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de justice s'appesantit encore sur moi j'ai perdu onze personnes chez moi, j'en ai encore cinq malades. Dieu vient de m'enlever le seul de mes chanoines qui avait eu le zèle et l'amitié de ne me pas quitter, etc. >>

Ce fut le 1er novembre, fête de tous les saints, que le pieux évêque, émule de saint Charles Borromée, qui en avait donné l'exemple dans Milan, à pareil jour de la Toussaint, sortit en procession, nu-pieds et portant la croix entre ses bras et la

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corde au cou, comme se chargeant de tous les péchés du peuple, et célébra la messe en public, sur un autel qu'il avait fait dresser au bout du Cours, du côté de la porte d'Aix. L'exhortation qu'il adressa aux assistants fut souvent interrompue par ses larmes et celles de l'auditoire.

La cour, croyant récompenser Belsunce, lui offrit, en 1723, l'évêché de Laon, avec le titre de duc et la seconde pairie de France. Le duc de Saint-Simon, qui a traité Belsunce avec beaucoup de dureté dans ses mémoires, rend hommage du moins au désintéressement dont le prélat fit preuve en cette circonstance. Belsunce, six ans après, refusa de même l'archevêché de Bordeaux (1729), et fut enfin décoré du Pal

lium par le pape

Clément XII (1731). Belsunce, chéri et vénéré des Marseillais, termina au milieu d'eux sa longue et honorable carrière, le 4 juin 1755.

PIERRE-ALEXANDRE PHLIPAULT.

PRIX MONTYON, 1820.

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PHLIPAULT, ancien concierge des Académies de peinture et de sculpture, maintenant agent de surveillance de l'École royale des Beaux-Arts, n'a pas, dans toute une carrière de quatre-vingt-sept ans, passé un seul jour qui ne fût marqué par quelque acte de désintéressement et de bienfaisance. Sa vie appartenait plus aux autres qu'à luimême. Il fit le bien sans vaine gloire, s'étonnant même que l'on trouvât des sujets d'éloges dans des actions qu'il regardait comme des devoirs.

Ce fut d'abord dans sa famille qu'il préluda à cet exercice continu de la bienfaisance qui est la grande occupation de sa vie.

Son père, homme respectable, lui avait laissé, en mourant, pour tout héritage, le soin d'élever les nombreux orphelins qui lui survivaient. M. Phlipault, digne de la confiance paternelle, renonça pour jamais à l'espoir de se voir survivre dans ses propres enfants, pour être sûr de se dévouer plus entièrement à ses frères et sœurs, et à leur jeune famille, dont il allait devenir le père.

« Les personnes qui connaissent depuis longtemps M. Phlipault savent avec quelle religieuse persévérance il a rempli cette promesse, et la remplit encore. Elles l'ont vu consacrer, pendant quarante ans, le produit d'une place modique, son unique ressource, au soutien de tous ses frères et sœurs et à celui de leur famille. La plupart sont morts dans sa maison, comblant de leurs bénédictions un frère et un oncle si bon et si généreux...Malgré

ses nombreuses charges, M. Phlipault tendait encore une main secourable à l'amitié malheureuse : un poëte connu et un vieil ami de collége éprouvèrent, jusqu'à leurs derniers moments, la bonté de son cœur... >>

M. Phlipault était donc, on peut le dire, la providence de ses parents et de ses amis. Une occasion s'offrit d'étendre encore sa générosité sur des étrangers; il ne la repoussa point : les âmes charitables suffisent à tout, ainsi que vous l'allez voir.

<< M. Renou, ancien secrétaire de l'Académie de peinture et de sculpture, mourut dans un état voisin de la misère. Sa femme le suivit de près, laissant deux orphelins, un fils et une fille. Cette dernière était âgée de quinze ans, son frère était plus jeune encore. Tous deux n'avaient d'autre ressource que la commisération publique, pour soutenir leur existence. M. Phlipault ne put souffrir que les enfants d'un homme que sa place avait mis au-dessus de lui, fussent réduits à cette extrémité. Il retira donc ces enfants chez lui, les nourrit, les entretint, comme s'ils eussent été les siens. Ne voulant pas que le secours qu'il leur accordait ne fût que temporaire; désirant, de plus, que par la suite ils pussent se suffire à eux-mêmes, il plaça la jeune fille dans une maison de commerce, après les informations les plus scrupuleuses...

