toute la cruauté qui signaloit alors les guerres des ultramontains en Italie sept mille habitans furent massacrés dans les rues (1), toutes les propriétés furent pillées, toutes les femmes abandonnées à la brutalité des soldats; mais l'horreur qu'ils inspiroient étoit si grande,

(1) Burchardi Diar. Curiæ Romanæ, p. 2132. · Fr. Belcarii Comment., Lib. IX, p. 250. — Summonte Stor. di Napoli, L. VI, cap. IV, p. 535.

qu'un très-grand nombre de dames se précipitèrent dans des puits pour se soustraire par la mort au déshonneur. Les églises et les couvens ne furent point épargnés; et tant que les malheureux Capouans eurent quelque chose à perdre, les généraux français, qui, vis-à-vis de ces nouveaux sujets, prétendoient représenter le souverain légitime, n'étendirent point sur eux leur protection. Enfin le pillage avoit cessé, le soldat s'étoit calmé, et la discipline étoit rétablie, lorsqu'on découvrit qu'une tour de la ville avoit servi de refuge à un grand nombre de femmes. César Borgia les fit toutes conduire devant lui; et après les avoir examinées avec soin, il fit choix des quarante plus belles, qu'il envoya dans son palais à Rome pour y former son sérail. (1)

Fabrice Colonna, don Hugues de Cardone, et plusieurs autres capitaines distingués, demeurèrent au nombre des prisonniers. Le comte Rinuccio de Marciano, blessé d'une flèche d'arbalète, étoit aussi tombé entre les mains des soldats du duc de Valentinois; mais il mourut dès le second jour, et l'on crut que Vitellozzo Vitelli avoit fait empoisonner ses blessures, se souvenant que la rivalité de ce capitaine avec

(1) Fr. Guicciardini, L. V, p. 268. -- Jacopo Närdi, L. IV, p. 124. Orl. Malavolti Stor. di Siena, P. III, Lib. VI, f. 108.

СПАР. С.

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CHAP. C.

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son frère Paul Vitelli, avoit été une des causes du supplice de ce dernier. (1)

La prise de Capoue porta le dernier coup à la fortune déjà si chancelante de Frédéric. Il abandonna sa capitale qu'il ne pouvoit plus défendre; il s'enferma dans le château Neuf, et il permit aux villes de Naples et de Gaëte d'ouvrir, sans coup férir, leurs portes aux Français. La première se racheta du pillage par une contribution de soixante mille ducats. Le 25 août, six jours après l'entrée des Français dans Naples, don Frédéric leur remit lui-même le château Neuf. Il convint avec d'Aubigny de le mettre paisiblement en possession de tout ce qu'il possédoit encore dans la partie du royaume qui étoit échue en partage aux Français; et il ne se réserva que l'île d'Ischia, qui devoit pendant six mois être à l'abri de toute hostilité. Il stipula en même temps une amnistie pour tous ceux qui s'étoient déclarés contre la France, depuis la conquête de Charles VIII; et il réserva aux cardinaux Colonna et d'Aragon, la jouissance de leurs rentes ecclésiastiques dans le royaume. (2)

Jamais on n'avoit vu plus d'illustres victimes des révolutions politiques, que n'en rassembloit

(1) Fr. Guicciardini, Lib. V, p. 269.

(2) Idem, L. V, p. 269. — Jacopo Nardi, Ist. Fior., L. IV, P. 125. Burchardi Diar. Curiæ Rom., p. 2132.

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alors l'île d'Ischia. Dans son château se trouvoit CHAP. C. Béatrix d'Aragon, sœur de don Frédéric, d'abord mariée au grand Mathias Corvinus, roi de Hongrie, puis fiancée à Uladislas, roi de Bohème. Elle avoit par son crédit fait obtenir à ce dernier la couronne de Hongrie; mais en retour il l'avoit répudiée, et il avoit épousé une autre femme. On y voyoit encore Isabelle, duchesse de Milan, femme de Louis-le-Maure et fille d'Alfonse de Naples; l'un et l'autre avoient perdu leurs états: son père étoit mort dans l'exil, son mari et son fils étoient prisonniers. Enfin Frédéric lui-même se trouvoit dans cette forteresse , avec sa femme et quatre enfans en bas âge. Il ne demeura pas long-temps il est vrai dans cette retraite, où il auroit fait plus sagement d'attendre les chances d'une nouvelle fortune. Son indigna tion contre son cousin Ferdinand d'Aragon étoit si violente, qu'il aima mieux encore se jeter entre les bras d'un ennemi qui l'avoit toujours combattu à force ouverte. Il suivit le conseil de Philippe de Rabenstein, qui étoit arrivé devant Ischia avec sa flotte; il obtint de lui un saufconduit pour se rendre en France, avec cinq galères légères, tandis qu'il envoya la meilleure partie de ses gendarmes à Tarente, qui se défendoit toujours, au nom de son fils aîné. Il confia le commandement d'Ischia au marquis del Guasto, et à la comtesse de Francavilla. Il

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CHAP. G. laissa aussi dans cette île Fabrice et Prosper Colonna, dont le premier avoit été obligé de payer sa rançon aux Français après la prise de Capoue. Lous XII, touché de la confiance de don Frédéric, lui accorda en effet le duché d'Anjou et trente mille ducats de rente, en compensation du royaume qu'il avoit perdu : mais il y mit pour condition que cet hôte illustre ne sortiroit jamais de France; et quoiqu'il ne fût point son prisonnier, et qu'il fût venu sur la foi d'un sauf-conduit, Louis XII le mit sous la garde du marquis de Rothelin qui, avec trois cents hommes, fut chargé de veiller à sa sûreté, ou plutôt à son obéissance. (1)

La conquête de l'autre moitié du royaume de Naples, par Gonsalve de Cordoue, ne fut pas tout-à-fait si rapide : il l'avoit commencée plus tard et avec moins de forces; il trouvoit aussi plus de résistance dans les habitans. Ceux-ci regrettoient le partage de leur patrie; et puisqu'elle devoit cesser d'avoir un roi pour elle seule, ils auroient préféré du moins passer sous la domination de la France. Cependant, comme leur souverain les avoit abandonnés, et qu'aucun autre prince ne se présentoit pour les dé

(1) Summonte Ist. di Napoli, Lib. VI, cap. IV, p. 537. — Fr. Guicciardini, L. V, p. 269.--Jean de Saint-Gelais, Hist. de Louis XII, p. 163.-Barth. Senarega de reb. Genuens., p. 573. Istor. di Gio. Cambi, T. XXI, p. 166. Raynaldi Ann. eccles. 1501, §. 74, p. 166. — Arnoldi Ferroni, L. III, p. 43.

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