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au désespoir, ramené à la religion tant de cœurs corrompus, à la vertu tant d'âmes dépravées!

Depuis sa nomination aux fonctions évangéliques d'aumônier de la prison de Roanne, c'est-à-dire depuis 1798, l'abbé Perrin n'a pas cessé un seul jour de visiter ses prisonniers, qu'il appelle ses enfants; il est en effet le conseil, l'appui et le père de cette famille corrompue, qui se purifie aux rayons bienfaisants de ce soleil de charité chrétienne.

Homme d'une angélique vertu, toute sa vie est consacrée au soulagement des malheureux, des criminels; il se fait prisonnier avec eux pour en être mieux écouté. L'abbé Perrin leur fait croire à un autre monde, alors qu'abandonnés de tous, ils n'appartiennent déjà plus à celui-ci.

L'abbé Perrin n'estime l'argent que par le bien qu'il peut faire il partage son modique avoir avec ceux qui ne possèdent rien, et l'aspect de sa mise nous dit que sa part est toujours la plus petite. Ses vêtements portent l'empreinte d'un long usage; mais cette enveloppe si simple et plus que modeste couvre la plus belle âme, et une âme candide comme celle d'un enfant. Que de douceur, de bonhomie, de dévouement! que de force dans toute cette vie que de courage dans les derniers soins qu'il donne aux suppliciés ! C'est l'homme qui se fait dieu.

Tous les dimanches, l'abbé Perrin célèbre l'office divin pour ses prisonniers; tous y assistent avec recueillement, et l'ascendant de cette homme de bien s'exerce sur les natures les plus perverties. Après la messe, le digne aumônier leur fait une espèce de prône, peu long, peu brillant, car l'abbé Perrin n'est pas un orateur; mais les paroles, chez lui, partent du cœur pour arriver au cœur.

Les cérémonies religieuses terminées, il distribue à ses prisonniers les effets d'habillement qu'il a pu se procurer; car s'il ne demande rien pour lui, il ne craint pas de demander pour ses enfants, et il arrive à Roanne, chargé de souliers, de pantalons, de vestes, et d'autres vêtements également nécessaires dont il fait le partage.

Il a un petit portefeuille sur lequel sont inscrits les noms des plus nécessiteux et la nature des objets dont ils ont le plus

urgent besoin, et il donne à chacun ce qui lui convient. Ce n'est pas tout sachant combien le désœuvrement du cachot est pénible aux détenus, et combien les habitudes contractées dans le monde y acquièrent de puissance, il distribue à tous une légère somme d'argent par semaine pour se procurer du tabac.

On raconte', à ce sujet, une anecdote qui peint l'homme mieux que ne pourrait le faire l'écrivain le plus habile. Entraîné par la force de l'habitude, un des prisonniers lui ayant dérobé sa tabatière, l'abbé Perrin s'avance au milieu d'eux, et leur dit: Que celui d'entre vous qui m'a pris ma tabatière la remette dans cette main; voici trente sous en échange. Je ne veux pas connaitre le coupable. L'excellent aumônier ferma les yeux et plaça la main derrière le dos avec la somme promise. La tabatière fut rendue à l'instant.

L'abbé Perrin, en s'occupant ainsi scrupuleusement des besoins physiques de ses pensionnaires, met au premier rang leurs besoins moraux. Il a fait établir à ses frais, dans chaque classe de détenus, c'est-à-dire dans le bâtiment des hommes et dans celui des femmes, deux bibliothèques composées chacune d'une centaine de volumes instructifs, amusants et surtout religieux. Ces livres sont sous la surveillance immédiate d'un détenu choisi par lui, qui les prête alternativement à ceux ou celles qui les demandent, et qui en font à haute voix la lecture, aux heures qui ne sont pas consacrées au travail.

Il est un jour de l'année qui est une véritable fète pour les prisonniers de Roanne. Dès la veille, ils réunissent le peu d'argent qu'ils ont pu économiser, et font acheter des fleurs. Des fleurs à la prison de Roanne? Oui, des fleurs; car ce jourlà est la Saint-André, la fête de l'abbé Perrin. Aussitôt qu'il entre, on se range autour de lui, on le fait asseoir, et le plus éloquent parmi les prisonniers lui fait un compliment au nom de tous. Alors le bon abbé, attendri, bénit avec plus de ferveur encore que de coutume ces malheureux qu'il appelle ses enfants, et leur fait prendre part à un repas modeste, qui devient un festin pour des prisonniers habitués à tant de privations.

Depuis quarante-deux ans, l'abbé Perrin console et assiste les prisonniers, les instruit, et les convertit à la vertu et à la

religion; sa mission devient encore plus pénible et plus belle lorsqu'il est appelé à prêter son saint ministère à un condamné à mort; alors il ne le quitte presque plus jusqu'au dernier moment; chaque jour, il va s'enfermer pendant plusieurs heures avec lui, dans ce cachot dont il ne doit sortir que pour monter à l'échafaud; son consolateur, son appui, le suit, lui parle de Dieu, et le fait espérer en sa miséricorde jusqu'au moment où il va comparaître devant le tribunal suprême.

CHARLEMAGNE ET UN JEUNE CLERC.

EXTRAIT DE LA MORALE IN ACTION

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N jour on vint annoncer à Charlemagne la mort d'un évêque. Il demanda combien il avait légué aux pauvres en mourant; on répondit qu'il n'avait donné que deux livres d'argent : « C'est un bien petit viatique pour un si grand voyage, » dit un jeune clerc, qui était présent. Le prince, satisfait de cette réflexion, donna l'évêché à celui qui l'avait faite, et lui dit :

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N'oubliez jamais ce que vous venez de dire, et donnez aux pauvres plus que celui dont vous venez de blâmer la conduite.»>

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