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LE PLUS GRAND BIENFAIT

EST CELUI QUI SOUSTRAIT LE MALHEUR
AU DANGER D'ÊTRE ENTRAINÉ AU CRIME.

EXTRAIT DE LA MORALE EN ACTION

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N jeune homme est dernièrement arrêté dans une petite rue auprès d'une place marchande; on lui demande la bourse ou la vie. Un cœur courageux et sensible distingue bientôt la voix du malheureux que la misère entraîne au crime, de celle du scélérat que la méchanceté y porte. Le jeune homme sent qu'il a un infortuné à sauver. Que demandes-tu, misérable, misérable, que demandes-tu?

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dit-il d'un ton imposant à son agresseur. - Rien, Monsieur, lui répond une voix sanglotante; je ne vous demande rien.

Qui es-tu? que fais-tu? Je suis un pauvre garçon cordonnier, hors d'état de nourrir ma femme et quatre enfants. Je ne sais, mais dis-tu vrai? (I sentait bien que ce malheureux ne disait que trop la vérité.) Où demeures-tu? Dans telle rue, chez un boulanger. Voyons; allons. » Le cordonnier, subjugué par un ascendant impérieux, mène le jeune homme à sa demeure, comme il l'aurait conduit jusqu'au fond d'un cachot. On arrive chez le boulanger; il n'y avait qu'une femme dans la boutique. « Madame, connaissezvous cet homme?-Oui, Monsieur, c'est un garçon cordonnier qui demeure au cinquième étage, et qui a bien de la peine à nourrir sa nombreuse famille. - Comment le laissez-vous manquer de pain? - Monsieur, nous sommes des jeunes gens nouvellement établis; nous ne pouvons pas faire de grosses avances, et mon mari ne veut pas que je fasse à cet homme plus de vingt-quatre sous de crédit. —Donnez-lui deux pains... Prends ces deux pains et monte chez toi. » Le cordonnier obéit, aussi agité que quand il allait commettre un crime, mais d'un trouble bien différent. Ils entrent; la femme et les enfants se jettent sur la subsistance qui leur est offerte. Le jeune homme en a trop vu; il sort après avoir laissé deux louis à la boulangère, avec ordre de fournir du pain à cette famille suivant ses besoins. Quelques jours après, il revient voir les enfants auxquels il a donné une seconde vie; il dit à leur père de le suivre. Il conduisit son pauvre client dans une boutique toute montée et bien assortie de meubles, des outils et matières nécessaires pour exercer sa profession. « Serais-tu content et honnête homme si cette boutique était à toi? — Ah! Monsieur! mais, hélas!.....-Quoi? Je n'ai pas la maîtrise, et elle coûte..... - Mène-moi chez les jurés syndics. » La maitrise est achetée, et le cordonnier installé dans sa boutique..

L'auteur d'un si beau trait d'humanité est un jeune homme d'environ vingt-sept ans. On compte que l'établissement de cet artisan lui coûta trois à quatre mille livres. Il ne s'est point fait connaître, et l'on a fait d'inutiles recherches pour le découvrir.

LA SOEUR DE CHARITE, MADELEINE FORT.

PRIX MONTYON, 1840

A commune de Prades, dans le département de l'Ariége, a été visitée dans le printemps de 1839, ainsi que quelques communes environnantes, par une épidémie extraordinaire, une sorte de fièvre jaune, qui pendant dix mois a sévi sans relâche, et dévoré un sixième de la population. Presque tous les habitants étaient frappés. La terreur était universelle. Plus de soins pour les vivants, plus pour les morts. Qui les ensevelira? Qui les conduira au dernier séjour? Le vieux pasteur, M. l'abbé Izaure, resté fidèle à son troupeau dans cette affliction, promène le saint viatique de demeure en demeure. Lui-même tombe: qui l'assistera? qui lui rendra, dans sa maladie, les soins qu'il a donnés? Il meurt, comme un soldat fidèle frappé sur le champ de bataille en combattant qui lui rendra les suprêmes devoirs? Après quatre mois, une ambulance est enfin établie; il y a des médecins : qui leur servira d'aide à toutes les heures du jour et de la nuit?

