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Ses efforts furent couronnés d'un plein succès; dès le lendemain, le Parlement déclara qu'il acceptait le traité.

Plus tard, la reine obtint qu'on remît les sceaux à Matthieu Molé, le seul homme sur la vertu duquel elle pût compter; mais, peu après, on la contraignit de le sacrifier. Elle prit la résolution généreuse de le consulter lui-même sur le parti qu'elle devait prendre. Molé, voyant son trouble, et connaissant mieux qu'elle la nécessité où elle se trouvait, ne la laissa pas achever, et, saisissant la clef des sceaux qu'il portait à son cou, il la lui présenta. Touchée de son mouvement, la reine lui offre le chapeau de cardinal, mais il refuse. Elle veut lui donner la place de secrétaire d'état pour son fils, elle reçoit encore un refus.. « J'accorde, s'écria-t-elle, sur l'heure, à votre fils, la survivance de la charge de premier président. » Ici, Matthieu répond gravement : « que M. de Champlâtreux n'a point encore assez servi l'Etat pour mériter cet honneur. >> Enfin

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elle le prie d'accepter cent mille écus; tout en lui exprimant sa profonde reconnaissance, il déclare respectueusement qu'il ne les recevra pas.

Lorsque Louis XIV eut déclaré sa majorité au Parlement, Matthieu Molé fut rappelé au ministère; et lorsque la reine se retira à Bourges avec le roi, Molé resta à Paris, réunissant et exerçant à la fois les fonctions de garde des sceaux et de premier président. Sa porte était sans cesse assiégée d'une multitude irritée qui demandait le retour de la cour et la diminution des impôts. Un jour qu'il travaillait avec le maréchal de Schomberg, on vint lui dire que le peuple allait enfoncer sa porte, et demandait sa tête. Le maréchal lui proposa de faire dissiper l'attroupement par les Suisses qui l'accompagnaient. « Non, monsieur le maréchal, lui répondit-il en souriant, laissez-moi terminer seul cette affaire; car j'ai toujours pensé que la maison d'un premier président doit être ouverte à tout le monde » En effet, dès qu'il parut, l'émotion s'apaisa, et le peuple ne tarda pas à se retirer.

Matthieu Molé mourut garde des sceaux. La mort vint le surprendre au milieu de ses travaux; il avait soixante-douze ans, et il s'endormit comme un ouvrier robuste à la fin de sa tache.

COURAGEUX DEVOUEMENT D'UN CURE DE CAMPAGNE.

EXTRAIT DES ARCHIVES DU MINISTERE DE L'INTERIEUR

EN 1833, un jeune prêtre, desservant la succursale de Courbiac, département de Lot-et-Garonne, s'est signalé à l'estime de ses concitoyens et à la vénération de ses paroissiens, par deux actes de dévouement qui nous prouvent combien les hommes animés de la vraie charité chrétienne, puisent de force, de courage et de présence d'esprit dans ce divin précepte.

Lors de la crue extraordinaire du Lot, en l'hiver de 1833, un pècheur, demeurant près du presbytère de Courbiac, fut expulsé de sa maison par le débordement de la rivière qui vint

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subitement l'entourer. Les eaux la couvraient presque en entier, et ce malheureux n'avait pu en retirer presque aucune partie de son modique mobilier. Plongé dans la désolation, il se rend avec sa famille auprès de son pasteur, et lui raconte le malheur qui l'accable. Celui-ci l'engage à retourner en bateau à sa maison pour sauver ses effets. Mais les eaux venaient d'enlever la toiture de sa maison, et menaçaient d'entraîner les murailles, d'autant moins solides qu'elles étaient en terre. Ce malheureux pécheur n'osait y aborder. Mais le jeune prêtre l'encourage et lui donne l'exemple. Le premier il monte sur le bateau, se fait conduire à la maison, y entre aussitôt, grâce à la disposition du toit, et fair passer au pauvre pêcheur Mercié, qui les emporte au rivage, les lits, les chaises, les tables et les autres objets mobiliers qui surnageaient dans la maison.

