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grâces spirituelles dont il disposoit. Il savoit que Chap. xcix. le roi de France avoit besoin de lui pour satis- 1498. faire à-la-fois ses passions et sa politique; que marié depuis vingt ans à une fille de Louis XI, qu'il n'avoit jamais aimée, il desiroit se séparer d'elle; qu'amoureux depuis long-temps aussi de la veuve de son prédécesseur, il desiroit l'épouser, et conserver ainsi la Bretagne à la France. Alexandre VI pouvoit seul sanctionner ce divorce et cette union nouvelle; il le fit offrir par ses ambassadeurs, et il comptoit bien mettre à un prix élevé le scandale qu'il donneroit ainsi à la chrétienté. Les Florentins envoyèrent de leur côté des ambassadeurs à Louis XII, pour confirmer leur ancienne alliance, et rappeler à sa mémoire tout ce qu'ils venoient de souffrir pour la cause française. Tous ces ambassadeurs furent également bien reçus par le nouveau roi; il entama avec tous des négociations, bien décidé cependant à ne point tenter d'expédition en Italie, qu'il n'eût auparavant assuré les frontières françaises par de nouveaux traités avec tous ses voisins. (1)

En effet il consacra la première année de son règne au soin de l'administration intérieure de ses états, et à des négociations étrangères qui demeurèrent ensevelies dans le silence du ca

(1) Fr. Guicciardini, L. IV, p. 194. — Cronica Veneta, T. XXIV, Rer. Italic., p. 49.-Arn. Ferroni, L. III, p. 36.

CHAP. CXIX. binet. On put seulement juger que celles qu'il 1498. entretenoit avec le pape, avoient eu pour résultat un complet rapprochement des deux cours, lorsqu'on vit George d'Amboise, favori de Louis XII, et archevêque de Rouen, recevoir, le 17 septembre, le chapeau de cardinal. Dans le mois suivant, César Borgia renonça en plein consistoire à la pourpre romaine, prenant pour prétexte la violence que lui avoit faite son père pour le faire entrer dans les ordres. II partit ensuite pour la France, afin d'y traiter au nom d'Alexandre le divorce du roi. Peu s'en fallut cependant que, pour avoir usé de trop de finesse, il ne perdît le prix auquel il espéroit vendre cette grâce. Il prétendit n'avoir point apporté la bulle du pape qui annuloit le précédent mariage de Louis. Celui-ci, averti par l'évêque de Cette que la bulle étoit expédiée, au lieu d'exiger qu'elle lui fût remise, fit prononcer le divorce le 12 décembre 1498, par les juges ecclésiastiques qu'il tenoit sous sa dépendance; et il passa, le 8 janvier 1499, à de secondes noces avec Anne de Bretagne. César Borgia se hâta alors de se réconcilier avec le roi, de signer le traité en discussion entre eux, et de lui remettre la bulle de son père en échange il reçut de Louis le duché de Valence en Dauphiné, et il prit le titre de duc de Valentinois, au lieu de celui de cardinal évêque de Valence en Espagne,

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СЦАР.

1498.

qu'il avoit porté jusqu'alors. Mais il ne pardonna CHAP. XCIX. point à l'évêque de Cette d'avoir révélé au roi son secret, et de lui avoir fait comprendre qu'une fois la bulle expédiée, encore qu'elle ne lui fût pas délivrée, sa conscience devoit être en repos. L'évêque de Cette mourut peu après, empoisonné par Borgia. (1)

Pendant que Louis XII formoit des alliances nouvelles en Italie, et qu'il se préparoit à y porter ses armes, la guerre se continuoit en Toscane: elle avoit recommencé autour de Pise, dès le mois d'octobre 1497, à l'époque où avoit fini l'armistice stipulé par les rois de France et d'Espagne; cependant jusqu'au mois de mai 1498, elle n'avoit été marquée par aucun événement de quelque importance. Les Pisans à cette époque envoyèrent Jacob Savorgnano, capitaine vénitien à leur solde, dans l'état de Volterra, pour le ravager. Il en revenoit chargé de butin, avec sept cents chevaux et mille fantassins, lorsqu'il fut attaqué près de San Régolo, par le comte Rinuccio de Marciano, et par Guillaume