Une pieuse fille, nommée Madeleine Fort, intrépide et infatigable, remplit toutes ces tâches méritoires. Elle a vécu, depuis sa plus tendre jeunesse, pour les bonnes œuvres et pour la charité. C'était elle qui apprenait à lire aux enfants, qui visitait les malades. Tous ceux qui souffraient avaient coutume de l'appeler. Aussi avait-elle refusé tout établissement. «Que deviendraient mes pauvres? » disait-elle. Quand l'épidémie éclate, c'est bien alors qu'elle s'applaudit d'être seule et libre. Elle visite, elle assiste, elle panse, dans l'espace de dix mois, plus de cinq cents infortunés que la mort environne. Elle les sauve, ou bien elle les console, et c'est elle, elle seule, qui les accompagnera à la dernière demeure pour répondre

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aux prières du prêtre. Elle est partout, elle veille huit nuits sur dix. Ce sont les plus pauvres près de qui elle fait la garde la plus fidèle. Arrivent enfin, pour la relever, deux sœurs de charité, saintes filles, dont l'une ne tardera pas à être enlevée par le fléau qu'elle vient combattre ; l'autre, à tomber malade à son tour. Alors le vieux père de Madeleine et ses frères ont voulu l'arracher au péril, à celui du moins de la fatigue et de l'épuisement. Elle s'éloigne en effet. Les villages d'alentour étaient dévastés, et un curé, M. l'abbé Martimort, qui, remplaçant sur le champ de bataille son devancier, mort dans la mêlée, s'était signalé après lui par l'héroïsme de son courage chrétien, venait aussi d'être frappé. Il a appelé Madeleine. Elle est allée assister celui qui assistait tout son troupeau. Qui donc la soutint dans ces journées effroyables? la religion! A quelle autre source puiserait-on cette force angélique?

Quand toute cette plaie se fut retirée, le curé fut payé selon ses mérites. Il a été traité comme un officier du col du Teniah ou de Mazagran: le roi lui envoya la décoration de la Légiond'Honneur. Madeleine Fort, de son côté, reçoit une récompense glorieuse on l'appelle la Sœur de Charité! Elle rougit à ce nom c'est trop pour sa modestie. En effet, il n'en est pas de plus grand: celui-là résume tous les sacrifices et tous les martyrs.

LA DETTE DE L'HUMANITÉ.

EXTRAIT DE LA MORALE EN ACTION

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N jeune peintre, arrivé à Modène et manquant de tout, pria un gagne-petit de lui trouver un gîte à peu de frais ou pour l'amour de Dieu; l'artisan lui offrit la moitié du sien. On cherche en vain de l'ouvrage pour cet étranger; son hôte ne se décourage point, il le défraie et le console. Le peintre tombe malade;

l'autre se lève plus matin et se couche plus tard, pour gagner davantage, et fournir en conséquence aux besoins du malade qui avait écrit à sa famille... L'artisan le veilla pendant tout le temps de sa maladie, qui fut assez longue, et pourvut à toutes les dépenses nécessaires. Quelques jours après la guérison, l'étranger reçut de ses parents une somme assez considérable et courut chez l'artisan pour le payer.

Non, Monsieur, lui répondit son généreux bienfaiteur; c'est une dette que vous avez contractée envers le premier honnête homme que vous trouverez dans l'infortune; je devais ce bienfait à un autre, je viens de m'acquitter; n'oubliez pas d'en faire autant dès que l'occasion s'en présentera.

DÉVOUEMENT DU CLERGÉ FRANÇAIS PENDANT LES INONDATIONS DE 1841.

EXTRAIT DU MONITEUR. 11 FEVRIER 1851.

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ARTOUT où des infortunes se révèlent, où des périls sont imminents, où des secours et des consolations sont nécessaires, se produisent toujours généreux, énergiques, puissants, les sentiments de la charité que la religion inspire, et dont la sublime manifestation fait l'éclat, et n'ambitionne d'autre récompense que la satisfaction in

time d'un devoir accompli. Aussi a-t-on vu le clergé de France, durant le cours ou à l'occasion des incalculables désastres causés aux départements du sud-est par la trop mémorable inondation qui marqua la fin de 1840, rivaliser et de zèle et d'ardeur avec les fonctionnaires civils et militaires, soit sur le théâtre même de ces grands malheurs en bravant le danger pour sauver des victimes, soit au loin en appelant sur elles les dons de la bienfaisance chrétienne.

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