Le second acte de dévouement de ce digne pasteur a eu lieu un dimanche à l'issue des vêpres. Le prêtre était encore dans son église, entouré de ses paroissiens et occupé aux prières d'usage. Tout à coup un cri se fait entendre au dehors. On annonce qu'un bateau vient de s'enfoncer dans la rivière, en face de l'église, et qu'un homme se noie. Le prêtre y accourt. Personne n'osait s'exposer pour sauver un homme qui se noyait, et qui luttait alors vainement contre la violence des eaux. Mais le digne pasteur quitte précipitamment le surplis dont il était encore revêtu, se jette à la nage, et, après autant d'efforts que de dangers, il a le bonheur de ramener à terre le malheureux jeune homme auquel il a sauvé la vie au péril de la sienne.

A côté de ces deux actions d'éclat, qui sont de notoriété publique dans toute la commune de Courbiac, qu'il nous soit permis de rappeler encore que ce prêtre honorable a servi pendant cinq ans comme militaire; qu'il se trouvait en qualité de sous-officier dans un régiment à Paris lors de l'incendie de l'Odéon, et que, bien qu'il ne fût pas de service en ce moment, il donna, selon son habitude, des preuves de courage et de dévouement.

Enfin, ce qui jette un nouvel éclat sur ces beaux actes de dévouement, c'est le sentiment d'une rare modestie qui anime

ce digne pasteur. Son bonheur est de se dévouer pour ses semblables; mais, fidèle à la loi chrétienne dont il est le digne ministre, il fait le bien uniquement par amour pour son prochain et pour son divin maître; il s'oublie lui-même et se dérobe à la reconnaissance humaine. C'est dans le but de rendre hommage à cette noble pudeur, que nous-même nous taisons le nom de ce respectable et dévoué pasteur.

LE BON FILS.

EXTRAIT DE LA MORALE EN ACTION

ANS le siècle dernier, et à une époque où le recrutement se faisait à prix d'argent au compte des officiers, un jeune homme se présentant pour recrue à un officier, ne lui présentait ses conditions qu'en tremblant : « Je suis jeune, disait-il, vous voyez ma taille ; j'ai de la force, je me sens toutes les dispositions nécessaires pour servir; mais la circonstance malheureuse dans laquelle je me trouve me force de me mettre à un prix que vous trouverez sans doute exorbitant; je ne puis rien en diminuer; croyez que sans des raisons trop pressantes, je ne vendrais point mon service; mais la nécessité m'impose une loi rigoureuse je ne puis vous suivre à moins de cinq cents livres, et vous me percez le cœur si vous me refusez. — Cinq cents livres reprit l'officier; la somme est considérable, je l'avoue; mais vous me convenez, je vous crois de la bonne volonté; je ne marchanderai pas avec vous; je vais vous compter votre argent; signez, et tenez-vous prêt à partir demain avec moi. >>

Le jeune homme parut pénétré de la facilité de M. D........ Il signa gaiement son engagement, reçut les cinq cents livres avec autant de reconnaissance que s'il les avait eues pour don, pria son capitaine de lui permettre d'aller remplir un devoir

sacré, et lui promit de revenir à l'instant. M. D.... crut remarquer quelque chose d'extraordinaire dans ce jeune homme; curieux de s'éclaircir, il le suivit sans affectation; il le vit voler à la prison de la ville, frapper avec une vivacité singulière à la porte, et se précipiter devant aussitôt qu'elle fut ouverte; il l'entendit dire au geôlier: « Voilà la somme pour laquelle mon père a été arrêté; je la dépose entre vos mains conduisezmoi vers lui, et que j'aie le plaisir de briser ses fers. » L'officier s'arrête un moment pour lui donner le temps d'arriver seul auprès de son père, et s'y rend ensuite après lui. Il voit ce jeune homme dans les bras d'un vieillard qu'il couvre de ses ca

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resses et de ses larmes, à qui il apprend qu'il vient d'engager sa liberté pour lui procurer la sienne. Le prisonnier l'embrasse de nouveau. L'officier attendri s'avance: « Consolez-vous, ditil au vieillard, je ne vous enlèverai point votre fils; je veux partager le mérite de son action; il est libre ainsi que vous, et je

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