« Les membres de la quatrième classe de l'Institut consacrée aux beaux-arts, excités par l'exemple de sa bonne action, sollicitèrent et obtinrent de M. de Fontanes, alors grand-maître de l'Université, une demi-bourse dans l'un des colléges de Paris, pour le fils de leur ancien confrère, M. Renou. M. Phlipault suppléa à toutes les autres dépenses: plus tard, la bourse entière fut accordée; mais M. Phlipault n'en continua pas moins de se regarder comme chargé de ce jeune homme. Sa conduite fut telle, que le proviseur du collége le prit toujours pour son plus proche parent, et n'a su quelles relations existaient entre eux, que longtemps après la fin des études du jeune Renou.

« A l'âge de dix-huit ans, ce jeune homme dut sortir du collége; et ce fut encore M. Phlipault qui le recueillit. Mais alors l'élève sentit se mêler à sa reconnaissance quelques regrets d'être à charge à un vieillard : il s'occupa des moyens de se faire

un état; il suivit des cours de sciences; il reçut même du ministère de l'intérieur une petite somme pour subvenir à ses besoins les plus pressants, durant ce complément d'études... M. Phlipault, pourtant, continua de le loger et de le nourrir. Il a fait revenir aussi auprès de lui mademoiselle Renou, parce que la maison de commerce dans laquelle elle était entrée a cessé d'exister, et il trouve la récompense de sa générosité persévérante dans les témoignages de gratitude de ces deux jeunes gens, qu'il a formés au bien, en même temps qu'il les a préservés de l'indigence. >>

« Cette jeunesse si bruyante des écoles en donna une preuve bien sensible à l'époque d'une maladie qu'il fit au Louvre. Plus de deux cents élèves montaient et descendaient un escalier touchant à l'alcôve du malade, dans un tel silence, avec de telles précautions, qu'on eût cru que les études étaient interrompues. Ces soins pieux se soutinrent constamment jusqu'au jour où, par des acclamations de joie, et des embrassements réitérés, le malade convalescent fut reçu au milieu d'eux. >>

MADEMOISELLE DETRIMONT.

PRIX MONTYON, 1826.

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ERTAINEMENT, On pourrait dire de mademoiselle Détrimont, comme on l'a dit de ces saintes sœurs :

Son espoir ici-bas est d'essuyer des pleurs,

Et sa gloire se borne à calmer des douleurs.

Au commencement de l'année dernière,

dans la commune de Saint-Remi Bosrecourt, arrondissement de Dieppe, département de la Seine-Inférieure, une maladie épidémique, contagieuse, ayant tous les caractères du typhus, s'était introduite, on ignore de quelle manière, dans une maison qu'habitait une pauvre famille, composée de onze personnes. En six jours, la grand'mère et deux de ses petits

enfants avaient succombé. Un mois après, la mère mourut; et deux autres de ses enfants la suivirent à sept ou huit jours d'intervalle. Jacques Vasselin, chef de cette famille infortunée, restait seul avec quatre enfants; et ils étaient tous les cinq attaqués du mal qui avait déjà frappé six victimes sous leurs yeux.

Effrayés de tant de morts si promptes, et qui s'étaient succédé si rapidement, les parents, les amis, les voisins, n'osaient approcher de Vasselin et de ses enfants: abandonnés de tous, ils semblaient condamnés à périr sans espoir de secours. « Nous ne voulons pas aller chercher la mort : » telle était la réponse de tous ceux que l'autorité du lieu pressait de porter quelque soulagement, quelques soins à ces malheureux. Mademoiselle Célestine Détrimont, habitante d'une commune voisine, informée de ces faits par la voix publique, vint s'offrir au maire de Saint-Remi, pour donner aux restes de cette famille infortunée les secours qui leur étaient refusés de toutes parts. Le

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maire accepte avec attendrissement son offre; mais il ne croit pas devoir lui cacher le danger qu'elle allait courir : « Je sais à quoi je m'expose, répondit-elle; mais je ne puis laisser périr cinq malheureux ainsi abandonnés : quand on sert Dieu et ses pauvres, on ne craint pas la mort; » et après avoir consenti à peine à se munir de quelques préservatifs, elle alla s'enfermer dans une maison infectée, où gisaient entassés Vasselin et ses

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