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occasion de le connaître, ils lui ont donné un témoignage d'estime non équivoque dans leurs écrits.

Mais parler de ses vertus, de ses talents, c'est rappeler ses malheurs, c'est réveiller nos regrets; l'idée des uns est désormais liée inséparablement au souvenir des autres, et ils doivent fonder à jamais un monument de douleur et de reconnaissance dans le cœur de tous les amis des sciences et de l'humanité.

MADEMOISELLE BERTEAU.

PRIX MONTYON 1833

ADEMOISELLE BERTEAU, àgée maintenant de cinquante-six ans, remplit gratuitement, depuis vingt-neuf ans accomplis, les fonctions de directrice de l'hospice d'Elbeuf.

Non contente de donner les soins les plus assidus à tout ce qui concerne la direction de cet établissement public, c'est elle-même qui soigne les malades, qui panse leurs plaies, qui pourvoit à leurs besoins. Aucune exigence ne la rebute, aucun service ne lui répugne : c'est une mère, dans toute la tendresse du mot, qui veille sur ses enfants.

En 1823, lorsque l'autorité locale jugea utile d'ouvrir un asile à la vieillesse indigente, les commissaires du conseil municipal d'Elbeuf, chargés de présenter un rapport sur une fondation d'un si grand intérêt dans une ville manufacturière, firent valoir, entre autres motifs favorables, l'économie résultant d'une direction gratuite dont Mlle Berteau consentirait en core à se charger. Cette espérance n'a point été déçue. Depuis le commencement de 1824, cette providence du pauvre prodigue aux vieillards indigents des deux sexes, admis au nombre de vingt-deux dans l'asile qui leur est ouvert, les soins les plus pénibles et les plus touchants.

Croira-t-on que Mlle Berteau n'ait vu dans cette double charge, déjà si pesante, remplie avec tant de zèle et d'exactitude, que l'accomplissement d'un simple devoir, et qu'elle soit parvenue, sans fortune, sans appui, sans autre secours que son industrieuse charité et le merveilleux ascendant de sa vertu, à fonder un établissement d'orphelines qu'elle a si heureusement baptisé du nom de Providence? La reconnaissance publique, en y associant le nom de Berteau, n'a pas affaibli cette sainte invocation.

L'établissement de la Providence-Berteau compte aujourd'hui cent cinquante enfants, parmi lesquels cinquante n'ont pas atteint l'âge de huit ans. Rien ne peut donner une idée de l'ordre admirable qu'une seule personne a introduit et maintient dans une maison où la plus sévère économie devient une source d'aisance et de bien-être.

Toutes ces orphelines, formées au travail selon leur âge et leur aptitude, concourent à la prospérité de l'établissement. Les unes veillent sur les plus jeunes enfants, et leur apprennent à lire et à écrire; d'autres sont chargées des détails intérieurs; les plus âgées se consacrent aux malades du dehors, et vont dans la ville soigner le pauvre et le riche avec le même désintéressement, avec le même amour de l'humanité, dont leur vénérable institutrice leur donne, à chaque instant de sa vie, le précepte et l'exemple.

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Il est des êtres bienfaisants par nature qui, après avoir fait plus qu'ils ne peuvent, ne croient pas encore avoir fait tout ce qu'ils doivent Mlle Berteau est de ce nombre. Quelque disposé que l'on soit à l'admiration pour tant de vertu, on a besoin d'avoir sous les yeux des témoignages irrécusables pour oser ajouter que le zèle et les forces de cette héroïne de charité ne se sont pas épuisés dans les trois établissements qu'elle dirige, et dont elle ne sort que pour chercher ailleurs des malheureux à consoler, des êtres souffrants à secourir.

Dans l'impossibilité de rappeler ici tant d'actes isolés de son inépuisable bienfaisance, nous nous bornerons à en citer quelques-uns.

En 1821, une femme étrangère à la ville meurt à l'hospice

d'Elbeuf. Elle laisse un fils, Jacques Vicomte, âgé de sept ans. L'enfant s'attache au cercueil de sa mère; il l'appelle à grands cris il ne veut point s'en séparer. L'orphelin est sans

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appui, sans ressource, sans asile. Mlle Berteau lui tiendra lieu de tout elle l'adopte, l'élève, et lui sert de mère jusqu'à l'âge de dix-neuf ans.