(1) Fr. Guicciardini, Lib. IV, p. 207. - Jacopo Nardi Ist. Fior., Lib. III, p. 95.-Macchiavelli, Frammenti istor., p. 127. -Les Annales ecclésiastiques de Raynaldus sont d'une brièveté extrême sur ce divorce et sur toutes ces transactions scandaleuses; l'auteur se contente de rapporter le texte de l'historien français Ferronius, ad Ann. 1498, §. 4.et 5, T. XIX, p. 471. L'évêque de Beaucaire est fort court aussi. Comment. Rer. Gall., L. VIII, p. 222, — Fr. Ferroni Rer. Gallic., Lib. III, p. 37.

CHAP. XCIX.

des Pazzi, généraux des Florentins. Il fut mis en 1498. déroute; mais tandis que les vainqueurs étoient occupés au pillage, ils furent attaqués à leur tour par Thomas Zéno, qui arrivoit de Pise avec cent cinquante chevaux seulement, et qui, profitant de leur désordre, délivra leurs prisonniers, reprit leur butin, et les tailla en pièces (1). Les Florentins perdirent beaucoup de monde dans cette affaire ; et comme leurs deux généraux s'accusoient réciproquement de s'être attiré ce malheur par leur faute, la république donna, le 6 juin, le commandement de ses forces à un chef plus célèbre, mais dont l'ambition pouvoit aussi inspirer plus de craintes; elle choisit Paul Vitelli de Città di Castello, qui passoit pour avoir acquis dans l'armée française la connoissance de tous les progrès que les ultramontains avoient fait faire à l'art de la guerre (2). Cette même déroute détermina Louis-le-Maure à secourir efficacement les Florentins, pour les empêcher de faire la paix, et de laisser les Vénitiens s'établir définitivement à Pise. Il envoya aux premiers trois cents arbalétriers ; il prit à sa solde en

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(1) Fr. Guicciardini, Lib. IV, p. 194. — Scipione Ammirato, L. XXVII, p. 248. — Macchiavelli, Framm. istor., p. 71. -Petri Bembi Hist. Veneta, L. IV, p. 73.

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(2) Jac. Nardi, Ist. Fior., L. III, p. 87.- Chroniche di

Pisa, di Jacopo Arrosti, in archivio Pisano mssto, 1 vol. fol.

p. 206. Macchiavelli, in Princip., Chap. XII, p. 285.

commun avec eux Jean-Paul Baglione, seigneur de Pérouse, et le seigneur de Piombino, et il leur prêta en différentes fois jusqu'à la somme de trois cent mille ducats. (1)

:

Les Vénitiens avoient alors dans Pise, sous les ordres de Marco Martinengo, quatre cents gendarmes, huit cents Stradiotes, et deux mille fantassins. Ils n'avoient éprouvé jusqu'alors aucune difficulté à faire passer des renforts à cette armée mais le duc de Milan, en embrassant ouvertement l'alliance des Florentins, refusa le passage aux troupes qui marchoient pour les combattre. Il engagea Jean Bentivoglio, seigneur de Bologne, à prendre la même détermination : Catherine Sforza, mère d'Octavien Riario, seigneur d'Imola et de Forli, et la république de Lucques, suivirent cet exemple. La route la plus directe que prenoient les troupes vénitiennes pour se rendre à Pise, par le Ferrarois, le Modénois et l'état de Lucques, leur fut ainsi fermée; le duc de Milan se chargea d'empêcher les Génois de donner passage aux ennemis de ses alliés (2). La route de Romagne paroissoit également fermée par Bentivoglio et Riario; mais comme ces petits princes pouvoient craindre

(1) Fr. Guicciardini, Lib. IV, p. 195.—Petri Bembi Hist. Ven., Lib. IV, p. 75.-Cronica Veneta, T. XXIV, p. 52. (2) Fr. Guicciardini, Lib. IV, p. 197.- Petri Bembi Hist. Ven., Lib. IV, p. 74.

CHAP. XCIX.

1498.

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