Pierre Violette, âgé de neuf ans, épileptique, est en outre atteint de deux maladies dégoûtantes. Personne n'ose approcher de l'enfant couvert de plaies hideuses: la crainte de la contagion éloigne les secours. Mlle Berteau se charge de cet infortuné, le panse, le soigne, le rend à la vie, et met le comble à ses bienfaits en le gardant à sa charge pendant six années consécutives.

François Bachelet de Saint-Aubin, orphelin, âgé de neuf ans; Laguette, âgé de huit ans; les trois enfants Le Cat, sont encore aujourd'hui l'objet de ses soins généreux.

L'éloge de Mlle Berteau n'est pas complet. C'est surtout pendant l'invasion du choléra que la charité elle-même a paru se manifester à tous les yeux sous les traits de cette vertueuse

femme. A l'apparition du fléau, elle improvise en quelque sorte, dans l'hospice, une infirmerie spéciale où cent cinquante cholériques sont successivement admis. Cent neuf en sortent guéris; trois infirmières succombent, personne ne se présente pour les remplacer. Mlle Berteau, restée presque seule, ne perd point courage: elle se multiplic, elle ne quitte le lit d'un malade que pour courir à un autre; elle double les jours, car pour elle il n'y a plus de nuits, plus de sommeil; elle oublie quelquefois de prendre la nourriture nécessaire au soutien d'une vie si précieuse; mais la charité la fait vivre, et son courage désarme le trépas.

C'est ici qu'un fait remarquable doit être signalé... Le fléau étend ses ravages, la mort frappe de toutes parts: aucun quartier de la ville n'est épargné; l'épidémie meurtrière arrive aux portes de la Providence-Berteau. Les maisons contigues comptent des victimes de tous les àges, et, par une sorte de miracle dont il est impossible de ne pas attribuer la cause première aux précautions, aux soins et à l'ordre qui règnent dans cet établissement, les deux cents enfants de Mlle Berteau sont respectées, pas une seule n'éprouve le plus léger symptôme de l'inexorable fléau!

FAIT D'ARMES DE MAZAGRAN.

EXTRAIT DU MONITEUR

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A province d'Oran a été, du 2 au 6 fé vrier 1840, le théâtre de l'un des plus beaux faits d'armes que les annales militaires aient jamais eus à enregistrer.

Mostaganem et Mazagran ont été, dans

ces mémorables journées, l'objet de plusieurs attaques. Douze cents hommes, dont quatre cents fantassins, sous les ordres de Mustapha-ben-Tamy, ont fait

des efforts inouïs pour s'emparer du réduit de Mazagran. L'insuffisance de nos moyens de défense n'ayant pas permis d'occuper le bas de la ville, deux ou trois cents fantassins purent s'y loger facilement, en créneler les maisons, et diriger une fusillade extrêmement vive contre le réduit, tandis que les cavaliers l'attaquaient du côté de la plaine, et que deux pièces de canon, placées sur un plateau de cinq à six cents mètres, en battaient les murailles. Dans cette position critique, et n'ayant qu'une pièce en batterie sur deux, les défenseurs de Mazagran, au nombre de cent vingt-trois, eurent à soutenir pendant quatre jours les plus violentes attaques. L'ennemi fut sur le point de pénétrer dans l'enceinte dans un assaut qui n'a duré qu'une heure, dit le capitaine Lelièvre, commandant les cent vingt-trois braves chasseurs d'Afrique composant seuls la garnison; mais, grâce à leur opiniâtre intrépidité, l'ennemi fut repoussé, tantôt à coups de baïonnette, tantôt avec des grenades et même des pierres.

L'attaque a duré cinq jours. La force totale de l'ennemi est estimée à douze mille hommes, d'après les calculs les plus modérés. Il avait avec lui deux pièces d'artillerie.

Le 3 février, entre dix et onze heures du matin, une forte colonne de huit cents hommes est venue attaquer le réduit de Mazagran, dont la garnison se composait de cent vingt-trois hommes appartenant à la dixième compagnie du premier bataillon d'Afrique. La ville, n'étant point occupée, fut envahie en un instant par l'ennemi. Une vive fusillade s'engagea de part et d'autre. L'artillerie ennemie ouvrit son feu. La nuit mit fin au combat.

Le 4, l'ennemi, plus nombreux que la veille, renouvela l'attaque, qui commença à six heures du matin et dura jusqu'à six heures du soir. Il fut encore repoussé avec perte.

Le 5, nouvelle attaque qui eut le même sort que les précédentes

L'artillerie des Arabes ayant fait brèche dans les murs de Mazagran, la garnison profita de la nuit pour réparer les murailles, panser les blessés et se préparer à de nouveaux

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